Recueil des documents concernant le Poitou contenus dans les registres de la Chancellerie de France École nationale des chartes Mathilde Henriquet 2014 — encodage 2014 http://elec.enc.sorbonne.fr/actesroyauxdupoitou/ École nationale des chartes
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Éditions en ligne de l'École des chartes http://elec.enc.sorbonne.fr Paul Guérin (éd.) Paul Guérin, Recueil des documents concernant le Poitou contenus dans les registres de la Chancellerie de France, t. IX : 1447-1456, Paris, 1903 (Archives historiques du Poitou, 32).

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Recueil des documents concernant le Poitou contenus dans les registres de la Chancellerie de France publiés par Paul Guérin, archiviste aux archives nationales, IX, (1447-1456) Actes royaux du Poitou, t. 9 (1447-1456) MCXXXVI Mai 1447

Rémission accordée à Pierre de Bernezay, écuyer, qui avait enlevé de vive force Jeanne Maynier, alors sa fiancée et à présent sa femme, de la place de Cougoussac où le vicomte d’Aunay l’avait arbitrairement séquestrée.

AN JJ. 178, n° 166, fol. 98 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 1-6

Charles, etc. Savoir faisons, etc., nous avoir receue l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de Pierre de Bernezay

Ce personnage appartenait à une famille très ancienne du Loudunais, sur laquelle on ne possède toutefois que peu de renseignements. Elle paraît s’être éteinte au commencement du xviie siècle et sa généalogie n’a pas été dressée. Voici quelques notes inédites sur trois de ses membres vivant dans la première partie du xve siècle. Olivier de Bernezay étant décédé de mort violente, sa veuve Perrette Thissé et le second mari de celle-ci, Pierre de Lisle, dit le Tellier, soupçonnés de l’avoir assassiné, furent emprisonnés d’abord par Guillaume, sieur de Bours, chevalier, dans ses prisons des Roches-de-Ternay, puis à Loudun. Ayant relevé appel au Parlement, ils furent, le 17 juillet 1409, mis en liberté sous caution et à condition de se représenter à toute réquisition. (Arch. nat., X2a 15, fol. 273 v°.) Mais ils furent reconnus innocents. Georges Bougaut et Thévenote Normandeau, domestiques du défunt, les avaient faussement accusés. Le premier prétendait qu’il avait vu Perrette acheter de l’arsenic ; la seconde affirmait qu’Olivier avait été empoisonné, puis étranglé par sa femme, aidée de Pierre de Lisle. Les deux faux témoins furent condamnés au pilori à Paris et à Loudun, par arrêt du 23 décembre 1409. (X2a 16, fol. 35 v°.) De 1417 à 1424, Pierre (peut-être le père de celui qui obtint ces lettres de rémission) et Huet de Bernezay, frères, étaient en procès contre Guy de Saint-Macaire, gagio duelli jacto inter dictas partes. La provocation, remontant au mois de juillet 1417, venait de Guy, que ses adversaires avaient attaqué dans son honneur, en déclarant publiquement qu’il n’avait point le droit de porter le nom de Saint-Macaire. Le bailli des Exemptions de Touraine et d’Anjou fut saisi de l’affaire, le Loudunais étant de sa juridiction. Les frères de Bernezay usèrent de faux-fuyants, et le bailli leur ayant refusé un dernier délai qu’ils réclamaient pour produire les pièces à l’appui de leur défense, ils en appelèrent au Parlement séant à Poitiers ; le 20 mai 1424, un arrêt fut rendu, déclarant les appelants mal fondés, les condamnant à l’amende et renvoyant les parties à Chinon, devant le lieutenant du bailli des Exemptions qui jugerait si le duel devait avoir lieu. L’ajournement était fixé au 15 juin suivant. (X2a 19, fol. 14, et X2a 20, fol. 3 v°.) Dans l’intervalle, Pierre et Huet de Bernezay avaient été contraints de donner assurément à Guy de Saint-Macaire, à la demande de celui-ci, le 11 mars 1419 n.s. (X1a 9190, fol. 8.)

, escuier, contenant que, ung an a ou environ, fut traictié le mariage dudit de Bernezay et de Jehanne Mayniere

Elle appartenait très vraisemblablement à la famille de Jean Maynier, écuyer, fils de Guillaume Maynier, qui rendit aveu de son hébergement du Grand-Mauduit (cne de Marigny) mouvant de Chizé, les 24 août 1415 et 21 mai 1419. (Arch. nat., R1* 2173, p. 1921 ; P 1144, fol. 54 v°, 57 ; P. 1145, fol. 28 v°, 25.) Un ascendant de celui-ci, nommé aussi Jean Maynier, rendit aveu de la Thibaudière en juin 1365 ; il était alors veuf de Jeanne Thibaut et avait un fils mineur, nommé Aimery. (P. 1145, fol. 18.) Un autre Jean Maynier, licencié ès lois, était sénéchal de la seigneurie de la Barre-Pouvreau en 1470. (A. Richard, Archives du château de la Barre, t. II, p. 39, 250.)

, damoiselle, à present sa femme, et dès lors furent, en la presence de plusieurs leurs parens et amis, fiancez et les solennitez gardées en tel cas. Depuis lesquelles, ledit de Bernezay, pou de temps après, se tira devers le viconte d’Aunay

François de Montbron, baron dudit lieu, vicomte d’Aunay par son mariage avec Louise de Clermont (25 mai 1403), mort après 1470. (Voir notre tome VII, p. 79, note 2, et le volume précédent, p. 284, note 4.)

, soubz la justice duquel ladicte Jehanne, lors aagée de unze ans ou environ, avoit esté baillée en garde et gouvernement au seigneur d’Authon

Le chef de la branche aînée de la famille d’Authon, originaire de Saintonge, à laquelle appartenaient Louis d’Authon, dont il a été question précédemment (tome VIII, p. 222), et le célèbre historiographe de Louis XII Jean d’Authon, abbé d’Angle en Poitou, était alors Guillaume, seigneur d’Authon, marié à Pernelle de Sonneville, ou son fils aîné Jean. (Cf. la généalogie publiée dans la nouv. édit. du Dictionnaire des familles du Poitou t. I, p. 188.)

, son oncle, afin qu’il levast la main et lui livrast la tutelle et gouvernement de ladicte damoiselle et de ses biens. Lequel viconte, non content dudit mariage ou autrement, respondy qu’il s’en conseilleroit et à huitaine lui rendroit response. A laquelle huitaine ledit de Bernezay retourna devers le dit vicomte, lequel lui fist savoir qu’il n’en feroit riens ; mais qui plus est, fist convenir ledit seigneur d’Authon par devant sa justice et lui fist oster ladicte Jehanne, sa nyepce, et la mist hors de son gouvernement et bailla en garde à ung nommé Guinot du Chastenet

Nous avons recueilli dans les registres du Trésor des chartes un certain nombre de renseignements curieux sur ce personnage. Guinot du Chastenet était écuyer, seigneur de « Lasne Ponthière », Lanepontière, aujourd’hui la Nipontière. Du château féodal de la Nipontière (cne de Bords, con de Saint-Savinien, Char.-Inf.) il subsiste une tour, placée sur le sommet d’une colline, dont les fossés, glacis et retranchements sont l’indice d’une ancienne position militaire fort importante. (A. Gautier, Statistique de la Charente-Inférieure, 1839, in-4°, p. 236 ; Joanne, Nouveau dict. géogr. de la France, in-4°, 1893, t. I, v° Bords.) Par lettres datées de Chinon, avril 1446 n.s., dont nous ne publions pas le texte, parce qu’elles intéressent plutôt la Saintonge, Guinot du Chastenet obtint la remise complète des pénalités qu’il avait encourues pour les pillages, rançonnements, meurtres et autres crimes par lui commis pendant les guerres auxquelles il avait pris une part très active durant plus de vingt-cinq ans. A dix ou douze ans il était entré au service de Geoffroy de Mareuil, son parent, depuis sénéchal de Saintonge. Aussitôt qu’il fut en âge de porter les armes, il fit la guerre contre les Anglais, tant en la compagnie de son maître que d’autres capitaines. Il combattit particulièrement aux sièges de Cosnac, Mortagne, Aucort, la Bernadière, Mareuil, Aubeterre, Mornac, Auberoche et autres places de Saintonge, défendit Corbeil avec Geoffroy de Mareuil, et, après la mort de celui-ci, servit sous François de Mareuil, son fils (aussi sénéchal de Saintonge, du 27 octobre 1441 au 24 septembre 1442, date de son remplacement par Amaury d’Estissac). Guinot avait en outre assisté, du commencement à la fin, au long siège de Pontoise, et pris part « à la conqueste » faite en Périgord par le comte de Penthièvre. Dans ces lettres de rémission on trouve encore quantité de détails sur les ravages causés par des gens d’armes appelés brigans qui « dix huit ans a ou environ (c’est-à-dire en 1428), se mirent sus ès païs de Xanctonge et de Poictou, et continuellement faisoient plusieurs et innumerables maulx », notamment à Saint-Jean-d’Angély, où ils coupèrent la gorge à un nommé Gillon Favier, sergent du roi, et pendirent un bourgeois du nom d’Ambroise Daniel, à Brisambourg, à Authon et à Aujac, où ils s’étaient fortifiés ; et aussi sur l’occupation de Marans, de Benon et de l’église fortifiée de Salles en Aunis par des Bretons, après la prise et la condamnation (8 mai 1431) de Louis d’Amboise, vicomte de Thouars, et sur le siège que l’on dut mettre devant ces places, pour les en déloger. Dans toutes ces expéditions, Guinot du Chastenet avait détroussé, rançonné et mis à mal ceux qui voulaient résister. Pour sa défense, il arguait que tous ses compagnons faisaient de même, et que n’étant pas payé et ayant dépensé tout leur avoir, ils n’avaient pas d’autre moyen de vivre. A l’époque où lui furent délivrées ses lettres d’abolition, Guinot était en la compagnie et au service du « nouveau seigneur de Mareuil », chambellan de Charles VII, dont la maison n’avait jamais cessé d’être fidèle à la cause du roi de France. (JJ. 178, n° 3, fol. 2.)

A la date du 22 août 1454, Guinot du Chastenet avait cessé de vivre et sa veuve Jeanne Hélye était décédée aussi, après avoir épousé en secondes noces Jean d’Étaules, écuyer, d’où l’on peut inférer qu’il dut mourir vers 1450. Ses enfants (sans doute mineurs), soutenus par leurs parents et amis, étaient alors en procès à Saint-Jean-d’Angély contre le second mari de leur mère. (Extrait de lettres de rémission pour Jean Bar, dit de Poitou, valet de Foucaud de Polignac, JJ. 191, n° 45, fol. 22.) D’après MM. Beauchet-Filleau (nouv. édit., t. II, p. 300), un N… du Chastenet, écuyer, eut trois filles : 1° Claire, mariée à Perrot de La Guiraude, puis à Renaud de Sainte-Maure ; 2° Jeanne, femme de Gilles Aisse, écuyer, sr de Cougoussac (vers 1470) ; 3° Mathurine, épouse de Guillaume La Personne, écuyer, seigneur de Varaize. Nous pensons qu’il s’agit des enfants de notre Guinot du Chastenet, lequel, comme on le voit dans les présentes lettres, était aussi seigneur de Cougoussac. Il n’avait pas eu d’héritier mâle. Sa seigneurie de Lasnepontière ou la Nipontière appartenait le 16 juillet 1538 et antérieurement à François de La Rochebeaucourt, chevalier, seigneur aussi de Varaize, chambellan du roi et sénéchal de Saintonge, et, le 7 octobre 1564, à François Gombaud, seigneur de Chamfleury. (Arch. hist. de la Saintonge, t. XIX, p. 67, note, et t. XX, p. 277.)

, qui la mena en sa place de Cougoussac. Lesquelles choses venues à la cognoissance dudit de Bernezay, doubtant que ledit viconte d’Aunay la fist marier autrui, mesmement qu’il avoit plusieurs fois parlé dudit mariage audit Guynot, qui monstroit n’en estre pas content, icellui Pierre de Bernezay, tantost après, acompaigné de sept ou huit hommes de ses gens, se transporta, ung oiseau sur son poing, audit lieu de Cougoussac, et laissa ung peu derrière ses gens, afin qu’on ne les veist point, et requist aux portiers (sic) qu’ilz le laissassent entrer dedans ladicte place. Lequel lui respondy qu’il n’en feroit riens ; de quoy ledit Bernezay non content, lui dist qu’il le pendroit ce jour de ses mains. Et ce fait, approuchèrent les gens dudit de Bernezay de ladicte place, et l’un d’iceulx avecques une petite serpe fist ung pertuys en la porte du boullevart, par lequel il fist cheoir la barre qui tenoit la porte dudit boullevart et, icelle ouverte, entrèrent dedans ledit boullevart. Et eulx entrez, ledit de Bernezay appella ung de ses gens qu’il avoit envoié devant et y estoit le premier à faulses enseignes, et lui dist qu’il lui ouvrist ladicte place, lequel incontinant leur ouvrit. Et après entrèrent dedans icelle par force, sans riens frapper ne blecier, et trouvèrent ladicte Jehanne plourant et cryant, disant s’ilz l’emmenoient que son oncle seroit destruit, et autres plusieurs parolles, courroucée de ladicte prinse. Laquelle Jehanne ledit de Bernezay, son fiancé, fist prendre par force et monter derrière lui, et d’illecques la emmena à l’ostel de Cogniou à elle appartenant ; auquel cinq ou six jours après, eue sur ce dispense de nostre amé et feal conseiller l’evesque de Xainctes

Guy de Rochechouart, troisième fils d’Aimery de Rochechouart, seigneur de Mortemart, et de sa seconde femme, Jeanne d’Angle, fut d’abord archidiacre d’Aunis en l’église de Saintes. Élu évêque de cette ville, le 1er mai 1426, il resta à la tête de ce diocèse jusqu’en 1460 ; il résigna alors son évêché au profit de son neveu, Louis de Rochechouart. Il testa en 1460 et en 1466 en faveur de son autre neveu, Jean, seigneur de Mortemart. (Voy. Gallia christ., t. II, col. 1079.)

, ledit de Bernezay espousa ladicte Jehanne, de son bon gré, y gardant la solennité qui y appartient ; et depuis a eu sa compaignie charnelle. Pour occasion duquel cas, par vertu de certaines noz lettres impetrées à la requeste de nostre procureur, du procureur du sieur d’Aunay et dudit Guynot, le dit de Bernezay a esté prins au corps et a esté certaine espace de temps detenu prisonnier à Saumur, et à present est prisonnier à Nyort ; et doubte à ceste cause que èsdictes prisons ne lui conviengne miserablement finer ses jours, se noz grace et misericorde ne lui sont sur ce imparties. Requerant humblement que, attendu qu’il a espousée ladicte Jehanne, laquelle il avoit fiancée de son bon gré et du consentement de plusieurs ses parens, et gardé les solennitez en tel cas requises, avant qu’il ait eu compaignie charnelle à elle, aussi qu’il nous a longuement servy ou fait de noz guerres et autrement, en plusieurs et maintes manieres, et encores de present est à noz gaiges et en ordonnances, etc., nous lui vueillons sur ce impartir nostre grace. Pour quoy nous, eu consideracion aux choses dessus dictes, voulans misericorde estre preferée à rigueur de justice, audit suppliant oudit cas avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, aux seneschaulx de Poictou et Xanctonge et à tous noz autres justiciers, etc. Donné en nostre chastel de Mehun sur Evre, ou mois de may l’an de grace mil cccc. xlvii, et de nostre règne le xxve.

Ainsy signé : Par le roy, le sire de la Varenne

Pierre de Brézé, sr de la Varenne, était encore à cette date sénéchal de Poitou.

et autres presens. De La Loere. — Visa. Contentor. Ja. de La Garde.

MCXXXVII Mai 1447

Lettres d’abolition octroyées à Pierre Quissarme, homme de guerre qui avait servi sous Jean de La Roche et s’était rendu coupable de détrousses.

AN JJ. 178, n° 178, fol. 103 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 6-9

Charles, etc. Savoir faisons, etc., nous avoir receue l’umble supplicacion de Pierre Quissarme

Signalons d’autres lettres d’abolition données à Tours, au mois de mars 1447 n.s., en faveur d’un nommé Jean Thévenart, dit Quisarme, demeurant à Genouillé en Saintonge. Originaire de la Brie, où il avait ses biens patrimoniaux et ses possessions, il avait tout abandonné pour servir le roi contre les Anglais, sous divers capitaines, avec lesquels il avait pris part à plusieurs sièges, batailles et expéditions, notamment au siège de Melun, aux combats de Baugé, de Galardon, de Cravant et de Verneuil. Après le voyage du sacre et couronnement de Charles VII, dont il fut, il alla assiéger la forteresse de « Tyrac » au comté d’Angoulême, et y fut fait prisonnier. Détenu un an et plus à Châteauneuf, il eut à payer une forte rançon. Depuis il fit partie de l’expédition de Guyenne pour la journée de Tartas et fut envoyé devant les places de Mornac, Royan et autres, alors en état de rébellion contre le roi. Durant toutes ces campagnes, il avait, comme les autres, pillé, robé, battu, détroussé et rançonné. En outre, lorsqu’il était au service de Pierre Béchet, écuyer, seigneur de Genouillé (sur lequel voy. le vol. précédent, p. 367, note 5, et le reg. X2a 21, au 17 août 1435, poursuite contre Jean de Maumont, sr de Tonnay-Boutonne), en la compagnie de Jean, sire de Pons, avant que celui-ci fût tombé en disgrâce, ayant appris qu’un nommé Colas Joussac avait mal parlé de lui et de son chef, ledit Béchet, et l’ayant rencontré en compagnie de sa femme, Thévenine Moricet, il leur avait cherché querelle et avait frappé mortellement cette dernière. (JJ. 178, n° 162, fol. 95 v°.) Y avait-il parenté entre Pierre Quissarme et Jean Thévenart, dit Quisarme ? On peut le supposer sans invraisemblance. Toujours est-il qu’au milieu du xve siècle un homme de guerre, du nom de Pierre Quissarme, sans doute l’un des deux personnages dont il est ici question, se fixa à Rom par son mariage avec Philippe Du Moulin ; il laissa un fils nommé Jean, qui en 1484 était établi à Bordeaux. (Arch. de la Vienne, E5 852.) Il faut se garder de confondre les membres de cette famille avec ceux d’une autre famille portant ce surnom expressif de Quissarme, mais dont le nom patronymique était Suyreau, qui à la fin de ce siècle donna deux maires à la commune de Saint-Maixent. (A. Richard, Recherche sur l’organisation communale de la ville de Saint-Maixent, 1870, p. 151.)

, homme de guerre, contenant que tout son temps il nous a bien et loyaument servy ou fait de noz guerres à l’encontre de noz anciens ennemys et adversaires les Angloys, sans avoir commis envers nous chose digne de reprouche ne avoir tenu autre party que le nostre, reservé soubz feu Jehan de La Roche, durant la guerre de Bourbonnoys

Donc, après la défaite de la Praguerie en Poitou, Jean de La Roche était allé rejoindre les princes ligués en Bourbonnais. C’est le seul texte qui en fournisse le témoignage formel.

, de laquelle chose et autres cas, crimes et malefices qu’il auroit paravant commises, icellui feu Jehan de La Roche obtint de nous pour lui et tous ses gens et serviteurs, dont ledit suppliant estoit ung, noz autres lettres d’abolicion generale

Ces lettres, dont le texte n’est point connu, portaient la date du 14 septembre 1440. (Vol. précédent, p. 329 et note 2.)

, lesquelles ont depuis esté deuement veriffiées et expediées, ainsi que en tel cas appartient. Et combien que depuis il nous ait tousjours ou fait de nosdictes guerres en continuant loyaument servy sans reprouche, neantmoins il doubte que, soubz umbre de ce que puis ung an et demi en ça ou environ il a esté et s’est trouvé en compaignie d’autres à prendre et oster ung cheval à l’auditeur de nostre amé et feal conseiller l’evesque de Poictiers

Guillaume Gouge de Charpaignes, évêque de Poitiers de 1441 à 1449 (cf. notre vol. précédent, p. 116, note).

, entre nostre ville de Poictiers et Chauvigny, et aussi fut à prendre et oster ung pacquet, environ le bourc de Lussac en Lymosin, que portoit ung compaignon, soy disant varlet et serviteur du sire d’Aubigny

Jean de Vivonne, chevalier, sr d’Aubigny et de Faye, né vers 1409, poursuivi comme complice de son frère naturel Hector, bâtard des Essarts, dans l’enlèvement de Catherine Eschalart (vol. précédent, p. 14, note 4), était encore vivant le 13 février 1434. (Acte du Parl. relatif à cette affaire, Arch. nat., X2a 20, fol. 69.) Le P. Anselme dit qu’il décéda avant 1437. C’est avant le 1er septembre 1434 qu’il faudrait lire (voir des plaidoiries de cette date, X1a 9201, fol. 147 v°, 151 v°, 152 v°). Donc il n’existait plus à l’époque dont il s’agit. Sa fille unique, Marie, avait à peine quinze ans à la fin de 1446, s’il est vrai que le mariage de son père avec Andrée de Varèze eut lieu le 28 juin 1431. On sait qu’elle épousa Jean de Chourses, seigneur de Vallans, qui fut à cause d’elle seigneur d’Aubigny ; mais on ignore la date de cette union. Il ne semble pas possible d’identifier sûrement le sr d’Aubigny, dont Pierre Quissarme dévalisa le serviteur. Peut-être s’agit-il d’Olivier d’Aubigné, chevalier, seigneur d’Aubigné-Briant en Anjou. (Dict. des familles du Poitou, t. I, p. 146.)

, ouquel pacquet avoit deux robes, l’une de brunete et l’autre de pers, doublés de blanchet, deux paires de chausses de brunette, cinq aulnes de satin, deux chemises qu’ilz emporterent, et autres choses lesquelles ilz rendirent audit varlet et de tout firent restitucion, reservé des deux chemises et dix solz tournois en monnoye ; il doubte que, à ceste cause, justice lui soit rigoureuse et vueille proceder à l’encontre de lui à pugnicion corporelle, tant pour raison desdiz cas derreniers commis que pour ceulx qu’il puet avoir faiz paravant ladicte abolicion, et sans avoir regard à icelle, se nostre grace ne lui estoit sur ce prealablement impartie, si comme il dit, en nous humblement requerant, que, attendu que depuis ladicte abolicion ainsi donnée audit feu Jehan de La Roche et à sesdictes gens et serviteurs, il s’est tousjours bien doulcement et honnorablement maintenu et porté en nostredit service et autrement, sans avoir esté attaint ou convaincu d’aucun autre vilain cas, blasme ou reprouche, il nous plaise sur ce lui impartir nostre grace. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, à icellui Pierre Quissarme, suppliant, ou cas dessus dit, avons quicté, remis et pardonné et par ces presentes, de grace especial, plaine puissance et auctorité royal, quictons, remettons et pardonnons les cas, crimes et deliz dessus diz, ainsi par ledit suppliant commis depuis ladicte abolicion, à l’effect de laquelle ne voulons en riens prejudicier, avecques toute peine, amende et offense corporelle, criminelle et civille, en quoy pour raison d’iceulx cas il seroit ou pourroit estre encouru envers nous et justice ; et de nostre plus ample grace l’avons restitué et restituons, en tant que mestier est, à l’effet et teneur de ladicte abolicion dudit feu Jehan de La Roche et de sesdiz gens et serviteurs, dont il estoit ung, comme dit est, à sa bonne fame et renommée, au païs et à ses biens non confisquez, satisfacion faicte à partie civilement tant seulement, se faicte n’est. Et sur ce imposons silence perpetuel à nostre procureur. Si donnons en mandement par ces presentes au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers et officiers, ou à leurs lieuxtenans presens et avenir, et à chascun d’eulx, si comme à lui appartendra, que de nostre presente grace, quictance, remission et pardon, ilz facent, seuffrent et laissent ledict suppliant joir et user plainement et paisiblement, sans lui faire, mettre ou donner, ne souffrir estre fait, mis ou donné en corps ne en biens, ores ne pour le temps avenir, aucun ennuy, destourbier ou empeschement au contraire, en quelque manière que ce soit, ainçois se son corps ou aucuns ses biens en estoient pour ce prins, saisiz, arrestez ou empeschiez, les lui mettent ou facent mettre incontinant et sans delay à plaine delivrance. Et afin, etc., nous avons, etc. Sauf, etc. Donné à Mehun sur Evre, ou mois de may l’an de grace mil cccc.xlvii, et de nostre règne le xxve.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Giraudeau. — Visa. Contentor. Ja. de La Garde.

MCXXXVIII Mai 1447

Lettres de légitimation octroyées à Belle-assez de Montbron, fille bâtarde de Jacques de Montbron, chevalier.

AN JJ. 179, n° 39, fol. 17 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 10-12

Karolus, etc. Benignitatis nostre clemenciam ad illos libenter extendimus et liberali affectu statum eorum promovemus, qui virtutum suffragiis adjuncti digne sibi vendicant premia meritorum. Notum igitur facimus universis, presentibus et futuris, quod cum dilecta nostra Bellassés, filia dilecti ac fidelis nostri Jacobi de Montebronio

Belle-assez de Montbron, sans doute établie en Poitou, puisque ces lettres de légitimation sont adressées au sénéchal de ce pays, était la fille naturelle de Jacques, second fils de Jacques, sire de Montbron, premier chambellan du duc de Berry, sénéchal d’Angoulême, puis maréchal de France en 1421, et de Marie de Maulévrier. Elle était par conséquent la nièce de François de Montbron, vicomte d’Aunay. Le P. Anselme dit que Belle-assez épousa Jean Tigeou. (Hist. généal., t. VII, p. 17.) Jacques, le jeune, fut seigneur de Montbron par donation que lui en fit son père l’an 1408, et d’Azay-le-Rideau par transaction faite avec son frère le vicomte d’Aunay, baron de Maulévrier. Il fut capitaine du château de Thouars pour Louis d’Amboise, et le rendit au roi le 14 mai 1431, après la confiscation prononcée contre le vicomte de Thouars, moyennant la restitution d’une somme qu’il avait prêtée à celui-ci, lors de son institution. Jacques de Montbron avait d’abord servi Charles VI, puis Henri VI, roi d’Angleterre, comme son père, le maréchal, témoin une quittance scellée de son sceau, par laquelle il reconnaît avoir reçu une somme de 100 livres à lui ordonnée par Jean, régent le royaume de France, duc de Bedford, pour « certaines grosses besongnes secrètes touchans l’onneur du roy », le 4 novembre 1423. (Bibl. nat., coll. Clairambault, vol. 181, p. 6477.)

, militis, de copula illegitima, de non soluto cum soluta genita, dicatur traxisse originem, nos, attendentes quod ipsa ad proborum et honestorum vestigia imitanda ferventer sic intendere studuit et de bono in melius ad virtutum opera est intenta quod in ea maculam geniture nittitur abstergere, prout fide digna relacione didiscimus multorum, de gracia nostra speciali, auctoritate et potestatis plenitudine regiis, eandem Bellassés de predicta copula genitam ad honores seculares actusque legitimos quoslibet, quoad temporalia, tenore presentium legitimacionis titulo decoramus et hujusmodi geniture maculam quoad premissa penitus abolemus. Concedentes eidem Bellassés ac tenore presentium dispensantes ut ipsa, tanquam legitima, succedere valeat et succedat personis quibuscunque, si de ipsarum personarum processerit voluntate, in omnibus bonis mobilibus et immobilibus in quibus succederet de consuetudine, de jure aut aliàs quovismodo, si esset de legitimo procreata matrimonio, in quibus tamen jus non sit alteri vel aliis jam quesitum, et ea tanquam legitima valeat successorio jure aut aliàs quovismodo vendicare, adipisci, retinere et jure hereditario pacifice possidere, ac de ipsis disponere, ut heres vera, legitima, nisi eadem dumtaxat aliud quod defectus predictus natalium non repugnet, defectu hujusmodi, consuetudine, vel usu generali vel locali regni nostri ad hoc contrariis non obstantibus quibuscunque. Firmiter inhibentes omnibus et singulis regni nostri subditis, presentibus et futuris, ne contra ipsam aut prolem suam vel heredes, successores aut posteros ejusdem in bonis quibuslibet, acquisitis vel acquirendis seu undequaque obveniendis, occasione defectus natalium predicti, impedire, turbare vel molestare presumant quoquomodo ; solvendo tamen nobis financiam, per dilectos et fideles consiliarios nostros Francie thesaurarios moderandam. Quapropter dilectis et fidelibus compotorum nostrorum gentibus, eisdem thesaurariis, generalibusque super facto omnium financiarum nostrarum, senescallo Pictavensi, necnon ceteris justiciariis et officiariis nostris eorumve locatenentibus, presentibus et futuris, et cuilibet ipsorum, prout ad eum pertinuerit, tenore presentium mandamus quatinus presentes legitimacionem, concessionem et gratiam nostras teneant et conservent ac eisdem obtemperent, eandemque Bellassés gaudere pacifice paciantur ; non permittentes eandem aut ab ipsa causam habentes vel habituros inquietari, impediri vel molestari quoquomodo, nunc vel in futurum, contra presentium tenorem litterarum, generalibus vel localibus statutis, usibus, lege et observancia ac editis quibuscunque non obstantibus. Quod ut firmum et stabile perpetuo perseveret, sigillum nostrum hiis presentibus appendi jussimus. Salvo in aliis jure nostro et in omnibus quolibet alieno. Datum Magduni supra Ebram, mense maii anno Domini millesimo ccccmo xlvii°, regni vero nostri xxvto.

Sic signatum : Per regem, in suo consilio. Rolant. — Visa. Contentor.

MCXXXIX Juin 1447

Lettres portant union à la vicomté de Châtellerault, sous un seul hommage, des terres et seigneuries de Thuré, Saint-Christophe et la Tour-d’Oiré, cédées par l’évêque de Poitiers à Charles d’Anjou, vicomte de Châtellerault, en échange du château d’Harcourt à Chauvigny.

AN JJ. 178, n° 206, fol. 118 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 12-16

Charles, etc. Savoir faisons, etc., nous avoir receue l’umble supplicacion de nostre très chier et très amé frère et cousin Charles d’Anjou, conte du Mayne et viconte de Chastellerault

Charles d’Anjou, comte du Maine et de Mortain, beau-frère de Charles VII (voy. le vol. précédent, p. 146, note), avait acquis la vicomté de Châtellerault depuis peu de temps. Les auteurs ne sont pas d’accord sur la date ni sur les conditions de ce transport. La Roque dit, d’après Le Féron, que Jean VII, comte d’Harcourt (mort en 1452, à l’âge de quatre-vingt-deux ans), vendit Châtellerault au comte du Maine « environ l’an 1440 », sans autre renseignement. (Généalogie de la maison d’Harcourt, in-fol. t. I, p. 411.) Le P. Anselme prétend que l’acquisition comprenait, avec la vicomté de Châtellerault, la seigneurie de Mézières-en-Brenne, le comté d’Aumale, etc., que le comte d’Harcourt échangea, par contrat du 17 décembre 1445, contre la Ferté-Bernard et autres terres, avec Charles IV, comte du Maine, roi de Naples, de Sicile et de Jérusalem, le fils de Charles III d’Anjou, comte de Mortain et du Maine (Hist. généal., t. I, p. 234), ce qui est une erreur manifeste. Par contre, la date du 17 décembre 1445 paraît assez exacte, car on sait de bonne source que Charles d’Anjou fit hommage de Châtellerault à Charles VII, comme comte de Poitou, le 26 janvier 1446 n.s., et rendit son aveu le 3 février suivant. Un inventaire officiel des titres du comte du Maine relatifs à la vicomté de Châtellerault, dressé les 5, 6 et 7 janvier 1482, en vertu de lettres de Louis XI données à Thouars, le 31 décembre 1481, et déposé à la Chambre des comptes, contient ces renseignements et plusieurs autres qui peuvent servir à éclairer la question. La première pièce inventoriée est ainsi désignée : « Instrument de certains appointemens pourparlés entre MM. les comtes du Maine et d’Harcourt en la presence de Mre Renault de Drenezay (du Dresnay, cf. vol. précédent, p. 78, note), chevalier, et autres, donné à Chastellerault, le xxve janvier 1445 » (1446 n.s). S’agit-il du contrat d’acquisition ou d’un règlement de points accessoires ? Vient ensuite un aveu de Jeanne, bâtarde d’Harcourt, qui confesse tenir, sa vie durant, de M. le comte du Maine, seigneur et propriétaire de la vicomté de Châtellerault, les terres et seigneuries de Mézières-en-Brenne et de l’Isle-Savary, aveu daté du 11 juillet 1446.

Jean VII, comte d’Harcourt, avait alors soixante-quinze ans. Son fils Jean VIII avait été tué à la bataille de Verneuil (17 août 1424), et il n’avait d’autres héritiers que deux filles, la première, Marie, comtesse d’Aumale, mariée à Antoine de Lorraine, comte de Vaudémont, et la seconde, Jeanne, qui épousa d’abord Jean, sire de Rieux, puis, l’an 1434, Bertrand de Dinan, sr de Châteaubriant. Celles-ci se considérèrent comme lésées par le contrat de vente ou d’échange de la vicomté de Châtellerault et se pourvurent, pour en obtenir l’annulation ou au moins pour en faire modifier les conditions. Cette contestation fut réglée par un accord amiable passé à Chinon, le 21 mai 1449, « contenant l’appointement fait entre le comte du Maine, présent en personne, d’une part, Jean de Lorraine, en son nom et comme fondé de procuration des comte et comtesse de Vaudémont, ses père et mère, l’évêque de Rennes, représentant Mme de Rieux, et Guillaume Boyn, procureur du comte d’Harcourt ». La cote d’inventaire n’indique rien de plus, mais on voit par deux quittances qui figurent à la suite, l’une du 30 septembre 1450, l’autre du 28 février 1452 n.s., que Charles d’Anjou, par la transaction de Chinon, s’était engagé à payer à chacune des deux filles de Jean d’Harcourt la somme de 20.000 écus d’or. Le château et la terre de Nouvion en Thiérache avait été baillée comme garantie du paiement à effectuer au profit du comte et de la comtesse de Vaudémont. (Arch. nat., P 1340, cote 498.) Dès lors le comte du Maine jouit sans conteste de la vicomté de Châtellerault. Dans un acte du 12 mai 1454, il s’intitule comte du Maine, de Guise, de Mortain et de Gien, et vicomte de Châtellerault ; c’est une déclaration portant que la contribution que le chapitre de Saint-Hilaire de Poitiers lui avait accordée dans les paroisses d’Asnières et d’Ouzilly, pour lui faire plaisir, ne tirerait point à conséquence pour l’avenir. (Coll. dom Fonteneau, t. XII, p. 81.)

Charles d’Anjou mourut le 10 avril 1473. Son fils Charles IV, comte du Maine, roi de Sicile, de Naples et de Jérusalem, hérita de la vicomté de Châtellerault et en jouit jusqu’à son décès, survenu le 11 décembre 1481. Comme il avait institué Louis XI son héritier universel, Châtellerault fut réuni au domaine de la couronne. Pierre de Rohan, seigneur de Gyé, maréchal de France, chargé de la liquidation de cette succession, reçut les titres qui se trouvaient au Mans et en fit dresser l’inventaire dont il vient d’être question. Cependant Jean d’Armagnac, duc de Nemours, et Louis d’Armagnac, comte de la Marche, réclamèrent l’héritage du roi de Sicile, leur oncle maternel ; ils furent mis provisoirement en possession de Châtellerault, en 1483, et Charles VIII leur en fit la restitution expresse par lettres du 29 mars 1491.

, contenant que, combien que nostre amé et feal conseillier l’evesque de Poictiers, auquel à cause de son temporel de son dit eveschié compettoient et appartenoient les terres et seigneuries de Thuré, de Saint Christofle et la Tour d’Oiré, estans en la viconté de Chastellerault, lui ait de nouvel cedé, transporté et delaissié à tousjours mès perpetuelment, pour lui, ses hoirs et successeurs et ceulx qui de lui auront cause ou temps avenir, lesdictes terres et seigneuries de Thuré, de Saint Christofle et la Tour d’Oiré ; moyennant lequel transport nostre dit frère et cousin a pareillement cedé, transporté et delaissié à nostre dit conseillier et à ses successeurs, evesques du dit lieu de Poictiers, le chastel de Harecourt lez Chauvigny, appartenant à icellui nostre frère et cousin, et tenu en fief de nostre dit conseiller, à cause de son dit chastel de Chauvigny

Le château et la châtellenie d’Harcourt à Chauvigny avaient été acquis à part par Charles d’Anjou, comte du Maine, de Jean VII comte d’Harcourt, le 27 mars 1447 n.s., puis échangés par le nouveau possesseur, le 21 mai de la même année, ainsi que les terres de la Pérate et de Conflans, avec Guillaume Gouge de Charpaignes, évêque de Poitiers (cf. sa notice, vol. précédent, p. 116), contre lesdites seigneuries de Thuré, de Saint-Christophe et de la Tour-d’Oiré, et la dîme de Sénillé. (Arch. de la Vienne, orig., G. 40. Voy. aussi C. Tranchant, Notice sommaire sur Chauvigny de Poitou, 1884, in-12, p. 56.)

 ; neantmoins nostre dit frère et cousin doubte que, soubz umbre de ce que les dictes terres et seigneuries de Thuré, de Saint Christofle et la Tour d’Oiré, qui paravant le dit traictié estoient admorties et le propre heritaige d’icellui nostre conseiller et de ses successeurs evesques, sont de present hors de la main de nostre dit conseiller, qui les a transportées comme dit est, on le vueille contraindre à nous faire d’icelles terres et seigneuries foy et hommaige à part, oultre celui qui à cause d’icelle viconté de Chastelleraut nous est deu, qui seroit en son grant prejudice et dommaige, si comme il dit. Requerant humblement qu’il nous plaise lui octroyer que les dictes terres et seigneuries de Thuré, Saint Christofle et la Tour d’Oiré, qui sont assises et situées en et au dedans de ladicte viconté de Chastelleraut, comme dit est, il puisse tenir de nous, soubz les foy et hommaige qu’il nous est tenu faire à cause de sa dicte viconté de Chastelleraut, et icelles terres et seigneuries joindre et unir avec icelle sa viconté, tant en ressort que juridicion, sans ce qu’il ou ses successeurs en soyent tenuz faire hommaige à part, et sur ce lui impartir nostre grace. Pour quoy nous, ces choses considerées et les grans, notables et agreables services que nostre dit frère et cousin nous a faiz en plusieurs et diverses manières, le temps passé, fait encores de jour en jour, et esperons que plus face ou temps avenir, aussi la grant proximité de lignaige en quoy il nous attient, à icellui nostre frère et cousin, qui sur ce nous a requis, avons octroyé et octroyons, de grace especial, plaine puissance et auctorité royal, par ces presentes, que les dictes terres et seigneuries de Thuré, de Saint Christofle et la Tour d’Oiré, il et ses diz hoirs et successeurs ayent et tiennent doresenavant soubz l’ommaige que nostre dit frère et cousin nous est tenu faire pour raison de sa dicte viconté de Chastellerault, et icelles terres et seigneuries avons joinctes et unies, joingnons et unissons par ces dictes presentes à la dicte viconté et soubz le ressort et hommaige d’icelle, pour estre ung mesme fief, sans qu’il ne aucun de ses diz hoirs, successeurs et autres qui de lui auront cause ou temps avenir, soient tenuz d’en faire hommaige, à part, pourveu que les dictes terres de Thuré, Saint Christofle et de la Tour d’Oiré courront en rachat envers nous, comme fait la dicte viconté, quant le cas y escherra. Si donnons en mandement par ces mesmes presentes à noz amez et feaulx conseillers les gens tenans nostre Parlement, gens de noz comptes et tresoriers, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers et officiers, ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, et à chascun d’eulx, si comme à lui appartendra, que de noz presente grace et octroy facent, seuffrent et laissent nostredit frère et cousin, ensemble ses diz hoirs, successeurs et ceulx qui de lui auront cause, joir et user plainement et paisiblement, sans en ce leur mettre ou donner, ne souffrir estre mis ou donné aucun destourbier ou empeschement, ores ne pour le temps avenir, ains, se mis ou donné leur avoít esté ou estoit, le reparent et mettent ou facent reparer et mettre incontinant et sans delay au premier estat et deu. Et afin, etc., nous avons, etc. Sauf en autres choses, etc. Donné au Bois sire Amé, ou mois de juing l’an de grace mil cccc.xlvii, et de nostre règne le xxve

L’année suivante (1448), le comte du Maine céda à son maître d’hôtel, Huguet de Villé (Billy), écuyer, et à Jeanne Rouault, sa femme, les terres de Thuré, Saint-Christophe et la Tour-d’Oiré ; puis il obtint de Charles VII, en juin 1452, de nouvelles lettres patentes confirmant l’union de ces trois seigneuries sous un seul et même hommage. Les lettres de juin 1447 et celles de juin 1452 sont publiées, d’après le texte du Trésor des Chartes, dans la collection des Ordonnances des Rois de France, in fol., t. XIV, p. 228. — Voy. aussi Lalanne, Histoire de Châtellerault, t. I, p. 291 et suiv., 476.

.

Ainsi signé : Par le roy en son conseil. E. Chevalier. — Visa. Contentor.

MCXL Juin 1447

Permission à Louis d’Harcourt, seigneur de Montlouis près Poitiers, de fortifier cette place.

AN JJ. 178, n° 209, fol. 120 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 16-18

Charles, etc. Savoir faisons, etc., nous avoir receu l’umble supplicacion de nostre bien amé escuier Loys de Harcourt, seigneur de Montloys

Louis bâtard d’Harcourt, écuyer, sieur de Montlouis, capitaine et châtelain de Chauvigny (1443-1454), était un fils naturel de Jean VII comte d’Harcourt et d’Aumale, vicomte de Châtellerault (mort âgé de quatre-vingt-deux ans, le 18 décembre 1452). Il est mentionné dans des titres du 6 février 1443, des années 1447 et 1454, et ne laissa point d’enfants de Claudine du Plessis, qu’il avait épousée le 2 septembre 1444. (Le P. Anselme, t. V, p. 134.) Sur le registre criminel du Parlement du 8 juin 1450, on lit : « Sur ce que le procureur général du roy et Me François Guérinet, secrétaire de monseigneur le daulphin, et Guillemette Berland, sa femme, demandeurs en cas d’excès, ont requis default leur estre donné à l’encontre de Loyset, bâtard d’Harcourt, défendeur audit cas d’excès, adjourné à comparoir ceans en personne, sur peine de bannissement de ce royaume, de confiscation de corps et de biens et d’estre attaint et convaincu des cas, crimes, excès et delitz à lui imposez, non comparant, pour lequel Me Guillaume Fremont, son procureur, a dit qu’il a lettres pour lui à fin d’estre receu par procureur, desquelles il a requis l’entérinement ; et au contraire par lesd. demandeurs a esté dit que, veues les informacions faictes en ceste partie, la court ne doit obtemperer ausdites lettres et que, icelles non obstans, ils doivent avoir leur default, et ainsi l’ont requis. Appoincté est que au conseil la court verra les dites lettres et informacions et en ordonnera ainsi qu’il appartiendra par raison ». (Arch. nat., X2a 25.) Guillemette Berland, dame des Halles de Poitiers en partie, fille de Turpin Berland, tué à l’assaut de Galardon, le 25 juin 1421 (X1a 9200, fol. 206), avait été, seize ans auparavant, étant encore mineure et non mariée, arbitrairement séquestrée à Châtellerault (vol. précédent, p. 159, note, 301). Son mari, François Guérinet, qualifié ailleurs écuyer, seigneur du Verger, fut général des aides en Poitou. On peut voir le récit d’un autre acte de violence dont se rendit coupable le sieur de Montlouis contre Antoine de Feydeau, dans l’intéressant ouvrage de M. le baron d’Huart, intitulé : Persac et la baronnie de Calais, Mém. des Antiquaires de l’Ouest, nouv. série, t. X, 1887, p. 245 et suiv.

, près nostre ville de Poictiers, contenant que le dit lieu de Montloys est situé et assis en bon pays et bien fertil, aisié à faire fort, ouquel, se guerre sourdoit et il feust emparé, il y auroit en plus grand seurté sa personne et ses biens, et se y pourroient sauver et actraire les hommes et subgiez dudit suppliant et autres voisins, ensemble leurs biens ; et seroit le proufit de nous et du pays d’environ. Et pour ce, ledit suppliant nous a humblement fait supplier et requerir sur ce noz congié et licence. Savoir faisons que nous, consideré ce que dit est, mesmement en faveur des bons et agreables services à nous faiz par le dit suppliant, tant au fait de noz guerres que autrement, en plusieurs et maintes manières, et attendons que encores nous fera ou temps advenir, à icellui suppliant, pour ces causes et autres à ce nous mouvans, avons donné et octroyé, donnons et octroyons, de nostre grace especial, plaine puissance et auctorité royal, par ces presentes, congié et licence de clorre et faire clorre et fortiffier de murs, tours, foussez, eschiffes, barbequennes et autres choses utiles et proufitables, ledit hostel de Montloys, pourveu toutesvoyes que ce ne tourne à dommaige ne prejudice à nous ne au païs d’environ, et que le seigneur dont est tenu et mouvant ledit lieu de Montloys

Le fief de Montlouis relevait de Chauvigny.

donne à ce consentement. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers et officiers, ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, et à chascun d’eulx, si comme à lui appartendra, que, se appellez nostre procureur, des nobles du pays en ce congnoissans et tous autres qui pour ce feront à appeller, il lui appert de ce que dit est, ilz facent, seuffrent et laissent ledit suppliant joïr et user plainement et paisiblement de nostre presente grace, congié et licence, sans sur ce faire, mettre ou donner, ne souffrir estre fait, mis ou donné aucun destourbier ou empeschement au contraire, non obstant quelzconques mandemens ou defenses à ce contraires. Et afin, etc., nous avons, etc. Sauf, etc. Donné au Bois sire Amé, ou mois de juing l’an de grace mil cccc. xlvii, et de nostre règne le xxve.

Ainsi signé : Par le roy, le conte d’Evreux

C’est-à-dire Pierre de Brézé, sieur de la Varenne, sénéchal de Poitou. (Cf. notre précédent vol., p. 407-408, note.)

, maistre Jehan Bureau

Jean Bureau, trésorier de France et maître de l’artillerie (voir le vol. précédent, p. 172, note), à cette époque commissaire du roi en Poitou pour la répartition d’une amende de 18.000 livres sur les officiers de finances coupables d’exactions. (Arch. hist. du Poitou, t. XXXI, p. 119.)

et autres presens. Giraudeau. — Visa. Contentor. P. Le Picart.

MCXLI Juillet 1447

Lettres de rémission en faveur de Jean Moynaut. Etant archer en la compagnie du vicomte de Thouars, qui se rendait au siège de Pontoise, il avait été chargé avec un autre homme d’armes d’aller préparer les logis à la Grimaudière. Les gens de cette place n’ayant voulu recevoir les deux fourriers et les ayant assaillis en armes, Moynaut, obligé de se défendre, en avait tué un.

AN JJ. 178, n° 188, fol. 110 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 18-22

Charles, etc. Savoir faisons, etc., nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan Moynaut, natif de nostre pays de Poictou, contenant que, depuis le temps de sa jeunesse, il nous a servi au fait de noz guerres à l’encontre de noz anciens ennemis et adversaires les Anglois, et a suivy plusieurs compaignies et capitaines de gens d’armes et de trait, avesques lesquelz il a esté present à faire plusieurs belles rencontres sur lesdiz Anglois ; et que pour nous servir au siège de Pontoise, que nous meismes et tenismes en personne contre nos diz ennemis qui occuppoient nostre dicte ville, le dit suppliant se mist en la compaignie de nostre chier et feal cousin le viconte de Thouars

Un texte précédent (voy. notre t. VIII, p. 153, 293) rappelait déjà la participation de Louis d’Amboise, vicomte de Thouars, aux opérations du siège de Pontoise (juin-septembre 1441).

, lequel, en obeissant aux commandemens qui de par nous furent faiz publicquement que tous nobles et autres qui avoient acoustumé d’eulx armer et suivir (sic) les guerres, se missent sus et nous venissent servir audit siège contre nos diz ennemis, assembla plusieurs nobles et gens d’armes et de trait, tant ses subgiez que autres, [parmi] lesquelz et en la compaignie de nostre dit cousin le dit suppliant se mist et habilla en estat d’archier. Après laquelle assemblée faicte par nostre dit cousin, il delibera avec les archiers, escuiers et autres gens de guerre de sa compaignie de faire son chemin et venir par devers nous pour nous servir oudit siège, et qu’il vendroit et sa compaignie logier au lieu d’Oyreveau en nostre dit païs de Poictou ; et eulx estans audit logeis d’Oyreveau, conclurent que d’ilec ilz yroient logier au lieu de la Grimaudière près de Mirebeau, en faisant leur dit chemin ; ouquel lieu de la Grimaudière a place forte

M.E. de Fouchier ne mentionne point de forteresse à la Grimaudière, mais il énumère sept fiefs assez importants situés dans cette paroisse : 1° un hébergement à la Grimaudière même appartenait, vers 1440, à Payen Morin, qui se qualifiait seigneur de la Grimaudière ; 2° un autre hébergement en cette localité, dont était seigneur, en 1438, Jacques Peignerre ; 3° les Fontaines de la Grimaudière étaient en possession, l’an 1437, de Jean de Montléon, écuyer, à cause de Perrette de Ry, sa femme ; 4° le fief Jourdain, appartenant alors aux Catus (voy. notre tome VII, p. 222, note) ; 5° Jean du Fouilloux, écuyer, était seigneur, en 1437, d’un troisième hébergement à la Grimaudière, appelé Lorgères ou la Vergère ; 6° Le Grand Surin, tour au nord du bourg, appartenait à Jean Cornu en 1452 ; 7° la Tour-Ringuet, possédée, en 1444, par Christophe Petit, écuyer. (La baronnie de Mirebeau du XIe au XVIIe siècle, p. 188 et suiv.) Un seul de ces fiefs sans doute avait un château-fort.

. Et se parti nostre dit cousin et sa dicte compaignie pour aler audit lieu, et pour y faire le logeis envoierent ledit suppliant et ung homme d’armes avec lui. Lesquelz y alerent, et quant ilz furent audit lieu, pour cuidier faire le logeis, les gens de la dicte place saillirent hors d’icelle, pour cuidier empeschier qu’ilz ne feissent ledit logeis et que les dictes gens d’armes n’y logeassent, combien que à prendre le dit logeis ilz ne feussent que deux, c’est assavoir ledit suppliant et ung autre, et que ilz dissent plusieurs foiz et asseurassent les gens de la dicte place qu’ilz n’avoient garde et que on ne leur feroit aucun desplaisir, et que la compaignie ne demandoit que logier pour celle nuyt tant seulement, en passant pays et venant par devers nous ; ce non obstant, ceulx de la dicte place ne furent pas contens et saillirent à puissance, armez et embastonnez pour courir sus ausdiz suppliant et homme d’armes, et blecerent ledit suppliant et son cheval, et aussi blecerent son compaignon qui estoit avec lui, et lui passerent une lance à travers les joes. Lequel suppliant, voyant son dit compaignon et lui estre bleciez et que on chargoit fort sur ledit suppliant, pour le cuidier tuer, il se mist à chemin pour cuidier trouver manière de retirer son compaignon, mais il ne le peut faire ; et survint sur eulx un nommé Jehan Segaut, embastonné et acompaigné de plusieurs autres de la dicte forteresse, lesquelz saillirent à puissance sur eulx, et se combatirent d’une part et d’autre, les ungs contre les autres, et telement que, durant la dicte meslée, ledit suppliant bleça ledit Segaut d’une espée sur la teste, duquel coup ledit Segaut, par default de gouvernement ou autrement, dedans quinze jours ou environ après ledit coup, ala de vie à trespassement. A l’occasion duquel cas, le dit suppliant doubte que noz officiers voulsissent contre lui tendre à prinse ou emprisonnement de sa personne, et ou temps avenir proceder rigoureusement à pugnicion corporelle, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, si comme il dit, humblement requerant que, attendu qu’il est homme de bon fame, renommée et honneste conversacion, non actaint ou convaincu d’aucun vilain cas, blasme ou reprouche, que ledit Segaut et ceulx de la dicte place furent agresseurs et saillirent de la dicte forteresse sur lui et son compaignon, et blecerent icellui suppliant et son cheval, combien qu’ilz ne demandassent riens à ceulx de la dicte forteresse que logier celle nuyt, et les asseuroient ledit suppliant et son compaignon qu’ilz n’auroient aucun desplaisir, et que la dicte bleceure dudit Segaut

Le texte porte par erreur « dudit suppliant » au lieu « dudit Segaut », que le sens exige.

fut faicte par ledit suppliant de chaude cole et non pas d’aguet apensé, et n’avoit ledit suppliant paravant contre lui aucune hayne ou malvueillance, et quant il se vit ainsi blecié, son cheval et son compaignon, et que ceulx d’icelle place saillirent pour les cuidier tuer, ledit suppliant fut esmeu et de chaude cole frappa ledit Segaut, et pour lors ne savoit bonnement s’il avoit frappé ledit Segaut ou non, pour ce qu’il estoit lors tout esmeu et eschauffé, il nous plaise sur ce lui impartir icelles. Pour quoy nous, attendu ce que dit est, etc., audit suppliant oudit cas avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes aux bailliz de Touraine, des ressors et exempcions d’Anjou et du Maine, seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Bourges, ou mois de juillet l’an de grace mil cccc.xlvii, et de nostre règne le xxve.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil, P. Le Picart. — Visa. Contentor. P. Le Picart.

MCXLII Juillet 1447

Rémission accordée à Jean Gandouet, natif de la Rochelle, étudiant en l’Université de Poitiers, qui, en jouant au tir de la flèche sur le Pré-l’Abbesse de cette ville, avait blessé mortellement son camarade, Jean Esluneau.

AN JJ. 178, n° 192, fol. 112 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 22-24

Charles, etc. Savoir faisons, etc., nous avoir receu l’umble supplicacion de maistre Jehan Gandouet, natif de nostre ville de la Rochelle, naguères escollier estudiant en l’Université de Poictiers, en droit civil, aagé de xxii. ans ou environ, contenant que lui et Jehan Esluneau, aussi natif de nostre dicte ville et escollier en la dicte Université, ont demouré en nostre ville de Poictiers aucun temps ensemble et logiez en ung mesme hostel, en continuant la dicte estude et estans compaignons, et couchoient ensemble tousjours, au moins très souvent, et s’entr’amoient très bien et aloient souvent à l’esbat aux champs et ailleurs ensemble, pour la grant amour qu’ilz avoient ensemble ; et que puis aucun temps ença, en eulx esbatant, ainsi que jeunes escolliers ont acoustumé de faire, pour eulx (blanc au registre), ilz se sont jouez et esbatuz à tirer une fleiche comme d’une darde et jouoyent à reculer l’un l’autre, et en ce faisant tiroient ladicte fleiche l’un contre l’autre. Et ung jour, puis demy an ença ou environ, les diz suppliant et Esluneau, en la compaignie d’autres escolliers, alerent pour eulx esbatre au Pré l’Abbesse, qui est entre la closture de nostre dicte ville de Poictiers, et porterent une fleiche pour faire leur dit esbatement et jouer audit jeu, ainsi que autres foiz avoient fait. Et eulx estans audit pré, c’est assavoir ledit suppliant d’une part, et ledit Esluneau, d’autre, commancerent à gecter ladicte fleiche, laquelle ledit suppliant print et la gecta en arrière main envers ledit Esluneau, et tantost qu’il l’eust ainsi gectée, crya à haulte voix et dist audit Esluneau par plusieurs foiz : « Garde, la fleiche ! garde, la fleiche ! » Et lors ledit Esluneau, lequel peut bien oïr ledit suppliant, regarda où aloit ladicte fleiche, mais il ne s’en peut pas garder ne destourner si promptement ne hastivement que ladicte fleiche vint à lui et lui cheut sur le genoil, et lui fist une playe. Et tantost après, ledit suppliant, quant il sceut que ledit Esluneau, son compaignon, estoit blecié, vint par devers lui et le mena en l’ostel d’un barbier en ladicte ville de Poictiers, et le fist appareiller et penser le mieulx qu’il peut. Et depuis ont couchié plusieurs mois ensemble et fait bonne chière, ainsi qu’ilz avoient acoustumé par avant, et a aidé tousjours ledit suppliant à penser et appareiller ledit Esluneau, durant ladite blesseure, de laquelle il a esté malade deux mois ou plus, ès mains des barbiers qui le pensoient ; et ce pendant a tousjours conversé avecques lui, très desplaisant de son mal, jusques à ce qu’il sceut que les barbiers qui pensoient ledit Esluneau disoient qu’il estoit en peril de mort. Lequel suppliant, troublé et desplaisant de ce, se absenta et se mist en franchise. Et ce pendant, environ la feste de saint Jehan Baptiste derrenier passée, à l’occasion de ladicte blesseure, ledit Esluneau, par faulte d’avoir esté bien pensé et par barbiers en ce non expers et congnoissans, et de gouvernement ou autrement, est alé de vie à trespassement. A l’occasion du quel cas ledit suppliant qui estoit prest d’entrer à l’examen de sa licence, doubtant rigueur de justice, s’est absenté et a delaissé son dit estude et n’oseroit jamais retourner au pays, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties ; humblement requerant que, attendu le jeune aage dudit suppliant, que ledit cas est advenu de cas d’aventure et non pas d’aguet apensé ne propoz deliberé, par mauvaise malice, ne aucune hayne ou malvueillance, et n’avoit entre les diz feu Esluneau et suppliant aucune noise et debat, mais s’entr’amoient comme frères, couchoient ensemble paravant et depuis ledit cas avenu, ont fait plusieurs foiz comme frères et compaignons d’escolle ont acoustumé faire, et que plusieurs foiz ilz avoient joué ensemble audit jeu, sans ce que aucun inconvenient en feust advenu, etc., il nous plaise sur ce lui impartir icelles. Pourquoy nous, attendu ce que dit est et la manière dudit cas, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes aux seneschaulx de Poictou, Xanctonge, gouverneur de la Rochelle et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Bourges, ou mois de juillet l’an de grace mil cccc. quarante et sept, et de nostre règne le xxve.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. E. Froment. — Visa. Contentor. P. Le Picart.

MCXLIII Août 1447

Extrait de lettres d’abolition données en faveur de Guillaume Vacher, écuyer, relatif à la prise par le sieur de Brisay de la place de « la Perrouse » et à une expédition qu’il dirigea de l’Isle-Jourdain pour forcer cinq ou six cents habitants du pays, qui faisaient le siège de ladite place, à s’en éloigner.

AN JJ. 179, n° 8, fol. 4 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 24-26

Charles, etc. Savoir faisons, etc., nous avoir receue l’umble supplicacion de nostre bien amé Guillaume Vacher, escuier, contenant que, etc., … a fait et commis plusieurs autres excès, crimes, deliz et malefices, lesquelz bonnement il ne pourroit exprimer ne declairer, fors toutesvoyes que, vingt et ung an a ou environ, lors que envoyasmes querir le feu bastard de Culant

Sur le bâtard de Culant, voy. notre vol. précédent, p. 369, note, 371. Dans les lettres de juin 1446, où il est déjà mentionné, on peut constater qu’il n’est pas dit défunt.

pour aler avecques autres prendre le Mans

Salisbury étant venu mettre le siège devant la ville du Mans au mois de juillet 1425, le connétable de Richemont avait envoyé au secours de la place J. Girard, mais avec un petit nombre de gens de guerre. En même temps il faisait des levées de troupes en divers lieux ; il y eut des concentrations à Saumur, à Angers, à Sablé, et aussi dans le Poitou, comme on le voit ici. Mais on ne fut prêt à entrer en campagne que trop tard. Les Anglais, servis par une artillerie formidable, firent capituler la place le 2 août et en prirent possession le 10. C’est évidemment à cette prise d’armes et à cette tentative inutile qu’il est fait allusion ici.

, en laquelle compaignie estoit ledit suppliant, ayant charge de gens de par ledit feu admiral

Louis de Culant, amiral de France. (Cf. vol. précédent, p. 348, note.)

, et en faisant icellui voyage, furent logiez les dessus diz en ung lieu appellé l’Isle Jourdain, auquel lieu le seigneur de Brizay et de Saint Germain sur la Vienne

Jean de Brisay était seigneur de Saint-Germain-sur-Vienne à cause de sa mère Marguerite de Rochechouart, fille d’Aimery, sieur de Mortemart, Vivonne, etc. (Voy. la notice consacrée à ce personnage, dans notre vol. précédent, p. 111, note.)

, envoya ledit suppliant et ung nommé Vasselet, qui pareillement avoit charge de gens d’armes, trois ou quatre gentilzhommes, leur prier qu’ilz voulsissent secourir xx. ou xxv. gentilzhommes que nostre chier et amé cousin le conte de la Marche avoit baillez audit seigneur de Brizay, entre lesquelz estoient Pierre de Murat et Odet de Xainton, lesquelz avecques autres avoient prins une place nommée la Perrouse, où ilz se tenoient et y estoient assiegez de cinq ou six cens hommes des gens du pays. En obtemperant à la quelle requeste du dit seigneur de Brizay, icellui suppliant et autres gens de guerre alerent avecques ledit seigneur de Brizay pour faire lever les diz hommes qui estoient devant ladicte place et y tenoient ledit siège. Et incontinant que les diz hommes et gens du pays tenans ledit siège sceurent leur venue, ils se leverent et s’en retrahy partie d’eulx en une eglise à trois traiz d’arc ou environ près d’icelle place qu’ilz avoient assiegée. Et quant lesdiz Pierre de Murat et Odet de Xainton, qui estoient en ladicte place assiegez, virent que lesdiz hommes s’estoient levez et departiz dudit siège, et retraiz en ladicte eglise, et que ledit seigneur de Brizay venoit, acompaigné dudit suppliant et autres gens de guerre pour lui secourir, saillirent de ladicte place et s’en alerent à ladicte eglise où ilz mirent le feu. Et ce voyant, les diz hommes dedans retraiz et que ledit seigneur de Brizay, ledit suppliant et autres gens de guerre venoient, mesmement que ledit feu estoit jà si grant que les aucuns bruloyent et qu’ilz ne se povoient plus tenir, se rendirent audit seigneur de Brizay. Et après qu’ilz se furent renduz, icellui seigneur de Brizay bailla audit suppliant et autres gens de guerre estans en sa compaignie, ung homme de ceulx qui estoient en ladicte eglise, qui ainsi s’estoient renduz, dont ilz eurent quatre vings escuz et environ trois marcs d’argent. Pour occasion desquelz cas, crimes et deliz dessusdiz, ledit suppliant doubte rigueur de justice, etc. Si donnons en mandement par ces presentes aux bailliz de Berry, de Saint Pierre le Moustier, au seneschal de Lymosin et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Bourges, au mois d’aoust l’an de grace mil cccc.xlvii, et de nostre règne le xxve.

Ainsi signé : Par le roy en son conseil, A. Rolant. — Visa. Contentor. Ja. de la Garde.

MCXLIV Septembre 1447

Rémission accordée à Jean Bloyn, laboureur, de Saint-Hilaire-de-la-Claye, qui avait causé la mort de Jean Festineau en le plongeant à plusieurs reprises dans la rivière du Lay, parce qu’il l’avait surpris lui volant son poisson.

AN JJ. 178, n° 236, fol. 134 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 26-30

Charles, etc. Savoir faisons, etc., nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan Bloyn, laboureur, chargié de femme et de plusieurs petis enfans, contenant que ledit suppliant estant en son hostel, situé et assis ou bourg de Saint Hilaire de la Claye ou pays de Poictou, avoit et tenoit en la rivière du Loy, laquelle passe près de son dit hostel et ès marois joignans icelle rivière, certains instrumens et engins pour peschier poisson, nommez et appellez borgnes ou borgnons, et avoit acoustumé le dit Bloin les mettre et asseoir souvent en ladicte rivière et ès diz marois, pour prendre du poisson pour lui, sa femme et ses enfans. Et pour ce que ung nommé Jehan Festineau, demourant à ung quart de lieue dudit Bloyn ou environ, estoit coustumier de lever les borgnes et engins du dit Bloyn et en prendre le poisson à son desceu, le dit suppliant lui deffendit et dist plusieurs foiz qu’il ne lui emblast point ne prensist le poisson de ses borgnes ou engins, car s’il le trouvoit en ce faisant il le gecteroit en la rivière ; et que, le mardi devant Pasques fleuries derrenierement passées, ledit suppliant estant au port de la Claye, avecques autres, environ dix heures du matin, vit et apparceut que ledit Jehan Festineau et deux autres, estans en ung petit vaisseau sur ladicte rivière, levoient les borgnons et engins du dit suppliant et en prenoient le poisson ; lequel lieu du port de la Claye estoit distant du lieu où estoient lesdiz borgnons de deux traiz d’arc ou environ ; et pour ce print icellui suppliant ung petit vaissel, qui estoit au dit port de la Claye, et se mist dedans pour aler jusques au lieu ouquel ledit Festineau et les dessus diz prenoient son poisson ; les quelz Festineau et les deux autres estans en sa compaignie, voyans que ledit suppliant aloit à eulx et doubtans qu’il leur courust sus, tirerent à lui et prindrent des perches ou forchaz qu’ilz avoient en leur vaisseau, pour eulx en aler et fouyr devant lui ès diz maroiz, afin qu’il ne leur ostast son dit poisson ; et pour ce qu’il avoit bien peu d’eaue ès diz marois et que ledit vaisseau ne povoit plus aler par default d’eaue, les deux compaignons qui estoient ou vaisseau avec ledit Jehan Festineau saillirent hors dudit vaisseau pour fouyr par les diz marois, et laisserent ledit Jehan Festineau avec le poisson qu’ilz avoient prins ès diz borgnons ; et fist tant ledit suppliant qu’il approucha le vaisseau ouquel il estoit jusques au vaisseau du dit Festineau, et quant il fut joignant le vaisseau du dit Festineau, il lui dist qu’il faisoit que mauvais homme de lui prendre et embler son poisson, et que autrefoiz il lui avoit defendu qu’il ne le prensist ; et print ledit suppliant son poisson qu’il trouva audit vaisseau dudit Festineau, et avec ce, desplaisant dudit larrecin que lui avoit fait le dit Festineau, lors et autresfoiz, print ledit Festineau à la robe et le gecta dedans la rivière où il n’avoit que demy pié d’eaue ou environ, sans le frapper de pié ne de main ne autrement. Lequel Festineau incontinent après se remist en son vaisseau, mais ledit suppliant le gecta et remist derechief en l’eaue, et ne lui voult point aidier à soy lever de l’eaue, et s’en ala en sa maison et le laissa dedans l’eaue ; dont ledit Festineau se tira et yssi. Et le lendemain, ledit Festineau garda avec les pastoreaulx ses bœufz et les jours ensuivans se maintint et gouverna tout ainsi qu’il avoit acoustumé de faire, le temps passé. Lequel Festineau estoit maladif et detenu d’une griefve maladie et avoit esté en langueur six ans avoit et plus. Depuis lesquelles choses, ledit Festineau vesqui dix sept jours entiers, ala et vint à la messe et à ses autres affaires, ainsi qu’il avoit acoustumé de faire, et le xviie jour ledit Festineau, à l’occasion de la dicte maladie qu’il avoit longuement portée, ou d’autre qui lui survint, ou autrement, ala de vie à trespassement. Et pour ce que ledit suppliant, à cause de son labouraige, peine et travail, avoit assez bonne souffisance de biens, noz officiers lui bailloient les commissions pour lever noz tailles mises sus et imposées de par nous sur les manans et habitans en la ville et parroisse dudit lieu de Saint Hilaire de la Claye, et à ceste cause le dit suppliant avoit plusieurs hayneux et malvueillans en ladicté paroisse, lesquelz lui imposerent qu’il avoit esté et estoit cause de la mort dudit feu Jehan Festineau, et le dirent et revelerent à Jaques Royrand

Un inventaire de titres produits, en 1487, par Nicolas Royrand, garant de François Pouvereau, pour un procès que celui-ci avait à soutenir devant le sénéchal de Poitou contre Maurice Claveurier, seigneur de la Tour-Savary, permet d’établir ainsi la filiation de Jacques Royrand. Une fille de Denis Gillier et de Jeanne de Taunay, sa troisième femme, Jeanne, épousa Pierre Royrand, écuyer, et lui apporta, entre autres biens de la succession paternelle, le moulin de Moussay (Mossay, fief relevant de Gençay). Ils eurent pour héritier Guillaume Royrand, chevalier, leur fils. La succession passa ensuite à Jacques, fils de Guillaume. Ce dernier céda le moulin à Nicolas Royrand, son fils, à l’occasion de son mariage avec Marguerite Chailleo, le 11 décembre 1467, et Nicolas en jouit paisiblement jusqu’au jour où Maurice Claveurier voulut imposer au meunier de Moussay la mesure de la Tour-Savary, origine du procès en question. (Arch. du château de la Barre, invent. publ. par A. Richard, t. II, p. 113.) Un Pierre Royrand était sénéchal de la Mothe-Achard, le 11 novembre 1414, châtelain de Talmont et d’Olonne pour le vicomte de Thouars, les 4 janvier 1414 et 12 novembre 1417, et enfin sénéchal de Talmont, le 7 septembre 1425. (Cartulaire d’Orbestier, t. VI des Arch. hist. du Poitou, p. 408, 412, 421 et 439.) On ne sait si ce personnage doit être identifié avec le mari de Jeanne Gillier. Quoi qu’il en soit, celle-ci est dite veuve de Pierre Royrand dans un arrêt du 25 juillet 1431, relatif à la succession d’Herbert de Taunay, son oncle, dont une part devait lui appartenir (X1a 9192, fol. 244 v°). L’année suivante, en tout cas avant le mois de juin 1433, elle était remariée à Jean de Vaily, premier président au Parlement de Poitiers, qui continua le procès au nom de sa femme, contre les frères de celle-ci, Étienne et Jean Gillier, de juin à décembre 1433. (X1a 9194, fol. 48 v°, 49, 52, 55, 60 v° ; X1a 9200, fol. 167, 177, 179, 181, 185, 186.) Quant à Guillaume Royrand, chevalier, père de Jacques, sieur de la Claye, il poursuivait, en 1430, Jean Buor, chevalier, sieur de la Gerbaudière, et un serviteur de celui-ci nommé Paul Pinet, qu’il accusait d’avoir fait piller son hôtel de la Girardière par des Bretons de la garnison de Bournezeau (Plaid. du 8 août, X2a 18, fol. 221), et le 28 mars 1433, il demandait à reprendre les procédures contre Marie de Savonnières, veuve dudit Buor (X2a 21, à la date). Il est nommé aussi dans une transaction passée, le 2 avril 1435, entre sa mère Jeanne Gillier, et les enfants de Jean de Vaily, second mari de celle-ci, touchant son douaire (X1c 149).

, seigneur dudit lieu de la Claye, et à ses officiers. Lequel Royrand commanda à ses diz officiers prendre ledit suppliant et le mettre en dure et estroicte prison ; pour doubte de laquelle prinse et emprisonnement, ledit suppliant se absenta du pays. Depuis l’absence duquel, ledit Jaques Royrand print tous les biens meubles dudit suppliant montans à grant estimacion et valeur, et le menace que, s’il le puet tenir, qu’il le mettra en très estroictes prisons, et le traictera rigoureusement. Pour doubte desquelles choses ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, n’oseroit jamais retourner au pays, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, humblement requerant que, attendu que ledit Bloyn a tousjours esté et est homme paisible, de bonne vie, renommée et honneste conversacion, etc., et ne le frappa ne bati, et le gecta en la rivière, de la grant desplaisance qu’il avoit de ce qu’il lui embloit son poisson, etc., et il est à croire qu’il n’est pas mort de ce qu’il lui fist, mais à l’occasion de la maladie qu’il avoit paravant, il nous plaise lui impartir icelles. Pour quoy nous, attendu ce que dit est, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant avons ou cas dessus dit, remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes aux seneschal de Poictou et de Xanctonge et gouverneur de la Rochelle, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Bourges, ou mois de septembre l’an de grace mil cccc.xlvii, et de nostre règne le xxve.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. J. Duban. — Visa. Contentor. P. Le Picart.

MCXLV Septembre 1447

Rémission octroyée à Jean Texereau et Laurent Dutay, qui, à la nouvelle qu’une compagnie de gens de guerre avait pris en otage les femmes du village des Tranchées, jusqu’à ce qu’une rançon fixée leur eût été payée, sortirent de la forteresse de la Bouninière, où ils s’étaient retirés, se saisirent de trois de ces hommes, et les noyèrent dans un étang.

AN JJ. 178, n° 241, fol. 137 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 30-33

Charles, etc. Savoir faisons, etc., nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan Texereau et Laurens Dutay, povres laboureurs, natifz de nostre pays de Poictou, contenant que, cinq ans a et demy ou environ, le second samedi de caresme, certaine grant compaignie de gens d’armes vindrent logier au long de la rivière de Brain et passerent, environ dix heures de matin, par devant la forteresse de la Bouninère, en laquelle les diz supplians s’estoient retraiz pour ce que les dictes gens d’armes prenoient prisonniers toutes manières de gens qu’ilz povoient trouver ; et une heure après ou environ, vint à la dicte forteresse la femme de Thomas Texereau, frère du dit Jehan Texereau, suppliant, demourant ou villaige de Trenchés, laquelle dist à la dame dudit lieu de la Bouninère et autres estans en la dicte place, qu’il estoit demouré oudit villaige trois desdiz gens d’armes qui avoient raençonné elle et les autres femmes du dit villaige, entre lesquelles estoit la femme du dit Jehan Texereau, suppliant, à la somme de quatre royaulx et du pain et du vin, et qu’ilz avoient prins et detenoient les autres femmes du dit villaige pour les emmener au logeis, se ilz n’avoient tantost la dicte raençon, et pour ce l’avoient envoyée à la dicte forteresse pour faire finance d’icelle raençon ; et print du pain et du vin, et atant s’en retourna. Et lors aucuns qui estoient en la dicte forteresse, quant ilz sceurent que les diz gens d’armes tenoient les dictes femmes prisonnières audit villaige, disdrent que il convenoit aler rescourre les dictes femmes ; et finablement une ou deux heures après, les diz supplians et autres, embastonnez les ungs d’arbalestes, les autres d’espielz et les autres d’espées ou autres habillemens de guerre, se transporterent oudit villaige de Trenchés, en l’ostel où estoient les diz compaignons, et à l’entrée en trouverent l’un qui cuida tirer son espée. Et lors ledit Dutay suppliant lui donna d’un espiot qu’il avoit sur la teste, en laquelle il avoit une salade, et tantost les autres de la compaignie le saisirent au corps, et aussi les autres deux qui estoient au dedans de la dicte maison, et iceulx avec leurs chevaulx et habillemens emmenerent en ung bois estant près du dit villaige, où ilz les detindrent jusques environ une heure après jour couchié, et les cuiderent mener à Partenay, mais ilz n’oserent, doubtans estre rencontrez des autres gens d’armes qui estoient sur le pays, et aussi ne les oserent laisser aller, doubtans qu’ilz les eussent après destruiz, bruslé leurs maisons ou fait autres maulx ; et finablement les menerent à celle heure sur ung estang estant près d’ilec, appellé l’estang de la Pleigne, et les firent despoiller en chemises, et les lierent de roortes à bastons, c’est assavoir les deux plus aagiez à ung baston et le plus jeune à ung autre baston tout seul, et les gecterent dedans le dit estang ; et tantost se noya le plus jeune, mais les autres deux ne se povoient noyer. Et lors ledit Dutay se mist en l’eaue et d’une espée leur donna du trenchant cinq ou six coups sur la teste, et à la pointe de l’espée les fist afondrer telement qu’ilz furent noyez. Et ce fait, s’en alerent et emmenerent les diz chevaulx et despoille oudit villaige de Trenchés, jusques au landemain que chascun d’eulx s’en ala en sa maison. Et huit jours après ou environ, pour ce que les diz gens d’armes faisoient escourre ledit estang, pour avoir le poisson qui estoit en icellui, les diz supplians doubtans que ilz veissent les diz compaignons de guerre noyez, alerent de nuit au dit estang et prindrent les diz compaignons et les enterrerent ; et depuis n’en a esté autre chose fait. Toutesvoyes les diz supplians, qui en tous autres cas se sont bien et doulcement gouvernez, sans avoir esté reprins, actains ne convaincuz d’aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, doubtent rigueur de justice et que noz officiers ou autres voulsissent ou temps avenir les faire pugnir corporelment se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, requerans humblement que, attendu que les diz gens de guerre faisoient maulx innumerables et tenoient les dictes femmes prisonnières et les vouloient emmener en leur logeis, et que ilz doubtoient, se ilz eussent emmenées les dictes femmes, qu’ilz les eussent violées, comme il estoit nouvelles que les diz gens de guerre avoient fait autre part, et que pour la grant doubte et crainte qu’ilz avoient qu’ilz les violassent et forçassent, ilz furent telement troublez et esmeuz que de chaude cole et de grant desplaisir ilz commirent le dit cas, il nous plaise leur impartir icelles. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, aus diz supplians et chascun d’eulx ou cas dessus dit avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes à nostre seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Bourges, ou mois de septembre l’an de grace mil cccc. quarante et sept, et de nostre règne le xxve.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Rippe. — Visa. Contentor. P. Le Picart.

MCXLVI Septembre 1447

Lettres d’abolition en faveur de Louis de Barbezières, écuyer, pour toutes les détrousses dont il s’est rendu coupable à la guerre, et spécialement pour le meurtre d’un homme d’armes de la compagnie du sénéchal de Poitou.

AN JJ. 185, n° 138, fol. 104 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 33-36

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Loys de Berbegières

La plus récente généalogie de la maison de Barbezières ne permet pas d’identifier sûrement ce personnage. Il y est question d’un Pierre de Barbezières, écuyer, seigneur de Montigné, qui fit accord, le 29 octobre 1456, avec le sieur de La Rochefoucauld, et est appelé Louis dans un inventaire de 1724 où cet acte est mentionné. Ce Pierre ou Louis épousa Guyonne Eschallé et eut un fils, prénommé Louis, qui était en procès avec sa mère, l’an 1480, au sujet des dîmes de Barbezières. (Beauchet-Filleau, Dict. des familles du Poitou, nouv. édit., t. I, p. 272.)

, escuier, contenant que, comme ledit suppliant soit noble, né et extrait de noble lignée et luy estant jeune en l’aage de dix ans fut page de Foulquet seigneur de la Rochefoucault

Il y avait un Foulques de La Rochefoucauld, seigneur de la Boissière, qui était homme lige du comte de Poitou, en 1418, pour la tour d’Auzance et la motte et place du château de Champagné. (Arch. nat., P. 1144, fol. 8 v°.) S’il s’agissait ici de ce personnage, il ne serait point appelé seigneur de la Rochefoucauld, titre réservé au chef de la branche aînée. Ce ne peut être que Foulques ou Foucaud III, fils aîné de Guy VIII, seigneur de la Rochefoucauld, mort en 1427, et de Marguerite de Craon, d’après les généalogistes, tels que A. du Chesne, le P. Anselme, La Chenaye-Desbois. Mais ces auteurs disent que Foucaud III, conseiller et chambellan de Charles VII, fut armé chevalier devant le château de Fronsac en 1451, qu’il testa en 1466 et mourut peu après, tandis que le « Foulquet de la Rochefoucauld » de notre texte décéda avant l’année 1430. Cette contradiction flagrante rend vraisemblable l’hypothèse de l’omission d’un degré dans les généalogies imprimées. Il y aurait eu deux Foulques, successivement seigneurs de La Rochefoucauld, celui dont il est question dans les lettres en faveur de Louis de Barbezières, mort relativement jeune, et le Foucaud III des généalogistes, qui serait en réalité Foucaud IV, fils de notre « Foulquet » et petit-fils de Guy VIII.

, lequel il servi comme page par le temps et espace de dix ans ou environ et jusques à son trespassement, et après demoura avec Aymar de la Rochefoucault, chevalier, seigneur de Montbason

Aymar, troisième fils de Guy VIII, seigneur de La Rochefoucauld, et de Marguerite de Craon, eut de la succession de sa mère les seigneuries de Montbazon, de Sainte-Maure et de Nouâtre, dont il rendit hommage le 13 décembre 1436. Il servait contre les Anglais en 1441, et avait épousé Jeanne de Martreuil, dame de Hérisson, veuve d’Antoine de Vivonne, sieur de Bougouin, fille de Guillaume de Martreuil. Le sieur de Montbazon eut un fils et sept filles et mourut avant sa femme, qui vivait encore en 1467. (Le P. Anselme, Hist. généal., t. IV, p. 424.) Aymar de La Rochefoucauld et Jeanne de Martreuil firent hommage lige au sire de Parthenay (Arthur de Richemont), l’an 1450, pour leur château de Leigné et ses dépendances. (Arch. nat., R1* 190, fol. 279.)

, lequel le mist en garnison du chastel de Blenzac qui estoit assis sur la frontière de noz anciens ennemis les Anglois, occuppans lors nostre pays et duchié de Normandie (sic) ou partie d’icellui. Pendant lequel temps se meu debat entre ledit de la Rochefoucault et feu Jehan de la Roche, lors nostre seneschal de Poictou, et à ceste cause et autres firent ledit suppliant et autres estans en garnison audit lieu de Blenzac pluseurs courses sur les champs, prinsdrent gens, marchans et autres, les destrousserent et firent pluseurs autres pilleries et roberies, ainsi que gens de guerre avoient accoustumé de faire ; ès quelles destrousses et pilleries le dit suppliant fut aucunes foiz, et y avoit son butin comme les autres. Et advint que ung certain jour, dix huit ans a ou environ, ledit suppliant conduisoit son frère et sa femme et autres du lieu de Barbegières à Lanville, appartenant audit de la Rochefoucault, et eulx estans ilec, arriva ung nommé Peyret, de la compaignie dudit feu Jehan de la Roche, qui avoit fait pluseurs maulx et dommages en la terre de la Rochefoucault ; et pour ce qu’il voult entrer en la forteresse dudit lieu de Lanville, ledit suppliant lui donna d’un espiot sur la teste ung cop tellement qu’il chey à terre ; et quant il fut cheu, ung autre de la compaignie dudit suppliant luy donna ung autre cop d’une espée sur la teste, à l’occasion desquelz cops il ala tantost après de vie à trespassement. Et depuis a ledit suppliant tousjours esté en nostre service sur la frontière de nos diz ennemis, en leur faisant guerre tant audit lieu de la Rochefoucault, le Cor, Marthon, Montignac que autres places ; et durant ce a vesqu sur le peuple du plat pays, prins, ravi et emporté biens, meubles, utensilles d’ostel, et fait et commis, pendant le temps qu’il a esté en la guerre, pluseurs autres maulx et destrousses, lesquelles il ne sauroit specifier et declairer. Et aussi ledit suppliant estant au siège devant la place de Cor

Sur le siège d’Aucor, voy. vol. précédent, p. 313, 379, 380, note.

, tenu par aucuns de noz chiefz de guerre, acheta ung cheval d’ung Anglois, et pour ce qu’il n’avoit pas argent de quoy le payer, vendi son harnois à ung autre Anglois pour payer ledit cheval, qui estoit de grant pris. A l’occasion desquelles choses ainsi par luy faictes et commises, il doubte que on voulsist proceder ou temps avenir à punicion corporelle à l’encontre de luy, ou autrement le vexer, molester, travailler en corps et en biens, se nostre grace ne lui estoit sur ce impartie, si comme il dit, humblement requerant icelle. Pour quoy nous, ces choses considerées, etc., avons quicté, remis, pardonné et aboly, etc., reservez et exceptez meurtre autre que celluy qui est cy dessus declairé, boutemens de feux, sacrilège, forcement et ravissement de femmes et de filles, que ne voulons estre comprins soubz nostre presente abolicion, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, aux seneschaulx de Poictou, Lymosin, Xanctonge, bailliz de Berry, de Touraine, des ressors et Exempcions d’Anjou et du Maine, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Bourges, ou mois de septembre l’an de grace mil cccc. quarante sept, et de nostre règne le xxve.

Ainsi signé : Par le roy, en son conseil. Rolant. — Visa. Contentor. Froment.

MCXLVII Septembre 1447

Lettres d’abolition en faveur de Jean de Courdault, écuyer, seigneur dudit lieu, pour tous les excès et crimes qu’il avait pu commettre durant les expéditions militaires auxquelles il avait pris part.

AN JJ. 187, n° 286, fol. 153 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 36-39

Charles, etc. Savoir faisons, etc., nous avoir receu l’umble supplicacion de nostre amé Jehan de Courdaut

Il était fils d’Eustache de Courdault, écuyer, et de Perrette Regnon, dame du Plessis-Regnon, suivant le Dict. des familles du Poitou (nouv. édit.). Cette dame est appelée Perrette Renoul dans deux défauts prononcés au Parlement, le 20 juillet 1441 et le 8 avril 1443, contre elle et son mari, au profit de l’abbaye de l’Absie-en-Gâtine qui les poursuivait au criminel. (Arch. nat., X2a 22, aux dates ci-dessus.) Eustache était mort avant le 23 septembre 1454, époque où sa veuve donna procuration à leur fils Jean pour rendre un hommage au seigneur de Sainte-Flaive. Jean étant dit ici seigneur dudit lieu de Courdault, on peut admettre que son père était déjà décédé à cette date de septembre 1447. Il passa une transaction, en 1455, avec Jean de Daillon, chevalier, au sujet des arrérages d’une rente qu’il lui devait. (A. Richard, Arch. du château de la Barre, t. II, p. 418.) Le 16 mars 1458, il assista comme membre de la noblesse à l’assemblée des notables de la châtellenie de Bressuire. (B. Ledain, Hist. de Bressuire, p. 118.) Il avait épousé, avant 1440, Ardouine, fille de Huguet de Bouillé ou Boulié, seigneur dudit lieu, et de Louise de la Brosse.

Jean de Courdault était sans doute sincère quand, pour se faire pardonner ses anciens méfaits, il promettait de vivre désormais dans la retraite, « du sien propre, sans faire tort à personne ». Mais ses vieilles habitudes de routier reprirent vite le dessus Dès l’année suivante il se rendit de nouveau coupable de violences et de déprédations. Jean Bouchier, écuyer, seigneur des Échardières, porta plainte contre lui pour coups et blessures et pour vol d’un cheval, de bestiaux et d’autres biens de la valeur de 400 écus d’or. Le procureur d’Artur de Richemont, seigneur de Parthenay, l’ajourna à comparaître à la cour de Vouvant ; puis, à la requête de la victime, l’affaire fut portée devant le lieutenant du sénéchal de Poitou, qui se déclara compétent par sentence dont Jean de Courdault releva appel au Parlement. Par arrêt du 18 janvier 1449, la cour déclara l’appelant mal fondé, le condamna à l’amende et aux frais et renvoya les parties devant le sénéchal de Poitou. (Arch. nat., X2a 26, fol. 37.) Nous ne connaissons pas l’issue de ce procès.

, escuier, seigneur dudit lieu de Cordaut en Poictou, contenant que ledit suppliant qui est noble, né et extrait de noble lignée, dès son jeune aage a frequenté et suyvy les armes, et nous a servy ou fait de noz guerres en plusieurs voyages et armées, à l’encontre de noz anciens ennemis et adversaires les Angloiz et autres tenans le party à nous contraire, et mesmement a esté, durant lesdictes guerres et lui estant bien jeune, en garnison à Laval soubz ung nommé Marcillé, qui lors avoit charge de par nous de gens d’armes à l’encontre desdiz Anglois

Avant le 13 mars 1428, date de la prise de Laval par Talbot. Cette ville resta alors dix-huit mois au pouvoir des Anglais ; elle leur fut enlevée le 25 septembre 1429.

 ; aussi a esté ou voyage de Galardon

Il a été question précédemment de la prise de Gallardon par Dunois, en 1443 (t. VIII, p. 372 et note). Ce n’est point évidemment de cette affaire dont il est question ici. Il s’agit plutôt de l’expédition dirigée par le dauphin Charles en personne au milieu de l’année 1421. Cette place, occupée alors par une garnison bourguignonne, fut emportée d’assaut, le 25 juin, après deux jours de siège. Pour venger la mort de Charles de Montfort, tué dans l’attaque, on passa au fil de l’épée tous ceux qui, armés ou non, s’étaient réfugiés dans l’église et s’étaient rendus prisonniers. La ville, qui était fort riche, fut pillée ; ses murailles furent abattues. (De Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. I, p. 227.)

avec feu Guy de Beaumont

Guy de Beaumont, seigneur de Bressuire, vécut jusqu’en mars ou avril 1440. (Cf. la notice consacrée à ce personnage dans notre tome VII, p. 378.) Il fit partie aussi de l’armée réunie pour la journée de Sillé-le-Guillaume, dont il est question ci-dessous.

, en son vivant chevalier, à la journée de Losmeau près Sillé

Le registre porte « Lisle ».

le Guillaume

En janvier 1434, le comte d’Arundel était allé assiéger Sillé-le-Guillaume, petite ville assez mal fortifiée, défendue par Aimery d’Anthenaise, lieutenant du sire de Bueil. Celui-ci avait dû s’engager, en donnant des otages, à livrer cette place s’il n’était pas secouru avant six semaines. D’après cette convention, les Anglais devaient rendre les otages si, au jour fixé, les Français se trouvaient près d’un orme dans une lande voisine et s’ils étaient les plus forts. Le connétable de Richemont, qui venait de rentrer en grâce auprès du roi, après l’éloignement de G. de La Trémoïlle, résolut de paraître avec des forces imposantes, à cette journée, et parvint à réunir toute une armée. Les sires de Bueil, de Brézé, de Coëtivy, de Chaumont, le vicomte de Thouars, récemment sorti de sa prison, avaient répondu à son appel. Le connétable amena de son côté les maréchaux de Raiz et de Rieux, le sire de Rostrenen et plusieurs chevaliers et écuyers de Bretagne et de Poitou, si bien qu’au jour dit les Anglais, quoique au nombre de 8.000 combattants, commandés par le comte d’Arundel, n’osèrent pas lui livrer bataille. Ils se retirèrent dans un village voisin où ils se fortifièrent. Comme ils n’avaient pas été les plus forts avant l’heure de midi, le connétable les fit sommer de rendre les otages, qu’ils renvoyèrent aussitôt. (E. Cosneau, Le connétable de Richemont, p. 207-209.)

, en la compaignie de nostre très chier et amé cousin le connestable de France, semblablement au siège de la Charité

Le fameux chef de routiers Perrinet Grasset s’était rendu maître de la Charité qu’il parvint à garder plusieurs années. Le siège de cette place mentionné ici eut lieu l’an 1430. Jean de Brosse, dit le maréchal de Boussac, qui en dirigeait les opérations, subit un échec et dut se retirer. D’après le héraut Berry, c’est en juillet 1440 que Charles VII, à son retour du Bourbonnais, réduisit la Charité en son obéissance et y mit bonne garde. (Chronique de Charles VII. Edit. Godefroy, in-fol., p. 412.)

en la compaignie du sire de Boussac

Sur ce personnage, cf. la note de la p. 297 de notre précédent volume.

, mareschal de France, ou voyage de Vernueil

Les historiens mentionnent plusieurs tentatives contre Verneuil à cette époque. Le duc d’Alençon avait échoué devant cette place en septembre 1435. Le bâtard d’Orléans s’en empara à la fin du mois suivant, mais elle retomba bientôt au pouvoir des Anglais, auxquels elle ne fut définitivement enlevée qu’au milieu de l’année 1449.

, avec plusieurs cappitaines et gens de guerre bretons et autres, et aussi en garnison de par nous en aucunes places de Poictou, et nous a tousjours servy contre ceulx qui tenoient le party à nous contraire, durant le temps desdictes guerres. Pendant lequel temps, plusieurs destrousses, bateries, mutilacions, raençonnemens de gens et plusieurs autres excès, crimes et delitz qu’il ne sauroit declairer, obstant le long temps qu’il a qu’ilz ont par lui et autres ses compaignons esté faiz et perpetrez. Et soit ainsi que ledit suppliant puis long temps en ça se soit retrait en sa maison et vesqu du sien propre sans faire tort à personne, et a entencion de tousjours ainsi faire, sa vie durant ; maiz il doubte que au moien des destrousses, raençonnemens, bateries, mutilacions et autres deliz de par lui et autres ses compaignons commis et perpetrez, durant ledit temps des guerres, que on le vueille poursuir par justice, et par ce il soit en dangier de ses biens et personne, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties. Humblement requerant que, attendu les services à nous faiz par ledit suppliant, durant le temps de nos dictes guerres, que les cas commis par noz gens de guerre durant icellui ont esté par nous generalement aboliz et pardonnez, il nous plaise lui impartir icelles. Pour quoy nous, etc., audit suppliant avons quicté, aboli et pardonné, etc., reservé toutesvoies sacrilège, boutement de feu, forcement de femmes et murtre d’aguet appensé, etc. Si donnons en mandement par ces presentes aux seneschaulx de Poictou et de Limosin et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Bourges, ou mois de septembre l’an de grace mil cccc.xlvii, et de nostre règne le xxve.

Ainsi signé : Par le roy, en son conseil. Rolant. — Visa. Contentor. J. Duban.

MCXLVIII Octobre 1447 (après le 21)

Lettres ratifiant les fortifications faites par « Mathurin de Leffe, escuier, seigneur de la Grange, de la viconté de Brosse, en nostre pays de Poictou », au dit lieu de la Grange, depuis vingt ans, « du congié et licence de nostre chier et amé cousin le sire de Chauvigny

Guy III de Chauvigny, chevalier, baron de Châteauroux, vicomte de Brosse, succéda à son père Guy II le 22 août 1422 et mourut le 21 mars 1482.

, seigneur de ladite viconté de Brosse… Si donnons en mandement, par ces presentes, à nostre seneschal de Poictou… Donné à Bourges, au mois d’octobre l’an de grace mil cccc.xlvii, et de nostre règne le xxvie

Cet acte et le suivant sont mentionnés pour mémoire et afin de témoigner que ces localités, que l’on est plutôt porté à considérer comme faisant partie du Berry, étaient réellement comprises dans les limites anciennes du Poitou. On peut voir aussi par l’adresse de lettres de rémission de décembre 1447, données en faveur de Bernard Rutaut, charpentier, demeurant en la paroisse de Saint-Martin-de-Tournon, que cette localité faisait aussi partie du ressort de la sénéchaussée de Poitou. (JJ. 179, n° 43, fol. 22.)

 ».

AN JJ. 179, n° 19, fol. 10 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 39-40

MCXLIX Octobre 1447

Ratification semblable accordée aux « manans et habitans de la ville de Saint Benoist du Sault en nostre pays de Poictou, qui puis vingt ans ença, pour le retrait, seurté et salvacion d’eulx et autres leurs circonvoisins, leurs bestiaulx et nourritures, et afin de obvier aux logeis et courses de gens d’armes, qui lors et depuis tenoient souventes foiz les champs et faisoient plusieurs maulx et dommaiges à noz pays et subgiez », avaient entouré leur ville de fortifications, « du congié et licence de nostre chier et amé cousin le sire de Chauvigny, seigneur de ladicte ville de Saint Benoist du Sault en partie… Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou, etc. Donné à Bourges, ou mois d’octobre l’an de grace mil CCCC. XLVII, et de nostre règne le XXVIe »

AN JJ. 179, n° 21, fol. 11 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 40

MCL Décembre 1447

Rémission en faveur de Jean Pepin, de Briou en Poitou, garde de la place de Châteauneuf-sur-Charente, qui avait frappé à mort un valet de Haneguilles, homme d’armes de la compagnie de feu Jean de La Roche, sénéchal de Poitou, parce qu’il refusait de s’éloigner de la porte de ladite place à l’heure de la fermeture.

AN JJ. 179, n° 46, fol. 23 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 40-42

Charles, etc. Savoir faisons, etc., nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan Pepin, natif de la parroisse de Briou en la chastellenie de Melle en nostre pays de Poictou, demourant à Chasteauneuf en Angoumois, portier et garde de la dicte place de Chasteauneuf, contenant que, le mardy devant la feste de Noel derrenierement passée, ainsi que le dit suppliant vouloit fermer la porte de la dicte place et chastel de Chasteauneuf, vint et arriva à la dicte porte ung nommé maistre Jehan, lequel, durant les guerres et devant les trèves, estoit varlet d’un nommé Haneguilles, qui a esté homme d’armes en la compaignie de feu Jehan de la Roche, en son vivant nostre seneschal de Poictou, et dist audit portier que les guetz qui devoient faire le guet ou dit Chasteauneuf ne venoient pas tous les soirs et qu’il n’estoit soir qu’il n’en demourast aucuns. Lequel suppliant respondy audit maistre Jehan qu’il n’estoit pas ainsi comme il disoit et qu’il n’avoit que faire de s’en mesler ; et adonc ledit maistre Jehan lui dist qu’il mentoit, et qu’il savoit bien qu’ilz ne venoient pas et qu’il en demouroit tous les soirs. A quoy derechief respondy ledit suppliant audit maistre Jehan qu’il n’en estoit riens et qu’ilz ne deffailloient point à venir, sans le congié du capitaine de la dicte place. Et oultre lui dist par deux foiz qu’il s’en alast d’ilec, et qu’il feroit que saige, ou que, s’il ne s’en aloit, il le feroit courroucié, et qu’il estoit heure de fermer la porte. Et lors ledit maistre Jehan respondy audit suppliant qu’il ne s’en yroit point et qu’il n’estoit point ilec venu pour lui, et n’estoit ne son amy ne son bien vueillant. Et adonc ledit suppliant, courroucé de ce que lui disoit ledit maistre Jehan, lui dist par deux foiz ces parolles : « Va t’en ! va t’en », et print une juisarme en sa main, laquelle il avoit près de lui pour la garde de ladicte place, et frappa deux coups du plat de ladicte juisarme sur ledit maistre Jehan, pour l’en cuidier envoyer et debouter d’ilec, pour eschever debatz, et aussi qu’il estoit heure tarde et ne voyoit on plus guères, et vouloit fermer la porte dudit chastel, qui est en païs de frontière et lieu dangereux. Et incontinent les gens qui estoient ilec presens osterent ladicte juisarme audit suppliant ; et tantost ledit maistre Jehan, voyant que ledit suppliant estoit dessaisi de son baston, vint et se cuida coupler à lui. Et lors ledit suppliant, regardant qu’il n’avoit plus ladicte juisarme, doubtant que le dit maistre Jehan le voulsist grever, pour ce qu’il s’efforçoit de soy coupler à lui, tira lors une dague qu’il avoit et en frappa ledit maistre Jehan ung coup par la jambe et ung autre coup par la cuisse, dont incontinant après il ala de vie à trespassement. Pour occasion duquel cas, ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est absenté dudit lieu de Chasteauneuf et du pays d’environ, et n’y oseroit jamais retourner, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, humblement requerant iceulx. Pour quoy nous, les choses dessus dictes considerées et que ledit suppliant en tous autres cas a tousjours esté de bonne vie et renommée, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, à icellui suppliant ou cas dessus dit avons quicté, remis et pardonné, etc., satisfaction faicte à partie civilement tant seulement, etc. Si donnons en mandement aux seneschaulx de Poictou et de Xanctonge et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois de decembre l’an de grace mil cccc. quarante sept, et de nostre règne le xxvie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Rolant. — Visa. Contentor. Charlet.

MCLI Janvier 1448

Rémission accordée à Guillaume David, laboureur, demeurant au Pont-de-Cesse, paroisse de Frontenay-l’Abattu, coupable du meurtre de sa femme.

AN JJ. 179, n° 50, fol. 25 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 42-45

Charles, etc. Savoir faisons, etc., nous avoir receue l’umble supplicacion de Guillaume David, laboureur, demourant au Pont de Cesse en la paroisse de Frontenay l’Abatu en Xanctonge, contenant que, à l’occasion de ce que ung religieux de l’abbaye des Chastelliers en nostre païs de Poictou, commandeur de l’ostel de Chaban

Au sud-est d’Épannes, de l’autre côté de la route de Niort à la Rochelle, ce lieu est indiqué sur la carte de Cassini sous le nom de Choban-Moine, et sur la carte de l’État-Major il est appelé Chaban.

, en la parroisse de Espainnes, deppendant de la dicte abbaye, avoit eu certain debat avec ledit suppliant pour certains bœufz dudit suppliant que ledit religieux avoit prins, comme il disoit, en ses prez, Jehanne Guibaulde, en son vivant femme dudit suppliant, saichant le debat entre ledit suppliant, son mary, et le dit religieux, voult appointer et accorder son dit mary et le dit religieux du debat qu’ilz avoient ensemble ; et pour ce faire, le mercredi après la feste de Noel derrenierement passé, xxviie jour de decembre, ladicte Jehanne s’en ala audit hostel de Chaban où se tenoit ledit religieux, et lui dist qu’elle estoit venue par devers lui, pour appaiser le debat d’entre lui et ledit suppliant, son mary, et apointier dudit debat. Lesquelz religieux et Jehanne, femme dudit suppliant apointerent ensemble dudit debat. Et pendant lequel temps qu’elle estoit alée en l’ostel dudit religieux audit lieu de Chaban, ledit suppliant son mary, qui ne savoit où elle estoit alée, demanda aux serviteurs de sa maison où estoit ladicte Jehanne, sa femme. Laquelle vint au soir qu’il estoit nuit en son hostel, où estoit ledit suppliant son mary, qui l’avoit demandée plusieurs foiz, comme dit est. A laquelle il demanda dont elle venoit. Laquelle lui respondy qu’elle venoit de Chaban de faire l’apointement de lui et dudit religieux, dont ledit suppliant ne fut pas bien content, et lui despleut de ce qu’elle y estoit alée sans son congié. Et aussi estoit mal content dont elle avoit tant demouré, et lui dist que ce n’estoit pas bien fait et qu’elle avoit fait folie. Laquelle Jehanne, voyant que son dit mary n’estoit pas bien content d’elle, et desplaisant de ce qu’il l’avoit tancée, commança fort à crier en la maison, telement que personne n’y povoit avoir paix. Dont ledit suppliant qui estoit mal disposé et se vouloit aler couchier et reposer, pour ce qu’il estoit bien nuit, comme aussi pour ce qu’il estoit indisposé de sa personne, voult aler couchier, et estoit deshabillé pour soy mettre ou lit ; et ainsi qu’il se voult couchier, trouva que son lit estoit encores à faire, dont il fut fort desplaisant et courroucé, et demanda à ladicte Jehanne, sa femme, pourquoy elle n’avoit fait son lit ; laquelle, en cryant et tensant en ladicte maison, commança à faire le lit ; en faisant lequel lesdiz suppliant et Jehanne sa femme eurent ensemble plusieurs parolles contencieuses, ès quelles elle persevera en faisant ledit lit. Et ainsi qu’elle achevoit ledit lit de faire, dit à son dit mary aucunes parolles injurieuses, lesquelles despleurent audit suppliant. A l’occasion desquelles il fut très desplaisant et indigné, et en querant ung baston trouva unes eschasses dont les laboureurs usent au païs, en saison d’yver pour les boes et quant ilz vont ès maretz, en laquelle eschasse avoit une pointe de fer ; laquelle eschasse ledit suppliant gecta contre ladicte Jehanne à travers du lit, pour la cuidier faire taire ; de laquelle eschasse il attaigny d’aventure la dicte Jehanne, sa femme, du bot de la pointe du fer qui estoit en la dicte eschasse sur la tample près de l’oreille senestre. Duquel cop ladicte Jehanne cheut à terre et perdi le sang et après perdi tantost la parolle, et le venredi ensuivant, environ soleil levant, ladicte Jehanne ala de vie à trespassement. A l’occasion duquel cas, le dit suppliant doubtant rigueur de justice, s’est absenté du païs et n’y oseroit jamais retourner, se nostre grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, humblement requerant, etc. Pour quoy nous, etc., audit suppliant ou cas dessus dit avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces presentes, aux seneschaulx de Xanctonge et de Poictou, gouverneur de la Rochelle et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois de janvier l’an de grace mil cccc.xlvii, et de nostre règne le xxviie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. J. Duban. — Visa. Contentor. P. Le Picart.

MCLII Janvier 1448

Rémission accordée à Jean Gourmont, d’Argentières près Saint-Maixent, coupable du meurtre de Jean Redien, à la suite d’une discussion survenue à propos du droit de cuisson des tuiles au four dit du Pré-Chevalier.

AN JJ. 179, n° 56, fol. 28 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 45-48

Charles, etc. Savoir faisons, etc., nous avoir receu l’umble supplicacion de Jehan Gourmond, du villaige et lieu d’Argentières

Cette localité où, comme on l’apprend ici, l’industrie de la tuile était florissante et alimentait de nombreux fours, était qualifiée ville dans les aveux du xve siècle. « Aveu de la ville d’Argentières et de ses appartenances dans la paroisse de Prailhes, tenue du chastel de Saint Maixent à hommage lige, au devoir de fournir au seigneur de Saint Maixent un homme d’armes dans le temps de sa chevauchée entre les rivières de Loire et de Dordogne. » La seigneurie appartenait au xive siècle à la branche d’Hérisson de la famille d’Argenton. Jeanne (MM. Beauchet-Filleau la nomment Marie), fille unique de Jean d’Argenton, sieur d’Hérisson, et de Charlotte de Melle, l’apporta à son premier mari, Guillaume de Martreuil, écuyer, qui en rendit aveu à Jean duc de Berry, le 24 août 1408. (Arch. nat., R1* 2172, p. 971.) Leur fille, Jeanne de Martreuil, en fut héritière, et ses deux maris, Antoine de Vivonne, sieur de Bougouin, et Aymar de La Rochefoucauld, sieur de Montbason, furent à cause d’elle successivement seigneurs d’Argentières. Ce dernier, 3e fils de Guy VIII, seigneur de La Rochefoucauld, et de sa seconde femme, Marguerite de Craon, en fit à son tour l’aveu, le 25 juin 1443, à Charles d’Anjou, comte du Maine, seigneur de Saint-Maixent. (Arch. nat., P. 5193, cote xiiiic lxix.) L’aînée des trois filles d’Aymar et de Jeanne de Martreuil, Françoise, fut ensuite dame d’Argentières après la mort de sa mère et de son frère Jean, décédé sans alliance en 1465, et épousa Jean d’Estouteville, sieur de Torcy, grand-maître des arbalétriers de France, troisième fils de Guillaume d’Estouteville, sieur de Blainville et de Torcy. L’aveu que ce dernier, au nom de sa femme, fit de ce fief, le 19 novembre 1483, est conservé aussi dans les archives de la Chambre des comptes de Paris (P. 5543, cote iiic liii bis).

près Saint Maixant, en nostre païs de Poictou, povre homme, tyeulier, chargié de femme et de trois petis enfans, contenant que, pour gangner la vie de lui, ses diz femme et enfans, il a acoustumé de soy entremettre de faire faire tyeules ondit villaige d’Argentières, auquel il a plusieurs fours pour cuire la tieule et chaulx que font les habitans oudit villaige et où chascun d’eulx puet licitement, l’un comme l’autre, mettre sa tieule et chaulx, et encore qui plus est, quant aucun a ses dictes tieules et chaulx prestes pour les mettre ès diz fours, faire le puet, sans ce que aucun autre lui puisse en ce mettre ou donner empeschement, en paiant toutes voyes pour les dictes fournées les devoirs acoustumez aux seigneurs desquelz les diz fours sont tenuz et mouvans. Entre lesquelz fours qui sont en icelle tieulerie en y a ung appelle le four du Pré Chevalier, ou quel ledit suppliant avoit acoustumé de cuire ses tieules, quant elles estoient prestes et disposées à cuire ; et semblablement le faisoient ung nommé Jehan Redien et plusieurs autres habitans dudit lieu d’Argentières. Si est ainsi que, ou mois d’aoust derrenier passé, en la sepmaine en laquelle fut la feste saint Bertholomé, ledit suppliant qui avoit certaine quantité de tieules prestes à cuire, lesquelles il avoit promises rendre à plusieurs et diverses personnes, se tira par devers ledit Redien, et en la presence de plusieurs gens et tesmoings dignes de foy, luy dist que son entencion estoit de chauffer ledit four du Pré Chevalier en ladicte sepmaine d’icelle feste saint Bartholomé ensuivant, pour faire cuire ses tieules et chaulx, ou cas que ledit Redien ne le vouldroit chauffer en icelle sepmaine, toutesvoyes se chauffer le vouloit, qu’il le feist de par Dieu, et qu’il n’y mettroit point d’empeschement. Aus quelles parolles ledit Redien dist et fist response audit suppliant qu’il ne vouloit point chauffer ledit four en ladicte sepmaine et qu’il se accordoit bien qu’il le chauffast, moyennant ce que, incontinant après icelle sepmaine passée, il lui delivrast et desempeschast ledit four, ce que semblablement lui accorda ledit suppliant. Lesquelles parolles finées, ledit suppliant [et ledit Redien se separerent

Mots nécessaires au sens, suppléés et placés entre crochets.

] d’ensemble et alerent chascun d’eulx en leurs besoignes et affaires. Et après ce, le xixe jour d’aoust derrenier passé, icellui suppliant, soy disposant à apporter sa tieule et pierre devant le four pour la faire cuire, ilec survint ledit Jehan Redien qui, non obstant les dictes parolles avant dictes, commença à causer et arguer ledit suppliant, pour ce qu’il faisoit les diz approuchemens des dictes pierres vers et près dudit four. Lequel lui fist response, ainsi que vray estoit, que par les parolles devant dictes qu’ilz avoient eues ensemble, il devoit chauffer ladicte sepmaine de la feste saint Bartholomé ; mais ce neantmoins ledit Redien en continuant tousjours ses grosses [parolles], arguoit et injurioit très fort ledist suppliant. Lequel, quant il se vit ainsi argué, lui dist qu’il s’en alast et ne l’injuriast point, en faisant sa besongne, ce que ne voult faire ledit Redien, mais tousjours persevera en l’appellant traistre, larron et plusieurs autres injurieuses parolles. Lesquelles oyant ledit suppliant, et estant et faisant sa besongne, considerant le consentement dudit Redien, print ung baston, duquel il frappa ung coup seulement, sans point retourner, ledit Redien parmy la teste, non cuidant le frapper à mort. A l’occasion duquel coup, icellui Redien ala ledit jour de vie à trespassement. Et pour doubte de rigueur de justice, icellui suppliant s’est absenté du pays et n’y oseroit jamais bonnement ne seurement demourer ne converser, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, etc., en nous suppliant humblement, etc. Pour ce est il que nous, ayans pitié et compassion, etc., à icellui Jehan Gourmond suppliant oudit cas avons, etc., quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois de janvier l’an de grace mil cccc. quarante et sept, et de nostre règne le xxvie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. J. Burdelot. — Visa. Contentor. P. Le Picart.

MCLIII 14 février 1448

Abolition donnée en faveur de Briand de Quercy, lieutenant de Touffou, Jean de Quercy, François Goffier, Jean Burtin, Jean Benoist, Michel Guedas, Jean Boere et Jean du Loquet, natifs de Bretagne. En représailles de ce que les officiers royaux en Poitou avaient emmené prisonniers à Montaigu des habitants des Marches communes de Bretagne et de Poitou, ils avaient enfermé au château de Touffou des sujets poitevins.

AN JJ. 179, n° 78, fol. 42 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 48-50

Charles, etc. A tous ceulx qui ces presentes lettres verront, salut. Receue avons l’umble supplicacion de Brient de Quercy, Jehan de Quercy

La famille bretonne de Quercy, aliàs de Kersy, possédait dans l’évêché de Nantes les seigneuries de la Juliennaye, paroisse de Saint-Étienne de Montluc, de Boiscorbeau, paroisse de Cheix, de la Haye-Pallée, paroisse de Mouzillon, de la Gohardière, paroisse de Gorges, etc. (Potier de Courcy, Nobiliaire de Bretagne, in-4°, t. II, p. 130.) Briand de Quercy, écuyer, capitaine du château de Touffou (cne Le Bignon, canton d’Aigrefeuille, Loire-Inférieure), avait épousé une poitevine, Annette Rataut, qui, entre autres biens, lui avait apporté la moitié de la terre de Faye-sur-Ardin ; l’autre partie appartenait à Huguet Rataut, son frère. Ils l’avaient eue en don de Jean Rataut, écuyer, seigneur dudit Faye, lequel, au moment d’entrer dans l’ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem à Rhodes, avait abandonné ses biens à Huguet et à sa sœur, sauf une rente annuelle de vingt écus d’or constituée au profit de Pierre Paën, ou Payen, écuyer, seigneur de Chauray. Les nouveaux possesseurs ne lui ayant pas payé les arrérages de cette rente, celui-ci fit saisir la terre de Faye, l’an 1461. (A. Richard, Arch. du château de la Barre, t. II, p. 299.) Parmi les signataires d’un acte nommant des députés pour porter plainte à Rome contre l’évêque de Nantes, de la part de plusieurs de ses sujets, à l’instigation du duc de Bretagne, le 8 février 1471, on relève les noms de Jean de Quercy, seigneur de la Juliennaye, et de René de Quercy. (Dom Morice, Hist. de Bretagne, in-fol. Preuves, t. III, col. 233, 234.)

, François Goffier, Jehan Burtin, Jehan Benoist, Michel Guedas, Jehan Boere et Jehan du Loquet, natifz du païs de Bretaigne, contenant que, à l’occasion de ce que aucuns noz officiers puis certain temps ença ont prins certains des habitans en la Marche de Bretaigne et Poictou, avantagière de Bretaigne et commune de Bretaigne et de Poictou, et iceulx menez et tenuz prisonniers à Montagu, soubz umbre de ce qu’ilz disoient que les habitans de ladicte marche devoient contribuer aux tailles mises sus et imposées de par nous, comme faisoient et font noz subgiez dudit païs de Poictou, et qu’ilz estoient de ce faire refusans, et que par la coustume de ladicte marche, quant aucuns noz officiers faisoient telz exploiz, les officiers de nostre très chier et très amé nepveu le duc de Bretaigne povoient semblablement prendre par manière de revanche et jusques à restitucion autres habitans en la marche avantagière de Poictou

Ces lettres d’abolition furent accordées au cours de négociations entre le roi de France et François Ier, duc de Bretagne, au sujet des Marches communes de Poitou et de Bretagne. Un an auparavant, Jean Rabateau, président au Parlement, et plusieurs autres, avaient reçu commission du roi, « pour enquérir o les gens du duc, et eulx informer des droiz, coustumes et statuz anciens de la dite Marche, et comment les habitants en icelle avoient accoustumé d’estre trectez et gouvernez, et des limites des Marches, et aussy des sorprinses qui avoient esté faictes, tant d’une part que d’autre, par les gens, officiers, vassaulx et subgetz d’une et autre part, sur les droiz, prerogatives, franchises, libertez et gouvernemens anciens de la dite Marche, et faire tout reparer, amender et mettre au premier et ancien estat, et en desclerer le droit d’un chacun au regart desdites Marches, ainsi que de raison ». Au commencement de l’année 1448, le duc de Bretagne vint trouver le roi à Angers, dans le but de mettre fin au conflit. Charles VII avait alors grand intérêt à se ménager l’alliance de François et se montra disposé aux concessions. L’abolition octroyée aux officiers bretons en est un témoignage évident. Dom Taillandier dit que l’ordre fut donné alors de ne plus comprendre les habitants des Marches dans la perception des aides. Mais cet arrangement ne fut sans doute que temporaire, car l’affaire des limites des deux pays et des droits et franchises prétendus par les habitants des Marches communes firent de nouveau l’objet de remontrances adressées par des ambassadeurs bretons à Louis XI, le 19 septembre 1462. (Cf. H. Daniel-Lacombe, L’hôte de Jeanne d’Arc à Poitiers, maître Jean Rabateau. Paris, Niort, 1895, in-8°, p. 158, 159.)

, les diz supplians ont puis peu de temps ença prins en nostre dit pays certains habitans en icelluy, et iceulx menez et tenuz prisonniers ou chastel de Toufou, dont ledit Brient de Quercy estoit lieutenant. Depuis lesquelles choses ainsi faictes et advenues et pour occasion d’icelles, ledit Brient par aucuns noz officiers oudit païs de Poictou a esté prins et arresté, et pour se rendre à certain jour à lui assigné en nostre court de Parlement, pour illec respondre à nostre procureur general à telles fins et conclusions que contre lui il vouldroit dire et aleguer, a baillé caucion de cinq cens escuz

L’arrestation de Briand de Quercy et de ses compagnons avait eu lieu régulièrement et sur l’ordre du roi, comme on le voit par l’extrait de compte qui suit : « Payé au Trésor du roi la somme de iiiixxx. livres tournois, sur descharge escripte le dernier decembre l’an mil cccc.xlvii, par maistres Hugues de Conzay, lieutenant du seneschal de Poictou, et Jehan Chevredens, procureur du roy nostre sire oudit païs de Poictou, pour la despense d’eulx et de xxx. hommes de guerre de une compaignie, pour mettre à execucion certaines lettres du roy nostredit seigneur, pour prandre prisonniers le cappitaine de Touffou et plusieurs autres dudit païs qui avoient commis certains abuz et fait plusieurs entreprinses contre les subgiez du roy, demourans ès marches du pays de Bretaigne, et pour mettre la place de la Grève en l’obeissance dudit seigneur. » (Arch. hist. du Poitou, t. XXXI, p. 160.)

. Et combien que en faisant les choses dessus dictes les diz supplians ne cuidassent, attendue la dicte coustume notoirement et de long temps gardée en icelle marche, aucunement mesprendre, neantmoins ilz doubtent que, ores ou pour le temps avenir, nostre dit procureur, à l’occasion de ce que dit est, leur voulsist faire aucune question ou demande et les mettre en grans involucions de procès, et tendre contre eulx à grans fins, qui seroit, s’ainsi estoit, en leur très grant grief, prejudice et dommaige, si comme ilz dient, humblement requerans sur ce nostre grace leur estre impartie. Pour ce est il que nous, ces choses considerées et en faveur et contemplacion de nostre dit nepveu, qui sur ce nous a supplié et requis, ausdiz supplians oudit cas avons remis, quicté, pardonné et aboly, etc. Si donnons en mandement par ces mesmes presentes à nostre seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné aux Montilz lez Tours, le xiiiie jour de fevrier l’an de grace mil cccc. quarante sept, et de nostre règne le xxvie.

Ainsi signé : Par le roy en son conseil. E. Chevalier.

MCLIV Février 1448

Lettres de légitimation données en faveur de Mathurin Beaujeu, poitevin, en récompense de ses services de guerre.

AN JJ. 224, n° 94, fol. 84 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 51-53

Karolus, etc. Illegitime genitos quos vite decorat honestas nature vicium minime decolorat, nam decor virtutis in prole abstergit maculam geniture et pudicitia morum

Par erreur du scribe, le registre porte « metum ».

pudor originis aboletur. Notum igitur facimus presentibus et futuris quod, licet Mathurinus Beaujeu

On connaît des Beaujeu, seigneurs de la Jallière, paroisse de la Boissière en Gâtine au xive siècle, mais il a existé en Poitou plusieurs familles de ce nom.

ex illicita copula genituram traxerit, talibus tamen virtutis dono et morum venustate coruscat quod in ipso supplent merita et virtutes, quod ortus odiosus adjecit, adeo quod super defectus natalium quem patitur gratiam quam nobis humilime flagitavit a nostra regia magestate meruit obtinere. Nos igitur hiis attentis et presertim magnis et laudabilibus serviciis seu obsequiis que diu strenue et fideliter nos impendit in nostris guerris ac impendere promptus est, ejus supplicacioni nobis super hoc facte pie annuentes, eundem Mathurinum de nostre regie potestatis plenitudine, certa scientia ac speciali gracia, legitimavimus et legitimamus per presentes ac legitimacionis titulo decoramus, ipsumque in judicio et extra amodo pro legitimo reputari et censeri volumus et haberi. Concedentes eidem ac tenore presentium dispensentes cum eodem ut ipse tanquam legitimus succedere valeat jure successorio aut alias quibuscunque personis, si de ipsarum personarum processerit voluntate, in omnibus bonis mobilibus et immobilibus in quibus succederet de jure, de consuetudine vel alias quovis modo, si esset de legitimo matrimonio procreatus, in quibus tamen jus non est alteri vel aliis jam acquisitum, et ea tanquam legitimus valeat jure successorio aut alias quovismodo vendicare, adipisci, retinere ei jure hereditario pacifice obtinere et possidere, ac de ipsis disponere, tamquam successor seu heres legitimus, nisi aliud quod defectus predictus natalium repugnet, defectu hujusmodi consuetudineque vel usu generali vel locali regni nostri ad hec contrariis non obstantibus quibuscunque. Inhibentes universis regni nostri justiciariis et officiariis, presentibus et futuris, ne quis eum aut prolem suam, natam et nascituram, vel heredes, successores aut posteros ejusdem in bonis quibuslibet acquisitis vel acquirendis, undecunque obvenientibus occasione defectus natalium predicti imputare seu impedire, turbare vel molestare quoquomodo presumant ; solvendo tamen per dictum Mathurinum nobis semel dumtaxat financiam moderatam. Quocirca dilectis et fidelibus gentibus compotorum nostrorum et thesaurariis, necnon senescallo Pictavensi ac omnibus justiciariis et officiariis nostris, vel eorum locatenentibus, presentibus et futuris, et eorum cuilibet, prout ad eum pertinuerit, tenore presentium damus in mandatis quatinus nostras presentes legitimacionem, concessionem et graciam teneant ac eisdem obtemperent, ipsisque jam dictum Mathurinum et ejus prolem natam et nascituram in legitimo matrimonio, gaudere pacifice faciant et paciantur, non permittentes eundem Mathurinum aut ab ipso causam habentes vel habituros in futurum inquietari, molestari, vel impediri quoquomodo, nunc vel in futurum, contra tenorem presentium litterarum, defectu natalium predicto, necnon generalibus aut localibus constitucionibus statutis, stilis, consuetudinibus, usibus, juribus, observancia, editisque non obstantibus quibuscunque. Quod ut firmum et stabile perpetuo perseveret, presentes litteras nostri sigilli jussimus munimine roborari. Nostro in aliis et in omnibus quolibet alieno jure semper salvo. Datum in opido des Montilz prope Turonis, in mense februarii anno Domini millesimo ccccmo xlvii°, et regni nostri xxvito.

Sic signatum : Per regem, Johanne Hardouyn et aliis presentibus. Chaligaut. — Visa. Contentor. Ja. de La Garde.

MCLV Mars 1448

Lettres permettant au prieuré d’Aquitaine de l’ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem de faire fortifier la commanderie de Villedieu.

AN JJ. 179, n° 101, fol. 54 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 53-55

Charles, etc. Savoir faisons, etc., nous avoir receue l’umble supplicacion de noz bien amez les religieux, prieur et frères de l’ordre de l’Ospital de Saint Jehan de Jherusalem ou prieuré d’Acquitaine

Le grand prieur d’Aquitaine en 1448 était Philibert de Laigue, d’une famille du Berry.

, et de frère Alain Lemoyne, religieux dudit ordre et commandeur de Villedieu

Alain Lemoyne, commandeur de la Villedieu-du-Clain, avait succédé à Nicolas Roy, aliàs Leroy, qui en cette qualité soutenait un procès au Parlement de Poitiers, le 10 septembre 1429, contre le chapitre de la cathédrale de Poitiers, au sujet de la nomination à la cure de la Villedieu, annexée à la commanderie, et à la date des 31 août et 4 septembre 1436, contre le chapitre de Saint-Hilaire. (Arch. nat., X1a 9191, fol. 151 v°, et X1a 9201, fol. 221, 222.)

, membre deppendant dudit prieuré, contenant que, à cause de leur commanderie de Villedieu, ilz ont oudit lieu belle burgade, toute justice et juridicion haulte, moyenne et basse, droit de chastellenie, avecques les droiz qui en deppendent et pevent deppendre, laquelle ilz tiennent soubz nous et nostre souveraineté. Et avecques ce, ont plusieurs hommes et subgiez en toute justice et juridicion, et audit lieu de Villedieu ont eglise et belle maison, en laquelle ledit commandeur et ses religieux et compaignons font leur residence, bien aisée à fortiffier. Laquelle ilz fortiffieroient voulentiers pour la seurté d’eulx, de leurs biens, lettres, tiltres, enseignemens de leurs previlèges, rentes et devoirs de leurs diz hommes et subgiez, et pour eulx preserver et leurs diz hommes et subgiez de plusieurs courses, pilleries et logeis de plusieurs compaignies de gens d’armes et de guerre, lesquelz ont esté le temps passé et logiez audit lieu, où ilz ont fait plusieurs pilleries, roberies et destrousses sur les hommes et subgiez desdiz supplians ; à l’occasion desquelles, plusieurs de leurs diz hommes et subgiez ont delaissié ledit lieu et leur terre, pour ce qu’ilz n’avoient où ilz se peussent retraire seurement, et sont alez demourer autre part ; et pour doubte d’autres compaignies et gens de guerre qui aucunes foiz tiennent les champs et vivent sur iceulx, s’il nous plaisoit leur donner congié et licence de ce faire, humblement requerant iceulx. Pour quoy nous, attendu ce que dit est, voulans pourveoir à la seurté desdiz supplians et de leurs hommes et subgiez, à iceulx supplians avons donné et octroyé, donnons et octroyons par la teneur de ces presentes, de nostre grace especial, plaine puissance et auctorité royal, congié et licence de fortiffier ladicte commanderie et y faire forteresse, et la clourre de foussez, muraille, pal, pont leveiz, tours, creneaulx, eschiffes et autres fortifficacions et emparemens neccessaires et convenables, telz qu’ilz pourront et bon leur semblera ; pourveu toutesvoyes que ladicte fortifficacion ne tourne à prejudice ne ne porte dommaige à nous ne à la chose publicque du pays, et que les manans et habitans dudit lieu et autres qui se retrairont en la dicte forteresse seront tenuz de faire guet et garde au lieu de la chastellenie dont ilz seront subgiez, et où ilz le faisoient paravant. Si donnons en mandement par ces presentes aux seneschal de Poictou et bailli de Touraine, et des ressors et exempcions d’Anjou et du Maine, et à tous noz autres justiciers ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, et à chascun d’eulx, si comme à lui appartendra, que, appellez nostre procureur et aucuns nobles du pays et autres expers et congnoissans en teles matières, s’il leur appert que la dicte fortiffication ne soit prejudiciable ou porte dommaige à nous ne à la chose publique du païs, lesdiz supplians de nos presens congié, licence et octroy facent, seuffrent et laissent joïr et user plainement et paisiblement, sans les molester, travailler ou empeschier, ne souffrir estre molestez, travaillez ou empeschiez, ores ne pour le temps avenir, en aucune manière ; mais s’aucun empeschement leur avoit esté ou estoit sur ce fait, mis ou donné au contraire, si l’ostent et mettent ou facent oster et mettre incontinant et sans delay au premier estat et deu. Et afin, etc., nous avons, etc. Sauf, etc. Donné à Lavardin, ou mois de mars l’an de grace mil cccc. quarante sept, et de nostre règne le xxvie.

Ainsi signé : Par le roy, vous et autres presens. Chaligaut. — Visa. Contentor. Ja. de La Garde.

MCLVI Mars 1448 (après le 24)

Lettres d’anoblissement en faveur d’Antoine Vousy.

AN JJ. 224, n° 97, fol. 85 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 55-58

Karolus, etc. Ad perpetuam rei memoriam. Regie dignitatis benignitas

Le registre porte « benignitatis ».

personas benemeritas libenter extollit et eas honoris amplioris prerogativa decorat. Hinc est quod nos, attentis fidelibus ac pergratis obsequiis per dilectum nostrum Anthonium Vousy

Antoine Vousy, d’abord receveur des aides en Poitou (1435-1443), puis receveur général de la sénéchaussée (1447-1448), fut échevin de Poitiers l’an 1462. Le 8 août 1435 et le 24 août 1436, il paya à Jean Rabateau, la première fois 150 livres tournois, la seconde fois 50 livres. (Bibl. nat., Cabinet des titres, vol. 2419, nos 3 et 7.) Le 7 août 1443, par lettres datées de Poitiers, Charles VII fit don à Antoine Vousy d’une somme de 150 livres tournois en récompense de ses services. (Original, Arch. nat., K 67, n° 28.) Le 20 mars 1447, il reçut mandement du roi de payer à l’évêque de Poitiers 300 livres sur les aides octroyées par les États de Poitou. (Id., KK 648, n° 84.) Marié à Jeanne Thaumière, Antoine Vousy avait acquis de Maurice Claveurier, lieutenant de la sénéchaussée, une maison à Poitiers, tenant par le devant à la grande rue qui allait de Notre-Dame-la-Grande au Pont-Joubert, et par derrière à la rue allant de la chapelle Saint-Denis à l’église des Carmes. Puis il la céda au roi en échange de l’exploitation de la forêt de Colombiers pendant neuf ans, plus une somme de 500 livres que devait lui payer la ville. Enfin, le 15 janvier 1463 n.s., la ville de Poitiers lui acheta, pour le prix de 1000 écus d’or, la jouissance et exploitation de ladite forêt pendant les neuf années convenues. (Arch. municipales de Poitiers, F. 78.) Antoine était évidemment parent de Jean Vousy, notaire et secrétaire du roi, connu par ses démêlés avec Léonet Guérinet et Jean Rabateau, qui s’étaient livrés à des voies de fait sur sa personne dans la salle du palais de Poitiers, en 1432 (H. Daniel-Lacombe, Maître Jean Rabateau, p. 50-66), et de Guillaume Vousy, dont l’élection en qualité de maire de Poitiers, l’an 1458, donna lieu à des violences et à des troubles dans la ville. (Arch. municipales de Poitiers, B. 7.) Sur ce dernier, cf. aussi Arch. de la Vienne, G. 97 et G. 1124.

, nobis diucius exhibitis ac ipsius eciam meritis egregiis, honorifica compensacione dignis, eumdem cum sua utriusque sexus prole ac posteritate, ex legitimo connubio procreata et procreanda, ac eorum quemlibet de nostre potestatis regie plenitudine et gracia speciali nobilitavimus ac nobilitatis titulo decoravimus et decoramus per presentes, eosque ad omnia et singula quibus persone nobiles regni nostri uti solite sunt habiles reddimus et declaramus. Concedentes insuper ut quocienscunque prefatus Anthonius Vousy aut ejus legitima proles ac posteritas masculina, nata vel nascitura, cingulo militari voluerit donari, id ipsum petere recipereque sibi liceat. Et in omnibus et singulis actibus, locis et rebus, tam in judicio quam extra, ut nobiles haberi, teneri et reputari amodo volumus et decernimus, ac omnibus et singulis privilegiis, juribus, prerogativis, honoribus et libertatibus, quibus ceteri nobiles regnicole gaudent et utuntur, gaudere et uti plene ac pacifice valeant in futurum. Quodque eciam prenominatus Anthonius Vousy, aut ejus legitima proles ac posteritas, nata vel nascitura, feoda et retrofeoda nobilia aliasque possessiones nobiles quascunque et qualescunque tenere et possidere, et jam per eos acquisita et habita, sive acquisitas et habitas, ac eciam acquirenda seu imposterum acquirendas, habere et retinere licite nobilesque possint ac si generis nobilis duxissent primordia, absque eo quod ea vel eas in toto seu in parte vendere aut extra manum ponere, nunc aut in futurum, quomodolibet teneantur vel cogantur, solvendo tamen ob hoc nobis aut successoribus nostris financiam moderatam. Quapropter dilectis ac fidelibus gentibus compotorum ac thesaurariis nostris Parisius, commissariis super reformacione acquisicionum per innobiles personas regni nostri factarum, baillivo Biturie ac senescallo Pictavie ceterisque justiciariis et officiariis nostris, aut eorum loca tenentibus, presentibus et futuris, et eorum cuilibet, prout ad eum pertinuerit, harum serie damus in mandatis quatinus prenominatum Anthonium Vousy, ac ejus prolem et posteritatem, ex legitimo matrimonio procreatam sive procreandam, et eorum quemlibet, modo pretacto nostra presenti nobilitacione et gracia uti et gaudere plenarie deinceps faciant et permittant, eosdem aut ipsorum aliquem in premissis nullatenus molestando, turbando aut inquietando, quinymo in contrarium acta ad statum pristinum et debitum reducant seu reduci faciant indilate, statutis, editis, ordinacionibus et mandatis non obstantibus quibuscunque. Quod ut firmum et stabile perseveret in futurum, [sigillum] nostrum litteris presentibus duximus apponendum. Salvo in aliis jure nostro et in omnibus quolibet alieno. Datum in Montiliis prope Turonis, mense marcii anno Domini millesimo ccccmo xlviiivo post Pascha, et regni nostri xxvito.

Sic signatum : Per regem, archiepiscopo Remensi

Jacques Jouvenel des Ursins, né à Paris le 14 octobre 1410, archevêque de Reims (1444-1449), puis évêque de Poitiers (1450), décédé dans cette ville, le 12 mars 1457.

, comitibus de Tancarville

Guillaume d’Harcourt, comte de Tancarville, vicomte de Melun, baron de Montgommery, seigneur de Montreuil-Bellay, etc., souverain maître et réformateur général des eaux et forêts. (Cf. vol. précédent, p. 27.)

et Ebroicensi

Le comte d’Évreux, voy. ci-dessus, page 18, note 2.

, dominis de Pressigniaco

Bertrand de Beauvau, sieur de Précigné ou Pressigny, grand sénéchal de Provence, premier chambellan de René d’Anjou, roi de Sicile, mort en 1462.

, de Blainville

Jean d’Estouteville, sieur de Blainville, puis de Torcy après la mort de son père, prévôt de Paris en 1446, et grand maître des arbalétriers en 1449. (Cf. le vol. précédent, p. 220, note 4.)

et aliis presentibus. Giraudeau. — Visa. Contentor. P. Le Picart.

MCLVII Avril 1448

Rémission accordée à Jean Sabouraud, dit de la Gassote, hôtelier du faubourg Saint-Saturnin de Poitiers, commis à la recette de l’aide dernièrement imposée pour le vivre des gens d’armes, qui avait été cause de la mort d’Aimery Galippeau, demeurant audit faubourg, en le frappant sur la tête par manière de plaisanterie.

AN JJ. 179, n° 120, fol. 63 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 58-64

Charles, etc. Savoir faisons, etc., nous avoir receue l’umble supplicacion des parens et amys charnelz de Jehan Sabouraud, dit de la Gassote, povre marchant et hostellier, chargié de femme, demourant en la parroisse de Saint Saournin hors les murs de nostre ville de Poictiers, contenant que ledit Jehan Sabouraud avecques Guillaume Millaud de la dicte parroisse a esté commis à recevoir et lever de par nous la part et porcion à quoy les manans et habitans d’icelle parroisse ont esté tauxez et imposez à cause de la taille ou aide derrenierement mise sus de par nous en nostre païs et conté de Poictou, pour le vivre des gens d’armes

Lors de la réforme militaire accomplie par Charles VII, les bandes d’aventuriers indisciplinés furent licenciées et remplacées par une armée régulière, composée de compagnies dites d’ordonnance, sous des chefs connus, responsables de leurs hommes et choisis par le roi, qui devaient non plus tenir les champs, mais être logés dans les bonnes villes de tous les pays du royaume. Les vivres et la solde étaient à la charge des habitants, sur lesquels une taille spéciale était imposée à cet effet. Les compagnies mises alors en garnison dans le Poitou présentaient un effectif de 1140 hommes d’armes et de trait. « Avons ordonné que ou païs du Poictou seront logés ixxx x. lances et les archers, c’est assavoir soubz nostre amé et feal le seneschal dudit païs cent lances, soubz le mareschal de Loheac, au Bas Poictou, lx. lances, et trente lances du nombre de Floquet, et les archers, qui font ensemble, à trois personnes et trois chevaulx pour lance, et pour deux archers, trois personnes et trois chevaulx, xic xl. personnes et autant de chevaulx. » Suit un règlement minutieux des vivres à fournir aux uns et aux autres par les gens du pays. Ces dispositions sont rappelées dans des lettres patentes de Charles VII, datées de Luppé-le-Châtel, le 26 mai 1445, donnant commission à Guillaume Gouge de Charpaignes, évêque de Poitiers, au sénéchal de Limousin, à Jean Lebourcier, chevalier, Maurice Claveurier, lieutenant du sénéchal, Jean Chevrier et aux élus sur le fait des aides en Poitou, « pour adviser aux lieux et places qui sembleront plus convenables et propices pour le logeis des dictes gens d’armes et avecques ce pour asseoir, mettre sus et imposer sur tous lesdiz païs le plus justement et egalement que faire se pourra, le fort portant le foible, les vivres et argent qui leur seront necessaires, … et iceulx faire cueillir, lever et venir ens et distribuer ausdictes gens d’armes, etc. » Le texte de cette ordonnance a été publié par M.E. Cosneau, Le connétable de Richemont, p. 610.

 ; et pour ce que audit Sabouraud convenoit faire avancer le paiement de ladicte part et porcion à quoy lesdiz manans et habitans avoient esté tauxez et imposez dudit aide, et qu’il estoit tenu d’en respondre et rendre compte au receveur à ce commis, icelui Sabouraud, acompaignié de Jehan Angibaud, dit Peyrard, nostre sergent en nostre dit conté de Poictou, le mardi second jour de ce present mois d’avril, se transporta, entre autres lieux, à l’ostel de Aymery Galippeau, habitant et demourant en ladicte parroisse de Saint Saournin, qui devoit pour son taux de ladicte taille ou aide dix solz tournois. Lequel Aymery il trouva en la rue devant sondit hostel, et lui demanda et requist, en la presence dudit Peyrard, nostre sergent, qu’il lui paiast lesdiz dix solz tournois ; et lors ledit Aymery lui respondy qu’ilz estoient tous prestz et qu’il les porteroit en l’ostel dudit Jehan Sabouraud. Et incontinant s’en retournerent lesdiz Sabouraud et nostre sergent, et s’en vindrent en l’ostel dudit Sabouraud où il y a hostellerie publicque, et peu après y vint aussi ledit Aymery Galippeau, qui y apporta lesdiz dix solz tournois et les paia audit Sabouraud ; et disna avecques icelui Sabouraud et nostre dit sergent, et despendirent et furent chascun d’eulx à quinze deniers pour leur disner. Et quant ledit Sabouraud demanda et dist audit Galippeau qu’il paiast lesdiz xv. deniers que illecques en la compaignie il avoit despenduz pour son dit disner, icelui Galippeau dist et respondy que il n’avoit point d’argent, et aussi qu’il n’en devoit pas autant paier. A quoy ledit Sabouraud lui dist que si faisoit et que, se on lui faisoit son devoir, attendu qu’il avoit tousjours fouy et delayé à paier son dit taux, jusques à ce qu’il avoit veu nostre dit sergent qui aloit à son dit hostel pour le executer, il paieroit tout l’escot et que il devroit paier pour nostre dit sergent. Et au derrenier après plusieurs parolles entre eulx dictes, se condescendy et fut contens ledit Galippeau de paier pour sondit disner lesdiz quinze deniers, en disant que il avoit bon gaige. Lequel Sabouraud lui demanda quel gaige il avoit à bailler, et ledit Galippeau lui respondy qu’il avoit son chapperon ; et lors lui bailla son dit chapperon qui estoit de drap pers en gaige desdiz quinze deniers tournois ; lequel chapperon ledit Sabouraud print et le mist en son armoise ou bufet soubz la clef. Et quant ilz eurent disné, avant que ilz partissent de table, icelui Aymery Galippeau dist que il donneroit pinte de vin à nostre dit sergent et la fist apporter. Et lors que la dicte pinte de vin fut apportée, ledit Sabouraud lui dist teles paroles ou semblables : « Aymery, ce sont vingt deniers tournois que à present vous me devez, Que il vous en souviengne ! » Et après que le vin fut beu, nostre dit sergent s’en departy et s’en ala hors dudit hostel, où bon lui sembla, et laissa ilecques encores icelui Galippeau avecques ledit Sabouraud et sa femme. Et après que nostre dit sergent s’en fut alé, icelui Galippeau demanda et requist audit Sabouraud que il lui baillast son dit chapperon, et qu’il ne s’en oseroit aler la teste nue à son dit hostel, pour doubte de sa femme. Auquel Aymery ledit Sabouraud respondy qu’il ne lui bailleroit point sans argent ou sans tesmoings. Lequel Galippeau lors ala querir ung appellé Holier Gaultier, mareschal, seulement, et l’admena avecques lui en l’ostel dudit Sabouraud ; et quant ilz furent venuz, icelui Aymery Galippeau demanda que l’on lui apportast encores pinte de vin, qui lui fut apportée. Laquelle pinte de vin ilz beurent tous ensemble, et quant ledit vin fut beu, ledit Aymery demanda son dit chapperon comme devant ; et icelui Sabouraud lui respondy que il n’avoit admené que ung seul tesmoing, et que il n’en auroit point s’il n’avoit argent content. Et lors ledit Galippeau dist à la dicte femme d’icelui Sabouraud qu’elle lui prestast, et icelui Sabouraud son mary lui defendy, comment que ce feust, qu’elle ne lui prestast riens. A quoy ledit Galippeau dist qu’il ne s’en yroit point la teste nue, et icelui Sabouraud lui respondy qu’il s’en rapportoit à lui. Et ainsi comme les diz Galippeau et Sabouraud, qui lors estoient assez embeuz de vin, avoient ensemble debat et estrif dudit chapperon, icelui Galippeau, après plusieurs parolles par lui dictes, dist au derrenier qu’il s’en yroit bien la teste nue et que il avoit encores la teste plus dure et plus forte que n’avoit ledit Sabouraud ; et demanda audit Sabouraud s’il vouloit point hurter et frapper de sa teste contre la sienne, et il lui respondy qu’il ne lui fauldroit point. Et incontinant icelui Sabouraud, tendant à soy esbatre et passer temps avec ledit Galippeau et non autrement, demanda à sa dicte femme qu’elle lui baillast ung couvrechief. Laquelle desirant à tout son povoir, et voyant que l’un et l’autre estoient assez eschauffez et embeuz de vin, à les departir, dist à son dit mary qu’elle ne lui en bailleroit point ; toutesfoiz au derrenier, afin qu’il ne s’esmeust et eschauffast par yre et courroux envers elle, lui bailla ledit couvrechief, non saichant qu’il en vouloit faire. Et lors ledit Sabouraud, ainsi tenant en sa main icelui couvrechief, s’en yssy hors de la chambre, où ilz estoient encores, et s’en entra en sa cuisine, et ilecques il print une escuelle de bois toute ronde, laquelle il mist sur sa teste par dessoubz ledit couvrechief, doubtant que ledit Galippeau qui estoit robuste et fort homme de peine et de labour, eust la teste plus dure et forte que lui, ainsi comme il lui avoit par avant dit, comme dit est ; et quant ledit Sabouraud eust ainsi sa teste aprestée pour hurter et frapper, lors s’en yssy et sailly hors de sa dicte cuisine et s’en entra en la dicte chambre où estoit icelui Galippeau. Et lors ledit Sabouraud demanda audit Galippeau s’il vouloit et estoit prest de hurter ; lequel lui respondy que oy. Et adoncques et en ce conflict hurtèrent et frappèrent l’un contre l’autre de leurs testes, une foiz seulement, par manière de esbatement et non autrement, non tendant et non croyant ledit Sabouraud en bonne verité et conscience faire pour ce chose audit Galippeau par quoy sa personne et son corps feussent et deussent piz valoir ou temps avenir, mais par manière d’esbatement seulement, à la première requeste dudit Galippeau, comme dit est. Et après qu’ilz eurent ainsi hurté ensemble, dist ledit Galippeau audit Sabouraud teles parolles ou semblables : « Tu m’as fait grand mal. Je tiens que tu as la teste armée ! » Et ledit Sabouraud, de ce moult dolant et courroucié, cuidant que en faisant ce il lui eust fait mal, lui dist et respondy que non avoit. Et puis après ce fait, demanda icelui Galippeau à avoir sondit chapperon ; et pour ce que le dit Sabouraud ne lui voult bailler sans argent ou sans presence de tesmoings, il lui dist teles parolles ou semblables : « Va t’en chier ! J’en ay bien ung autre meilleur que n’est cellui que tu as ». Et lors s’en ala et departy dudit hostel ledit Galippeau, en disant : « Je ne le te demanderay plus ». Et lors ledit Sabouraud lui dist que il s’en alast doncques, de par Dieu, ou bon lui sembleroit. Et d’ilecques s’en ala icelui Galippeau, sans soy autrement douloir ne plaindre de la dicte hurterye, en l’ostel dudit Guillaume Maillaud, aussi hostellier, où il fut et demoura l’espace d’une heure et plus, en passant temps, en la compaignie de gens d’estat et d’onneur qui ilecques s’esbatoient et passoient le temps, où ledit Galippeau beut et menga, et fist bonne chière et joyeuse, sans faire manière de courroux ne de tristresse, ne autrement soy douloir ne plaindre d’aucun mal. Et ilec dist audit Guillaume Maillaud et autres qui lors y estoient presens, que ledit Sabouraud et lui avoient hurté ensemble, et que il lui avoit en ce faisant fait une enseigne ou front, qu’il monstra ilecques, où il avoit ung petit de sang. Et quant ledit Aymery Galippeau s’en voult partir et aler hors de l’ostel dudit Maillaud, il dist audit Maillaud que il venist soupper avecques lui et en son hostel. Lequel Guillaume Maillaud, pour lui faire plaisir, y ala, et lui fist très bonne chière icelui Galippeau, en ryant et se gabant, et comme gens font aucunes foiz bonne chière et ont acoustumé de faire, quant ilz ont gens aconvy en leur hostel, sans soy plaindre ne douloir aucunement par semblance. Et il soit ainsi que depuis, par cas de malaccident ou par default de bonne garde et bon gouvernement, et autrement, comme il a pleu à Dieu, ledit Aymery Galippeau soit cheu malade au lict, de laquelle maladie il soit alé de vie à trespassement, le xie jour de ce dit present mois d’avril. A l’occasion duquel cas ainsi advenu, et pour ce aussi que, quant l’on apporta le corps de Nostre Seigneur Jhesu Crist à recevoir audit Galippeau, icelui Galippeau couchié et troublé du grant mal que il avoit et enduroit lors, ou autrement, dist teles parolles ou semblables en substance : « Je suis icy pour Jehan Sabouraud et, se je muers, je muers pour lui », et que lors le chappellain qui lui avoit apporté le corps Nostre Seigneur lui respondy teles parolles ou semblables en effect et substance : « Mon amy, ne chargez point vostre conscience, s’il n’est ainsi, car vous feriez grant pechié », et que adoncques ledit Galippeau dist audit chappellain sur le peril de son ame et par le Dieu que il attendoit à recevoir, il est ainsi comme il le disoit, mais, quant estoit de lui, il lui pardonnoit, et que en celle voulenté ledit Galippeau est alé de vie à trespassement ; ledit Jehan Sabouraud, dit de la Gassote, a esté prins et mené prisonnier, par auctorité de justice, en noz prisons de la Conciergerie de nostre Palais à Poictiers, où il est detenu prisonnier à grant povreté et misère. Et doubtent lesdiz supplians que par ce il fine miserablement ses jours, ou autrement qu’il soit moult rigoureusement travaillé ou molesté, en corps et en biens, par rigueur de justice, se nostre grace ne lui estoit sur ce briefment impartie, si comme dient lesdiz supplians. Requerans humblement que, comme en tous autres cas, etc., et qu’il ait esté et soit de tout son cuer moult courroucié, desplaisant et merry de la mort ainsi advenue en la personne dudit feu Aymery Galippeau, nous sur ce lui vueillons impartir nostre dicte grace. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde estre preferée à rigueur de justice, audit Jehan Sabouraud, dit de la Gassote, avons, etc., quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement à nostre seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois d’avril l’an de grace mil cccc. quarante et huit, et de nostre règne le xxvie après Pasques.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Dubeuf. — Visa. Contentor. Ja. de La Garde.

MCLVIII Mai 1448

Rémission accordée à Maurice Brunet, natif de Pouzauges, recherché pour plusieurs vols tant au détriment des abbé et religieux de Marmoutier que d’autres personnes, en divers lieux.

AN JJ. 179, n° 214, fol. 121 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 64-71

Charles, etc. Savoir faisons, etc., nous avoir receue l’umble supplicacion de Maurice Brunet

La famille Brunet paraît avoir tenu un certain rang à Pouzauges. Un Nicolas Brunet en était châtelain, l’an 1407, pour Miles de Thouars, seigneur de Pouzauges et de Tiffauges. A cette date, il était poursuivi au Parlement par un nommé Guillaume Souquot, qui l’accusait de l’avoir fait battre, au marché de cette ville, par André Galot, valet de guerre, et d’être, avec d’autres officiers du seigneur de Pouzauges, complice de Jean Doineau, qui avait mis le feu à un moulin appartenant au plaignant (30 mai et 6 juin 1407, Arch. nat., X2a 14, fol. 382 v° et 385). Vers 1430, ce Nicolas Brunet ou l’un de ses parents rendit hommage à Richemont, seigneur de Parthenay, de ce qu’il possédait en la terre de Saint-Mesmin (con de Pouzauges), c’est à savoir les tènements de la Bretinière, de la Passière et de la Passedoyetière. (Id., R1* 190, fol. 241.)

, contenant que, en l’an cccc. et seize, ledit suppliant qui lors estoit jeune de sens et d’aage, meu et plein de l’ennemy, se transporta avecques aucuns autres ses complices et aliez en l’abbaye de Mairemoustier près nostre ville de Tours et prindrent en une armaise estant dedens le reffectouer de ladicte abbaye xxii. tasses et xviii. cuilliers, le tout d’argent, pesans xxiiii. marcs d’argent ou environ, appartenans au convent de ladicte abbaye, desquelles choses ledit Maurice suppliant eut pour sa part dix tasses, ainsi que depuis il a confessé devant l’official de Nantes, ouquel lieu ledit suppliant, à l’occasion dudit delit, fut prins et arresté par certaine espace de temps, et depuis s’en party et eschappa dudit lieu de Nantes, sans faire audit convent aucune satisfacion ou restitucion desdictes choses. Par quoy iceulx religieux impetrèrent à l’encontre dudit suppliant certaines lettres royaulx, par vertu desquelles ilz firent prendre par execucion sur ledit suppliant, en la ville de Pousauges, dont il est natif, certains draps de laine appartenans audit suppliant, lesquelz furent venduz au plus offrant et derrenier encherisseur, et des deniers qui en yssirent furent iceulx religieux paiez de la plus grant partie des dictes choses. Et certain temps [après] ledit suppliant, pour doubte d’estre pugny et actaint dudit delit, se party et absenta du païs et s’en ala en la ville d’Avignon, où il se mist à servir ung maistre ; et cependant se acointa d’une jeune femme nommée Fremine, de la cité de Uzestz, laquelle Fremine se tint par aucun temps avecques lui. Et après, [afin] que son dit maistre ne se apparceust de son dit fait et qu’il n’en eust aucun blasme, reprouche ou deshonneur, il la bouta hors de l’ostel de son dit maistre et la mist en l’ostel d’un sien amy, et là lui faisoit ses despens. Et après ce qu’il l’eust ainsi mise dehors, comme dit est, ung presbtre, demourant en la dicte ville d’Avignon, nommé Thomas Troté, aagié de soixante ans ou environ, se acointa de ladicte Fremine, et telement que, durant certain temps que ledit Maurice ala dudit lieu d’Avignon à Thoulouse et à Carcassonne pour le fait et par l’ordonnance de son dit maistre, ledit Thomas Trotet mena ladicte Fremine en sa maison, et la tint bien par ung mois et plus ; et quant il savoit que ledit Maurice estoit retourné, il la remettoit secretement où il l’avoit prinse. Et afin qu’il peust plus seurement joir de la dicte Fremine et sans dangier, il trouva manière de soy acointer et faire congnoistre audit suppliant, et le fist boire et mengier en sa maison, et lui pria qu’il lui laissast en garde ladicte Fremine, dont ledit Maurice suppliant fut content et d’accord. Et pour tenir ladicte Fremine en amour, ledit Trotet qui estoit aagié et ancien, comme dit est, lui monstroit chascun jour grant foison d’or et d’argent, partie duquel estoit sien et l’autre il l’avoit en garde. Lequel Trotet tint bien la dicte femme par l’espace de trois mois ou environ, durant lequel temps ledit suppliant aloit et frequantoit souvent en l’ostel dudit Trotet, et à sa prière et requeste. Et en l’an mil CCCC. XXVIII, à l’instigacion et pourchaz de ladicte Fremine, ledit suppliant meu et plain de temptacion dyabolique, acompaigné d’un nommé Robin Cocherel, lequel estoit clerc de l’eglise de Saint Didier dudit lieu d’Avignon, prindrent et emblèrent furtivement en l’ostel dudit Trotet, à son desceu et absence, trois mil moutons, douze cens escuz d’or, douze tasses et vingt cuilliers d’argent. Et ce fait, s’en partirent secretement de ladicte ville d’Avignon lesdiz suppliant et Cocherel, et alèrent ensemble ou pays de Savoye, et departirent ensemble leur dit larrecin. Et ce fait, ledit suppliant se mist à chemin et s’en vint en nostre ville de la Rochelle, et apporta la part et porcion qu’il avoit eue desdictes choses. Lequel suppliant, ainsi estant en ladicte ville de la Rochelle, fut poursuivy et actaint pour ledit delit par maistre Jehan Merichon

Jean Mérichon, pourvu de l’office d’élu en Poitou, à la nomination du duc de Berry, par lettres données à Paris, le 25 mars 1416 n.s. (Bibl. nat., ms. fr. 28417, Pièces orig. n° 1933, p. 1), secrétaire du roi, conseiller et maître des comptes de Charles VII, deux fois maire de la Rochelle, en 1419 et en 1426 (Amos Barbot, Hist. de la Rochelle, Arch. hist. de la Saintonge et de l’Aunis, t. XIV, p. 277, 291), est mentionné en qualité de gouverneur de cette ville (sans doute gouverneur de la justice, titre donné au sénéchal) dans un curieux procès jugé au Parlement de Poitiers, en 1424, contre un groupe d’habitants de la Rochelle, coupables de menées séditieuses ayant pour but, semblait-il, de mettre la place au pouvoir de la faction bourguignonne, affaire dont les historiens de la Rochelle ne disent rien. (Arch. nat., X2a 18, fol. 47 et suiv.) Il avait épousé Jeanne Berland, dame en partie des Halles de Poitiers, petite-fille d’Herbert III Berland, le fondateur du couvent des Augustins de Poitiers, et probablement fille aînée de Sauvage, le second fils d’Herbert IV. Nous citerons, à ce propos, un accord du 28 juin 1423, qui apporte de nouveaux éléments à la généalogie de la famille Berland ; cette généalogie, après l’article de la nouvelle édition du Dict. des familles du Poitou, reste encore incomplète et obscure sur bien des points. Jean Mérichon, du chef de Jeanne, sa femme, Étienne Bigot, sieur de Charlée, à cause de sa femme, Guillemette Berland, Perrin Berland, et Jacquette Boyleau (aliàs Boylève), comme ayant le bail et gouvernement de Guillemine, fille mineure de Turpin Berland, chevalier, décédé, et d’elle, se disant héritiers de feu Herbert V Berland, « seuls et pour le tout », étaient en procès au Parlement contre Catherine de Chausseraye, femme en secondes noces et alors veuve dudit Herbert (dont la première femme avait été Andrée de Vivonne). Il était fort âgé quand il s’était remarié à Catherine, laquelle n’avait que quinze à seize ans, et par son contrat de mariage, il lui avait fait de grands avantages. Tous les meubles et les acquêts de la communauté devaient rester à celle-ci en pleine propriété ; en outre, pour son douaire, elle devait jouir, sa vie durant, du tiers des propres héritages de son mari. A la mort d’Herbert, elle s’était d’ailleurs emparé de la totalité de ses biens. La transaction du 28 juin 1423 lui reconnut la possession des meubles et des acquêts de Poitou seulement, et son douaire lui fut assigné sur l’hôtel sis à Poitiers, près et joignant par devant à la petite porte du grand hôtel des Halles, et jouxtant par derrière le pressoir dudit feu chevalier, et sur l’hôtel de Saint-Georges-lès-Baillargeaux, ces deux immeubles devant faire retour, après sa mort, à Jean Mérichon et autres cohéritiers susnommés d’Herbert V. Suit une longue énumération des autres biens de ce dernier qui devenaient la propriété immédiate de ses héritiers par le sang. (Arch. nat., X1c 125B, dernière pièce.) Il paraît résulter de cet acte que Jean, Guillemette, Perrin et Turpin Berland étaient les enfants de Sauvage Berland, et par conséquent les neveux d’Herbert V.

Jean Mérichon soutenait, le 2 juin 1430, un procès contre Agnès d’Archiac, veuve de Jacques Poussard, chevalier, tué à Verneuil, touchant une rente de 100 livres tournois (Arch. nat., X1a 9192, fol. 183), et de concert avec Jean Marionneau, prêtre, son chapelain et serviteur, il poursuivait au criminel un nommé Jean Boucart, le 11 mars 1438 n.s. (Id., X2a 22, à la date.) Il mourut à la Rochelle à la fin de l’année 1454 ou au commencement de 1455. Au moment de son décès, les meubles et l’argent qui se trouvaient dans son hôtel furent mis au pillage par ses domestiques, entre autres Pierre Besly, natif de l’île de Ré, et Macé Nippon, qui furent emprisonnés au château de la Rochelle et se firent délivrer des lettres de rémission, datées de Bourges, juin et juillet 1455. (JJ. 191, nos 117 et 148, fol. 62 et 78 v°.) Néanmoins des poursuites étaient encore exercées contre eux, à cause de ce vol, le 2 août 1457, au Parlement de Paris. (X2a 28, à la date.) Jean Mérichon laissait un fils unique, nommé aussi Jean, qui épousa Marie Parthenay et devint un personnage considérable. Cinq fois élu maire et capitaine de la Rochelle, en 1443, 1457, 1460, 1463 et 1468, on le trouve qualifié de conseiller du roi, élu en Saintonge et au gouvernement de la Rochelle, gouverneur à la justice ou sénéchal de cette ville, bailli d’Aunis, capitaine et sénéchal de l’île de Ré, chambellan de Louis XI, seigneur de Lagore, Hure, le Breuil-Bertin et des Halles de Poitiers ; il fut aussi député aux États généraux de 1484 et vivait encore en 1492. (Amos Barbot, Hist. de la Rochelle, Arch. hist. de la Saintonge, t. XIV, p. 309, 332, 336, 338, 347, 408, 421, 425, 438, 447, 448.) En 1472, il avait acquis de Thomas de Vivonne, sieur de Fors, la terre et seigneurie d’Auzance en Poitou. (Arch. hist. du Poitou, t. VII, p. 366, 370.) Cf. aussi un acte important du 4 janvier 1457, concernant Jean II Mérichon et sa femme, dans la collection dom Fonteneau, t. I, p. 37, et un recueil de cinquante-quatre pièces originales, de 1416 à 1498, relatives à Jean Ier, Jean II et Olivier Mérichon, père, fils et petit-fils, successivement gouverneurs de la Rochelle (Bibl. nat., ms. fr. 28417, nos 1 à 54), que nous devons nous contenter de signaler, malgré leur intérêt, pour ne point donner à cette notice un développement exagéré.

, de la dicte ville de la Rochelle, qui disoit et acertenoit [que] ladicte chevance ainsi furtivement prinse et emblée par lesdiz suppliant et Cocherel, lui competoit et appartenoit, et qu’il l’avoit baillée en garde audit Trotet ; et telement que par le moyen de la poursuite que fist ledit Merichon, icelui suppliant fut contraint lui rendre et restituer partie desdictes sommes d’or et d’argent et vaisselle d’argent ; et pour ce que ledit suppliant n’avoit lors pas puissance de tout restituer, il se obliga envers ledit Merichon pour tout le surplus des dictes choses en la somme de six cens moutons et cent dix escus d’or ; et de ce furent faictes et passées lettres obligatoires soubz le seel royal de la dicte ville de la Rochelle. Par vertu desquelles ledit Merichon, pour estre paié et satisfait des dictes sommes, fist depuis convenir et adjourner ledit suppliant. Et pour ce qu’il estoit hors et absent du païs, il eut recours sur ses biens et heritaiges, et les fist mettre en cryées et subhastacions ; ausquelles cryées et subhastacion les diz religieux abbé et convent de Mairemoustier se opposèrent, disans que les biens dudit Maurice suppliant leur estoient premierement affectz et obligiez par le delit dessus dit, par lui et ses diz complices commis en ladicte abbaye, que audit Merichon, et que par sentence diffinitive donnée contre lui par nostre bailly de Touraine ou son lieutenant il avoit esté condempné envers eulx.

A l’occasion des quelles choses se meut procès par devant nos amez et feaulx conseillers les maistres des requestes de nostre hostel, lors estans à Poictiers, entre lesdiz de Mairemoustier, d’une part, et ledit Jehan Merichon, d’autre. Et finablement icelles parties, pour evicter plaiz et procès, paix et amour nourrir entre elles, accordèrent et appoinctèrent ensemble de et sur leurs diz debatz en tele manière que iceulx religieux, abbé et convent de Mairemoustier cedèrent, transportèrent et delaissèrent audit Merichon et à son proufit tous les droiz, noms, raisons, actions et poursuites qu’ilz avoient et povoient avoir et demander contre ledit suppliant ne en ses biens et heritaiges, pour occasion dudit delit, sans ce que jamais ilz lui en peussent aucune chose demander, moyennant la somme de vingt deux royaulx d’or comptens. Laquelle leur fut dès lors baillée et nombrée comptent par ung nommé maistre Guillaume Le Baudroyer, pour et ou nom dudit Merichon, comme l’en dit ces choses plus à plain apparoir par les lettres dudit accord sur ce faictes et passées. Et depuis Pasques derrenierement passées, ledit suppliant, desirant retourner et demourer en sa nacion, est venu par devers ledit Merichon, en lui priant et requerant qui lui pleust faire aucune grace, à celle fin qu’il peust retourner en sa dicte nacion. Lequel Merichon, meu de pitié et aumosne et à la requeste et prière d’aucuns des parens et amys dudit suppliant, lui a remis et quicté toute la debte, raison et action qu’il avoit et povoit avoir à l’encontre de lui, tant à l’occasion du transport qu’il avoit eu desdiz religieux de Mairemoustier, que pour raison de l’obligacion qu’il avoit sur lui pour cause dudit delit par lui commis audit lieu d’Avignon, moyennant la somme de cent livres tournois, en laquelle ledit suppliant s’est obligié envers ledit Merichon, comme l’en dit plus à plein apparoir par lettres sur ce faictes et passées soubz le seel des contractz de la dicte ville de la Rochelle. Et combien que ledit suppliant ait satisfait à ses parties ou au moins finé et composé comme dit est, et n’y ait personne qui à l’occasion des diz deliz se face partie à l’encontre de lui, et ait grant desir et affection de retourner et demourer en sa nacion, et vivre avec ses amys bien et honnestement, mais neantmoins pour doubte qu’il a que nostre procureur ou autres noz officiers lui feissent ou temps avenir question et demande pour raison desdiz excès et delitz, et voulsissent à ceste occasion proceder contre lui à pugnicion corporelle ou autrement rigoreusement, n’oseroit jamais bonnement retourner, converser ne demourer oudit païs, se nostre grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, humblement requerant que, attendu que à l’occasion des diz deliz il a fait et composé à ses parties, comme dit est, et n’y a personne qui contre lui se face partie, que en ce n’a mort, mutilacion ne mahaing, que à l’occasion des diz cas il a longuement esté fuitif et absent, et que durant son absence il nous a bien et loyaument serviz en noz guerres, tant à Tartaz

L’affaire connue dans l’histoire militaire de Charles VII sous le nom de « Journée de Tartas » (23 juin 1442) eut un grand retentissement. Le roi avait concentré et rangé en bataille devant cette ville une armée de 30.000 combattants, dont les Anglais n’osèrent soutenir le choc.

, Dyeppe

Expédition dirigée par le dauphin, qui eut pour résultat, le 14 août 1443, la levée du siège de Dieppe, investie depuis le mois de novembre précédent par Talbot. (Cf. notre t. VIII, p. 309, note 2.)

, que autre part, et que en tous autres cas il a esté et est de bonne fame, renommée et honneste conversacion, sans jamais avoir esté actaint d’aucun vilain cas, blasme ou reprouche, et est contrict et repentent d’iceulx deliz avoir commis, et a ferme esperance et entencion de jamais ne retourner, il nous plaise sur ce lui impartir icelles. Pour quoy nous, etc., à icelui suppliant ou cas dessus dit avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes aux bailli de Touraine et des ressors et exempcions d’Anjou et du Maine, seneschal de Poictou, gouverneur de la Rochelle, et à tous noz autres justiciers et officiers, etc. Donné à Tours, ou mois de may l’an de grace mil iiiic xlviii, et de nostre règne le xxvie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Giraudeau. — Visa. Contentor. P. Le Picart.

MCLIX Mai 1448

Rémission pour Jean Valat, meunier du moulin de la Roche à N.-D. de Plaisance, en la châtellenie de Montmorillon, d’abord détenu pour avoir frappé une femme grosse qui avorta à la suite de ses coups, puis évadé des prisons dudit lieu de Plaisance.

AN JJ. 179, n° 226, fol. 127 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 71-73

Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan Valat, demourant au lieu de Nostre Dame de Plaisance en la chastellenie de Montmorillon, en nostre païs de Poictou, contenant que, puis dix mois ença ou environ, à ung jour de mardi, lui estant audit lieu de Plaisance, vint devers lui ung jeune enfant, filz de ung nommé Jehan de Sufferte le jeune, demourant en la parroisse de Soget, lequel lui dist que la femme dudit de Sufferte, sa mère, estoit au molin appellé le molin de la Roche, dont estoit mousnier ledit suppliant, et vouloit mouldre du blé. Lequel suppliant y vint et y trouva ladicte femme dudit Jehan Sufferte, nommée Perrete, à laquelle il demanda combien elle avoit de blé, et icelle respondy qu’elle en avoit viii. boisseaulx seulement. Et pour ce que à icelui suppliant sembla de prime face, à veoir icelui blé, qu’elle en avoit plus, et aussi qu’il la tenoit pour suspecte, et à celle cause qu’elle eust prins de son blé, mesmement que la commune renommée estoit et est qu’elle prenoit voulentiers de l’autruy, et aussi femme diffamée et mal renommée, mesura ledit blé qu’elle disoit n’y avoir que huit boesseaulx, et il y en avoit bien unze ; de quoy se sourdirent parolles entre ledit suppliant et icelle Perrete, et telement que icelui suppliant, non cuidant qu’elle feust grosse, lui bailla deux ou trois coups de baston, et advint que le jeudi ou vendredi ensuivant, elle acoucha d’enfant qui, comme l’en dit, fut ondoyé à l’ostel, et après ce ala de vie à trespassement. Pou de temps après lequel trespassement, les femmes (sic), parens et amys de ladicte Perrete se sont faiz partie contre ledit suppliant, disans que par le moyen de ladicte bateure son fruit avoit esté pery et estoit acouchée davant le terme ; et telement fut procédé contre lui que il fut mis prisonnier ès prisons dudit lieu de Plaisance, où il a esté traicté moult rigoureusement en fers et en seps au long de l’iver à moult grant povreté et misère, et qui plus est, l’ont fait garder à ses despens bien deux mois ; à laquelle cause il despendy presque tout le sien. Et finablement, pour les grans durtez qu’ilz lui ont faictes et tant de l’avoir fait gehainner par trois foiz, combien qu’il n’en ait riens confessé, que autrement, environ la my karesme derrenierement passée, il a trouvé manière de yssir desdictes prisons, supposé qu’il eust baillé pleiges de non en partir, si non par congié de justice. Pour occasion de laquelle bateure et aussi d’estre party desdictes prisons, il doubte de rechief estre rigoureusement traicté par justice, s’il puet estre de nouvel prins et apprehendé, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, si comme il dit, humblement requerant que, attendu que il est prest de raemplir lesdictes prisons et est chargié de femme et enfans, qu’il a tout son temps esté et encores est homme de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sans oncques avoir esté actaint ne convaincu d’aucun autre vilain cas, blasme ou reprouche, si non que dès pieça il eut certaines parolles à ung nommé Joly, et telement que icelui Joly tira à moitié sa dague pour le vouloir frapper, et ledit suppliant doubtant que l’autre le frappast premier, en soy defendant lui bailla d’un coustel au costé de l’estommac, dont il ala de vie à trespassement, et d’icelui cas il obtint noz lettres de grace et remission

Ces lettres n’ont pas été enregistrées au Trésor des chartes.

, et en a esté purgié, nous lui vueillons d’icelle bateure faicte par la manière que dit est en la personne de ladicte Perrete, et de la rompture desdictes prisons, impartir nos dictes grace et misericorde. Pour ce est il que nous, voulans en ceste partie misericorde estre preferée à rigueur de justice, à icelui suppliant, etc. avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces mesmes presentes au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois de may l’an de grace mil cccc. quarante et huit, et de nostre règne le xxvie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. A. Dubeuf. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCLX Mai 1448

Permission à Olivier Guillaume, étudiant en l’Université de Poitiers, de relever et de porter le nom de Lesparre qui était celui de ses ancêtres maternels.

AN JJ. 179, n° 222, fol. 125 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 73-76

Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receu l’umble supplicacion de nostre bien amé maistre Olivier Guillaume, bachellier en lois, estudient en l’Université de Poictiers, contenant que feuz Pierre, Bernard et Guillaume de Lesparre, frères, estoient en leur vivant chevaliers et furent, lxx. ans a ou environ, tuez par les Anglois, à la prise qu’ilz firent dès lors du chastel de Bouteville

« lxx ans ou environ », c’est-à-dire vers l’année 1378. On sait qu’à cette date Bouteville était au pouvoir des Anglais. Eliot de Plassac, qui y commandait une garnison anglo-gasconne forte de cent vingt lances, faisait souvent des courses aux environs et dévastait tout le pays entre Saint-Jean-d’Angély et la Rochelle. Les seigneurs de Thors, de Pouzauges, Jacques de Surgères, Perceval de Cologne et autres seigneurs de Poitou et de Saintonge, résolus de mettre fin à ces pillages, attirèrent les Anglais devant la Rochelle par un stratagème et firent contre eux une sortie, à la tête de deux cents lances. La lutte fut sérieuse et donna lieu à une mêlée sanglante. Eliot de Plassac, complètement battu, fut fait prisonnier et peu des siens parvinrent à se sauver. A la suite de ce combat, Bouteville tomba au pouvoir des Français. Cet événement eut lieu en 1379, d’après Froissart. (Edit. S. Luce et Raynaud, t. IX, p. 122-124.) Bouteville ne tarda pas d’ailleurs à être occupée de nouveau par les Anglais. (Cf. notre t. V, Arch. hist. du Poitou, XXI, p. 254, note 2.) Ce fut peut-être lors de cette reprise que les trois frères de Lesparre trouvèrent la mort. On n’a point trouvé d’autres renseignements sur ces personnages restés fidèles à la cause française, alors que le chef de leur famille était au service de l’Angleterre en Guyenne.

ou païs d’Angoumois, et ne demoura d’eulx aucuns hoirs, excepté dudit Pierre de Lesparre, duquel yssy ung nommé Geoffroy, et d’iceluy Geoffroy et de mariage descendy après une fille, nommée Valence, laquelle fut conjoincte par mariage avec Jehan Guillaume, clerc, bourgois de la Rochelle, desquelz et de mariage descendy ledit suppliant, et sont les diz Jehan Guillaume et Valence de Lesparre, ses père et mère, alez de vie à trespassement, delaissans icelui suppliant leur filz et heritier seul et pour le tout ; auquel par les degrez et moyens dessus declarez competent et appartiennent les biens demourez des decès desdiz chevaliers, et les tient et posside paisiblement. Et pour ce qu’il n’y a aucun hoir masle ne autre du nom et armes de Lesparre

Florimond, sire de Lesparre (cf. notre t. IV, Arch. hist. du Poitou, XIX, p. 389), le dernier « des nom et armes », était mort à Bordeaux, vers 1395, sans héritier direct. Son successeur à la baronnie de Lesparre fut Bermond-Arnaud de Preyssac, soudan de Latrau, dont la fille unique, Isabelle, fut mariée en 1408 à Bertrand, baron de Montferrand, sénéchal de Guyenne pour les Anglais. Leur fils, Pierre de Montferrand, héritier de la seigneurie de Lesparre et du soudanat de Latrau, fut aussi sénéchal de Guyenne. Il fut décapité à Poitiers, l’an 1454, lors de la seconde conquête de Bordeaux, parce que, ayant prêté serment à Charles VII après la première soumission de la Guyenne à la France, il avait repris les armes pour le roi d’Angleterre. Confisquée alors définitivement, la baronnie de Lesparre, mouvant du duché de Guyenne, fut donnée par Charles VII d’abord à Prégent de Coëtivy (lettres datées de Jumièges, janvier 1450 n.s., JJ. 180, n° 19, fol. 8), puis à Arnaud-Amanieu d’Albret, seigneur d’Orval, qui en fit hommage au roi dès le 1er décembre 1453. (Arch. nat., P. 5661, cote iiM viiic xxxii.)

, ledit suppliant prendroit voulentiers lesdiz nom et armes et delaisseroit le surnom de Guillaume ; mais il ne l’oseroit faire, doubtant que ce lui tournast à reprouche ou blasme, comme il dit, humblement requerant nostre grace et provision. Pour ce est il que nous, ce consideré, audit suppliant avons ou dit cas donné et octroyé, donnons et octroyons, de grace especial par ces presentes, congié et licence de prendre et porter les nom et armes de Lesparre et de laissier ledit surnom de Guillaume, et que doresenavant lui et les siens se puissent surnommer de Lesparre

Un François de Lesparre, écuyer, sans doute fils d’Olivier-Guillaume, était en 1471 premier panetier du duc de Guyenne, frère de Louis XI. Voy. quittance pour ses gages du mois de septembre, délivrée par lui à Jean Gaudète, trésorier des guerres, le 30 septembre 1471. (Bibl. nat., ms. fr. 28179, Pièces orig. 1695.)

, sans ce que ce leur tourne à dommaige, charge ou prejudice, ne que aucune chose leur en soit ou puist estre imputée ou demandée, ores ne ou temps avenir, en quelque manière que ce soit, pourveu toutes voyes qu’il n’y ait autre, en nostre obeissance, heritier ou successeur des diz frères. Si donnons en mandement par ces dictes presentes aux seneschal de Xanctonge et gouverneur de la Rochelle et à tous noz autres justiciers, ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, et à chascun d’eulx, si comme à lui appartendra, que ledit suppliant et les siens facent, seuffrent et laissent joir et user paisiblement de noz presens grace et octroy, sans leur faire ne souffrir estre fait aucun empeschement ou destourbier au contraire, ainçois se fait, mis ou donné leur estoit ou temps avenir, le mettent ou facent mettre tantost et sans delay au premier estat et deu. Et afin, etc., nous avons, etc. Sauf, etc. Donné aux Montilz lez Tours, ou mois de may l’an de grace mil cccc. xlviii, et de nostre règne le xxvie.

Ainsi signé : Par le roy, vous, l’evesque de Maillezays

Thibaut de Lucé aurait été évêque de Maillezais de 1438 à 1453 environ, suivant la Gallia christiana, qui ne donne sur ce personnage que des renseignements très vagues. (Tome II, col. 1373.) Dans un acte du 6 janvier 1425, il est qualifié secrétaire du roi. M. de Beaucourt, parlant des membres influents du grand conseil de Charles VII, dit que Guillaume de Lucé, évêque de Maillezais, disparut de la scène en août 1436 et qu’il fut remplacé par son frère Thibaut, « qui lui succéda également sur son siège épiscopal ». A partir de décembre 1440, Thibaut de Lucé remplit, avec Tanguy du Chastel, les fonctions de général des finances en Languedoc. En janvier 1446, il présida à Meaux une assemblée des députés de plusieurs bonnes villes situées au nord de la Seine et de l’Oise, et fut chargé, par lettres du 27 août 1448, avec Bertrand de Beauvau et le sire de Gaucourt, de conclure avec les ambassadeurs du duc Sigismond d’Autriche un traité d’alliance perpétuelle. Au mois de février 1450, Charles VII donna mission à l’évêque de Maillezais d’aller faire connaître au dauphin, retiré à Grenoble, ses intentions touchant le mariage de ce prince avec Charlotte de Savoie. Enfin le nom de Thibaut de Lucé figure encore parmi les membres du grand conseil, au bas de l’ordonnance relative à la réorganisation du Parlement, rendue aux Montils-lès-Tours, avril 1454. (Hist. de Charles VII, t. II, p. 80 ; III, p. 424, 465 ; IV, p. 369, 418 ; V, p. 139 ; VI, p. 26.) Citons encore un acte inédit concernant le même personnage. Par acte daté du 11 mars 1439 n.s., Jacques de Chabannes, sénéchal de Toulouse, reconnaît avoir reçu de mons. l’évêque de Maillezais, conseiller du roi, trois scellés que Charles VII a ordonné de lui bailler, touchant le château de Domme, le premier du bâtard « de Pellevesin », promettant de garder bien et loyalement ledit château et de le rendre au roi à toute réquisition, les deux autres du sieur de Laigle et du « sieur de Pellevesin », père dudit bâtard, qui se portent garants de l’exécution de ladite promesse. (Arch. nat., J. 400, n° 75.)

, le sire de Pressigny et autres presens. De La Loere. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCLXI 26 juin 1448

Rémission accordée à Jean Prévost, « natif de la parroisse Saint Pierre d’Eschobrogne ou diocèse de Maillezais, aagé de xxx. ans ou environ, à present demourant à Nyeil en Aulnis, chargé de femme ». Il était fixé dans cette dernière localité depuis l’âge de dix-huit ans, au service de Jean Sauvaing, prêtre, et de feu Guillaume Sauvaing, son frère, marchand. Le 15 mai 1448, au cours d’une dispute avec Robin Clerou, laboureur natif de Bretagne, il avait lancé à celui-ci une pierre qui l’atteignit au front. Quoiqu’il lui eût prodigué ses soins et ceux d’un barbier dans sa propre maison, au bout de trois semaines ledit Clerou mourut ; « lequel avant ledit cop ainsi à lui advenu avoit une grant maladie que l’on appelle chancre ou javart en la verge », pour laquelle il n’avait pas été pansé tout le temps qu’on s’occupait de sa blessure, parce qu’il n’en avait point parlé. Cette maladie pouvait bien être la vraie cause de sa mort. « Si donnons en mandement aux gouverneur de la Rochelle, baillif du grant fié d’Aulnis et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Bleré, le xxvime jour du moys de juing l’an de grace mil cccc. quarante et huit, et de nostre règne le xxvie. »

AN JJ. 179, n° 130, fol. 68 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 76-77

MCLXII Juillet 1448

Rémission octroyée à Alexandre du Leude et à Jean Pichier, écuyers, qui avaient frappé mortellement un nommé Etienne Paris, pour se venger de ce que celui-ci, quelques jours auparavant, avait aidé à conduire en prison ledit du Leude qui, dans une taverne à Rom, s’était pris de querelle avec Jean Audouyn et lui avait donné un coup de dague.

AN JJ. 179, n° 132, fol. 69 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 77-80

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et advenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Alixandre du Leude et Jehan Pichier

Nous avons vu que Jean Pichier fut l’un des écuyers de la compagnie de Jean de La Roche (La Rochefoucault), sr de Barbezieux, sénéchal de Poitou, et qu’il pouvait être fils de Guillaume Picher, écuyer, et de Catherine Janvre (vol. précédent, p. 13, note 5). Le nom de Jean Picher, écuyer, figure encore, parmi les témoins, au bas d’un acte d’hommage rendu à Barthomé Légier, seigneur de la Sauvagère, le 12 septembre 1460. (A. Richard, Arch. du château de la Barre, t. II, p. 170.)

, escuiers, contenant que deux ans a ou environ que ledit Alixandre se transporta à Rom en nostre pays de Poictou, en l’ostel d’ung nommé Gibault, lequel tenoit vin à vendre audit lieu ; en laquelle maison estoient plusieurs autres personnes et gens de villaige ; lequel Alixandre vouloit affermer et bailler à ferme certaines dismes estans en ladicte parroisse de Rom, appartenans à lui, à Jehanne et Marie de Leude, ses seurs ; et pareillement oudit hostel estoit audit lieu de Rom ung nommé Jehan Audouyn

Plusieurs familles de ce nom ont coexisté en Poitou et tous les personnages notés à l’article Audouin du Dict. des familles du Poitou (nouv. édit., t. I, p. 168) n’appartiennent pas à la même. Il serait d’ailleurs facile d’augmenter cette liste. Un Jean Audouin, dit de Laurière, aliàs de Lorroyère, poursuivi par le chapitre de l’église collégiale de Saint-Pierre du château de Thouars, en payement des arrérages d’une rente de 12 livres, qu’il devait depuis l’an 1400, et condamné par le sénéchal de Thouars, par le sénéchal de Poitou et par les Grands jours qui ordonnèrent la saisie des biens qu’il possédait dans la vicomté, entre la Sèvre et la Dive, transigea le 11 juillet 1419 et prit termes pour le payement de sa dette. (Arch. nat., X1c 118, n° 11.) Toutefois, il soutenait un nouveau procès au sujet de la même rente, le 10 février 1431 n.s., contre ladite église collégiale. (Id., X1a 9192, fol. 225.) Jean Audouin et Pierre Lamy, gardes de la Monnaie de Poitiers, furent condamnés à 200 livres d’amende et suspendus de leur office, le 30 avril 1433. (X2a 21, à cette date et au 2 mai suivant.) Un autre personnage de mêmes nom et prénom, qui par la région où il demeurait paraît appartenir à la famille de celui qui figure dans la rémission de juillet 1448, Jean Audouin, l’aîné, était appelant d’une sentence du sénéchal de Mairé-Lévescault, rendue contre lui au profit de Galehaut Séchaut, prieur du prieuré de Mairé-Lévescault ; le Parlement renvoya les parties devant le sénéchal de Poitou, par arrêt du 11 mai 1484. (X1a 4825, fol. 222.)

, homme non noble, lequel avoit mis les dismes de l’arceprestre dudit lieu de Rom à pris, et eulx estant ensemble ainsi en la dicte maison, lesdiz Alixandre et Audouyn eurent parolles contencieuses d’une pièce de terre, en laquelle ledit Alixandre disoit avoir droit de prandre dismes, et ledit Audouyn disoit au contraire et que [la] disme de ladicte pièce de terre appertenoit audit arceprestre. Auquel Audouyn ledit Alixandre dist qu’il mentoit, à quoy ledit Audouyn respondit mais lui mentoit. Après lesquelles parolles ledit Alixandre incontinent tira sa dague et en frappa ledit Audouyn par l’espolle ; et incontinent qu’il [eut] ainsi frappé ledit Audouyn, quinze ou seize compaignons, qui illec estoient à la taverne, prindrent ledit Alixandre de leur auctorité privée, sans auctorité de justice et sans aucun sergent ne commandement d’aucun juge ayant à ce puissance, et ledit Alixandre lièrent et lui ostèrent sa dague, et après le menèrent en prison au lieu de Couhé, ès quelles prisons il demoura depuis le dimenche jusques au jeudi ensuivant. Et après que les dessus diz eurent ainsi mis et mené le dit Alixandre en prison, ilz s’en retournèrent en l’ostel d’un nommé Gentet, auquel avoit vin à vendre, et despendirent la dague dudit Alixandre. Et depuis, c’est assavoir le viiime jour de juing derrenierement passé, les diz Alixandre et Jehan Picher, mari de sa seur, supplians, estans au lieu de Roche Picher, en la maison dudit Jehan Picher, se transportèrent au lieu de la Feole, pour affermer leurs mestaieries, et d’ilec s’en alèrent soupper au Petit boys en l’ostel d’ung nommé Biroil, et après ce qu’ilz eurent souppé, se partirent dudit lieu pour aller coucher au Mimerez, [et] rencontrerent en leur chemin Estienne Paris et ung nommé Courtois, lesquelz les saluèrent ; et quant ilz furent passez oultre lesdiz supplians, ledit Alixandre eut memoire que c’estoit ung d’iceulx qui l’avoient menné en prison, et dist audit Jehan Picher, son frère, telles parolles : « Veez là de ceulx qui furent à moy mener en prison. Je vueil retourner pour lui donner ung soufflet. » Et lors ledit Picher dist audit Alixandre qu’il le prioit qu’il ne lui feust fait chose pour quoy ilz feussent en dangier de justice. A quoy ledit Alixandre respondy que non feroit il, et incontinent les parolles dictes, ilz s’en retournèrent et alèrent après ledit Paris ; lequel, quant il vit lesdiz supplians retourner contre lui, commença à fouyr à travers buisson ; lequel lesdiz supplians cerchièrent, et quant ilz l’eurent trouvé, mirent pié à terre et tirèrent leurs espées, et lors ledit Pichier le frappa deux cops du pommeau de son espée sur les espaules, et ledit Alixandre le cuida frapper du pommeau de son espée sur le visaige ; et ainsi que le dit Paris tourna le visaige, ledit Alixandre l’ataingny et le frappa sur la teste ung cop tant seulement, et atant se departirent. Et s’en ala ledit Paris à sa maison, et fut le dimenche ensuivant à la messe. Et ce fait, les diz supplians s’en alèrent couchier audit lieu de Mimerez. Lequel Paris a depuis vescu xi. jours, et le xii° jour ensuivant, par deffault de gouvernement, par accident d’autre maladie qu’ilz se meurent (sic), ou autrement, ala de vie à trespassement. A l’occasion duquel cas, les diz supplians, doubtans rigueur de justice, se sont absentez du pays et n’y oseroient jamais retourner, se nostre grace et misericorde ne leur estoient sur ce imparties, humblement requerans que, attendu ce que dit est, et que les diz supplians sont gens de bon fame et renommée et honneste conversacion, non actains ou convaincus d’aucun autre vilain cas, blasme ou reproche, et qu’ilz n’avoient point entencion de blecer, mutiler ne tuer ledit Paris, et ne le frappèrent point d’estoc ne de taille de leurs espées, qu’il a longuement vescu depuis ladicte baterie, et lui peut estre soudainement sourvenue aucune maladie, de laquelle il peut estre alez de vie à trespassement, il nous plaise leur impartir icelles. Pour quoy nous, attendu ce que dit est, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, aus diz supplians oudit cas avons remis, quicté et pardonné, etc., satisfaction faicte à partie civilement tant seulement, etc. Si donnons en mandement par ces presentes aux seneschaulx de Poictou et de Xanctonge et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Bleré, ou moys de juillet l’an de grace mil quatre cens xlviii, et de nostre règne le xxvime.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. E. Froment. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCLXIII Juillet 1448

Rémission donnée en faveur de Mathurin Prévôteau, prisonnier à Fontenay-le-Comte pour avoir battu des enfants qui faisaient paître leurs bêtes dans ses prés.

AN JJ. 179, n° 138, fol. 73 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 80-81

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Mathurin Prevosteau, povre homme chargié de femme et de trois petis enfans, contenant que dès pieça icellui suppliant et ung nommé Berthomé Brebeuf furent asseurez l’un de l’autre par justice, depuis lequel asseurement, il peut avoir environ trois ans, pour ce que ledit suppliant trouva ledit Brebeuf en ung sien pré, qui fenoit du foing à icellui suppliant appartenant, icellui suppliant sans le ferir le bouta, et depuis encores à une autres foiz, pour ce que ledit Brebeuf ne se pouvoit tenir de lui faire dommaige en ses prez et dist à icellui suppliant que, voulsist ou non, il yroit, ledit suppliant ala querir une fourche ferrée dont il fist semblant de le ferir, toutesfoiz il n’en fist riens ; mais advint que depuis ces choses, ledit suppliant trouva pluseurs enfans en une sienne terre qui estoit emblavée de seigle, lesquelz y faisoient paistre des pourceaulx, brebiz, chièvres et autre bestail, et lui faisoient grant dommaige, batit par ordre l’un après l’autre tous iceulx enfans, comme assez raison y avoit, sans les batre villainement, entre lesquelz ledit Brebeuf y avoit ung filz. Pour lesquelz cas dont a esté faicte informacion, ledit suppliant a esté prisonnier au lieu de Fontenay le Conte, où il est encores de present, à grant povreté et misère, en adventure d’estre de ce que dessus dit griefment pugny, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce impartiz, si comme il dit, humblement requerant, etc. Pour ce est il que nous, voulans, et en ayant pitié et compassion dudit suppliant, de sa dicte femme et trois petis enfans, misericorde estre preferée à rigueur de justice, à icellui ou cas dessus dit avons, etc., quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Chinon, ou mois de juillet l’an de grace mil cccc. quarante et huit, et de nostre règne le xxvime.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. E. Froment. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCLXIV Août 1448

Rémission en faveur de Jean Beaugendre, Michaut Doubleau et Colas Godin, de Luzay, pour le meurtre de Jean Gaugain, curé de ladite paroisse, qu’ils avaient surpris couché avec Marion Beaugendre, veuve de Jean Galimbert, leur sœur, cousine et commère.

AN JJ. 179, n° 235, fol. 133 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 82-86

Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receu l’umble supplicacion de Jehan Beaugendre, Michau Doublau et Colas Godin, de la parroisse de Luzay, contenant que il estoit paroles en la dicte parroisse que feu Jehan Gaugain, en son vivant prebstre et curé de la dicte parroisse, maintenoit Marion Beaugendresse, vefve de feu Jehan Galenberd, sueur germaine dudit Jehan Beaugendre, cousine germaine dudit Michau et commère dudit Colas, supplians, et le dimanche xie jour de ce present mois d’aoust, environ neuf heures de nuyt, fut dit aus diz Michaut et Colas que le dit curé estoit alé à la roche de la dicte Marion, en laquelle icelle Marion demouroit, laquelle roche appartient audit Jehan Beaugendre ; lesquelz Colas et Michau se transportèrent à la dicte roche, et ilecques escoutèrent ung peu. Et ce fait, ledit curé estant en la dicte roche cousché avec ladicte Marion, dist à icelle Marion qu’il y avoit gens qui les escoutoient, et ce dit, icelui curé se commança à lever et habiller. Et adonc lesdiz Colas et Michau appellèrent ladicte Marion, en disant qu’elle leur ouvrist l’uys d’icelle roche. A quoy respondy que non feroit et qu’elle ne les congnoissoit point. Et de rechief lui commencèrent à dire qu’elle leur ouvrist ledit huys, et qu’elle povoit bien savoir à leur parolle qui ilz estoient, en lui disant que le curé estoit couchié avecques elle. Lesquelz Michau et Colas, de paour que ledit curé yssist hors de la maison misdrent et passèrent ung baston par dedens la boucle dudit huys ; et ce fait, ledit curé vint à l’uys de la dicte roche, lequel par force de tirer ou autrement, rompy ladicte boucle et icelle rompue, ledit curé de leger ouvry ledit huys et se mist comme ou my lieu d’icellui. Et adoncques les diz Michau et Colas commancèrent à parler audit curé, en disant se c’estoit fait de homme de bien de venir ainsi deshonnorer ses parroissiennes et de leur aprendre le chemin de perdicion, lui qui devoit estre raemply de toutes bonnes meurs et soy porter comme pasteur et les endotriner en tele manière qu’elles ne deussent ne voulsissent offenser leur createur, en lui disant plus, que pour l’offense et deshonneur qu’il avoit fait à la dicte Marion et aux parens d’icelle que ilz le batroient si à point, avant qu’il partist d’ilecques, que tous les temps de sa vie il ne ahonteroit nulle de ses parroissiennes qu’il ne lui en souvenist. Aus quelles parolles ledit curé reppella, disant qu’il n’estoit pas venu en ladicte roche pour aucun deshonneur faire à ladicte Marion ne à autres, et qu’ilz le laissassent aler, ou autrement qu’il les oultraigeroit en leurs corps et mesmement audit Michau, lequel estoit bien à sa main pour lui donner ung coup, comme il disoit. Et sur ce ledit Colas dist audit curé qu’il leur donnast à chascun d’eulx vingt escuz et qu’ilz le laisseroient aler, afin que aucun grant inconvenient ne s’ensuivist entre eulx, et que ledit curé evitast le plus gracieusement que faire se pourroit qu’il ne feust en son corps blecié ou mutilé, ne que aucun scandal en la personne de ladicte Marion n’advenist, o condicion toutesvoyes que le ledit curé se absenteroit en brief temps de la cure, par permutacion d’icelle ou autrement, quoy que soit que jamais n’y demoureroit. A quoy ledit Michau dist qu’il ne le quicteroit pas pour quarante escuz en sa part. Et depuis ce, pour tousjours fouyr et eschiever mutilacions et bleceures, et aussi que la dicte Marion ne ses parens pour elle feussent aucunement scandalisez, pervindrent à demander seulement chascun son muy de blé, et que se les frères de ladicte Marion ou l’un d’eulx arrivoient aucunement, que jamais n’auroit si bon marché et qu’ilz le occiroient. A quoy respondy ledit curé que il aymeroit mieulx que iceulx frères de ladicte Marion ou l’un d’eulx y feussent que qu’ilz n’y feussent pas, mais que se lesdiz Michau et Colas vouloient prendre chascun sa mine d’avoine, qu’il la leur donneroit, et qu’ilz le laissassent aler. De quoy ne se vouldrent pas contenter. Et incontinant ledit Jehan Beaugendre, lequel avoit veu ledit curé s’en aler vers ladicte roche, par le souspeçon qu’il avoit en la personne dudit curé, vint et arriva en ladicte roche, tenant une fourche de fer en sa main, et ilec trouva lesdiz Michau et Colas, et aussi le curé estant comme ou mylieu de l’uys de la dicte roche, tenant ung bracquemart en sa main tout hors de la gainne. Et lors ledit Michau dist audit Jehan : « Veez cy ce ribault prebstre, que nous avons trouvé couchié avecques ta sueur. » Et adonc ledit curé commança à dire en detestant Dieu et ses saincts, que, se ledit Jehan s’approuchoit qu’il le tueroit ; et lors ledit Beaugendre lui bailla de ladicte fourche de fer par la gorge en disant : « Traistre ribault, me as tu fait tel deshonneur de venir couchier avecques ma sueur, et icelle ahonter ! » Après lequel coup, ledit curé se retrahy dedans ladicte roche et ferma l’uys d’icelle. Adoncques tous lesdiz supplians ensemble misdrent l’uys hors des gons, et ce fait, ledit curé yssi hors de ladicte roche, son bracquemart en sa main, et d’icelui frappa ledit Michau sur la main dextre en tele manière que le posse d’icelle ne lui tenoit que à ung petit de peau. Et après cuida frapper ledit Jehan sur sa teste, lequel fouyt au coup et print incontinant au corps ledit curé et le mist à terre ; et lors ledit Colas lui osta son bracquemart, et tant fist ledit curé que il se leva et en se levant ledit Colas lui donna d’un baston de chesne, qu’il tenoit lors en sa main, ung coup sur l’eschine, et pareillement ledit Michau le cuida frapper, mais pour ce qu’il avoit este blecié très fort en la main, comme dit est, son baston lui eschappa et ferit ledit Colas, ne autrement ne lui touchèrent ne ne frappèrent lesdiz Colas et Michau. Et ce fait, s’en retourna ledit curé dedans ladicte roche, et ilecques le poursuivoient ; et lui ainsi entré dedens, trouva une table laquelle il mist entre lui et ledit Beaugendre et aussi print une petite selle, de laquelle il se targoit le mieulx qu’il savoit et povoit. Lequel Beaugendre ilec lui bailla plusieurs coups et colées, et entre les autres lui bailla ung coup sur la teste environ la couronne, après lequel incontinant ledit curé se posa sur ung lit estant en ladicte roche, ouquel estoient couchiez les enfans de ladicte Marion. Et après ce ledit Beaugendre aluma une chandelle, et en sa main print ung pié de brechet

F. Godefroy (Dict. de l’anc. langue française) donne les formes brechet, brichet ou bruchet et traduit ce nom par pied, appui, tréteau. Les exemples qu’il cite sont empruntés à des textes angevins. Lalanne n’a point recueilli ce mot dans son Dict. du patois poitevin.

, duquel lui donna sur ses piez, jambes et braz et autres parties de son corps, en lui disant que jamais ne habiteroit à femme qu’il ne lui en souvenist. Et adonc ladicte Marion pria ledit Beaugendre qu’il lui pleust se surseoir de plus proceder à la mutilacion dudit curé, et incontinant ledit Beaugendre donna cinq ou six coups dudit pié de brechet à ladicte Marion, tant qu’il lui convint soy departir de ladicte roche, en lui disant : « Meschante paillarde, tu as deshonnoré ton lignaige ». Et atant se departirent d’ilecques, et laissèrent ledit curé tout vif. Et après ce, à l’occasion desdiz coups, par faulte de garde ou aultrement, il est alé de vie à trespassement. Pour laquelle cause, lesdiz supplians, doubtans rigueur de justice, ne se oseroient jamais monstrer ne veoir en leurs maisons, se nostre grace et misericorde ne leur estoient sur ce imparties, humblement requerans que, attendu les choses dessus dictes, mesmement la proximité de lignage dont lesdiz Beaugendre et Michau attenoient à ladicte Marion, pour quoy dure chose leur estoit de veoir ainsi deshonnorer leur lignaige et pour ung prebstre, leur curé, qui les deust avoir gardez à son povoir, comme à homme d’eglise appartient, mesmement qu’il estoit leur curé et qu’il y estoit tenu et obligié, il nous plaise sur ce nostre dicte grace et misericorde leur impartir. Pour quoy nous, etc. ausdiz supplians avons quicté, remis et pardonné, etc., satisfaction faicte à partie civilement tant seulement, se faicte n’est. Si donnons en mandement par ces presentes à nostre bailli de Touraine et des ressors et exempcions d’Anjou et du Maine, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Champigny, ou mois d’aoust l’an de grace mil cccc. quarante et huit, et de nostre règne le xxvie.

Ainsi signé : Par le roy, vous, le conte de Dunois, les sires de Pressigny et de Blainville

Jean, bâtard d’Orléans, comte de Dunois et de Longueville, seigneur de Parthenay par don du roi après le décès de Richemont, mort le 24 novembre 1458. Bertrand de Beauvau, sr de Pressigny ou Précigné, et Jean d’Estouteville, sr de Blainville, puis de Torcy. (Voy. le vol. précédent, p. 220, note 4.)

et autres presens. Rolant. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCLXV Août 1448

Lettres d’abolition octroyées à Pierre Doux, dit Saint-Maixent, ancien homme d’armes de la compagnie de Jean de La Roche, pour tous les pillages, détrouses, violences et autres excès dont il s’est rendu coupable durant les guerres.

AN JJ. 179, n° 236, fol. 134 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 86-90

Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receu l’umble supplicacion de Pierre Doulx

Le nom de Pierre Doux ne figure pas sur la liste des hommes d’armes et archers de la compagnie de Jean de La Rochefoucault, seigneur de Barbezieux, contenue dans les lettres d’abolition qui leur furent octroyées le 9 avril 1431. (Cf. notre précédent vol., p. 8 et suiv.) Il en fit partie sans doute postérieurement à cette date, à moins qu’il n’y soit déguisé sous un sobriquet. Le surnom de Saint-Maixent lui fut donné sans doute en souvenir de la part importante qu’il eut à la reprise de cette ville sur les chefs poitevins de la Praguerie. (Voy. id., Introduction, p. lix, lxiii.) Le service rendu à Charles VII en cette circonstance par l’ancien routier est rappelé de la façon la plus précise dans deux lettres patentes du 16 avril 1440 après Pâques et du 7 juillet 1441. Les premières portent don en faveur de Pierre Doux et en récompense de sa conduite, d’une rente annuelle de 100 livres, à prendre pendant dix ans sur la recette du sel de Vivonne ; elles sont datées de Saint-Maixent même, quelques jours après l’événement, et ont été publiées par M.A. Richard (Recherches sur l’organisation communale de Saint-Maixent, in-8°, p. 196.) Les secondes, données « en nostre ost devant nostre ville de Pontoise », sont un mandement aux généraux des finances de faire payer au donataire par le receveur du quart du sel que le roi a accoutumé de prendre à Vivonne en Poitou, ladite somme annuelle de 100 livres, parce que celui-ci « soubz umbre de certaine ordonnance et defenses generales à luy et autres receveurs particuliers de noz aides et finances, naguères et dernièrement faites de non payer aucune chose des deniers de leurs receptes, si non par les decharges du recepveur general de noz finances, contrerollées par nostre amé et feal secretaire et audiencier, Me Dreux Budé, a esté et est reffusant de lui continuer et paier ladite somme ». On y rappelle les titres de Pierre Doux à la reconnaissance du roi. Le dimanche de Quasimodo (3 avril 1440), le duc d’Alençon et feu Jehan de La Roche ayant « prins nostre chastel de Saint Maixent et d’icellui estans entrez en nostre dicte ville, pour icelle subjuguer et mettre enleur obeissance, ledit suppliant, afin que donnissions secours aux habitans d’icelle ville, qui pour nous en tenoient aucuns portaulx à l’encontre des dessusdiz, se parti hastivement sur le meilleur de ses chevaulx et vint, à très grant diligence, par devers nous, en nostre ville de Poictiers, et nous fist assavoir les choses dessus dictes, par le moyen de laquelle diligence envoyasmes incontinent secours aus diz habitans et recouvrasmes, cellui jour mesmes, nostre dicte ville, et depuis par siège nostre dit chastel, et y tua ledit suppliant son dit cheval ». Pour le punir de son intervention, « aucuns des dessus nommez ou de leurs gens alèrent en l’ostel d’icellui suppliant, où lui prindrent ses autres chevaulz qu’il avoit, son harnois et tous ses autres biens meubles, robes, linge, joyaux et choses quelzconques estans en sondit hostel, lesquelz ilz emportèrent et firent mener en nostre ville de Nyort, et tellement le pillèrent qu’il n’avoit ne n’a de quoy vivre ne soy remettre sus pour nous servir en noz guerres, comme avoit acoustumé, etc. » (Original, Bibl. nat., ms. fr. 20584, n° 60. — Le n° 61 de ce recueil est un vidimus des lettres du 16 avril 1440, donné sous le sceau de Guillaume Rogier, garde du sceau aux contrats de Poitiers, le 11 octobre 1440.) Pour reconnaître la fidélité des autres habitants. Charles VII leur concéda divers privilèges, créa un corps de ville à Saint-Maixent, par lettres d’avril 1440 après Pâques, y transféra l’élection qui avait auparavant son siège à Niort, etc. (Voy. A. Richard, op. cit.)

, dit Saint Maixant, le pours…

Sic. Peut-être faut-il lire « poursuivant d’armes », c’est-à-dire aspirant à l’office de héraut d’armes, auquel on ne pouvait parvenir qu’après sept années d’apprentissage.

, contenant que, ou temps de sa jeunesse, il se mist à chevauchier avec les gens d’armes et a esté avecques eulx en plusieurs voiages et armées, et mesmement fut avec feu Jehan de La Roche

Dans l’introduction de notre précédent volume (p. xvii), à propos de la tentative du connétable de Richemont pour s’emparer de Sainte-Néomaye à la fin de 1428, nous avons dit que cette place appartenait vraisemblablement à Jean de La Rochefoucauld, sénéchal de Poitou. Cette hypothèse se trouve entièrement justifiée par un document que nous avons découvert depuis. Il s’agit de lettres patentes de Charles VII, datées de Niort, le 13 juillet 1427, constatant que son écuyer d’écurie, Jean de La Roche, seigneur de Sainte-Néomaye, lui a fait ce jour « l’hommage de la terre, chastel et chastellenie dudict Saincte-Neomaye, à luy de nouvel advenue par don de nous, mouvant et tenue de nous, à cause de nostre chastel et chastellenie de Saint-Maixent », lesdites lettres signées : « Par le roy, le seigneur de La Trémoïlle, les sires de Gaucourt et de Villers, et autres presens. Mallière ». (Arch. nat., P. 5532, cote 445.)

, et le servy bien longtemps èsdictes guerres, paravant ce que ledit de La Roche feust à nous desobeissant, pendant et durant lequel temps que ledit suppliant s’est ainsi tenu èsdictes guerres, il n’a eu de nous aucunes soldes ou gaiges dont il peust entretenir son estat ne de ses varletz et serviteurs, et à la dicte cause a esté contraint de tenir les champs et vivre sur noz païs et subgiez, et avec ce a couru et fait courir ses varletz et serviteurs sur le plat pays, et ont pillé, robé, destroussé et raençonné toutes manières de gens qu’ils ont trouvez sur les champs et ailleurs, tant gens d’eglise, nobles, bourgois, marchans que autres qu’ilz ont peu trouver, leur osté leurs chevaulx, monteures, or, argent, robes, joyaulx, denrées, marchandises et autres biens qu’ilz trouvoient sur eulx, vendu et butiné leurs chevaulx, biens et autres destrousses, et a eu et prins sa part èsdictes destrousses, pilleries et roberies que ont fait ses diz varletz et serviteurs, les a soustenuz, supportez et favorisez èsdictes pilleries, a esté à courir foires et marchiez et à icelles piller, prins et emmené bestiail, partie d’icellui mangié, l’autre vendu et butiné et fait ce que bon lui a semblé, et aucunes foiz raençonnez à vivres et autres choses ; et a esté avecques autres gens de guerre assaillir villes et places fortes, à icelles prandre par force, les pillées et à prendre ceulx qui estoient dedans prisonniers, comme s’ilz feussent noz ennemys, et pour la resistance que faisoient ceulx qui dedens estoient aucunes foiz a esté bouté le feu èsdictes places et commis des meurtres, sans ce toutesvoyes que ledit suppliant ait commis lesdiz meurtres et bouté ledit feu, combien qu’il ait esté present et aidé à piller les diz biens qui estoient retraiz èsdictes places. Et puet estre que, durant le temps qu’il a suivy lesdictes guerres et tenu les champs en compaignie de gens d’armes, que aucuns de la compaignie où il estoit ont violé femmes, non pas qu’il ait esté present ne de ce consentant, et fait et commis autres grans cas, crimes et deliz qu’il ne pourroit bonnement dire ne exprimer. Et combien que ledit suppliant, dès long temps a, se soit retraict des dictes guerres et nous ait fait de grans services, tant au recouvrement des ville et place de Saint Maixent que autrement, neantmoins il doubte que aucuns sur lesquelz ont esté faiz lesdiz maulx, pilleries, roberies et destrousses et autres choses dessus declairées, en voulsissent, ores ou pour le temps avenir, faire poursuite par justice à l’encontre de lui, et que par ce moyen on lui voulsist donner aucun destourbier ou empeschement, ou autrement le molester et rigoureusement proceder à l’encontre de lui, ou le pugnir corporelment, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, humblement requerant que, attendu lesdiz services à nous faiz par ledit suppliant et que, pour soy entretenir en nostre dit service, il a esté comme contraint à faire et commettre lesdiz maulx, excès et deliz, ou plusieurs d’iceulx, et aussi que, depuis noz ordonnances derrenierement faictes, il s’est bien et grandement gouverné, il nous plaise lui impartir icelles. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans en ceste partie misericorde preferer à rigueur de justice, audit Le Doulx, dit Saint Maixent, suppliant, ou cas dessus dit, avons les faiz et cas dessus diz et chascun d’iceulx aboliz, remis, quictez et pardonnez, abolissons, etc. Si donnons en mandement par ces presentes aux seneschaulx de Poictou et de Xanctonge, gouverneur de la Rochelle et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Champigny, ou mois d’aoust l’an de grace mil iiiicxlviii, et de nostre règne le xxvie.

Ainsi signé : Par le roy, vous, les sires de Gaucourt

Raoul VI de Gaucourt, premier chambellan du roi et grand maître de France ; il avait été sénéchal de Poitou de décembre 1427 à juin 1429. (Cf. Arch. hist. du Poitou, t. XXVI, p. 285, note 2.)

et de Blainville et autres presens. Rolant. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCLXVI Septembre 1448

Lettres d’abolition en faveur de Jean Gendrot, marchand de Thouars, qui, étant commis du receveur des aides de Poitou dans le pays thouarsais, avait mis en circulation trente ou quarante mille mailles du pays de Liège, qu’il avait achetées en bloc et revendues avec bénéfice.

AN JJ. 179, n° 183, fol. 102 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 90-94

Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan Gendrot, marchant demourant à Thouars

Jean Gendrot, fils de Pierre, d’une riche famille bourgeoise de Thouars, était, comme il le rappelle ci-dessous, l’un des commissaires des tailles dans la ville et la châtellenie de Thouars. Convaincu d’avoir, dans l’exercice de cette charge, exigé des contribuables des sommes excessives, il avait été condamné à payer, conjointement avec son collègue Jean de Lavau, une amende de 20 livres tournois, taxe pour laquelle il figure sur le compte de recette de la somme de 18000 livres accordée, à titre de composition, par les officiers royaux du Poitou qui avaient eu l’administration ou le maniement des deniers publics, afin d’obtenir des lettres d’abolition générale. (Arch. hist. du Poitou, t. XXXI, p. 137.) Ce délit et celui d’avoir spéculé sur les monnaies montrent déjà que, malgré la bonne réputation qu’il s’attribue, Jean Gendrot n’était pas trop scrupuleux sur le choix des moyens capables de l’enrichir. Mais il eut, quelques années plus tard, à répondre en justice de faits beaucoup plus graves, pour lesquels il fut, tout d’abord, détenu prisonnier à Thouars.

A la mort d’une de ses parentes, Colette Gendrot, veuve sans enfants de Jean Labbé, il s’était approprié frauduleusement les biens meubles de celle-ci et l’argent monnayé contenu dans ses coffres, montant à la somme considérable de dix ou douze mille écus. C’est du moins ce dont l’accusait Perceval d’Appelvoisin, écuyer, frère utérin de la défunte et son légitime héritier, qui se trouvait frustré d’une bonne part de la succession. Perrette Mignot, alors décédée, mère de Colette et de Perceval, avait été mariée trois fois : 1° à Pierre Gendrot (autre que le père de Jean), « qui estoit ung des plus riches hommes de la viconté de Thouars », dont naquit Colette Gendrot ; 2° à Guillaume Sevestre, « grand riche homme », mort sans postérité ; 3° à messire Louis d’Appelvoisin, « tenant mille livres de rente et riche en biens meubles », aussi défunt à l’époque, père dudit Perceval. Suivant la coutume, Perrette hérita successivement de tous les biens meubles et acquêts de ses trois maris, « et de son vivant fut renommée la plus puissante femme de son estat qui feust en Poitou ». Elle avantagea sa fille, lors du mariage de celle-ci avec Jean Labbé, « qui estoit grand riche homme et un des notables du païs, lequel trepassa, delaissant tous ses biens à Colette, sa femme ». Jean Gendrot sut capter la confiance de sa parente, qui lui donna en garde la plus grande partie de sa fortune.

Perceval, voyant sa sœur vieillir sans enfants, la laissa jouir des biens communs entre eux deux, jusqu’à ce qu’elle mourût à Thouars de la peste. Cette épidémie avait obligé le frère à s’absenter, tandis que Gendrot demeurait, sous prétexte de soigner sa parente et de donner ordre à ses affaires. Elle morte, il visita la maison, força la serrure, ouvrit les écrins et fit main basse sur tout ce qu’il trouva, puis, quand les coffres eurent été ainsi vidés, il y fit mettre les scellés par l’autorité judiciaire. Invoquant la considération dont il jouissait, sa réputation de négociant riche et honnête, Jean Gendrot niait avoir rien détourné de la succession de sa parente. Il n’aurait pu le faire, disait-il, sans être vu des nombreux gens qui alors conversaient, mangeaient et buvaient dans l’hôtel. Il affirmait d’ailleurs que Colette, riche en biens fonds, ne l’était pas en meubles. Le procès, porté au Parlement, y dura plus de sept ans ; l’on en peut suivre les péripéties du 13 juillet 1456 au 13 juillet 1463, mais nous n’en connaissons pas la solution définitive. (Arch. nat., X2a 27, fol. 110 v°, 111, 272 v° ; X2a 28, aux dates des 13 juillet 1456, 31 janvier et 12 décembre 1457, 7 mai 1459 ; X2a 30, fol. 44, 265 v°, 266.)

Guillemine Flamand, femme de Jean Gendrot, et son fils, André, furent aussi poursuivis comme complices de ces détournements. André Gendrot possédait le fief de Bilazais près Thouars, ou du moins son fils aîné Colin en fit l’hommage le 13 octobre 1483. (Les fiefs de la vicomté de Thouars, publ. par MM. le duc de La Trémoïlle et H. Clouzot. Niort, 1893, in-4°, p. 84.)

, contenant que, jaçoit ce qu’il soit homme de bonne vie et renommée et qui tout son temps a usé de fait de marchandise, et aucunes foiz de fait de change pour soustenir la vie et estat de lui, sa femme et enfans, en quoy et en toutes autres choses il s’est bien et deuement gouverné, sans avoir esté reprins, actaint ne convaincu d’aucun vilain cas, blasme ou reprouche, et telement que pour la bonne renommée de lui, nostre bien amé Anthoine Vousy

Sur ce personnage cf. ci-dessus p. 55 et note.

, receveur de noz aides en Poictou et des tailles mises sus, tant pour noz affaires comme pour le paiement des gens d’armes logiez oudit païs, l’a ordonné et fait son commis ou païs de Thouarçois et en plusieurs autres lieux, en quoy il s’est aussi bien et notablement gouverné et gouverne sans ce que aucun se plaigne de lui, et que depuis naguères nous eussions envoyé en nostre dit païs de Poictou nostre amé et feal conseiller maistre Jehan Bureau, tresorier de France, pour reformer toutes manières de gens de tous cas

Jean Bureau, maître des comptes, trésorier de France, maître de l’artillerie, chambellan du roi, etc., décédé à Paris, le 5 juillet 1463. (Voy. notre vol. précédent, p. 172, note 3.) Il avait été envoyé en Poitou, avec mission de faire une enquête approfondie sur les excès, abus de justice, exactions et autres prévarications des officiers de justice et de finance, d’exercer des poursuites et de punir les coupables. C’est alors que les gens du pays envoyèrent au roi des députés, pour lui offrir une somme fixée d’un commun accord à 18000 livres, moyennant laquelle ils obtinrent des lettres d’abolition générale, datées de Montils-lès-Tours, mars 1447, dont le texte a été publié dans notre précédent volume, p. 413-418. Par autres lettres du 24 mai suivant, Jean Bureau fut encore chargé, avec l’évêque de Poitiers, Jean Gouge de Charpaignes, et Jean Rabateau, président au Parlement, « d’asseoir, imposer et esgaler icelle somme de xviiim livres sur tous les delinquans, crimineulx et malfaicteurs dudit païs de Poictou, en ayant regard à leurs facultez et puissance, et aussi aux crimes, deliz, abuz et malefices par eulx commis et perpetrez, le fort portant le foible, etc. » (Arch. hist. du Poitou, t. XXXI, p. 120.)

 ; et depuis ayons donné abolicion generale à tous les habitans dudit païs de tous les cas qu’ilz pourroient avoir commis et perpetrez, tant en general que en particulier, supposé qu’ilz ne feussent exprimez en nos dictes lettres d’abolicion, excepté de crime de lèze majesté, herezie et meurdre d’aguet apensé. Neantmoins, pour ce que trois ans a ou environ paravant nostre dicte abolicion, ledit suppliant achetta ou fist achetter de ung appellé Fremin Caignet trente ou quarante milliers de mailles que l’en avoit apportées du païs du Liège et en eut cinq ou six pour ung denier tournois, et les exploicta, et en bailloit aucunes foiz quatre, aucunes foiz cinq pour ung denier ; car lors on ne povoit bonnement finer de change, obstant que bien longtemps paravant on n’avoit en noz monnoyes forgié doubles mailles, deniers ne autre menu change et en avoit le peuple grant disette ou souffrance, car souventes foiz les povres gens envoyent querir maille de moustarde, de chandelle ou autres petites choses à eulx necessaires, qui n’ont de quoy plus largement en acheter ; et par ce aussi que l’en a aucunement acoustumé de user desdictes mailles en fait de change au païs, il ne cuidoit en riens mesprendre. Et supposé que aucune faulte y eust, si en devroit il estre quicte moyennant nostre abolicion dessus dicte, et que ledit Fremin Caignet a esté trouvé depuis saisy de certains faulx doubles et deniers, dont ledit suppliant n’a riens veu ne eu, et à ceste occasion a esté prins et mené à Paris prisonnier par devers les generaulx maistres de noz monnoyes, et ledit suppliant a esté adjourné à comparoir en personne par devant les diz generaulx maistres de nos dictes monnoies à Paris

Les registres des causes civiles de la Cour des Monnaies à Paris présentent une lacune du 2 janvier 1438 n.s. au 11 décembre 1456, et les registres des matières criminelles ne commencent que le 22 juin 1470. (Arch. nat., série Z1B.)

, au lendemain de la saint André prouchainement venant. Et doubte icelui suppliant que, soubz umbre de ce que dit est, l’on le vueille molester et travailler, et dire le dit cas non estre comprins en l’abolicion dessus dicte, en son grant prejudice et dommaige, se par nous ne lui estoit sur ce pourveu de remède convenable, comme il dit, requerant humblement que, attendu ce que dit est et que audit païs a couru et encores courent plusieurs et diverses monnoyes, et que les mailles dessus dictes n’estoient point marquées à nostre marque, et en a usé en faisant change ou fait de sa dicte marchandise, en default d’autre change, sans contraindre aucun à les prendre, mais les prenoit l’en voulentiers, et se ledit cas n’est declairé en l’abolicion dessus dicte, aussi n’est il pas expressement [nommé] en l’expedicion, nous lui vueillons subvenir de nos diz grace et remède. Pour quoy nous, etc., audit suppliant avons octroyé et octroyons, de grace especial par ces presentes, que par le moyen de l’abolission dessus dicte, ainsi generalement donnée aux habitans dudit païs de Poictou, il demeure quicte et paisible du cas dessus dit, tout ainsi comme s’il feust en icelle abolicion expressement declairé, et lequel cas, en tant que besoing est, nous avons aboly et abolissons, et l’avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement à nos amez et feaulx conseillers les gens tenans et qui tendront nostre Parlement à Paris, aux generaulx maistres de noz monnoyes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Razillé, ou mois de septembre l’an de grace mil cccc. quarante et huit, et de nostre règne le xxvime.

Ainsi signé : Par le roy, l’evesque de Magalonne

Robert de Rouvres, d’abord évêque de Séez (de 1422 au 4 mars 1433), fut transféré au siège épiscopal de Maguelonne à cette dernière date et l’occupa jusqu’en décembre 1453.

, les sires de Precigny et de Gaucourt et autres presens. Rolant. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCLXVII Octobre 1448

Rémission en faveur d’Alain Gaultier, couturier, demeurant à Puy-Belliard, qui avait frappé mortellement un nommé Jean Duvergier, en se défendant.

AN JJ. 179, n° 255, fol. 147 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 94-97

Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receu l’umble supplicacion de Alain Gaultier, cousturier, natif de la parroisse de Vertou ou dyocèse de Nantes, et à present demourant au Puy Beliart, contenant que il a esté tout le temps de sa jeunesse et encores est homme de bonne fame, renommée et honneste conversacion, et en son temps n’a esté actaint ne convaincu d’aucun vilain cas, blasme ou reprouche ; lequel suppliant, xxv. ans a ou environ, se party de la dicte paroisse de Vertou et s’en ala demourer en la ville de la Rochelle, pour aprendre le mestier de cousturier, lequel il a telement continué et conversé qu’il a depuis tenu fenestre et compaignons avecques lui au lieu de Montagu, où il a demouré dix ans et plus. Et durant ce temps a servy de sondit mestier nostre chier et amé cousin le sire de Belleville

Jean III Harpedenne, seigneur de Belleville, de Montaigu, etc., connu plutôt sous le nom de Jean de Belleville, car, le premier de cette famille, il renonça à son nom patronymique, avait succédé à son père Jean II en juillet 1434, et mourut peu après le 12 juin 1462. Il avait épousé Marguerite de Valois, fille naturelle de Charles VI et d’Odette de Champdivers. Nous avons donné de nombreux renseignements inédits sur ce personnage dans une note de notre précédent volume, p. 45-47.

, qui a present est, et plusieurs autres notables gens. Et depuis trois ans a ou environ ledit suppliant, saichant que audit lieu de Puy Beliart afflue grant quantité de gens passans et rapassans, en entencion de plus y gangner de son dit mestier que ailleurs, y ala demourer et y a tousjours depuis continuelment residé et tenu fenestre à grant acourserie de notables gens, et se y est bien et honnestement entretenu, sans avoir noise ne debat à personne quelconque. Et jusques à ce que, le jour de saint Michel derrenierement passé, ung nommé Jehan Duvergier, homme vacabond, natif du pays de Normandie ou de Picardie, se transporta devers le dit suppliant, et à l’occasion de ce que le dit suppliant avoit fait une robe et chapperon audit Duvergier, se meurent certaines paroles contencieuses entre eulx par ce que le dit Duvergier disoit que le dit suppliant n’avoit pas employé tout le drap qu’il lui avoit baillé en ses robe et chapperon, et l’injurioit très grandement, et le dit suppliant lui respondy que s’il pretendoit aucun droit à l’encontre de lui, qu’il le fist convenir par justice et il esteroit à droit, ainsi qu’il appartendroit par raison, ou que ledit Duvergier baillast autant de drap à ung autre cousturier comme il avoit fait audit suppliant, et s’il estoit trouvé faulte oudit suppliant, il lui repareroit. Et ledit jour de saint Michel, après disner, ledit Duvergier, lequel toute sa vie n’a fait si non suivre les guerres et user de sa voulenté, estant en la hale dudit lieu du Puy Beliart, donna plusieurs menaces audit suppliant de le tuer et meurdrir d’une dague qu’il portoit avec lui. Et ce venu à la notice dudit suppliant, pour doubte des parolles et menaces dudit Duvergier et obvier à sa fureur et malice, se retrahy et s’en ala en sa maison. Et pou de temps après s’en ala esbatre et jouer à la boule avec autres compaignons dudit lieu, les aucuns desquelz lui disdrent qu’ilz avoient oy dire audit Duvergier qu’il se repentoit qu’il n’avoit tué le dit suppliant. Lequel, pour la doubte dudit Duvergier et des parolles qu’il proferoit et aussi pour lui resister, envoya querir une sienne dague qu’il avoit en son hostel, laquelle il porta avec lui toute jour et jusques à ce que vespres furent dictes. Après lesquelles ledit suppliant s’en ala en son logeis, et en parlant avec son hoste, survint ilecques ledit Duvergier, auquel ledit suppliant dist ces parolles ou semblables : « Duvergier, je ne vous demande riens, alez vous en à vostre logeiz et me laissez. J’ay oy dire que me menaciez à tuer, et ne faites pas bien ». Lequel Duvergier atant tira sa dague et s’efforça frapper le dit suppliant, mais Nicolas Baronnet, son hoste, print le dit Duvergier au corps et par deux foiz l’empescha qu’il ne frappast le dit suppliant, et le voulut emmener en son logeiz. Lequel Duvergier fist tant qu’il s’eschappa dudit Baronnet et vint, la dague nue en sa main, devant la porte dudit Baronnet, où estoit le dit suppliant et la femme dudit Baronnet, et de plaine arrivée, s’efforça frapper ledit suppliant. Lequel incontinant tira sa dague, en disant audit Duvergier qu’il s’en alast ; lequel Duvergier n’en voulut riens faire, ains en perseverant en sa mauvaise et dampnable voulenté, frappa le dit suppliant plusieurs coups de sa dague. Lequel suppliant en soy defendant, rebutoit tousjours le plus qu’il povoit les coups dudit Duvergier, lequel, nonobstant la dicte defense, en s’efforçant tuer ledit suppliant, le frappa de la dicte dague sur le braz un coup duquel il le bleça jusques au sang ; et à l’occasion de ce et autrement, et pour la doubte qu’il avoit que le dit Duvergier le tuast, icelui suppliant en soy defendant et reppellant tousjours le dit Duvergier, luy donna et frappa ung seul coup de sa dague sur la poictrine, duquel coup ledit Duvergier ala de vie à trespassement le dit jour. A l’occasion duquel cas ainsi advenu que dit est, ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du pays et dudit lieu du Puy Beliart, et n’y oseroit jamais retourner, se nostre grace et provision ne lui estoit sur ce impartie, si comme il nous a fait dire, humblement requerant, etc. Pour quoy nous, les choses dessus dictes considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement aux seneschaulx de Poictou et de Xanctonge et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Montargis, ou mois d’octobre l’an de grace mil cccc.xlviii, et de nostre règne le xxvie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Bordois. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCLXVIII Octobre 1448

Rémission accordée à Louis Bareau, de Vouzailles, poursuivi comme complice du meurtre de la femme d’un bateleur.

AN JJ. 179, n° 254, fol. 147 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 97-98

Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receu l’umble supplicacion des parens et amys charnelz de Loys Bareau, povre homme de labour, de l’aage de trente ans ou environ, chargié de femme grosse et de deux petiz enfans, contenant que, le premier jour de septembre derrenierement passé, ung nommé Olivier Guillardet, et Gilete, sa femme, bateleurs, et autres en leur compaignie, vindrent jouer de leur dit mestier de bateleur au lieu de Vouzailles en la chastellenie de Mirebeau, où ledit Loys demouroit, et avoient avecques eulx ung cinge, ung bouc et autres choses appartenans à bateleurs, etc.

Des lettres du 16 décembre suivant, octroyées à Imbert Mézeau, impliqué dans la même affaire, sont un peu plus explicites que celles-ci, sans d’ailleurs que les deux textes diffèrent bien sensiblement ; c’est pourquoi il ne nous a pas semblé utile de les imprimer l’un et l’autre in extenso. (Voy. ci-dessous les lettres du 16 décembre 1448.)

… Donné à Montargis, ou mois d’octobre l’an de grace mil cccc.xlviii, et de nostre règne le xxvie.

Ainsi signé : Par le roy, vous, maistre Jehan Barton

Jean Barton, simple bourgeois de Guéret, sut arriver par ses talents et son habileté à jouer un rôle politique important. Dès le 2 mai 1416 il apparaît avec le titre de chancelier de la Marche, qu’il a porté toute sa vie. En 1421, il était receveur général dans le Limousin et la Marche, et depuis 1424 jusqu’en 1450 il fut commissaire du roi auprès des États de ces pays. Après la conquête de la Guyenne, Jean Barton, qui avait assisté en personne à la reddition de Bordeaux, fut nommé par Charles VII premier président du Parlement créé dans cette ville. On voit ici qu’il siégeait au Grand Conseil. Il acheta en 1451 du sr de Maigné les château et châtellenie de Champagné en Poitou. (Bibl. nat., ms. Clairembault 194, pièce 7693.) La date de sa mort est fixée entre le 21 avril 1460 au plus tôt et le 6 mai 1462 au plus tard. Son second fils Pierre acquit la seigneurie de Montbas (auj. château, commune de Gajoubert, Haute-Vienne), relevant de la tour de Maubergeon, depuis érigée en vicomté, et dont il fit hommage au roi, le 18 octobre 1458. (A. Thomas, Les États provinciaux de la France centrale sous Charles VII, in-8°, t. I, p. 279-286 ; Beauchet-Filleau, Dict. des familles du Poitou, nouv. édit., t. I, p. 313.)

et autres plusieurs presens. Chaligaut. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCLXIX 16 décembre 1448

Rémission pour Imbert Mézeau, fils de Lucas, hôtelier de Vouzailles, poursuivi comme complice du meurtre de la femme d’un bateleur.

AN JJ. 179, n° 192, fol. 106 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 98-102

Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receu l’umble supplicacion des parens et amys charnelz de Ymbert Mezeau, fils de Lucas Mereau (sic), hostellier demourant à Vouzailles, aagié de xviii. ans ou environ, contenant que ledit Ymbert Mereau, Loys Bareau, Pierre Pyneau et autres, ou mois de septembre derrenier passé, alèrent tirer de l’arbaleste au lieu de Banançay

Sic. Peut-être faudrait-il lire « Benassay ».

, et après ce qu’ils eurent tiré de l’arbaleste, s’en retournèrent devers le soir en l’ostel du prieur dudit lieu de Vouzailles

Le prieuré et la cure de Saint-Hilaire de Vouzailles dépendaient de l’abbaye de Bourgueil en Touraine. La seigneurie ayant titre de châtellenie appartenait à la même abbaye et relevait de Mirebeau.

, pour ce qu’il y avoit vin à vendre, et demandèrent s’il y avoit que soupper, et se assirent au bout de la table, où le prieur dudit lieu souppoit, et en leur compaignie estoit Julien Charpentier. Et lequel prieur leur commança à dire que, s’ilz eussent esté audit lieu de Vouzailles, il leur eust fait mettre [en prison

Mots omis. « Il les eust fait mettre en prison », lit-on dans le texte des lettres octroyées à Louis Bareau pour la même affaire. (Octobre 1448, ci-dessus, n° MCLXVIII.)

] ung basteleur qui estoit venu au dedans de la barrière de la dicte forteresse, lequel faisoit agenoillier les bonnes gens devant lui et leur preschoit plusieurs gabuseries et museries, et que pour lui n’avoit voulu cesser, dont il n’estoit pas content. Après lesquelles paroles, ledit Julien Charpentier commança à dire aus dessus diz qu’il y avoit des basteleurs logiez en l’ostellerie de Lucas Mereau, père dudit Ymbert, qui avoient ung bouc et ung cinge, et qu’il trouveroit bien manière de les avoir, ou cas qu’il plairoit audit Ymbert, et qu’ilz s’en esbatroient. A quoy ledit Ymbert Mereau respondi qu’il en estoit bien content, mais qu’on ne fist point de noise. Et alors icelui Charpentier dist qu’il n’y auroit aucune noise et que, se ledit basteleur et ses gens s’en apparcevoient, il diroit qu’il aloit querir ses ferremens qui estoient ou planchier de la maison et hostellerie dudit Lucas, et qu’il s’en vouloit aler hors la maison. Après les quelles parolles, les diz Bareau, Charpentier, Pineau et Ymbert Mereau se departirent dudit prieur et se rendirent devant la grant porte de la dicte hostellerie. Auquel hostel, ledit Ymbert, pour ce qu’il estoit filz de ceans, voult et s’efforça de entrer pour soy retraire, et en ouvrant ladicte porte trouva ledit bouc attachié à une charrète, lequel fut prins par le dit Bareau et autres, et le emmenèrent devant la barrière du prioré dudit lieu de Vouzailles, et ilec le attachèrent. Et pour ce que le dit bouc faisoit grant bruit, ledit Ymbert Mereau, qui demoura à la porte dudit prioré, avec lequel estoient les diz Pineau, Perrin Prahée, dit Cholet, le fist ramener en la court de la dicte hostellerie où il avoit esté prins, et assez tost après, icelui Prahée, dit Cholet, retourna par devers les diz Ymbert et Pineau, qui estoient à la dicte barrière, et leur dist que les diz Loys Bareau et Julien Charpentier, qui estoient demourez en la dicte maison pour avoir le dit cinge estoient descouvers. Et tantost après les diz Pineau et Ymbert Mereau et ledit Prahée, dit Cholet, s’en retournèrent et revindrent vers la maison de la dicte hostellerie, et se misdrent en ung cymetière qui est devant la dicte maison, et eulx estans oudit cymetière, oyrent que le dit basteleur et ses gens faisoient grant noise à l’occasion de ce qu’ilz avoient oïz les diz Bareau et Charpentier oudit hostel, et telement que ledit basteleur yssi hors de la dicte hostellerie pour savoir que c’estoit. Et alors les diz Pineau, Cholet et autres d’entr’eulx commancèrent à giecter des pierres vers la porte où estoit ledit basteleur, telement qu’il se remist en ladicte hostellerie et ferma l’uys sur lui et ses gens. Et pour ce que de rechief iceulx basteleur et ses gens, après qu’ilz eurent fermé l’uys, commencèrent à cryer et à tancer plus que paravent, ne scet le dit Ymbert à qui, et pour doubte que lui et ses diz compaignons ne feissent vilennie audit Lucas Mereau, hostellier, son père, il fist tant que ladicte porte lui fut ouverte, et entra dedans, et commança à dire audit Loys Bareau et Charpentier que ce n’estoit pas bien fait de faire ceste noise, et leur dit : « Je vous pry, alez vous en ». Et adonc les diz Bareau et Charpentier yssirent hors de la dicte hostellerie, et demoura en ladicte maison ledit Ymbert. Après lesquelz Bareau et Charpentier, Gilette, femme de Olivier Guillardet, basteleur, contre la voulenté dudit Ymbert, yssi hors, la quelle ledit Ymbert cuida de son povoir desmouvoir qu’elle ne yssist hors la dicte hostellerie ; mais ce nonobstant, elle yssi hors en cryant à haulte voix et par plusieurs foiz : « Aux larrons ! aux larrons ! » Contre laquelle femme, ainsi que on dit, ledit Julien Charpentier retourna, et pour la faire taire ou autrement, de sa voulenté, lui donna d’un baston qu’il avoit sur la teste ou ailleurs, telement qu’elle cheut au travers de l’usserie. A l’occasion de laquelle bateure et choses dessus dictes, ladicte Gilette qui estoit grosse d’enfant, comme l’en disoit, cinq ou six jours après ou environ, ala de vie à trespassement. Pour lequel cas ledit Ymbert Mereau, doubtant rigueur de justice s’est absenté du pays et a delaissé ses père et mère et autres ses parens et amys, et n’y oseroit jamais retourner, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, humblement requerant que, attendu que ledit Ymbert Mereau est jeune filz et tout son temps s’est porté et gouverné bien et deuement, et est enfant de bon fame et renommée, etc., et que, s’il donna conseil d’aler en la maison de son dit père, ce fut moyennant ce qu’ilz ne feroient point de noise, et que quant il fut entré en la dicte maison il departit les diz basteleur, Bareau et Charpentier, à son povoir, afin qu’il n’y eust aucune noise, et que les diz coups qui furent baillez par ledit Charpentier ou Bareau à la dicte femme dudit basteleur ne lui furent pas baillez par lui, et n’en fut cause ne consentant de ce faire, aussi n’estoit il pas present et en fut très desplaisant, et que desja satisfacion a esté faicte audit mary par celluy qui fist le coup, il nous plaise sur ce lui pourveoir et impartir nos dictes grace et misericorde. Pour quoy nous, etc., audit Ymbert Mereau oudit cas avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement aux bailli de Touraine et des ressors et exempcions d’Anjou et du Maine, seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, le xvie jour de decembre l’an de grace mil cccc.xlviii, et de nostre règne le xxviie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. G. de Bloys. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCLXX Décembre 1448

Rémission pour Aimery Grosdenier qui, en se défendant, avait frappé Aimery Arnault d’un coup de fourche, dont il mourut au bout de huit jours.

AN JJ. 179, n° 203, fol. 115 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 102-103

Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receu l’umble supplicacion de Aymery Grosdenier, simples homs de labour, contenant que, le xxviiie jour du mois de novembre derrenier passé, ung appellé Aymery Arnault se adreça au varlet dudit suppliant, nommé Mathelin Marchays, qui venoit des champs ou des prez de admener les beufz dudit suppliant de pasturer, et dist audit varlet dudit suppliant teles parolles ou semblables en substance : « As tu admené tes beufz ? » Et ledit Mathelin lui respondi que oy, et ledit Aymery Arnault lui va dire teles paroles : « Et n’as tu pas admené les miens ? » Et ledit varlet respondi que non et qu’il ne les avoit veuz du jour. Et ledit Aymery Arnault lui dist teles parolles : « Se tu les eusses admenez, tu eusses esté bien batu. » Et ledit suppliant qui avoit ouy les parolles oultrageuses et sans raison que ledit Aymery Arnault avoit dictes à son dit varlet et courroucié dont il avoit ainsi parlé à lui, respondy audit Aymery Arnault teles parolles ou semblables en substance : « Il eust esté batu ! Vostre fievre quartaine ! » Et ledit Aymery Arnault respondy : « Voire, qui te puisse sangler ! » — « Mais toy », respondy ledit suppliant. « Mais toy ! » dist ledit Arnault. Et en disant les dictes parolles, icellui Arnault print une pierre et ung baston en sa main, et vint audit suppliant qui estoit en son estable, et donnoit à mengier à ses beufz, et le voult frapper ; et adonc ledit suppliant print en sa main une fourche de bois et vint au devant dudit Arnault et lui dist qu’il ne le frappast point. Et ledit Arnault en jurant le sang de Nostre Seigneur, dist que si feroit, et de fait s’efforça de le frapper. Et quant ledit suppliant congneut qu’il estoit force qu’il feust batu ou qu’il se deffendist, frappa et donna audit Arnault du bout des fourcherons de la dicte fourche qu’il tenoit sur les dens soubz le nefz, tant qu’il chey à terre. Et lors la mère dudit Arnault qui estoit presente se mist entre lesdiz suppliant et Arnault et les deppartit, sans que ledit suppliant le frappast plus, et en emmena ladicte mère ledit Arnault, son filz, en sa maison. Et depuis ce, ledit Arnault a esté malade en sa dicte maison et, comme sept ou huit jours après, est, à cause dudit coup ou autrement par son mauvais gouvernement, alé de vie à trespassement. Pour occasion duquel cas ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du pays et n’y oseroit plus converser ne repairer, se nos grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, si comme il dit. Et pour ce nous a humblement supplié et requis que, les choses dessus dictes considerées et que, etc., il a satisfait à partie et que le dit cas est advenu de chaude colle, sans aucun guet apensé ou propoz deliberé, et comme en reppellant force par force, nous lui vueillons sur ce impartir nos dictes grace et misericorde. Pour ce est il que nous, etc., audit Aymery Grosdenier, ou cas dessus dit, etc., avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes à noz seneschal de Poictou et bailly de Touraine et des ressors et exempcions d’Anjou et du Maine, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois de decembre l’an de grace mil cccc.xlviii, et de nostre règne le xxviie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Ja. Audé. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCLXXI Janvier 1449

Rémission octroyée à Jean Bonnet, de Saint-Martin-des-Noyers, emprisonné au château de Mareuil pour avoir fait fabriquer un faux acte de renonciation, dans l’espérance d’obtenir l’annulation du contrat de partage de la succession de son beau-père, Jean Bonnevin, sr de la Bargoillerie, qui avait été fait à son détriment.

AN JJ. 179, n° 167, fol. 92 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 104-108

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan Bonnet, homme de labour, demourans à Saint Martin des Nohers en nostre païs de Poictou, à present detenu prisonnier ès prisons de Marueil, aagié de cinquante ans ou environ, contenant que, trente ans a ou environ, il fut conjoinct par mariage avecques Marguerite, fille ainsnée de ung nommé Jehan Bonnevin, en son vivant seigneur de la Bargoillerie

Un Jean Bonnevin « rendait hommage au château de la Roche-sur-Yon des maisons, prés et bois et ensemble du lieu appelé la Petite-Salle, sis en ladite ville, l’an 1390 ». (MM. Beauchet-Filleau, Dict. des familles du Poitou, 2e édit., t. I, p. 617.) Peut-être est-ce le même personnage dont la fille aînée, Marguerite, épousa, vers 1419, Jean Bonnet, de Saint-Martin-des-Noyers, et dont la cadette était mariée à Jean Girard, sinon il ne pouvait être qu’un de ses proches parents. En tout cas, les renseignements contenus dans le présent acte peuvent être joints à ceux qui ont été recueillis sur cette famille du Bas-Poitou encore mal connue.

 ; lequel Bonnevin avoit une autre fiille qui fut aussi conjoincte par mariage avec ung nommé Jehan Girart

Ce Jean Girard ne paraît pas appartenir à la famille des seigneurs de Bazoges-en-Pareds, dont il a été question dans notre VIe volume, p. 78, note, et dont le principal représentant au milieu du xve siècle, Renaud Girard (voy. ci-dessous un acte du 15 avril 1451), avait eu un frère cadet prénommé Jean, sr de Givrand, sur lequel un arrêt du Parlement de Poitiers du 4 juin 1426 fournit des renseignements. (Arch. nat., X1a 9198, fol. 170 v°.) Mais on trouve vers la même époque un autre Jean Girard, tuteur de Jeanne Girard, fille de Pierre et de Catherine Bréchou, qui était en procès contre Jean Bréchou, seigneur de Puitssec, Lancelot et Gillet Bréchou, au sujet de ladite tutelle, le 29 mars 1430. (X1a 8604, fol. 144 v°.) On pourrait avec plus de vraisemblance identifier ce dernier avec Jean Girard de Chantonnay.

, de Champtaunay, qui estoit en son vivant homme de praticque et de grant entendement, et procureur des lieux de Puybelyart et Champtaunoy pour feu nostre cousin, en son vivant seigneur de la Trimoulle

Georges de La Trémoïlle, le fameux ministre de Charles VII, décédé le 6 mai 1446.

et des diz lieux. Lequel Jehan Girart, après la mort dudit Bonnevin, père de sa dicte femme et aussi de la femme dudit suppliant, pressa fort icellui suppliant, qui est homme de labour, simple et ygnorant, de faire partage entre eulx des père et mère de leurs dictes femmes, comme à eulx appartenoit, à cause d’elles. Auquel suppliant certains droiz d’ainsneesse ès biens nobles des dictes successions appartenoient à cause de sa dicte femme ; mais ledit suppliant et sa dicte femme par leur simplesse, ygnorans le dit droit d’ainsneesse et qu’il leur deust appartenir, se accordèrent audit partage faire, sans prendre ne avoir lesdiz droiz d’ainsneesse ; et avecques ce promist ledit suppliant bailler audit Jehan Girart certaines lettres qu’il cuidoit avoir par devers lui touchant les biens desdictes successions, ou autrement. Et pou de temps après, ala ledit Jehan Girart de vie à trespassement, et delaissa aucuns ses enfans ses heritiers, qui ont depuis fait demande audit suppliant desdictes lettres. Lequel, voiant qu’il et sa dicte femme avoient esté très grandement et enormement deceuz oudit partage, et qu’il n’avoit pas lesdictes lettres qu’il cuidoit avoir, quand il fist ledit partage, lesquelles à l’occasion des guerres et divisions qui ont esté en nostre royaume, et mesmement audit païs de Poictou, ou autrement, avoient esté perdues ou adirées, et aussi que lesdiz heritiers le pressoient fort de leur bailler lesdictes lettres, pensa de trouver aucun moien de faire rompre les diz partages, afin qu’il peust recouvrer son dit droit, tel qu’il lui apportenoit et à sa dicte femme, à cause d’elle, ès dictes successions, et qu’il ne feust plus tenu de bailler les dictes lettres, ne aussi pour ce condempné envers lesdiz heritiers dudit Girart en aucuns dommages ou interestz ; et pensa que, s’il povoit trouver aucuns notaires qu’ilz lui voulsissent faire ou donner lettre comment ledit Jehan Girart et lui avoient renuncié èsdiz partages, qu’il leur donneroit du sien largement. Et pour parvenir à ceste fin, deux ou trois ans après le trespas dudit Jehan Girart, qui fut cinq ou six ans a ou environ, ledit suppliant parla à ung nommé Jehan David, demourant audit lieu de Marueil, qui est homme de petit entendement et notaire de la court du doyen dudit lieu de Marueil, et lui traicta de la matière dessus dicte, et lui promist donner certaine somme d’argent. Lequel David, qui est povres homs et indigent, se consenti, moiennant un royal d’or, à acomplir la voulenté dudit suppliant. Et parce qu’il ne suffisoit pas dudit David à parfaire ce que demandoit ledit suppliant, par ce que ès contractz excedans la somme de vint solz tournois de rente, ou de dix livres pour meuble, convient avoir deux notaires, autrement le contract n’est valable, par la coustume que on garde en nostre dit païs de Poictou, les diz Bonnet et David parlèrent entre eulx de faire consentir à passer ledit contract à ung nommé Jehan de la Suyrie, très povres homs, demourant audit lieu de Marueil et notaire de la court de l’official de Luçon. Lequel suppliant, à certain jour ensuivant, pour acomplir ce qu’il avoit commencié, fist venir lesdiz David et de la Suyrie en l’ostel d’aucuns de ses frères, demourans au lieu de Dissay, près dudit lieu de Marueil, et ilec les festoya très fort. Et après ce, leur monstra ung escript en pappier qu’il avoit avecques lui, contenant que ledit Jehan Girart et suppliant s’estoient departiz et desistez des partages autresfois faiz entre eulx touchans les biens des successions dessus dictes, et y renonçoient totalement, et vouloient que lesdiz partages feussent tenuz pour non faiz entre eulx. Et tantost ledit David, qui estoit d’acord d’acomplir ledit contract par le moien de la promesse à lui faicte par ledit suppliant, dist audit de la Suyrie que eulx deux ensemble avoient autresfois passé ledit escript ou note entre lesdiz Girart et suppliant. Lequel de la Suyrie tantost, moiennant ung escu d’or que lui promist icellui suppliant, se consenti à signer ledit escript ou note par manière de prothocolle passé entre les diz Girart et suppliant, et incontinant ilec signèrent de leurs mains ledit escript ou note. Lesquelz notaires, afin que la dicte note ou escript ne fut trouvé faulx, mirent la date de deux ou trois ans par avant le trespas dudit Jehan Girard. Et après lesdiz David et de la Suyrie baillèrent audit suppliant ledit escript ou note qu’ilz avoient ainsi signé. Lequel suppliant en fist extraire certaines lettres, lesquelles depuis il apporta ausdiz notaires, qui la signèrent de leurs mains, comme lettre perpetuelle passée entre lesdictes parties. Par le moien de laquelle, ledit suppliant depuis a intempté certains procès contre lesdiz heritiers dudit feu Jehan Girard et autres, à l’occasion des droiz appartenans à sadicte femme à cause desdictes successions. Sur quoy n’a riens esté sentencié ne jugié. Depuis ledit procès, lesdiz heritiers dudit Girart se sont complains au procureur dudit lieu de Marueil, disans que jamais la dicte lettre n’avoit esté passée avecques leur dit père ; lequel procureur fist faire commandement par le seneschal dudit lieu de Marueil ausdiz David et de la Suyrie de exiber le registre ou prothocolle, duquel avoit esté extrait ledit contract, ès grans assises dudit lieu de Marueil, tenues ou mois d’octobre derrenier passé ; ès quelles assises ledit procureur fist examiner et interroguer lesdiz David et de la Suyrie sur la fourme dudit registre, et comment et quant il avoit esté passé, en quel lieu et devant quelles personnes. Lesquelz David et de la Suyrie, doubtans estre actains et pugniz par justice d’avoir passé ledit faulx contract depposèrent qu’ilz l’avoient passé en la maison de ung nommé Thomas Recti, demourant audit lieu de Marueil ; mais ilz furent aucunement differans du jour et du temps qu’ilz disoient qu’il avoit esté passé. Et après fut aussi interrogué ledit suppliant sur la matière dessus dicte ; lequel, pour descharger sa conscience, doubtant la pugnicion de Dieu nostre createur, confessa voluntairement que ledit contract estoit faulx et faulcement fait, en disant qu’il n’en vouloit aucunement user, combien qu’il l’eust fait faire ausdiz David et de la Suyrie. Et incontinent, oye la depposicion dudit suppliant, ledit seneschal dudit lieu de Marueil fist prendre ledit suppliant et mettre èsdictes prisons du chastel dudit lieu de Marueil, èsquelles il est en voye de miserablement finer ses jours, se nostre grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, humblement requerant que, attendu que en ce n’a mort ne mutilacion, qu’il a esté tousjours en tous autres cas homme de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sans oncques mais avoir esté actaint ou convaincu d’aucun autre vilain cas, blasme ou reprouche, et aussi que par vertu dudit contract n’a esté aucune chose sentencié ne adjugié, et n’ont les diz heritiers dudit Girart aucunement esté endommagiez, qu’il fut meu de faire faire ledit faulx registre pour cuider recouvrer ses droiz d’ainsneesse, desquelz on l’avoit fait departir oudit premier partage, et non pas pour rien oster du leur ausdiz heritiers, il nous plaise icelle nostre grace lui impartir. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant ou cas dessus dit avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement aux seneschaulx de Poictou et de Xanctonge et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois de janvier l’an de grace mil cccc. quarante huit, et de nostre règne le xxviie.

Ainsi signé : Par le roy, vous, le sire de Pressigny

Bertrand de Beauvau, sr de Précigné ou de Pressigny. (Cf. ci-dessus, p. 58, note 1.)

et plusieurs autres presens. De La Loere. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCLXXII Janvier 1449

Rémission accordée à Jean Chauvet, cardeur de Fontenay-le-Comte, coupable d’avoir rogné des grands blancs de la monnaie ayant cours.

AN JJ. 179, n° 209, fol. 118 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 109-110

Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan Chauvet, aagié de vint sept ans ou environ, escardeur de laines et foulon de draps, demourant à Fontenay le Conte, chargié de femme grosse et preste d’avoir enfant, contenant qu’il est povres homs des biens de ce monde, et pour sa dicte povreté n’avoit bonnemant de quoy achetter des anneaulx d’argent à sa femme pour mettre en ses doiz et s’en parer, et pour ce que icelui suppliant n’avoit plus de quoy, comme dit est, en querir et que sa dicte femme l’en precipitoit fort de lui en donner, icelui suppliant, voulant complaire à sa dicte femme et trouver façon qu’elle eust des diz anneaulx, se advisa par la temptacion de l’ennemy de rongner des grans blancs de la monnoye à present ayant cours, et en a rongné par diverses foiz et plusieures journées, ainsi qu’il la recevoit, jusques au poiz de trois ou quatre onces de rongneures ou environ, des quelles rongneures il a fait faire à sa dicte femme ung annel et pour lui ung signet, et lui en est encores demouré ung peu qu’il a applicqué à son proufit. Duquel fait a esté grant rumeur et parolles ou païs, et telement que ledit suppliant, doubtant que pour occasion d’icellui fait il feust prins, emprisonné et pugny par justice ou autrement molesté ou travaillé, s’est absenté dudit païs et n’y oseroit jamais converser et repairer, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties. Et pour ce nous a icelui suppliant humblement supplié et requis que, les choses dessus dictes considerées et que en tous autres cas il est bien famé et renommé, et ne fut jamais actaint ne convaincu d’aucun autre vilain cas, blasme ou reprouche, et que jamais il n’eust commis ledit cas, s’il eust sceu que ce eust esté ung si grant mal, et qu’il a bon vouloir de jamais ne rencheoir oudit cas, nous lui vueillons sur ce impartir nos dictes grace et misericorde. Pour quoy nous, attendu ce que dit est, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, et en faveur de la dicte femme dudit suppliant qui est grosse, ainsi que dessus est dit, à icelui suppliant ou cas dessus dit, etc., avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces mesmes presentes à noz seneschaulx de Poictou, Xanctonge, gouverneur de la Rochelle et bailli de Touraine, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois de janvier l’an de grace mil cccc. quarante et huit, et de nostre règne le xxviie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. J. Le Munerat. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCLXXIII Janvier 1449

Rémission accordée à Jean Charles, sergent du roi, Jeanne Goyn, sa femme, et Huguet Goyn, archer de l’ordonnance, son beau-frère, de Pamproux, coupables du meurtre de Jean de Poitou qui les avait attaqués dans leur propre maison, accompagné d’autres gens armés.

AN JJ. 179, n° 266, fol. 154 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 110-114

Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receu l’umble supplicacion de Jehan Charles, nostre sergent, Jehanne Goyne, sa femme, et Huguet Goyn, archier de nostre ordonnance derrenierement faicte, frère de la dicte Jehanne, demourans ou bourg de Panprou en nostre païs de Poictou, contenant que, combien que lesdiz supplians soient simples jeunes gens, doulz et paisibles, de bonne fame et renommée, sans ce qu’ilz eussent jamais esté actains ne convaincuz d’aucun vilain cas, blasme ou reprouche, ne qu’ilz eussent meffait ou mesdit à ung nommé Jehan de Poictou

Ce Jean de Poitou était un homme d’armes qui, après avoir servi en 1418 sous les ordres de Jean Barbâtre, écuyer, dont on conserve une montre reçue à Ruffec, s’était enrôlé dans la compagnie de Jean de La Roche, seigneur de Barbezieux ; il en faisait partie le 9 avril 1431, ce qui lui permit de bénéficier des lettres d’abolition octroyées à cette date au chef et à tous ses compagnons. (Voy. notre précédent volume, p. 8, 13, 318, note.)

, ne autres ses complices, ce non obstant, environ le jour de la surveille de la feste saincte Marthe derrenierement passée, ledit Jehan de Poictou, qui de long temps, à tort et sans cause, avoit conceu hayne contre lesdiz Jehan Charles et sa dicte femme, ung nommé Gilet Pilet, homme d’armes, et ung autre nommé Martin, varlet dudit Pilet, vindrent furtivement en l’ostel desdiz Jehan Charles et sa femme, comme à heure de vespres, armez de haches, espées et dagues, et oultre le gré et voulenté desdiz Jehan Charles et sa femme, supplians, rompirent les portes et fenestres de leur hostel ; et en ce faisant, ledit de Poictou d’une dague qu’il avoit bleça la femme dudit Jehan Charles, suppliant, en la main, pour ce qu’elle vouloit garder que ledit de Poictou ne fist aucune vilainie audit Jehan Charles, son mary, suppliant. Et à celle cause depuis, le dit de Poictou, qui estoit homme de mauvaise et deshonneste vie, et quant il avoit ung peu beu, il prenoit debat et noise à chascun, et estoit joueur de quartes et autres jeux defenduz, et aussi ledit Gilet Pilet donnèrent après plusieurs menaces audit Jehan Charles, suppliant, en lui disant par ledit de Poictou qu’il ne mourroit d’autres mains que des siennes. Et de fait, icelui de Poictou s’est mis plusieurs foiz en aguet de trouver ledit Jehan Charles, suppliant, à tout haches et gros bastons en sa main, en faisant grans seremens que icelui Charles, suppliant, ne mourroit d’autres mains que des siennes, comme dit est. Et pour ce, lesdiz Jehan Charles et sa femme, supplians, firent adjourner ledit de Poictou par devant nostre seneschal de Poictou ou son lieutenant, à certain jour passé, pour leur donner asseurement. Auquel jour ledit de Poictou ne se voulait aucunement comparoir. Et il soit ainsi que, environ le dix septiesme jour de decembre derrenier passé, ledit Huguet Goyn, suppliant, qui lors demouroit en l’ostel dudit Jehan Charles, suppliant, s’en ala sur le cheval dudit Jehan Charles, mary de sa suer, audit lieu et bourc de Panprou. Et lui illec arrivé, se arresta devant l’ostel d’un nommé Pierre Rulant, dit de la Roche, cousturier, pour lui demander s’il lui presteroit ses chausses. Et incontinant ilec survint ung nommé Castille, page dudit Gilet Pilet, sur l’un des chevaulx dudit Pilet, son maistre ; lequel Castille incontinant dist audit Huguet Goyn, suppliant, qui avoit ungs esperons chaussez, teles parolles ou semblables : « Vilain, qui t’a baillez ces grans esperons ? » A quoy ledit Huguet respondy qu’il avoit bien vaillant deux esperons. Et incontinant ledit Castille dist à ung nommé Mathurin Palardy

Sur divers membres de cette famille, cf. Arch. hist. du Poitou, t. XXIV, p. 60, 61, note.

, qui avoit une gaule ou poing qu’il lui baillast celle gaule, ce que ledit Mathurin fist. Et quant ledit Castille l’eut, il se approucha dudit Huguet Goyn, suppliant, et le frappa et donna plusieurs coups et colées. Pour occasion duquel debat, ledit Gilet Pilet, maistre dudit Castille, fut aucunement iré et courroucié contre ledit Huguet, suppliant, et telement que, celui jour ou assez tost après, les diz Pilet et Jehan de Poictou trouvèrent ledit Huguet Goyn, suppliant, à la forge d’un nommé Lucas Bon An, mareschal, qui vouloit faire ferrer le cheval dudit Jehan Charles, suppliant, son serorge, et le poursuirent bien longuement, telement qu’il convint que ledit Huguet Goyn descendit a pié et qu’il s’en fouyst en l’ostel dudit Jehan Charles, son dit serorge ; ouquel hostel les diz Pilet et de Poictou trouvèrent ledit Huguet Goyn, lequel, quant ledit Castille lui donna les diz coups et colées, tira sa dague qu’il avoit et couppa la gaule dudit Castille et le bleça en la main. Et incontinant que les diz Pilet et Poictou l’eurent ainsi trouvé oudit hostel de son serorge, il s’escrya à haulte voix : « A nostre aide ! » Et quant les diz Charles et sa femme, supplians, le oyrent, ilz vindrent ilec et trouvèrent les diz Pilet et de Poictou qui juroyent grans seremens qu’ilz mettroyent ledit Huguet, suppliant, frère des diz Charles et sa femme, supplians, par pièces. Et en ce faisant ledit Huguet, suppliant, s’eschappa de leurs mains, et afin de departir les diz Pilet et de Poictou de lui, print et amassa une pierre et en frappa ledit de Poictou ou visage, et aussi d’une dague qu’il avoit, dont il le blessa par le visage semblablement. Et lors, quant les diz Pilet et de Poictou virent lesdiz Charles et sa femme qui ilec estoient arrivez, iceulx Pilet et de Poictou se prindrent audit Charles, suppliant, et le vouldrent envilainner de son corps ; mais la femme dudit Jehan Charles print au corps ledit Pilet, en lui disant qu’il ne tuast mie son dit mary. Et à ce ledit Pylet se party d’ilec et laissa une sienne hache. Et quant il s’en fut alé, la femme dudit Jehan Charles, suppliant, doubtant que ledit de Poictou, qui ilec estoit encores, la voulsist envilainner, print et amassa ladicte hache dudit Pilet et en frappa ledit de Poictou sur la teste, pendant ce qu’il tensoit et noisoit avec ledit Goyn, son frère, suppliant. Et après survint ledit Jehan Charles, suppliant, qui oyt que ledit de Poictou menassoit sa femme et ledit Goyn, son frère, en jurant grans et illicites seremens qu’il les despeceroit par pièces d’une espée neufve qu’il avoit en sa main. A quoy ledit Charles, suppliant, dist audit de Poictou qu’il lui aloit copper les doiz, et de fait d’une hache que ledit Charles suppliant avoit, icelui Charles frappa ledit de Poictou telement qu’il le fist cheoir à terre ; et lui ainsi cheu, ledit Huguet, suppliant, voyant la bleceure que ledit Charles avoit faicte audit de Poictou, vint audit de Poictou et d’une dague qu’il avoit le bleça ou visaige, et puis se party d’ilec. A l’occasion desquelz cops et colées, huit jours après ou environ, ledit de Poictou par son mauvais gouvernement ou autrement, ala de vie à trespassement. Et pour ce les diz supplians, doubtans rigueur de justice, se sont absentcz du païs et ont les diz Charles et sa femme laissé et habandonné trois petiz enfans en leur hostel, mineurs et en bas aage, et sont en voye de povrement et miserablement finer leurs jours, se nostre grace, pitié et misericorde ne leur sont sur ce imparties, humblement requerans iceulx. Pour quoy nous, etc., ausdis supplians et à chascun d’eulx ou cas dessus dit avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement aux seneschaulx de Poictou et de Xanctonge, etc. Donné à Tours, ou mois de janvier l’an de grace mil cccc. quarante et huit, et de nostre règne le xxviie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Rolant. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCLXXIV Février 1449

Rémission pour Robin Malortie, écuyer, homme d’armes de la compagnie de Pierre de Brezé, sénéchal de Poitou, complice d’un meurtre commis avec plusieurs de ses compagnons, ayant été obligés de se défendre contre plusieurs agresseurs.

AN JJ. 179, n° 272, fol. 157 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 114-118

Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receu l’umble supplicacion de Robin Malortie, escuier, homme d’armes de la charge et retenue de nostre amé et feal chevalier, conseiller et chambellan, Pierre de Breszé, seneschal de Poictou

Pierre de Brezé, seigneur de la Varenne et de Brissac, comte de Maulévrier, l’un des principaux conseillers de Charles VII, fut sénéchal de Poitou depuis le mois d’avril 1440 environ jusqu’au 3 avril 1451, date des provisions de Louis de Beaumont, son successeur. (Voy. notre vol. précédent, p. 178, note.)

, contenant que, ung mois a ou environ, ledit suppliant, acompaigné de Jaques de la Chappelle, dit Mouschet, Pierre de la Tour et Jehan Findel, compaignons de guerre, aussi de la charge et retenue de nostre dit conseiller et chambellan, ainsi qu’ilz s’en venoient de l’ostel d’un renoueur nommé Saintpiq, demourant à Loge Fougereuse ou païs de Poictou, de faire habiler ung cheval blecé en aucuns de ses membres, passèrent par ung village nommé Assay, ouquel village ledit Mouschet demanda le chemin à s’en aler à Tennesay, pour ce que ledit suppliant et les autres dessus nommez disoient qu’ilz ne savoient pas le chemin et tendoient y aler logier ; lequel village passé, ledit Mouschet picqua devant et se departi d’avecques lui et ses diz compaignons, pour aler le premier audit Tennesay prendre le logeis et faire habiller à soupper pour entr’eulx, mais ne fut guères loing qu’il vit ung hostel nommé Pate d’Oye, sis en la parroisse dudit lieu d’Assay, auquel villaige, doubtant faillir, il s’adreça pour demander le chemin à aler audit Tennesay, où jamais n’avoient esté lui ne ceulx de sadicte compaignie et ne congnoissoient le païs ; ouquel hostel de Pate d’Oye avoit une femme, à laquelle il demanda le chemin pour s’en aler audit Tennesay, et elle lui respondi assez gracieusement que voulentiers le lui monstreroit, et s’en yssi dudit hostel pour l’adresser et mettre ou droit chemin, et le mena jusques hors la garenne dudit village. Et en cest instant, survint le mary de la dicte femme, duquel ledit suppliant ne scet le nom, et quant il la vit, lui demanda très mal gracieusement où elle aloit ; auquel elle respondi en teles parolles, ainsi que ledit Mouschet dit : « Je vois monstrer le chemin à ce gentilhomme, pour aler à Tennesay ; car il est esgaré et ne congnoist le païs ». Et lors icellui mary, qui estoit très mal meu et en felon courage, dist à sa dicte femme qu’elle s’en retournast à l’ostel ou que il la y feroit bien retourner à grant haste et de par tous les grans diables. Et avecques ce, dist au dit Mouschet qu’il s’en alast de par le diable ou qu’il l’assommeroit. Lequel Mouschet, comme il dit, lui respondy qu’il n’oseroit, et qu’il n’avoit fait et ne faisoit point de mal, et que pour lui ne s’en yroit point plus tost. Et incontinant que icelui Mouschet lui eut dit ces parolles, iceluy mary s’en retourna très hastivement audit village de Pate d’Oaye et assembla avecques lui de six à sept compaignons, c’est assavoir feu Colas Ragoys, Jehan Coullon

Plusieurs familles poitevines, nobles et bourgeoises, ont porté ce nom. Un Jean Coulon conclut, le 17 janvier 1438 n.s., avec les frères Méry et Guillaume Veillechamps, moyennant la rente perpétuelle d’un setier de seigle, mesure de Clessé, et de deux poulets de mars, l’arrentement d’une maison sise au village de Loubressay, tenue à trois setiers de seigle envers le seigneur d’Orfeuille. (A. Richard, Arch. du château de la Barre, t. II, p. 390.) Aux noms des membres de ces familles, recueillis par la nouv. édit. du Dict. des familles du Poitou, on peut ajouter ceux de Jacques et de Pierre Coulon, père et fils, qui habitaient vers cette époque la Loge-Fougereuse. Le premier ayant été mis à mort injustement par ordre de Jean Jousseaume, chevalier, seigneur du lieu, et de Jacques Jousseaume, écuyer, son fils, ce dernier fut condamné, après la mort de son père, à la poursuite du fils de la victime, en réparation de cette exécution, à 250 livres d’amende envers le roi et à perdre la justice de la Loge-Fougereuse, par arrêt du Parlement, du 14 août 1466, confirmant la sentence du premier juge. (Arch. nat., X2a 31, fol. 39, et X2a 34, fol. 155 v°.)

, le varlet dudit Coullon, le mary de la suer Regnault Legault et Pierre Levrart, qui très fort eulx embastonnèrent pour venir courir sus audit Mouschet. Lequel voyant la manière de faire, doubtant qu’ilz lui feissent desplaisir du corps, s’en retourna hastivement devers lesdiz Malortie, Pierre de la Tour et Jehannin Findel, qui estoient demourez derrière, comme dit est, et ne pensoient en nul mal. Et aussi tost qu’il les vit, leur recita en effect les choses devant dictes, et comme le mary d’une femme à laquelle il avoit demandé le chemin l’avoit voulu assommer d’un levier et faisoit assemblée de gens, pour lui courir sus. Et alors s’en retournèrent tous ensemble pour savoir que icelui mary vouloit audit Mouschet, et se ledit Mouschet avoit fait chose qui ne feust raisonnable, afin de le faire reparer et qu’il n’en feust bruyt ne plainte. Et si tost qu’ilz furent à l’entrée de la court dudit hostel, saillirent contr’eulx les compaignons que ledit mary avoit assemblez, cryans : « A mort, à mort ! Tuez, tuez ! » Et lors les diz Malortie, Mouschet et autres dessus nommez se misdrent en defense, pour resister à eulx et à leur mauvaise voulenté. Et de pleine arrivée, fut ledit Mouschet blecé d’un broc de fer parmy la jambe, et ledit de la Tour fut abatu d’un coup de levier qui lui fut donné parmy la teste, dont, se ne feust le bourlet de son chapperon, il eust esté en dangier de mort. Ausquelz fut force d’eulx defendre, ou autrement ilz eussent esté en dangier d’avoir esté tuez. Et en eulx defendant, fut ledit Ragoys frappé d’une dague parmy le corps, telement qu’il mourut en la place, et deux autres furent blecez, qui sont gariz et hors de dangier. Lequel suppliant, qui bonnement ne scet qui fist le coup ou les coups dont ledit Ragois ala de vie à trespassement, fors qu’il croit que ce fut ledit de la Tour qui, comme dit est, fut abatu de plaine arrivée d’un levier, doubte que, pour avoir esté present en la compaignie des dessus diz à faire ledit cas, jaçoit ce que ledit [suppliant ne] frappa ne toucha audit feu Ragoys, il feust prins, emprisonné et pugny par justice, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, si comme il dit, requerant humblement que, attendu les choses dessus dictes, que ledit feu et ses diz compaignons furent invaseurs, qu’il n’y eut guet apensé ne propoz deliberé, que ledit suppliant ne fist point le cas, mais fut present comme dit est, et que il nous ait dès son enfance bien et loyaument serviz ou fait de noz guerres, sans avoir oncques esté convaincu ne actaint d’aucun autre vilain cas, blasme ou reprouche, fors et excepté que dès pieça, lui estant en garnison en nostre ville d’Evreux, il fut cause de la mort de feu le bastard d’Aulx

Ce personnage appartenait vraisemblablement à la branche poitevine de la famille d’Aux. L’auteur de la généalogie imprimée dans le Dict. des familles du Poitou (2e édit., t. I, p. 191) cite un Jean, servant en qualité d’archer l’an 1439, qu’il donne dubitativement comme « second fils d’Étienne d’Aux, seigneur du Bournay, viguier de Poitiers », ajoutant que ce Jean pourrait bien être issu d’une branche bâtarde.

, homme de guerre, dont il eut noz autres lettres de remission, nous lui vueillons sur ce impartir nostre dicte grace. Pour quoy nous, attendu ce que dit est, voulans preferer misericorde à rigueur de justice, à icellui suppliant ou cas dessus dit avons quicté, remis et pardonné, etc., satisfacion faicte à partie civilement tant seulement, etc. Si donnons en mandement par ces dictes presentes à nostre seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois de fevrier l’an de grace mil cccc. quarante et huit, et de nostre règne le xxviime.

Ainsi signé : Par le roy, le mareschal de La Fayette

Gilbert de La Fayette, maréchal de France depuis l’an 1420, mort le 23 février 1462.

, le sire de Blainville

Jean d’Estouteville, sr de Blainville (ci-dessus, p. 58, note 2).

, maistre Jehan Bureau

Jean Bureau, trésorier de France, maître de l’artillerie (ci-dessus, p. 18, note 3).

et autres presens. Giraudeau. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCLXXV Février 1449

Rémission accordée à Jean Goulard

Sans autres renseignements que ceux contenus dans l’acte analysé ici, il est impossible d’identifier sûrement ce personnage. Rien que dans la généalogie imprimée de la famille Goulart (Beauchet-Filleau, Dict. des familles du Poitou, 1re édit., t. II, Suppl.), qui est très incomplète et fort obscure sur bien des points, on trouve trois membres prénommés Jean, vivant au milieu du xve siècle : 1° Jean Goulart, écuyer, sr de Billé, la Vernière, etc., époux de Marie de Montbourcher, fils d’autre Jean et de Jeanne Bonnat ; 2° Jean Goulart, chevalier, sr du Bois-Bellefemme, marié à Françoise du Puy-du-Fou ; 3° Jean, écuyer, sr du Puy de Brassac et du Portal, marié à Jeanne de Charay, deuxième fils de Pierre Goulart, chevalier, sr de la Geffardière, et de Brunissent de la Court. Et l’on peut en citer encore d’autres. Dans un précédent volume, nous avons constaté que la branche de la Martinière était représentée, en 1425, par Jean Goulart, encore jeune et alors capitaine du Coudray-Montpensier. (Arch. hist. du Poitou, t. XXVI, p. 212, note.) Un autre Jean Goulart, écuyer, sr de la Vouhe, rendit hommage au roi du fief du Martroy, mouvant de Fontenay-le-Comte, suivant une déclaration datée de Saint-Maixent, le 16 novembre 1451. (Arch. nat., P. 5661, cote 2811 bis.) Son père ou son grand-père, prénommé aussi Jean. en avait rendu aveu au duc de Berry, le 13 avril 1404, comme le tenant à cause de sa femme, Jeanne Raouleau. (Id., R1* 2172, p. 1107.) Enfin Jean Goulart, de la Passière près Saint-Mesmin, fit hommage vers 1450 au seigneur de Parthenay, à cause de sa femme Marie du Retail, de son hôtel et hébergement de Périères, dont était seigneur antérieurement feu Imbert du Retail, et de divers fiefs, la Ménaudière, la Ravarière, relevant de la seigneurie de Pressigny. (R1* 190, fol. 268 v°, 278 v°.)

, écuyer, complice d’un homicide. « Le mercredi xie jour de decembre derrenier passé, il se trouva en l’eglise de Genoillié en Xanctonge, où il estoit allé pour oyr la messe, lui et ung appellé Jehan Vigier

Sur le livre des fiefs du comté de Poitou, dressé en 1418, on lit les noms de Jean Vigier, possesseur de l’hébergement de la Berlière (ou plutôt la Bernière), sis en la paroisse de Brûlain, mouvant de Niort, pour lequel il payait un devoir de 60 sous tournois, et Jean Vigier, d’Usson, écuyer, tenu à hommage pour une maison au pont de l’étang d’Usson et pour la moitié de la dîme de « la Guillerie » en ladite paroisse. (Arch. nat., P. 1144, fol. 1, 4 v°, 57.)

, escuyer, et quant eurent oye messe, ilz se mirent, au partir de l’eglise, à chemin pour aler au lieu du Fief, appartenant à Jean Accarie

Jean Acarie, écuyer, seigneur du Fief et de Crazannes, qu’il acquit en 1447, fut fait capitaine de Genouillé en Saintonge, l’an 1437. Il avait épousé, le 21 février 1437, Jeanne de Ligné, que l’on croit sa seconde femme, et qui était veuve en 1469. Du premier lit il eut un fils, et du second un fils et trois filles. (Cf. Beauchet-Filleau, Dict. des familles du Poitou, nouv. édit., t. I, p. 4.)

, oncle dudit Vigier ». Etant entrés chez un maréchal dudit lieu de Genouillé, nommé Jean Nicou, auquel ils avaient affaire, celui-ci les reçut fort mal et voulut même frapper Jean Vigier d’une guisarme. Dans le conflit qui en résulta, le maréchal reçut une blessure dont il mourut quelque temps après. « Si donnons en mandement au seneschal de Xanctonge, et à tous noz autres… Donné à Tours, au mois de fevrier l’an de grace mil cccc.xlviii, et de nostre règne le xxviie

Nous mentionnons cet acte parce que Jean Goulart appartenait à une famille surtout poitevine ; mais nous n’en publions pas le texte parce que le fait eut lieu en Saintonge. Jean Vigier obtint aussi des lettres de rémission pour ce meurtre, auquel du reste il avait pris la plus grande part. Beaucoup plus explicites que celles de Jean Goulart, elles sont adressées aux sénéchaux de Poitou et de Saintonge, au gouverneur de la Rochelle et à tous autres justiciers, et datées de Tours, le 8 février 1449 n.s. (JJ. 179, n° 271, fol. 156 v°.)

. »

AN JJ. 179, n° 273, fol. 158 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 118-119

MCLXXVI Mars 1449

Rémission en faveur d’Etienne Lamy, marinier, du bourg de l’île de Noirmoutier, coupable d’homicide par imprudence. En jouant aux boules, il avait frappé à la tête sa filleule, Catherine Gazet, qui succomba au bout de dix-huit jours.

AN JJ. 179, n° 297, fol. 169 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 7 p. 119-122

Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receue l’umble supplicacion de Estienne Lamy, povre homme, laboureur, demourant en l’isle de Nermoustier, aagié de xxii. ans ou environ, chargié de femme et d’enfans, contenant qu’il s’est entremis et apliqué le temps passé, et se y est bien et honnestement gouverné, à l’excercice et mestier de marinier et à mener et conduire par mer et sur eaue marchans, denrées et marchandises, duquel mestier et excercice il a acoustumé vivre et a vesqu le temps passé ; en laquelle isle de Nermoustier a ung bourg bel et notable, lequel est deffermé et ouvert sans aucune closure, et champestre, ouquel demeurent plusieurs habitans et ouquel a plusieurs rues et chemins publiques. Ou quel bourg de Nermoustier, pour ce qu’il est assis sur port de mer, affluent plusieurs personnes d’estranges nacions, marchans et autres de ce royaume en diverses contrées, lesquelz ont acoustumé, et aussi ceulx dudit bourg et isle, prendre leurs esbatemens et jouer tant à la paulme, aux boulles que à autres jeuz acoustumez à jouer en ce royaume, et que le xvme jour du mois de fevrier derrenierement passé ledit suppliant et autres commancèrent à jouer à la boulle par plusieurs rues et chemins dudit bourg publiquement et par plusieurs foiz, en alant et venant par lesdictes rues, et en especial en une rue appellée la rue de Vauzeau, à la veue de chascun qui le vouloient veoir et regarder, ainsi que jeunes gens ont acoustumé de jouer, et que ledit jour ledit suppliant et ung autre jouoient l’un contre l’autre audit jeu des boulles, environ heure de vespres, en la compaignie de plusieurs personnes qui acompagnoient ledit suppliant et celui qui jouoit contre lui, et firent leur jeu par ladite rue de Vauzeau, en laquelle a plusieurs maisons, et y demeurent plusieurs estagiers, et entre les autres y demeure Nicolas Gazet, compère dudit suppliant, lequel a sa maison en ladicte rue ; lequel suppliant a tenu et porté sur les fons une fille dudit Gazet, de l’aage de xii. à xiii. ans, nommée Katerine ; près de laquelle maison dudit Gazet a une place gaste appellée ayraut, close de deux boutz et d’un costé de petit mur de pierre, et de l’autre costé a une maison appartenant à Eustache Bonamy ; ouquel ayraut ou place estoit ladicte fille nommée Katherine Gazete, fille dudit Nicolas Gazet et filleule dudit suppliant. Laquelle ledit suppliant ne ceulx qui jouoient ne les autres qui les suivoient et acompaignoient ne veoient point ny ne povoient veoir, obstant ce que la maison dudit Bonamy estoit entre le dit suppliant et ledit ayraut ou place, en laquelle estoit la dicte fille. Lequel suppliant auquel le tour de jecter la boulle avint, estant en ladicte rue de Vauzeau, print ladicte boulle pour gecter, et pour ce qu’il ne vist personne du monde devant soy, à qui il peust mal faire, gecta ladicte boulle en ladicte rue de Vauzeau, et tantost après qu’il ot gecté ladicte boulle et qu’elle fut partie de sa main, incontinant aperceut ladicte Katherine Gazete, sa filleule, laquelle estoit oudit ayrault ou place, la quelle est devers ladicte rue ou chemin publique, de laquelle boulle ledit suppliant ataigny ladicte Katherine par la teste et lui rompy la char et les os de la teste, tellement que ladicte Katherine tomba à terre toute pasmée, combien qu’elle n’eust riens rompu de la taye de la teste. Lequel suppliant, incontinant qu’il vist ladicte Katherine, sa filleule, ala hastivement vers elle, la leva et print entre ses bras et l’apporta en l’ostel dudit Gazet, père de ladicte fille, et y trouva la mère de la dicte fille et la mère dudit Colas Gazet, ayeulle de ladicte Katherine ; ausquelles femmes il dist, bien desplaisant de tout son cuer, qu’il avoit blecié leur fille, et que pour ce il feust mis remède. Lequel suppliant, desplaisant dudit cas, mist grant peine à estanchier le sang que ladicte fille rendoit ; aussi firent les dictes femmes, et y faisoit chascun du mieulx qu’il povoit. Et assez tost après se partist ledit suppliant dudit lieu. Pour lequel cas, la justice dudit lieu inventoria les biens dudit suppliant. Depuis lequel cas, est survenu à ladicte Katherine certain accident de maladie, telement qu’elle est devenue percuse d’un costé ; à l’occasion de laquelle maladie, ladicte Katherine a esté plus fort grevée et endommagée que par ladicte playe, comme l’en dit. Et depuis, c’est assavoir xviii. jours après ou environ, à l’occasion de ladicte maladie, par faulte de gouvernement ou autrement, ladicte Katherine est allée de vie à trespassement, en bon sens et entendement, et a pardonné audit suppliant et à tous autres. A l’occasion duquel cas, ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du païs et n’y oseroit jamais retourner, se nostre grace et misericorde ne lui estoit sur ce impartie, humblement requerant que, attendu ce que dit est et que ledit suppliant n’a pas fait ledit cas à son esciant, mais est avenu par cas d’aventure et de fortune, dont il a eu et a très grant desplaisance, tant parce que ladite Katherine estoit sa filleule que autrement, etc. Pour quoy nous, attendu ce que dit est, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant avons ou cas dessus dit remis, quictié et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes aux seneschaulx de Poictou et de Xanctonge et gouverneur de la Rochelle, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois de mars l’an de grace mil cccc.xlviii. avant Pasques, et de nostre règne le xxviie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Daniel. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCLXXVII Avril 1449 (avant le 13)

Rémission accordée à Jean Minot, orfèvre de Loudun, pour le meurtre de sa femme.

AN JJ. 179, n° 300, fol. 171 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 122-125

Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receu l’umble supplicacion de Jehan Minot, orfèvre demourant en la ville de Lodun, aagié de xxxv. ans ou environ, contenant que, le dimanche xxiiime jour du mois de mars derrenierement passé, après ce qu’il fut venu de vespres, et retourné en son hostel, cuidant trouver le soupper prest, il trouva que Perrete, sa femme, n’avoit aucune chose apresté, au moins qu’il ne lui convint attendre bien longtemps avant qu’il se mist à soupper et à table, et trouva que sa dicte femme avoit telement beu qu’il n’y avoit en elle aucune raison ; et que, après ce qu’il eut ordonné à sa dicte femme qu’elle lui fit une escuellée ou platelée de salade de herbes, oelle d’olive et vinaigre, elle, comme par manière de despit, print de l’oelle d’olive qui estoit fort espesse et du vinaigre et les mesla ensemble sur les charbons pour mettre sur les dictes herbes ; et lors ledit suppliant dist à sa dicte femme qu’elle ne faisoit pas bien et qu’elle devoit mettre son oelle sur le feu sans le vinaigre, afin que icelle oelle se peust mieux mesler parmy lesdites herbes. Laquelle respondi très rudement audit suppliant, son mary, en lui disant teles parolles qui s’ensuivent ou semblables en substance : « De quoy, dyable, vous meslez vous ? Je la feray mieulx que vous ne sariez deviser. Se tous les dyables ne vous emportent, je sçay mieulx que c’est de salade que vous ne faites. Le dyable vous saroit servir à gré ! » Et adonc ledit suppliant lui dist par teles paroles : « Je veulx bien que tu saches que je seray maistre, ou merde ! » Et ladicte Perrete, sa femme, lui respondi que ce seroit en sa sanglante gorge. Dont ledit suppliant, desplaisant et courroucé de ces paroles et aussi de ce qu’elle estoit de mauvaise vie, et qu’elle avoit le renom en la dicte ville de soy habandonner à plusieurs personnes ; et aussi qu’elle l’avoit laissé souventes foiz et demouroit plusieurs journées sans retourner devers lui, et l’a trouvée saisie de ses biens, lesquelz elle lui avoit emblez et mis en pacquetz, voulant soy en aler par le païs avec iceulx biens et laisser ledit suppliant, son mary ; et que le plus souvent des jours, ainsi que chascun qui la frequentoit scet, elle s’enyvroit en telle manière qu’elle ne lui faisoit service ne proufit, et plusieurs foiz ledit suppliant l’a trouvée sur un banc ou forme toute yvresse couchée et estendue ; et ainsi qu’il s’en vouloit aler coucher en son lit, disoit à sa dicte femme qu’elle se levast et qu’elle se deshabillast et alast couchier avec lui en son dit lit, mais pour parole qu’il lui deist, ne se vouloit partir d’ilec ; et quant le dit suppliant se levoit au matin de son dit lit, trouvoit icelle Perrete, sa femme, encores toute estendue et couchée sur le dit banc ou forme. Et ledit suppliant, desplaisant et courroucé des paroles et choses dessus dictes, pour corrigier sa dicte femme, lui donna deux ou trois coups de sa main là où il la peut frapper, et plusieurs coups d’une escuelle d’estain sur la teste, dont icelle Perrete fut fort courroucée, et de plus en plus perseverant en son mauvais couraige et langaige, dist audit suppliant, son mary, plusieurs autres grans injures et vilenies, et telement que icelui suppliant, qui lui remonstroit à son povoir ses faultes et males façons, fut telement indigné des dictes paroles mauvaises et oultrageuses que sa dicte femme lui disoit, que par chaleur et hastiveté print unes tenailles de fer à atiser le feu et d’icelles en frappa sa dicte femme ung coup sur les espaules et ung autre coup en droit la cheville d’un de ses piez, telement que dudit derrenier coup il en esleva du cuir et de la chair de la jambe de sa dicte femme, et en yssit aucune effusion de sang. Et peu de temps après, par faulte de gouvernement ou autrement, ladicte Perrete, femme dudit suppliant, est alée de vie à trespassement. A l’occasion duquel cas, ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du païs et n’y oseroit jamais retourner ne converser, se nostre grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, humblement requerant que, attendu ce que dit est et que, au temps dudit cas advenu, ledit suppliant estoit fort desplaisant et indigné des dictes injures et malgracieuses parolles que lui disoit souventes foiz sa dicte femme, et aussi de sa mauvaise vie et gouvernement, et qu’elle se enyvroit comme tous les jours et ne lui faisoit nul proufit, fors lui donner coust et dommaige, et ne povoit icellui suppliant à grant peine avoir paix ne repoz avec icelle Perrete, sa femme, et laissoit icellui suppliant, son mary, aucunes foiz six ou huit jours sans retourner par devers lui, et couchoit, comme dit est, souventes foiz toute la nuyt sur ung banc ou forme toute yvresse, et ne la povoit icelui suppliant faire couchier en son lit emprès lui, et que ledit jour de dimanche xxiiime jour de mars derrenierement passé, quant icelui suppliant ala en son dit hostel pour soupper, n’y aloit pas en entencion de soy courroucer ne faire aucun mal à sa dicte femme, mais y aloit en bonne entencion et pour soupper et faire bonne chière avec elle, et a icellui suppliant esté fort desplaisant et courroucé de la mort de sa dicte femme, et ne cuidoit point de la dicte bateure que mort s’en ensuivist, et ne le faisoit que

Le texte porte « ne le faisoit pas », faute évidente du copiste.

pour la corrigier et remonstrer ses faultes ; et aussi que le dit cas est advenu de chaude cole et non pas d’aguet apensé, et que en tous autres cas, icellui suppliant a tousjours esté et encores est de bonne fame, renommée et honneste conversacion, sans jamais avoir esté actaint ou convaincu d’aucun autre vilain cas, blasme ou reprouche, il nous plaise sur ce lui impartir nostre grace. Pour quoy nous, attendu ce que dit est, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes aux seneschal de Poictou, bailli de Touraine et des ressors et exempcions d’Anjou et du Maine, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois d’avril l’an de grace mil cccc. quarante et huit, et de nostre règne le xxviie, avant Pasques.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Toreau. — Visa. Contentor.

MCLXXVIII Mai 1449

Confirmation par Charles VII d’une sentence arbitrale rendue par Guillaume, évêque de Paris, pour donner plus d’autorité à un accord terminant une contestation entre le doyen et le chapitre de Saint-Hilaire-le-Grand de Poitiers, d’une part, et Robert Poitevin, médecin du roi et trésorier dudit chapitre, touchant la répartition des offrandes faites à leur église aux fêtes de la Translation et de la Dédicace de saint Hilaire

L’original de ce concordat est conservé dans les archives du chapitre de Saint-Hilaire-le-Grand (Arch. de la Vienne, G. 500), et il s’en trouve une copie dans la Collection de dom Fonteneau, t. XII, p. 29.

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AN JJ. 224, n° 134, fol. 117 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 126-139

Karolus, Dei gracia Francorum rex. Ad perpetuam rei memoriam. Rutilat lucidius Francorum sceptrum preclarissimum, cum personarum ecclesiasticarum regi, qui candor est lucis eterne, in pacis dulcedine obsequi cupientium peticionibus equitatis moderamine suffultis benignum prebet assensum. Siquidem pro parte dilecti ac fidelis consiliarii et phisici nostri magistri Roberti Poictevin

Robert Poitevin, conseiller et médecin de Charles VII, né vers 1390, mort le 26 juillet 1474. Après avoir étudié à Montpellier, il prit ses degrés à la Faculté de médecine de Paris et passa maître en 1419. Demeuré dans cette ville, sous le gouvernement anglais, il devint chanoine de Notre-Dame, le 15 août 1424, et recueillit divers autres bénéfices. A la date du 27 juin 1427, bien que domicilié à Paris, il est qualifié de médecin de la reine Marie d’Anjou. En 1435, il fut délégué par la Faculté de médecine comme ambassadeur de l’Université au congrès d’Arras et participa de la sorte à la pacification du royaume. Dès lors il jouit d’un grand crédit à la cour de Charles VII, dont il fut le médecin, ainsi que de la reine et des princes du sang ; il donna également ses soins à la maîtresse du roi, Agnès Sorel, et fut même un de ses exécuteurs testamentaires. C’est le 24 avril 1448 que Charles VII l’avait nommé trésorier de Saint-Hilaire, c’est-à-dire le premier dignitaire après l’abbé, dont il était vicaire pour le spirituel et le temporel. Comme tel il était en même temps chancelier de l’Université de Poitiers, jouissait du titre de Monseigneur et portait la mitre et les gants. (Voy. Notes biographiques sur Robert Poitevin, médecin des rois Charles VII et Louis XI, par Vallet de Viriville, dans la Bibliothèque de l’École des chartes, t. XI, 1850, p. 488 et s., et un court résumé par le même dans la Biographie universelle.) Signalons aussi, dans les papiers du chapitre, à la date de 1458, une transaction entre le trésorier Robert Poitevin et les habitants de Champigny sur Veude, qui abandonnent au moulin de Judeau quatre arpents de terre. (Arch. de la Vienne, G. 988.) On y voit aussi qu’il fit bâtir à ses frais la principale porte de l’église Saint-Hilaire du côté de la place. (G. 1047.) Robert fut inhumé dans sa collégiale et eut aussi un monument funéraire en l’église cathédrale de Paris.

, in artibus et medicina magistri, thesaurarii et sincere dilectorum nostrorum decani et capituli ecclesie beatissimi Hilarii Majoris Pictavensis, cui quidem ecclesie majorum nostrorum decus primerium abbatialis dignitatis insignia ad nos hereditario jure transmisit, nobis fuit expositum quod super oborta pridem controversia seu altercacione inter prefatum thesaurarium, ex una, et decanum atque capitulum antedictos, partibus ex altera, occasione medie partis oblationum tam in moneta alba quam nigra obvenientium in eadem ecclesia, in festis Translacionis et Dedicacionis beatissimi Hilarii, super quarum eciam oblationum possessorio processus inchoatus extitit et aliquamdiu agitatus, partes prenominate, suadentibus causis et rationibus inferius declaratis, condescenderunt atque consenserunt in appunctuamentum, concordiam et accordum subsequentes :

Guillelmus, miseracione divina Parisiensis episcopus

Guillaume Chartier, frère du célèbre Alain Chartier, né à Bayeux vers 1392, mort en 1472. Successivement professeur de droit canon à Poitiers, chanoine de Tournai, puis de Paris, chancelier de l’église Notre-Dame en 1447, il avait été élu à l’unanimité évêque par le chapitre le 4 décembre 1447. (Gallia christiana, t. VII, col. 150.)

, dignum arbitramur et congruum in hiis nostre cooperacionis ministerium, auxilium et consilium impendere, per que inter ecclesiasticos viros, sopitis litigiorum anffractibus, restauretur tranquillitas, concrescat caritas pacis, vigeat pulcritudo, et quam decet domum Domini sanctitudo illibata servetur, ut cujus in pace factus est locus, ejus sit cultus cum omni veneracione, modestia et honestate pacificus. Notum itaque facimus quod, cum nuper exorta fuisset litis materia inter venerabiles viros decanum et capitulum venerabilis ecclesie beatissimi Hylarii Majoris Pictavensis, ex una, et egregium virum magistrum Robertum Poictevin, in artibus et medicina magistrum, domini nostri regis phisicum et predicte ecclesie thesaurarium, partibus ex altera, occasione medie partis oblacionum tam in moneta alba quam nigra obvenientium in dicta ecclesia in festo Translacionis et Dedicacionis beatissimi Hilarii, habitisque inter partes altercacionibus et agitacionibus processuum plurimis super possessorio oblacionum predictarum, tandem ipse partes predicte litis materiam, suadentibus amicis et zelatoribus pacis, cupientes amicabiliter terminare et viam omnimodam discordiis et contencionibus precludere in futurum, post tractatus pacis et concordie apertos quamplurimos inter eas, tam in civitate Pictavensi quam intervenientibus partium procuratoribus in civitate ista Parisiensi, in presencia reverendi in Christo patris et domini domini episcopi Landunensis

Jean Jouvenel des Ursins, né en 1388, fils de Jean Jouvenel, alors prévôt des marchands de la ville de Paris, depuis président du Parlement de Poitiers, et de Michelle de Vitry. Maître des requêtes en 1416, avocat général en 1429, évêque de Beauvais (1431), il avait été élu au commencement de l’année 1444 évêque de Laon, concurremment avec Pierre Godemant, doyen de cette église. Il en résulta un procès, pendant entre eux, au mois de mai de cette année, qui fut soumis d’abord à l’archevêque de Reims, puis au Souverain Pontife. Peu après, Pierre se désista en faveur de Jean Jouvenel (janvier 1445). Ce dernier fut transféré au siège archiépiscopal de Reims au mois de mai 1449. Il décéda le 14 juillet 1473. (Gallia christ., t. IX, col. 138, 552, 758.)

et nostra, postque super apercione viarum concordie antedicte prolocuciones quamplurimas, in festo beatissimi Hillarii nuper elapso, capitulum predicte ecclesie, absente decano, et thesaurarius antedictus in capitulo generali dicte ecclesie solemniter congregato, ad certam finalem concordiam devenerunt. Super qua nos in arbitrum et amicabilem compositorem eligentes et nostrum consilium postulantes, ejusdem concordie litteras originales, sigillo dicti capituli in cera viridi et cauda dupplici sigillatas, ac per venerabilem virum Petrum Suyreau, notarium et scribam capituli predicte ecclesie Beatissimi Hilarii, signatas et subscriptas, sanas et integras, non viciatas, non cancellatas, non abrasas, sed omni prorsus vicio et suspicione carentes, ut prima facie apparebat, per venerabiles viros Johannem Vernelli, aliàs Leauté

Ce personnage est appelé Jean Vearneau, dit Léauté, et qualifié chapelain du roi et chanoine de Saint-Hilaire-le-Grand, à l’occasion de la fondation de son anniversaire en ladite église. (Arch. de la Vienne, G. 1017.)

, concanonicum suum et dicti capituli procuratorem, et per Johannem Michaelis, predicti domini thesaurarii procuratorem legitime fundatum, prout nobis constitit, presentari fecerunt. Quarum quidem litterarum concordie et appunctuamenti tenor sequitur et est talis :

Super controversia jamdiu mota inter venerabiles et circumspectos viros dominos, reverendum Robertum Poictevin, domini nostri regis phisicum et consiliarium, et thesaurarium, ex una, et decanum et capitulum ecclesie Beatissimi Hilarii Majoris Pictavensis, partibus ex altera, ratione et occasione medie partis oblationum dicte ecclesie in vigiliis et festivitatibus Translacionis beatissimi Hilarii obvenientium, convenerunt predicte partes et composicionem inter se fecerunt in modum qui sequitur : videlicet quod ipsi decanus et capitulum percipient ad opus fabrice, perpetuis futurisque temporibus, quascumque oblaciones provenientes in predicta ecclesia in vigiliis et diebus festivitatum Translacionis beatissimi Hilarii et Dedicacionis ejusdem ecclesie, tam in moneta alba, nigra, auro, jocalibus, vasis et napis, quam ceteris quibuscumque oblacionibus. Ordinantes etiam quod, pro dictis oblacionibus, et ipsi domino thesaurario et successoribus suis perpetuis futurisque temporibus unientur canonicatus et prebenda integri, ita quod percipiet triginta sex libras Turonensium monete currentis pro grossis fructibus, tam in absencia quam presencia ; nec tenebitur propter hoc aliqua privilegia exhibere. Et persolventur per receptorem capituli prefato domino thesaurario, seu ejus receptori, in dicto festo Translacionis beatissimi Hilarii, una cum prato et vinea, quam et quod obtinere solebat deffunctus magister Bartholomeus Fouquet

Ce fut donc la prébende canoniale qu’avait possédée feu Barthélemy Fouquet qui fut jointe désormais à la dignité de trésorier du chapitre, en échange de l’abandon consenti par Robert Poitevin de la moitié des oblations.

, canonicus prebendatus, dum viveret, in presenti ecclesia, quam et quod ex nunc dictum capitulum assignat dicto domino thesaurario ; et quando ipse dominus thesaurarius intrabit capitulum, cantor cedet locum suum prefato domino thesaurario, et sedebit dictus cantor immediate juxta dictum dominum thesaurarium ; et si decanus absens fuerit, ipse cantor sedebitin loco decani, si voluerit, auctoritatem ipsius decani et capituli representans, habebitque idem dominus thesaurarius primam vocem in capitulo post presidentem, sicut habet episcopus Pictavensis in capitulo Pictavensi, sine presidencia. Qui quidem dominus thesaurarius et sui successores, ratione dimissionis dictarum oblacionum, non solvet nec solvent aliqua debita pro introitu ratione dictorum canonicatus et prebende, nec pro anniversariis, pane capituli et copia. Et habebit septimanam cappe in turno suo, ratione dicte prebende, tam in absencia quam presencia, ad conferendum beneficia sicuti habent decanus, cantor, subdecanus, scolasticus et succentor, ratione suarum dignitatum, et distributiones cothidianas interessentibus horis personaliter, in predicta ecclesia habebit et percipiet, sicut unus de ceteris canonicis prebendatis, dictus dominus thesaurarius, salvis in ceteris quibuscunque statutis et composicionibus inter dictum dominum thesaurarium, ex una, decanum et capitulum, partibus ex altera, temporibus retroactis factis. Et ad premissa sentencialiter proferendum, predicti venerabiles et cirumspecti domini thesaurarius, ex una, et capitulum prefate ecclesie, predicto domino decano absenti, capitulantes et capitulum generale tenentes, loco et hora consuetis, videlicet domini et magistri Stephanus Benès

Ce nom est écrit aussi Benez et Benest. Étienne Benez était chanoine de Saint-Hilaire dès l’an 1423. En 1448, il avait été excommunié par l’assistant de l’official de l’évêque de Poitiers, Jacques Jouvenel, patriarche d’Antioche, pour n’avoir pas payé six écus d’or qu’il devait à ce prélat ; l’excommunication fut levée le 10 juin 1452, en vertu d’une commission émanant de Jean Breton, doyen du chapitre de Saint-Martin de Tours, conservateur des privilèges du chapitre de Saint-Hilaire. (Coll. dom Fonteneau, t. XII, p. 67, d’après les arch. de Saint-Hilaire.) Il est qualifié licencié en lois, chantre de Saint-Hilaire et curé de Rouillé, dans l’acte de fondation qu’il fit d’un collège dans sa maison de la « Sereine », pour seize écoliers, dont huit devaient être du diocèse de Bourges. (Arch. de la Vienne, G. 515.) On trouve aussi dans le même fonds un acte de désistement par ledit Benez de la ferme de la terre des Longrets près Cosne, qui lui avait été accordée par le chapitre, sa vie durant (G. 867.)

, cantor, Guillermus Thenoti, scolasticus, in decretis licenciatus, Johannes de Decimaria

Jean de la Dîmerie, chanoine de Saint-Hilaire le 16 mars 1422, sous-chantre en 1434 et 1452, acquit une rente sur le lieu de « Lemonyere » que lui vendit Jean Richard, écuyer. (Arch. de la Vienne, G. 681.) Il fit don au chapitre, pour le chœur de l’église, d’un psautier tout neuf, qui fut enchaîné à la place de l’ancien, et en dernier fut mis à sa disposition pour s’en servir, sa vie durant. (G. 524.) Son testament est conservé dans le même fonds. (G. 515.)

, succentor, Johannes Vivian, Helyas de Pressiaco

Élie de Pressac est nommé parmi les héritiers de Jean de Cramaut, chevalier, neveu du cardinal Simon de Cramaut, dans un procès qu’ils soutinrent contre l’évêque de Poitiers, le 21 janvier 1434 et le 1er juillet 1435. (Arch. nat., X1a 9200, fol. 195 v° et 361.) Dans l’intervalle, le 7 août 1434, étant prisonnier en la Conciergerie du Palais à Poitiers, comme accusé d’avoir consenti et aidé à faire sortir de la ville, en escaladant les murs, pendant la nuit, certains prisonniers qui s’étaient mis en franchise en l’église des Augustins, il fut rendu par la cour au chapitre de Saint-Hilaire, avec défense à Gilles Joulain, procureur des chanoines, qu’il ne fût procédé à son jugement pour raison du délit commun, jusqu’à ce que le Parlement eût statué sur le cas privilégié. (Id., X1a 21, à la date.)

, in decretis baccallarius, Gauffridus Rousselli, Petrus de Morry

Pierre de Morry, aliàs de Mourry, chanoine et quelque temps après sous-doyen du chapitre de Saint-Hilaire, nous est connu par deux mésaventures dont il fut victime. En 1456, il poursuivait au Parlement André et Jean de Conzay, frères, Michel et Maurice Claveurier, frères, Pierre Petit, Pierre Duboys, André Havet et Honoré Prévost, qui s’étaient introduits de nuit par escalade dans son hôtel, l’avaient dévalisé et avaient maltraité ses gens. L’affaire, qui avait été plaidée les 29 novembre, 2 et 9 décembre de cette année, n’était pas réglée deux ans après. Pierre de Mourry obtint un arrêt par défaut le 5 décembre 1458. (Arch. nat., X2a 28, aux dates des 15 et 29 novembre, 2 et 9 déc. 1456, 5 déc. 1458 ; Arch. de la Vienne, G. 501.) Il fit aussi mettre en accusation un de ses collègues, le chanoine Jean Regnaud, qui, pendant la messe, lui avait violemment arraché son bonnet. Pierre de Mourry était encore sous-doyen de Saint-Hilaire lors de l’entrée de Charles VIII à Poitiers, le jeudi 15 février 1486. (Arch. de la Vienne, G. 526, 587.)

, in legibus licenciatus, Petrus Negraudi

Pierre Negraud est qualifié acolyte de Notre Saint Père le Pape, chanoine prébendé de Saint-Hilaire et prieur de Saint-Jean-hors-les-murs de la Rochelle, dans l’acte de fondation de son anniversaire, par lequel il demandait d’être inhumé dans l’église de Saint-Hilaire, auprès de l’autel de la Trinité dont il a fait faire l’image. Son testament est conservé aussi aux archives du chapitre ; il y est dit en outre curé du Puy-Notre-Dame. (Id. G. 515, 1017.)

, in decretis baccallarius, Jacobus Percheti, magister in medicina, Guillelmus Sainterii, in legibus licenciatus, Johannes Vernelli, alias Leauté, Petrus de Albania

Pierre d’Aubanie ou d’Albaine, chanoine de Saint-Hilaire et bachelier en lois, est cité dans divers actes capitulaires, du 15 janvier 1448 au 27 juin 1476. « Dans son Essai sur l’histoire de Saint-Hilaire-le-Grand, M. de Longuemar, qui le nomme Petrus de Albania, aliàs Vassalli, dit qu’il fut élu chantre du chapitre le 22 juin 1482, et mourut le 8 juillet 1504. » (Dict. des familles du Poitou, 2e édit., t. I, p. 32.)

, in legibus baccallarius, et Johannes de Hospitali

Nous avons noté divers membres d’une famille poitevine de l’Hôpital, vivants à la fin du xive siècle et dans les premières années du xve. (Arch. hist. du Poitou, t. XXIV, p. 152, note.) Philippe Imbaud, veuve de Guillaume de l’Hôpital, et leur fils mineur Jean, rendirent aveu au duc de Berry, le 4 novembre 1407, du fief de Courlu en la paroisse d’Augé, dont ils étaient seigneurs. Jean de l’Hôpital le renouvela à Charles dauphin, comte de Poitou, le 25 octobre 1418. (Arch. nat., P. 1144, fol. 42, R1* 2172, p. 960.)

, canonici prebendati prefate ecclesie, partibus ex altera, tam conjunctim quam divisim, elegerunt in arbitrum, arbitratorem seu amicabilem pacis compositorem, reverendum in Christo patrem dominum episcopum Parisiensem modernum, et eciam ad comparendum coram dicto domino reverendo premissaque consenciendum, predicti domini capitulantes constituerunt procuratores suos honorabiles et circumspectos viros dominos et magistros Leonetum Guerineti

Léon et plus souvent Léonet Guérinet appartenait à une famille de Poitiers. Fils de Jean et de Perrette Grasseteau, il exerça d’abord la charge d’avocat. Le premier fait qui le concerne à notre connaissance est quelque peu en contradiction avec les destinées qui lui étaient réservées. Le 28 février 1432 n.s., dans la salle du Palais, à Poitiers, il se prit de querelle avec Jean Vousy, secrétaire du roi. Des paroles on en vint promptement aux coups, et Jean Rabateau, alors avocat criminel au Parlement, prit fait et cause pour Guérinet et lui prêta main-forte. Cette scène fit scandale et la cour ordonna de prendre au corps et d’enfermer à la Conciergerie Léonet et son complice. Le premier était clerc et fut réclamé à la fois par le chapitre cathédral, dont il était alors prévôt, et par l’évêque de Poitiers. Le chapitre l’emporta. Puis, malgré l’opposition du Parlement, l’affaire fut renvoyée au grand conseil du roi et jugée par lui. (Arch. nat., X2a 21, fol. 174 v°, 175 et v°, 176 et v°, 177 v°, 179 v°.) Cet incident a été raconté tout au long par M. Daniel-Lacombe, L’Hôte de Jeanne d’Arc à Poitiers, maître Jean Rabateau, in-8°, 1895, p. 50-69) ; nous n’y insisterons pas. Le scandale qu’il avait ainsi causé n’entrava pas la carrière de L. Guérinet ; peu de temps après, le 27 avril 1433, il fut nommé conseiller clerc en ce même Parlement, en remplacement de Charles de Vaudétar. (Arch nat., X1a 9194, fol. 42.) Un compte de recette de la prévôté de l’église cathédrale de Poitiers, pendant qu’il était revêtu de cette dignité, existe aux Arch. de la Vienne, cote G. 188. De chanoine Guérinet devint bientôt doyen de ce chapitre, tout en restant pourvu de sa charge au Parlement. Puis, à la mort de Jacques Jouvenel des Ursins, patriarche d’Antioche et évêque de Poitiers (12 mars 1457), il fut élu par les chanoines pour lui succéder et fit son entrée dans sa ville épiscopale, le 27 novembre 1457. Les auteurs de la Gallia christiana disent qu’il est parfois appelé (et à tort) Léon Payen, parce qu’il avait une sœur, nommée Perrette, mariée à Jean Payen, seigneur de la Fougereuse, ce qui prêta à la confusion. Quoi qu’il en soit, il ne jouit pas sans contestation de la dignité épiscopale. Charles VII avait promis la succession de Jacques Jouvenel à Jean Du Bellay, et celui-ci prit l’administration du diocèse de Poitiers, à charge de payer une pension annuelle à Guérinet, qui se retira et demeura au château de la Rocheposay. (Du Chesne, Histoire de la maison des Chasteigners, liv. IV, ch. ix.) Il prenait cependant le titre d’évêque de Poitiers et fut tenu pour tel ; car, le 25 octobre 1460, il passa, en cette qualité, un concordat avec le chapitre de Saint-Hilaire-le-Grand, au sujet des privilèges et exemptions de cette église, soumise immédiatement au Saint-Siège, et pour régler les droits respectifs de l’évêché et du chapitre en matière de juridiction criminelle. (Arch. de la Vienne, G. 501, et coll. dom Fonteneau, t. XII, p. 99.) Cependant la situation ne pouvait durer. Vers 1461, Léonet Guérinet échangea définitivement le siège épiscopal de Poitiers contre celui de Fréjus, dont Jean Du Bellay était depuis plusieurs années titulaire. On dit qu’il était encore à la tête de cette dernière église en 1472, mais on ne donne pas la date de sa mort. (Gallia christ., t. I, col. 439, et t. II, col. 1200.)

, decanum, Johannem Sacriste, succentorem ecclesie Pictavensis, Petrum de Morry, Johannem de Cursay

Il faudrait peut-être corriger Conzay. On ne trouve pas en effet de Jean de Cursay, mais un Jean de Conzay, chanoine de Saint-Hilaire dès cette époque. (Arch. de la Vienne, G. 525.)

, Johannem Henrici, Johannem Bastardi, Johannem de Brollio, in legibus licenciatos, et eorum quemlibet, etc. Presentibus venerabilibus et discretis viris domino Johanne Esgrigelli

Sic. Il faut lire Esgagelli. On voit dans dom Fonteneau qu’un Jean Esgageau assistait en 1432 aux assemblées de l’Université de Poitiers. C’est le même sans doute qui, qualifié prêtre, licencié en droit canon et civil, rendit aveu au roi de la temporalité des Landes-Génusson, avec la haute et basse justice, le sceau au contrat, etc., lieu dont il était curé et seigneur, au devoir d’une maille d’or à mutation de seigneur. (Actes des 5 août et 8 novembre 1437, simplement analysés, Arch. nat., P. 1145, fol. 88.) Plusieurs membres de cette famille Esgageau du Bas-Poitou sont d’ailleurs connus. (Dict. des familles du Poitou, nouv. édit., t. III, p. 292.)

, utriusque juris doctore, Johanne Pelloquin

Jean Peloquin était, vers cette époque, curé de Notre-Dame-de-la-Chandelière de Poitiers, titre qu’il prend dans une baillette de terre par lui consentie, acte conservé dans les papiers du chapitre de Saint-Hilaire, entre 1449 et 1463. (Arch. de la Vienne, G. 889.)

, Ademaro Thediosi, presbyteris, Guillelmo de Nesdes

D’une famille poitevine, dont Jean de Nesde ou de Naide, fils de Hugues, seigneur de la Roche et de Combré. Voir une quittance donnée par le cellérier de l’abbaye des Châtelliers pour payement de rente à Jean de Naide, à Saint-Maixent, le 27 février 1432 n.s. (L. Duval, Cartulaire de l’abbaye des Châtelliers, p. 171.)

, clerico et correctore (?) ecclesie predicte Sanctissimi Hillarii, testibus ad premissa vocatis specialiter et rogatis, die mercurii post festum predicti beatissimi Hillarii hyemalis, decima quinta mensis januarii anno Domini millesiimo ccccmo quadragesimo octavo. — Sic signatum : P. Suyreau, scriba dicti capituli.

Et sequitur de eadem manu :

Item, concordatum est quod dictus thesaurarius suique successores ratione dictorum canonicatus et prebende dicte thesaurarie uniendorum nullum tenebitur facere juramentum, preter illud quod solitum est ratione dicte thesaurarie, hoc addito quod jurabit tenere statuta ecclesie huic concordato non repugnantia, et quod non revelabit secreta capituli. Sic signatum : P. Suyreau, scriba capituli.

Post quarum quidem litterarum presentacionem, recepcionem et examinacionem diligentes, easdem litteras originales venerabili et circumspecto viro magistro Petro Gaborelli

Il sera question plus particulièrement de Pierre Gaboreau, conseiller au Parlement de Paris et doyen de l’église Saint-Hilaire-le-Grand de Poitiers, dans des lettres de mars 1453 n.s. (ci-dessous), lui permettant de fortifier le lieu de Bignolesse, dont il était seigneur.

, in decretis licenciato, domini nostri regis in sua curia Parlamenti consiliario ac ipsius ecclesie Beatissimi Hillarii decano, tunc coram nobis presenti, duximus communicandas, eidem ut amplius adesset deliberationis facultas, copiam fieri ordinantes, volentes super hoc ante ulteriorem processum ejus intervenire consensum, ut eorum quos negocium tangere poterat atque potest communis concordia resultaret. Qui quidem dominus decanus, post deliberationem maturam per aliquos dies, dictam concordiam ratam habens et eam in consciencia sua ecclesie credens perutilem, interveniente tamen auctoritate Sancte Sedis apostolice et regie majestatis assensu, in nostra presencia consensum suum prebuit et eam approbavit, prout in quadam cedula, quam super hoc dedit in scriptis, que in instrumento super hoc confecto inseritur, latius continetur. Post consensum igitur predictum sic prestitum, comparentibus iterum coram nobis decano predicto ac procuratoribus thesaurarii et capituli antedictorum, fuimus per eos debita cum instancia requisiti quatinus dicti arbitrii onus in nobis assumere et nostram arbitralem determinacionem dare vel proferre dignaremur, juxta dictarum litterarum continenciam atque formam. Perlectis igitur iterum dicte concordie originalibus litteris coram nobis ostensoque per nos partibus antedictis quod per dictas litteras nulla nobis augendi vel diminuendi, aut eciam interpretandi dabatur facultas, nec ad nos juridicionis ordinarie ratione spectabat vices interponere in hac parte, quodque non, nisi cum auctoritate et beneplacito dicte Sancte Sedis apostolice, materia presens percipere poterat robur aliquod firmitatis, ad id etiam attendentes regie majestatis christianissimi domini nostri regis assensum, non judicis vel arbitri sed vicem dumtaxat amici et consiliarii gerere volebamus et intendebamus in hac parte, quodque cum peritis et cognoscentibus factum ecclesie antedicte et presertim cum consiliariis regiis curie Parlamenti, ex frequentacione sepedicte ecclesie Beatissimi Hilarii, dum in civitate Pictavensi predicti Parlamenti curia resideret, noticiam hujus materie habentibus, consilium et communicacionem haberemus ac informacionem debitam faceremus, fidele postmodum testimonium perhibuit.

Nos igitur Guillelmus episcopus antedictus, post communicacionem concordie antedicte et maturam deliberacionem cum litteratis et probis, predictam concordiam laudantibus et utilem esse dicentibus, attendentes partes predictas in eadem ecclesia constitutas unum corpus conficere ac easdem veluti unius membra corporis cupientes connecti vinculo caritatis, ut in domo Domini unanimes valeant habitare, et ad Dei honorem et beatissimi Hilarii, qui doctor ecclesie irrefragabilis ac catholice fidei murus inexpugnabilis appellatur, in ecclesia predicta conveniencius atque quietius valeant divinis obsequiis ministrare, sperantes per communicacionem capitularem communem dictarum partium, de qua in dicta concordia, cum antea thesaurarius capitulum non intraret, multa ecclesie commoda provenire, cum unita virtus se ipsam dispersa reddatur efficacior et res parve crescant concordia, que etiam maxime per discordiam dilabuntur ; dictam concordiam, quantum in nobis est, laudamus ejusque approbacionem, si tamen regie majestatis intervenerit assensus, apud Sedem Apostolicam prosequendam consulimus. Exortamur autem predictos decanum, thesaurarium et capitulum in Domino, quatinus oblaciones antedictas sic studeant ad fabricam ecclesie predicte convertere, quatinus (sic) et in presenti ecclesia in structuris sustentacionem recipiat et augmentum, ipsaque retribucionis eterne premia consequatur. Exortamurque thesaurarium antedictum et alios qui erunt pro tempore in consiliis et aliis in choro, capitulo et ubique sic se ad utilitatem ecclesie antedicte vigiles exhibeant et ferventes, ut si quid detrimenti in suppressione prebende exoritur, hoc per eorum solicitudinem, diligenciam et industriam suppleatur, aliis autem juribus thesaurarii antedicti, sive in oblacionibus et aliis temporibus in concordia non expressis, sive in aliis, non intendimus prejudicari per premissa. In cujus rei testimonium, presentes litteras per notarium publicum infrascriptum signari et subscribi, ac nostri sigilli fecimus et jussimus appensione communiri, dictis partibus petentibus et requirentibus. Datum et actum in domo nostra episcopali Parisiensi, sub anno Domini millesimo cccc° quadragesimo octavo, indicione duodecima, mensis vero februarii die vicesima sexta, pontificatus sanctissimi in Christo patris ac domini nostri, domini Nicolai, divina providencia pape quinti, anno secundo

Nicolas V (Thomas Parentucelli), né à Pise en 1398, pape du 19 mars 1447 au 24 mars 1455. Par bulle du 2 avril 1452, il confirma le présent concordat entre les chanoines de Saint-Hilaire-le-Grand et Robert Poitevin. Cette bulle conservée dans les archives du chapitre est transcrite dans la collection de dom Fonteneau, t. XII, p. 51.

. — Presentibus ibidem venerabilibus et circumspectis viris magistris Guillelmo Sohier, Johanne Henrici, in legibus licenciatis, et Johanne Chenart, Baiocensis, Lemovicensis et Parisiensis diocesum, testibus ad premissa vocatis specialiter et rogatis.

Quibus omnibus et singulis superius insertis, presertim primordialis ipsius ecclesie fundacione nostreque eciam abbacialis dignitatis prerogativa jure pariter ac interesse, condicioneque preterea super assensu nostro obtinendo ibidem precise posita per jamdictos thesaurarium, decanum et capitulum, attente consideratis, iidem assensum predictum, et quantum nobis incumbit perpetue circa hec stabilitatis munimentum sibi concedi humili precium instancia concorditer postulaverunt. Nos itaque, premissis digeste perpensis, quodque eciam per ipsius sacratissimi confessoris fidei orthodoxe luminis magnifici merita gloriosa, plurima sue recordacionis Francorum regibus, antecessoribus nostris, pervenire celestia presidia ubilibet notissima ; attendentes preterea eorumdem thesaurarii, decani et capituli sinceram intencionem ad veram concordiam et caritatem fraternam inter eos, auspice Deo, habendam et habitam etiam confovendam, per quas quidem illius pacis fructum qui in se spiritualem habet dulcedinem assequi sperant ; perpendentes quoque regie dignitati fore consentaneum negocio hujusmodi assensum libenter prebere, signanter cum id ipsum et equitas pariter et honestas suadere noscantur, precibusque prefatorum thesaurarii, decani atque capituli nobis integra fide comprobatorum, regia benignitate in hac parte annuentes, habita demum super hiis deliberacione permatura, memoratis appunctuamentis, concordie et accordo, sicuti premittitur, initis et pertractatis, de nostra certa scientia, speciali gracia, auctoritate potestateque regia, nostrum per presentes prebuimus ac prebemus assensum expressum, eaque omnia et singula que in eisdem appunctuamento, concordia et accordo latius specifficantur, laudamus et approbamus, et quantum nostra interest, serie presentium consolidamus atque corroboramus, ea tamen condicione concorditer acceptata, quod prebenda ipsa unienda per sanctissimum patrem nostrum Summum Pontificem aut Sanctam Sedem apostolicam, cum juribus ac rebus, et presertim cum vinea et prato, solito more ceterarum ejusdem ecclesie prebendarum, nostre ac successorum nostrorum collacioni et disposicioni plenarie spectabit, veluti thesaurarie dignitas prelibata, eritque etiam prebenda unienda illa, quam nuper capitulum ipsius ecclesie eidem contulit thesaurario, casu quo tamen sibi et nulli alteri ratione sive causa cujusvis alterius collationis, provisionis aut dispositionis, jus in ea quesitum fuerit. Quod si forsan in prebenda per capitulum prefatum jam collata prelibato thesaurario vigore dicte collacionis, jus minime quesitum fuerit, unietur modo prelibato alia prebenda primo vacatura, spectans communiter vel divisim ad collationem seu quamvis aliam dispositionum eorumdem decani et capituli, qui quidem, ad id ipsum debite prosequendum et obtinendum, suum tenebuntur impresentiarum dare sufficiens procuratorium. Quod si prefatorum decani et capituli neglectu, dilacione, incuria culpave negocium ipsum, presertim quoad articuli vel condicionis immediate tenorem, suum sortiri plenarium minime contingat effectum, partes contendentes super hujusmodi oblacionibus atque circumstanciis et deppendentiis earumdem ad pretensi juris statum hincinde redibunt ac revertentur in integrum. Quocirca universis justiciariis et officiariis nostris, aut eorum locatenentibus, presentibus et futuris, et ipsorum cuilibet, prout ad eum pertinuerit, tenore presentium damus in mandatis quatinus memoratos thesaurarium, decanum et capitulum, ac eorum successores, nostris presentibus assensu, approbacione consolidacione et corroboracione, modo, forma et condicione superius expressatis, uti et gaudere plene ac pacifice perpetuis temporibus faciant et permittant, nil in contrarium faciendo vel attemptando, seu fieri aut attemptari permittendo ; quinymo secus acta vel attemptata ad statum pristinum et debitum reducant seu reduci faciant indilate. Quod ut firmum et stabile perseveret in futurum, nostrum presentibus litteris sigillum apponi fecimus. Nostro in aliis et in omnibus quolibet alieno jure semper salvo. Datum apud Razilliacum, mense maii anno Domini millesimo ccccmo quadragesimo nono, et regni nostri xxviimo.

Sic signatum : Per regem in suo consilio. J. de la Loère. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCLXXIX Mai 1449

Rémission accordée à Jean Pislon, de Coulonges-les-Royaux, qui, attaqué par Jean Gendronneau, sa femme, et Guillaume Gendronneau, prêtre, leur fils, avait en se défendant atteint ce dernier d’un coup de dague à l’épaule dont il était mort.

AN JJ. 179, n° 316, fol. 180 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 139-143

Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receu l’umble supplicacion de Jehan Pislon, demourant à Coulonges les Reaulx en nostre païs de Poictou, contenant que ung nommé Jehan Gendronneau et sa femme, et Guillaume Gendronneau, prebstre, fils des diz Jehan Gendronneau et sa femme, et autres parens et amys des diz Gendronneau ont dès long temps conceu très grant hayne à l’encontre dudit suppliant, à l’occasion de ce qu’il a esté refusant d’espouser Jehanne Gendronnelle, fille dudit Jehan Gendronneau et suer dudit Guillaume Gendronneau, prebstre, laquelle icellui Pislon suppliant, a congneue charnelment, comme ilz disoient, et lui avoit fait promesse de l’espouser, sur quoy se feust meu certain procès par devant l’official de Maillezais, entre ladicte Jehanne, d’une part, et ledit Pislon d’autre ; en la deduction duquel procès ledit Pislon a fait defendre que de ladicte promesse il n’est riens, aussi que ladicte Jehanne est fiancée à ung nommé Henry Regnault, et avecques ce qu’elle est femme publiquement diffamée de son corps, et plusieurs autres choses servans à sa matière. Lesquelz Jehan Gendronneau et Guillaume, son filz, ont dit et proféré dudit Pislon, suppliant, plusieurs parolles injurieuses, et avecques ce se sont ventez en plusieurs lieux qu’il ne mourroit d’autres mains que des leurs. Et de fait s’est mis en aguet ledit. Guillaume Gendronneau, tenant une arbaleste bandée et le trait dessus pour tuer ledit suppliant. A l’occasion desquelles choses ledit suppliant, qui par très longtemps a esté malade de goute et autres maladies, tant qu’il ne se pouvoit aidier, et qu’il estoit logié joignant de l’ostel dudit Gendronneau, eut pieça asseurement en court laye, en forme de droit, dudit Gendronneau et sa femme, famille et aussi dudit Guillaume Gendronneau. Mais ce neantmoins ilz n’ont point cessé des dictes menaces et paroles injurieuses ; aussi ont fait plusieurs dommaiges audit Pislon suppliant, dont s’est meu procès en la court de la prevosté dudit lieu de Coulonges

En cet endroit et dans les lignes qui suivent, il paraît y avoir des lacunes de membres de phrase, qui rendent le sens quelque peu obscur.

 ; et que en perseverant tousjours lesdiz Gendronneaux en leur dempnable propoz, le xxiiiie jour d’octobre derrenierement passé, ainsi que ledit Pislon, suppliant, qui estoit homme seul et venoit de soupper de la maison d’un nommé Aulbin Maistreau, rencontra devant sa maison Guillaume Bellagier, qui lui pria que pour celle nuyt il le voulsist logier. Mais si tost qu’ilz furent entrez en l’ostel dudit Pislon, suppliant, lesdiz Jehan et Guillaume Gendronneaux et ung nommé Abisot, et aussi la femme dudit Jehan Gendronneau se prindrent à injurier ledit suppliant, en l’appellant à haulte voix : « Filz de prebstre, filz de moyne », et plusieurs autres injures dures à supporter et oyr. Et lequel suppliant, considerant en soy lesdictes injures ainsi dictes de sa personne, en la presence dudit Bellaigier, eut honte et vergongne en soy mesmes, et de ce ne leur respondit aucunement, ainçois s’en partit de sa chambre, pour s’en aler en une autre part de sa maison, à ce qu’il n’oyst plus lesdictes injures, et aussi que aucune noise ne se meust entr’eulx. Et si tost que icellui suppliant fut descendu de sa chambre, ledit Jehan Gendronneau se mist sur ung mur rompu estant entre les maisons de lui et dudit Pislon, et y print plusieurs pierres, lesquelles il gecta après lui, par quoy ledit suppliant qui estoit impotent, comme dit est, ne peut pas remonter en sa chambre, mais s’en entra en sa court, pour cuider tousjours evader à l’entreprise des dessus diz, et d’icelle court s’en yssi ledit suppliant en la rue devant le cymetière ; mais si tost qu’il fut dehors, il trouva la femme dudit Jehan Gendronneau qui venoit au devant de lui ; à laquelle il dist : « Femme, alez vous couchier, je ne vous demande riens à vous ne à voz gens ». Incontinant après lesquelles paroles, ladicte femme vint prendre au corps ledit suppliant, et ledit Guillaume Gendronneau, prebstre, par une fenestre sailly hors de l’ostel de son père et vint pareillement se prendre et courir sus à icellui suppliant. Et ledit Jehan Gendronneau, voyant ces choses, leur dist : « Tenez le bien ! » et commença à venir vers eulx. Lequel suppliant, voyant l’invasion des dessus diz, considerant aussi les menaces que autres foiz lui avoient données, pour cuidier evader, tira une dague qu’il avoit acoustumé porter, et tantost ledit Jehan Gendronneau le print au braz et s’efforça de la lui oster, et le saisit au corps avec sa femme et ledit Guillaume, son filz, et tous ensemble donnèrent audit suppliant plusieurs coups ou visaige et ailleurs ; et ainsi qu’ilz tenoient ledit suppliant, la dicte femme trouva une pierre qui la fist cheoir à terre, et en cheant elle tira à soy ledit suppliant, Jehan Gendronneau, son mary, et Guillaume Gendronneau, son filz, et tous quatre cheirent à terre. Lesquelz en cheant, ledit Guillaume Gendronneau, prebstre, rencontra la pointe de ladicte dague, que lesdiz suppliant et Gendronneau tenoient encores, et lui entra ou rozeau de l’espaule, et à tant se departirent. A l’occasion de laquelle cheoite ou autrement, par faulte de bon gouvernement, ledit Guillaume Gendronneau, prebstre, le lendemain environ dix heures devers le matin, ala de vie à trespassement. Pour lequel cas, ledit Pislon, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du païs et n’y oseroit jamais retourner, demourer, ne converser, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, si comme il dit, en nous humblement requerant que, attendu, etc., que ledit Gendronneau pria et requist, à son trespas, à ses diz père et mère que dudit cas ilz ne demandassent riens audit suppliant et qu’il lui pardonnoit, nous lui vueillons sur ce impartir nostre dicte grace. Pour ce est il que nous, consideré ce que dit est, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant, etc. avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement à nostre seneschal de Poictou ou à son lieutenant, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Chinon, ou mois de may l’an de grace mil iiiic xlix, et de nostre règne le xxviime.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Hodon. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCLXXX Juin 1449

Rémission en faveur de Simon Pingreau, de Pozay-le-Vieux, prisonnier à la Roche-Pozay, comme complice d’un homicide commis par Mathurin et Gilles Bournigalle avec lesquels il se rendait au siège de Fougères, quand ils furent attaqués à Ligueil par une troupe armée.

AN JJ. 179, n° 327, fol. 186 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 143-146

Charles, etc. Savoir, etc. nous avoir receue l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de Symon Pingreau, povre homme, laboureur, parroissien de Pozay le Vieil, en la terre de la Roche de Pozay, chargié de jeune femme et de cinq petiz enfans, à present detenu ès prisons de la Roche dudit Pozay, contenant comme ledit Symon nous a par longtemps bien, vaillamment et loyaument, au mieulx qu’il a peu, servy en noz guerres contre noz adversaires, tant à Pontoise

Sans doute au siège de Pontoise, commencé en juin 1441 ; il dura près de quatre mois et se termina, le 19 septembre, par l’assaut de la place et la défaite complète des Anglais.

que à Tartas, en Almaigne que ailleurs en plusieurs lieux, et que puis quatre ans ença ung gentilhomme nommé Mery (sic) est alé de vie à trespassement, delaissiez deux ses filz, l’un nommé Mathelin Robin et l’autre Gilet Robin, ditz les Bournigalles, qui aussi nous ont par longtemps bien et vaillamment servy en nos dictes guerres et obey à noz mandemens des nobles, quant les avons faiz ; lesquelz Mathelin et Gilet les Bournigalles sont cheuz et encouruz en grant povreté, tant à cause des fraiz et despenses qu’ilz ont faictes en nostre dit service que autrement, et telement que par povreté ilz ont esté astrains de vendre leurs heritages et d’eulx absenter du païs de Touraine, et eulx en aler demourer ou païs de Brie. Et combien qu’ilz se feussent ainsi esloingniez de nostre dit païs de Touraine et eulx en alez demourer oudit païs de Brie, et en icellui mené leurs femmes, enfans et biens meubles, toutesvoies ilz ont souvent frequenté et repairé en nostre dit païs de Touraine et se sont fort acointiez dudit Symon Pingreau, à cause de ce qu’il est parent et lignagier de leurs dictes femmes et enfans. Et pour ce qu’ilz estoient de mauvaise fame et renommée, et que ledit Symon repairoit ainsi avecques eulx, icelui a esté puis deux ans ença pris et emprisonné audit lieu de la Roche de Pozay et semblablement ès prisons de Plainmartin. Et pour ce qu’il a esté trouvé innocent et non coulpable de ce dont on accusoit lui et lesdiz Bornigalles, il a esté mis hors et delivré des dictes prisons à son honneur. Et toutesvoies, à cause desdiz emprisonnemens, il a despendu ses biens et chevance, telement qu’il lui a convenu vendre ses beufz et autres ses biens ; et à ceste cause sont cheuz aussi sesdiz femmes et enfans en grant povreté et neccessité, et comme en mendicité. Et depuis qu’il a esté ainsi mis hors et delivré desdictes prisons, est avenu qu’il s’est trouvé puis Pasques ença avecques lesdiz Mathelin et Gilet, ditz les Bournigalles, près Villedieu, lesquelz lui dirent qu’ilz avoient oy dire que le siège devoit estre mis devant Fougières

François de Surienne, dit l’Aragonais, capitaine alors au service du roi d’Angleterre, avait surpris traîtreusement Fougères, dans la nuit du 23 au 24 mars 1449, pillé la ville et infligé aux habitants les traitements les plus barbares. Il n’est donc point surprenant qu’à Pâques de cette année il fût question de mettre le siège devant cette place. L’opération toutefois n’eut lieu que six mois plus tard. La ville fut investie, le 5 octobre, par Pierre de Bretagne, qui fut bientôt secouru par le duc François, son frère, et par le connétable de Richemont. Les travaux d’approche furent menés rapidement, on ouvrit plusieurs brèches, et quand tout fut prêt pour l’assaut, Surienne demanda à capituler, ce qui lui fut accordé ; il rendit la ville au duc de Bretagne, le 5 novembre 1449, et il abandonna les Anglais pour se mettre au service de Charles VII. (E. Cosneau, Le Connétable de Richemont, p. 394, 402, 403.) Louis XI le créa bailli de Chartres, au mois d’octobre ou de novembre 1461. (Anc. mém. L de la Chambre des comptes, fol. 167, Arch. nat., invent. PP. 118.)

, et qu’ilz avoient entencion de y aller, et que, s’il vouloit aler avecques eulx, ilz y pourroient beaucoup gaignier. A quoy le dit Simon respondi qu’il n’y iroit point et qu’il avoit promis que jamais ne iroit en leur compaignie, pour ce que, pour suir leur dicte compaignie, il avoit jà esté trop endommagié. Et neantmoins le ennortèrent telement par belles parolles et promesses que il consenti et leur accorda qu’il iroit avecques eulx. Et tantost après partirent eulx trois ensemble et prindrent leur chemin tirant ou païs de Bretaigne. Et en exploictant leur dit chemin, ou mois de may derrenierement passé, se trouvèrent ou païs de Touraine, en la terre de Ligueil, en laquelle arrivèrent sur eulx dix compaignons armez et embastonnez, qui leur vouldrent courir sus ; ausquelz dix compaignons, ainsi armez et embastonnez, ledit Symon et lesdiz Mathelin et Gilet ditz les Bournigalles prièrent qu’ilz ne leur voulsissent faire aucun destourbier ne empeschement en leur dit chemin, et qu’ilz aloient eulx emploier ou fait de la guerre contre les Anglois devant Fougières. Et en ce disant, survindrent trois autres compaignons armez et embastonnez ; lesquelz dix et trois compaignons ainsi armez et embastonnez assillèrent lesdiz Symon, Mathelin et Gilet, ditz les Bournigalles, et leur coururent sustant de leurs diz bastons et armes que de pierres, telement que ledit Mathelin Robin, dit Bournigalle, qui avoit une espée en sa main cheist à terre ; et quant ledit Gilet, son frère, qui aussi avoit une espée, le vist, il dist à ung qui le tenoit qu’il le laissast ou qu’il le tueroit. Et pour ce qu’il n’en voult riens faire, ledit Gilet le tua d’un coup qu’il lui bailla de sa dicte espée sur la teste. Et tantost lesdiz autres compaignons, qui estoient douze, vindrent tous fraper sur ledit Gilet telement qu’ilz le tuèrent incontinent, et prindrent ledit Mathelin qui estoit très fort blecié et le menèrent ès prisons dudit lieu de Ligueil ; et ledit Symon se deffendi telement qu’il escheva le dangier d’eulx et s’en alla en son hostel audit lieu de Pozay. Et tantost après furent audit lieu de Pozay les nouvelles dudit conflict et dudit meurdre qui avoit esté fait, et ce venu à la congnoissance des officiers de la justice dudit lieu, iceulx le prinrent et mirent ès dictes prisons où il est encores de present detenu en grant povreté et misère. Et combien qu’il n’ait fait en sa personne ledit meurdre, qu’il n’en soit cause principal et que lesdiz treize compaignons aient esté premiers aggresseurs et qu’ilz aient couru sus ausdiz Symon, Mathelin et Gilet, sans ce qu’ilz leur mesfeissent ne demandassent riens, et que ce que iceulx Symon, Mathelin et Gilet ont fait ait esté en leurs corps defendant contre lesdiz treize compaignons, toutesvoies ledit Symon et ses diz parens et amis supplians, doubtent rigueur de justice et que on vueille rigoreusement proceder à l’encontre de la personne dudit suppliant et de ses biens, et que par ce s’en ensuive sa desercion totale, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce prealablement impartiz, si comme dient lesdiz supplians, humblement requerans iceulx. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, en faveur mesmement et recongnoissance des bons et agreables services que ledit Symon nous a faiz le temps passé en noz guerres, et pour pitié de sa dicte femme et enfans, à icellui Symon Pingreau avons quicté, remis et pardonné. Si donnons en mandement au bailli de Touraine et des ressors et Exempcions d’Anjou et du Maine, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Chinon, ou moys de juing l’an de grace mil cccc. quarante neuf, et de nostre règne le xxviie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Machet. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCLXXXI Juin 1449

Permission de parachever la fortification du prieuré de Vaux en la vicomté de Châtellerault, membre dépendant de l’abbaye de Saint-Denis en France.

AN JJ. 179, n° 336, fol. 191 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 147-149

Charles, etc. Savoir, etc. nous avoir receu l’umble supplicacion de noz bien amez les religieux, prieur et convent du prieuré de Vaulx, de l’ordre de Saint Benoist, menbre deppendant de l’abbaye de monsieur Saint Denis en France, estant en la viconté de Chastelerault

Le prieuré de Vaux ou Saint-Denis-en-Vaux, prioratus Sancti Dyonisii in Vallibus, resta dépendant de l’abbaye de Saint-Denis près Paris jusqu’en 1682 ; à cette époque il fut uni au séminaire d’Autun. Onze documents des xiiie et xive siècles, extraits du Cartulaire blanc de Saint-Denis, t. II, p. 432 (Arch. nat. LL. 1158), concernant ce prieuré, ont été publiés dans les Archives historiques du Poitou, t. VII, p. 346 et suiv. L’original des lettres patentes de Charles VII, de juin 1449, était conservé autrefois dans les archives de l’abbaye de Saint-Denis, ainsi qu’une confirmation du même roi, datée du 2 avril 1451 n.s., et l’entérinement de ces deux actes par arrêt du sénéchal de Poitou, du 5 mai 1451. (Inventaire des chartes de l’abbaye de Saint-Denis, rédigé en 1688, in-fol., t. IV, Arch. nat., LL. 1192, p. 778.) Le nom du prieur de Vaux, au milieu du xve siècle, est indiqué par un autre document mentionné en ces termes dans le même recueil : « Comptes de recettes et de dépenses de la fabrique de l’église paroissiale de Notre-Dame-de-Vaux (dont la cure était à la nomination dudit prieur), depuis le 5 janvier 1451 jusqu’au jour saint Simon et saint Jude 1455, rendus par devant frère Jehan Huot, prieur du prieuré de Saint-Denis en Vaux, assisté de Me Jehan Tautin, prêtre et vice-gérant de la cour ecclésiastique dudit prieuré, par luy commis, signés au dos d’iceux par ledit Tautin, le 28e octobre. » (Id., p. 803.) Il est nommé par M. l’abbé Lalanne, sans doute par erreur, « Jean Hénot ». C’est à l’occasion d’un procès que lui avait intenté Charles d’Anjou, comte du Maine, vicomte de Châtellerault, procès qui se termina par une sentence arbitrale, rendue à Poitiers, le 11 juin 1463, et donnant gain de cause à ce dernier. Le prieur de Vaux était condamné, entre autres choses, à faire démolir les fortifications élevées sans la permission du vicomte, et à supprimer les foires et marchés qu’il tenait audit lieu, malgré les défenses qui lui avaient été faites à plusieurs reprises. (Lalanne, Histoire de Châtellerault, 1859, in-8°, t. I, p. 294-297.)

, contenant que ledit prieuré fut anciennement fondé par noz predecesseurs roys de France bien et notablement, et y ont les diz supplians justice et juridiction haulte, moienne et basse, et plusieurs autres beaulx droiz et noblesses à eulx laissées et baillées par nosdiz predecesseurs, et bel et notable temporel. Et pour ce que, durant les guerres qui ont esté et duré le temps passé en nostre dit royaume, les gens de guerre qui tenoient les champs faisoient plusieurs grans maulx ausdiz supplians et à leurs hommes, iceulx supplians, voulans obvier à la destruction d’eulx et de ladicte eglise, commancèrent aucunement à fortiffier icelle leur eglise, et par le moyen de la dicte fortifficacion, qui encores n’est parfaicte, se sont preservez durant lesdictes guerres desdictes pilleries et maulx au mieulx qu’ilz ont peu. Mais pour ce qu’ilz n’ont point eu de nous de congié de faire ladicte fortifficacion, ilz doubtent que ou temps avenir on vueille [leur] imputer avoir mesprins envers nous et leur faire demolir ladicte fortifficacion et tendre à l’encontre d’eulx à aucunes amendes, et aussi que on les vueille contraindre à prendre et avoir capitaine en leur dit prieuré, sans leur gré et consentement, qui seroit en leur très grant prejudice et dommaige, comme ilz dient, requerans humblement que, attendu que leur dit prieuré est de fondacion royal, que ce qu’ilz y ont fait a esté pour la conservacion d’eulx, de leurs diz hommes et de leurs biens, et sans vouloir prejudicier à noz droiz, il nous plaise sur ce leur impartir nostre grace. Pour ce est il que nous, ces choses considerées et aussi en l’onneur de Dieu et de mondit sieur saint Denis, dont deppend ledit prieuré, auquel avons singulière devocion, et à ce que soyons participans ès prières, oraisons et biensfaiz en ladicte eglise, avons eu et avons agreable tout ce qui a esté fait en ladicte fortifficacion par lesdiz supplians de tout le temps passé jusques à present. Et de plus ample grace avons ausdiz supplians donné et octroyé, donnons et octroions de grace especial, pleine puissance et auctorité royal, par cesdictes presentes, congié et licence de parachever de fortiffier ledit prieuré de Vaulx de muraille, tours, creneaulx, machecoleiz, foussez, pont leveiz, boulevars et autres choses necessaires et convenables à ladicte fortifficacion ; pourveu toutesvoies que à ce se consente le seigneur feodal et que, se leurs diz hommes sont tenuz faire guet et garde autre part, ilz le y feront nonobstant ladicte fortifficacion. Et en oultre leur avons octroié et octroions, de nostre dicte grace, que eulx et leurs successeurs puissent mettre et ordonner capitaine en leur dit prieuré, tel qu’il leur plaira, à telz gages et prouffiz que bon leur semblera, pourveu que le capitaine sera tenu d’en avoir et prendre lettres de don et institucion de nous, et qu’il sera tenu d’en faire le serement ès mains de noz officiers, et autrement n’y sera receu. Si donnons en mandement par cesdictes presentes aux bailliz de Touraine et seneschal de Poictou, et à tous noz autres justiciers, ou à leurs lieuxtenans et à chascun d’eulx, si comme à lui appartendra, que lesdiz supplians et leurs successeurs oudit prieuré facent, seuffrent et laissent joir et user paisiblement de nostre presente grace, congié et octroy, sans leur faire ne souffrir estre fait aucun empeschement ou destourbier au contraire, tant pour ce qu’ilz ont fait en ladicte fortifficacion avant nos dictes lettres de grace, que autrement ; ainçois, se fait, mis ou donné leur estoit en aucune manière, si le mettent ou facent mettre sans delay au premier estat et deu. Et afin, etc. Donné aux Roches Tranchelion, ou mois de juing l’an de grace mil cccc. quarante et neuf, et de nostre règne le xxviie.

Ainsi signé : Par le roy en son conseil. J. de Laloère. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCLXXXII Juillet 1449

Rémission en faveur de Jean de La Roche, écuyer, de Verrines, qui avait frappé mortellement un enfant de douze ou treize ans, nommé Thévenin Rocher, parce qu’il faisait paître des bestiaux sur ses terres.

AN JJ. 179, n° 341, fol. 193 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 149-152

Charles, etc. Savoir, etc. nous avoir receu l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de Jehan de La Roche

Plusieurs personnages, portant ce nom et ce prénom, ont existé dans la première moitié du xve siècle, en cette partie du Poitou, comme on l’a vu dans le vol. précédent, p. 359, note, où quelques-uns sont énumérés. On peut y ajouter un Jean de La Roche qui, le 20 mai 1447, rendit aveu au roi du fief de vignes dit le fief Chauvet, mouvant de Fontenay-le-Comte. (Arch. nat., P. 1145, fol. 43 v°.) Il est difficile de les distinguer et de les identifier sûrement.

, escuier, demourant ou bourg et parroisse de Verines en nostre païs de Poictou, contenant que, le mercredi après la feste de Pasques derrenierement passée, ledit Jean de La Roche estant en l’ostel de Jehanne Dauvergne, sa mère, povre damoiselle vefve, avec laquelle il est demourant, il oy environ huit heures devers le matin et entendi que aucuns crioient à haulte voix et disoient telz choses ou semblables aux ouailles qui sont ou pré de Jehanne Dauvergne…

Passage omis par le copiste, qui a oublié de transcrire les mots annoncés.

Lequel Jehan de La Roche, quand il oy ledit cry, se parti de la maison de sa dicte mère et print une forche de boys en sa main, et ala auprès de la fontaine de la Revolvinère assis oudit village de Verines, auquel lieu il rencontra Thevenin Rochier, dudit lieu de Verines, aagié de xii. à xiii. ans ou environ ; lequel Thevenin gardoit illec certain nombre d’asnes, bestes belines et porcines. Auquel Thevenin ledit de la Roche avoit paravant dit plusieurs foiz, ainsi que ledit Thevenin gardoit les bestes de son dit père qu’il gardast bien lesdictes bestes d’aller et qu’elles ne alassent ès prez et garennes de sa dicte mère, dont ledit Thevenin n’avoit riens fait ne voulu faire, mais avoit plusieurs foiz laissié aller ès prez et garennes de ladicte Dauvergne, mère dudit de La Roche, lesdictes bestes qu’il gardoit, lesquelles avoient fait dommage èsdiz prez et garennes, non obstant lesdictes choses dictes et deffenses faictes audit Thevenin par ledit Jehan de La Roche. Lequel de La Roche, cuidant que les bestes que gardoit ledit Thevenin auprès de ladicte fontaine, partie desquelles il trouva ou pré de sa dicte mère, feussent audit du Rochier, père dudit Thevenin, frapa ledit Thevenin deux foiz de la fourche qu’il avoit lors en sa main, sur les costez dudit Thevenin, telement que il en cheut à terre par le moyen desdiz coupz, et se escria très fort en disant qu’il estoit affollé. Après lesquelles choses, ledit Thevenin s’en ala audit lieu de Verines, comme fist ledit de La Roche, jusques près de la maison dudit de La Roche ; et luy estant illec, survint la mère dudit Thevenin, et s’en alèrent lesdiz Thevenin et sa mère ensemble en la maison dudit Jehan du Rochier, père dudit Thevenin. Et depuis ledit Thevenin, à l’occasion de ladicte bateure, fut malade au lit l’espace de vi. ou vii. sepmaines ou environ, et tant pour le fait de ladicte bateure, par deffault de gouvernement que aussi d’estre pensé, ou d’autre accident de maladie, ala de vie à trespassement. A l’occasion duquel cas ledit de La Roche, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du païs et n’y oseroit jamais retourner, se nostre grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, humblement requerant que, attendu ce que dit est et que ledit de La Roche ne cuidoit ne avoit entencion de blecier ledit Thevenin et qu’il fut esmeu de prime face et de chaudecolle, pour ce qu’il trouva les bestes que gardoit ledit Thevenin ou pré de sa dicte mère, et que autres foiz lui avoit dit et deffendu qu’il ne laissast aler lesdictes bestes ès diz prez ne garennes de sa dicte mère, et que les premiers mouvemens ne sont en la puissance de l’omme, que ledit Thevenin a vesqu vi. ou vii. sepmaines après ledit coup, et lui puet estre survenu autre accident de maladie durant ledit temps, etc., il nous plaise sur ce lui impartir icelles. Pour quoy nous, attendu ce que dit est, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit Jehan de La Roche avons ou cas dessus dit remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes aux seneschaulx de Poictou et de Xanctonge, et gouverneur de la Rochelle, bailly du grant fié d’Aulnis, et à touz noz autres justiciers, etc. Donné à Chinon, ou moys de juillet l’an de grace mil cccc. quarante neuf, et de nostre règne le xxviie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Rolant. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCLXXXIII Novembre 1449

Rémission en faveur de Jean Trilhault, demeurant au Bouchage en la châtellenie de Charroux, qui, pour se payer des dépenses qu’il avait faites en cautionnant, ainsi que son père et son frère, Guillaume du Breuil, fait prisonnier à Beauvais par des gens de guerre qui tenaient la campagne en Poitou, avait volé audit du Breuil vingt-cinq brebis et moutons.

AN JJ. 180, n° 16, fol. 7 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 152-155

Charles par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan Trilhault, povre simple homme de labour, filz de Jehan Trilhault, demourant au Boucaige en la chastellenie de Charrotz, contenant que au temps que feismes mettre le siège devant Vertueil

Le château de Verteuil appartenait à Guy de La Rochefoucault, frère de Jean de La Roche, sénéchal de Poitou. Guy ayant repris les armes contre l’autorité du roi, malgré le serment qu’il avait fait de le servir fidèlement, et au mépris de l’amnistie dont il avait bénéficié après la Praguerie, Charles VII, qui se trouvait à Ruffec dans les premiers jours d’avril 1442, fit mettre le siège devant la place défendue par deux cents hommes de guerre. Les troupes royales commandées par l’amiral Prégent de Coëtivy, le maréchal Philippe de Culant et Pierre de Brézé, sénéchal de Poitou, s’en emparèrent après une attaque en règle ; le château fut détruit et rasé. (Le héraut Berry, Chronique de Charles VII, édit. Godefroy, in-fol., p. 417, 418.)

, pluseurs capitaines et gens de guerre estoient en nostre païs de Poictou et entre autres les gens de Galias

Sur une liste des capitaines de gens d’armes qui accompagnèrent le dauphin Louis dans son expédition en Suisse et en Alsace, liste dressée le 5 septembre 1444, ce personnage figure sous la même désignation imprécise : Dominus Galiaz et Bonifacius de Valperge ; isti habent Lombardos. (A. Tuetey, les Écorcheurs sous Charles VII, t. II, p. 517) Est-ce le même que Jacques Galeotto, que l’on retrouve chef de soudoyers lombards au service de Charles le Téméraire, puis de Louis XI ?

, lesquelz estoient logiez à Nantueil en Valée à deux lieus près ou environ dudit Vertueil, auquel lieu de Nantueil ledit suppliant et son dit père estoient retraiz, et y eut aucuns desdiz gens de guerre de la compaignie dudit Galias qui alèrent courir au lieu et parroisse de Beauvaiz, et prindrent et enmenèrent Guillaume du Bruilh, filz de Blayve du Bruilh, et enmenèrent et tindemt icellui Guillaume prisonnier audit lieu de Nantueil, où ilz estoient logiez. Et pour les maulx et durtez qu’ilz lui firent, le contraingnirent à soy raençonner à la somme de quarante royaulx d’or. Et pour yssir hors de leurs mains et subgection, requist à Pierre Trilhault, frère dudit suppliant, lesquelz demouroient ensemble avecques Jehan Trilhault, leur père, qu’il le voulsist pleger et respondre pour lui d’icelle somme de quarante reaulx ausdiz gens de guerre, ce que fist ledit Pierre Trilhault, et leur promist paier icelle somme dedans certain brief temps lors avenir, ou cas que ledit Guillaume du Bruilh ne les auroit paiez. Et par ainsi fut ledit Guillaume du Bruilh delivré et s’en ala des mains et subjection desdiz gens de guerre ; mais il ne retourna point ne n’envoya paier icelle somme et passa ledit terme, sans ce que paiement leur en fut fait. Et quant iceulx gens de guerre virent que ledit terme estoit passé et qu’ilz n’avoient point ledit paiement, se prindrent audit Pierre Trilhault, leur pleige et le molestèrent très fort, lequel ne sceut bonnement que faire, fors qu’il se constitua leur prisonnier, pour ce qu’il n’avoit de quoy les paier si promptement qu’ilz le demandoient et vouloient avoir ; et fut et demoura grant temps leur prisonnier. Durant lequel emprisonnement, il et ses diz père et frère eurent et endurèrent et supportèrent grans peines, pertes, despens et dommaiges, et leur fut force de paier ausdiz gens de guerre icelle somme de quarante royaulx ; pour lesquelz finer leur convint vendre et vendirent grant quantité de leurs biens. Et après ce qu’ilz eurent paiée ladicte somme, ledit suppliant se tira par devers ledit Guillaume du Bruilh et Blayve du Bruilh, son père, et leur requist par pluseurs foiz qu’ilz voulsissent rendre et restituer à lui et à ses diz père et frère ladicte somme de quarante reaulx avecques les despens, dommaiges et interests qu’ilz avoient euz et soustenuz par le deffault de ce que il ne son dit père n’avoient pas paiée ausdiz gens de guerre ladicte somme de quarante reaulx audit terme ; lesquelz despens, dommaiges et interests ilz estimoient à la somme de trente livres tournois. Lequel Guillaume du Bruilh leur paia ladicte somme de quarante reaulx, mais desdiz despens, dommaiges et interests ne leur voult riens rendre ne restituer, dont ilz furent grandement endommaigiez et apovriz. A laquelle cause ledit suppliant, voiant que ledit Guillaume du Bruilh ne leur vouloit riens rendre et restituer desdictes pertes, dommaiges et interests et despens, qu’ilz avoient ainsi soustenuz et supportez par la faulte d’icellui du Bruilh et dudit Blayve, son père, et pour leur avoir fait le plaisir de ladicte pleigerie, et qu’ilz n’en povoient ne n’eussent peu riens avoir, sans plait et procès et à grans fraiz et cousts qu’ilz n’avoient de quoy faire, icellui suppliant, de ce marry et desplaisant, par mauvais conseil et temptacion de l’ennemy, une certaine nuit, se transporta en ung touet ou estable, où lesdiz Guillaume du Bruilh et Blayve, son père, avoient et tenoient leur bestiail, et ilec print et enmena environ vint cinq chefz, tant brebiz que moutons, qui bien povoient valoir dix ou douze livres tournois, non cuidant mal faire, mais bien pour soy recompenser desdiz pertes, despens et dommaiges. Et depuis, furent lesdiz du Bruilh advertiz que ledit suppliant avoit ainsi furtivement prins et enmené leur dit bestiail, et en sorty debat entre ledit Guillaume du Bruilh et ledit suppliant. Lequel, pour appaisier la chose et eviter plus grant inconvenient, composa de ce avecques ledit Guillaume du Bruilh à la somme de unze royaulx d’or, qu’il paia à icellui Guillaume du Bruilh et Blayve, son père. Mais ce non obstant, il doubte rigueur de justice et qu’on le voulsist repputer et tenir pour larron, et que nostre procureur et autres voulsissent proceder rigoureusement à l’encontre de lui et de ses biens, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce prealablement impartiz, si comme il dit, humblement requerant, etc. Pour quoy nous, etc., audit suppliant avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes aux seneschaulx de Poictou et de Lymosin, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Rouen, ou mois de novembre l’an de grace mil cccc. quarante neuf, et de nostre règne le xxviiie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Tribole. — Visa.

MCLXXXIV Décembre 1449

Rémission en faveur de Lucas Pinaudeau et ses trois fils, et Jean Pinaudeau, son cousin, demeurant à la Pêcherie, paroisse de Vouzailles, qui avaient en se défendant frappé mortellement Jean Catherineau, d’Ayron.

AN JJ. 184, n° 21, fol. 13 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 155-157

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et advenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Lucas Pinaudeau, l’aisné, Pierre et Jehan Pinaudeaux et Thevenon Pinaudeau

Ils appartenaient à une famille notable, possessionnée dans cette région. Le champ de Saint-Nicolas, le pré de la Fontaine et le fief des Vigneaux, mouvant de Cherves, étaient tenus en 1446 par les héritiers de Jean Pinaudeau, le même, sans doute, qui tenait aussi en fief des rentes diverses dans la mouvance de la Roche-Boureau, en 1414, à cause de sa femme, Guillemette Poupard. (Cf. E. de Fouchier, la Baronnie de Mirebeau, p. 145 et 210.)

, filz dudit Lucas, et Jehan Pinaudeau, cousin et varlet dudit Lucas, et ses enffans, demourans à la Pescherie, en la paroisse de Vousailles, en la chastellerie de Myrebeau, contenant que, le xxve jour de juillet derrenier passé, eulx estans ensemble, excepté ledit Thevenon, en ung champ de terre près dudit Vouzailles, où ilz cueilloyent du froment, disans les ungs aux autres qu’ilz voient en ung autre champ ou pièce de terre près dudit Vouzailles, qui est auprès d’une croix nommée la Croix du Pré de Fourches, entre ledit Vouzailles et Mailhé, plusieurs personnes qui lioient de l’avoine, qui là estoit toute cueillye, et doubtant par ledit Lucas le père que entre lesdites personnes feust ung nommé Jehan Katherineau, de la paroisse d’Airon en la conté de Poitou, duquel il tenoit ladicte pièce de terre près de ladicte croix, et qu’il voulsist emmener ladicte avoine, dist à ses diz enffans et audit son cousin et varlet telz paroles : « Sus, enffans, alez querir voz bastons et yrons veoir que c’est. » Lesquelz Pierre et Jehan Pinaudeaux avec ledit varlet, supplians, se transportèrent à leur hostel et prindrent aucuns bastons qu’ilz trouvèrent, et signiffièrent ce que dit est audit Thevenon, qu’ilz trouvèrent oudit hostel, et s’en retournèrent par devers ledit Lucas, le père, et eulx estans tous cinq ensemble, s’en vindrent jusques audit champ ou pièce de terre, où ilz trouvèrent ledit Katherineau, lui cinquiesme, garniz de deux fourches de fer ; et incontinent qu’ilz furent arrivez, ledit Lucas dist audit Katherineau : « Alez vous ent d’icy, car certes vous ne admenerez pas ceste advoine ! » Et en ce faisant, ledit Thevenon prinst son cousteau et commença à coupper les liens d’aucuns gerbes qui estoient oudit champ. Et lors ledit Katherineau print une pierre qu’il trouva illec et gecta tant qu’il pot contre ledit Lucas et le frappa en la teste, tellement qu’il le fist cheoir à terre, et non content, print deux autres pierres l’une après l’autre et les gecta de sa puissance audit Thevenon, de l’une desquelles pierres il le frappa sur l’oreille, et de l’autre le frappa parmi la teste, tant qu’il feust blecié et cheut. Et lors lesdiz Pinaudeaux et leur varlet, supplians, excepté ledit Pierre, veans ledit Lucas, leur père, et eulx ainsi assailliz et bleciez, commencèrent à frapper sur ledit Katherineau, c’est assavoir lesdiz Lucas et Thevenon chacun du manche d’une fourche, ledit Jehan d’un baston crossé et ledit varlet d’une guisarme qu’ilz avoient, aucuns cops tant en la teste comme sur le corps et teste dudit Katherineau ; lequel tantost après fut mené à Mailhé, en l’ostel d’aucuns ses parens et amis, où il demoura jusques au xiiie jour d’aoust ensuivant, que lors par son mauvais gouvernement il ala de vie à trespassement. Pour occasion duquel cas, lesdiz supplians se sont abscentez du païs, doubtant rigueur de justice, ouquel ne en nostre royaume ilz n’oseroient jamais retourner, à la grant desplaisance d’eulx, leurs parens et amis, se nostre grace et misericorde ne leur estoit sur ce impartie, en nous humblement requerans que, ce consideré et que ledit Katherineau fut le premier agresseur, en gectant lesdictes pierres sur ledit Lucas, etc., nous leur vueillons sur ce nos dictes graces, pitié et misericorde eslargir et impartir. Pour quoy nous, ces choses considerées, qui voulons misericorde preferer à rigueur de justice, ausdiz Lucas Pinaudeau, l’aisné, Thevenon, Pierre et Jehan Pinaudeaux, et Jehan Pinaudeau, leur varlet, et chascun d’eulx, avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement aux seneschal de Poictou et bailli de Touraine, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois de decembre l’an de grace mil cccc. quarante et neuf, et de nostre règne le xxviiime.

Ainsi signées : Par le conseil, Charlet. — Visa. Contentor. M. de La Teillaye.

MCLXXXV Janvier 1450

Confirmation du traité passé, le 20 septembre 1443, entre Maurice Claveurier, sieur de la Tour-Savary, lieutenant en Poitou, d’une part, et Jean comte d’Harcourt, vicomte de Châtellerault, d’autre part, touchant le guet et la garde de la place forte de la Tour-Savary en Châtelleraudais.

AN JJ. 180, n° 52, fol. 23 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 157-163

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de nostre amé et feal conseillier, maistre Maurice Claveurier, demourant à Poictiers et seigneur de la Tour Savary en Chastelleraudais

Maurice Claveurier, lieutenant général de la sénéchaussée de Poitou, conservateur des privilèges de l’Université de Poitiers, a été l’objet d’une longue note biographique dans notre précédent volume, p. 40-42. Il n’y a pas lieu d’y revenir ici.

, contenant que nostre chier et amé cousin le conte de Harecourt, viconte et usufruictier seigneur de Chastellerault

Sur Jean VII d’Harcourt, vicomte de Châtellerault, voy. id., p. 302, note, et ci-dessus, p. 12, à propos de la cession qu’il fit à Charles d’Anjou, comte du Maine, de la vicomté de Châtellerault.

, considerant les bons et aggreables services que ledit suppliant lui avoit faiz et pour autres causes justes et raisonnables à ce le mouvans, lui a baillé, cedé et transporté à perpetuité, à lui et aux siens, certain nombre de guetz pour la garde de la place fort dudit lieu de la Tour Savary

La Tour-Savary était tenue de la vicomté de Châtellerault à 60 sous d’aide, avec la haute, moyenne et basse justice. Ce fief appartenait aux cadets de la maison de Châtellerault, et fut vendu, l’an 1375, à Jacques Phelippon, suivant l’abbé Lalanne. La tour fut bâtie, dans la première moitié du xve siècle, d’après les ordres du roi et du consentement de Jean VII comte d’Harcourt, avec autorisation d’y réunir les fiefs de l’Aubue, de la Pleigne, de l’Île-Gandouart et de Puy-Gacher, et droit de guet sur un certain nombre de personnes. Le même auteur dit que c’est par échange du mois d’avril 1437, que Jean d’Harcourt céda tous les droits, cens et rentes qu’il possédait dans les limites de la juridiction de la Tour-Savary à Maurice Claveurier, qui lui transporta dix royaux d’or de rente, estimés à dix livres vendus par messire Jean de Cramaud, chevalier, à Nicolas de Montlouis, et plusieurs autres rentes s’élevant ensemble à 15 livres, 140 boisseaux de froment, huit de seigle, douze chapons et deux poules. Michel Claveurier succéda à son père dans la seigneurie de la Tour-Savary ; il en prend le titre dans un acte de 1458. (Histoire de Châtellerault, t. I, p. 331, 470.)

, comme appert par certaines lettres sur ce faictes et passées soubz les seaulx de Poictiers, desquèles l’en dit la teneur estre tele :

A tous ceulx qui ces presentes lettres verront et orront, Jehan Trenchant, garde du seel aux contratz estably à Poictiers pour le roy nostre sire, salut. Saichent tous que, presens en droit en la court dudit seel et personnelment estably très hault et très puissant seigneur monseigneur Jehan, conte de Harecourt et d’Aubmalle, viconte de Chastellerault, d’une part, et honorable homme et saige maistre Maurice Claveurier, conseillier du roy nostre sire et son lieutenant en Poictou, d’autre part, lesquelx, de leur bon gré et bonne voulenté, sans nul parforcement, ont congneu et confessé, congnoissent et confessent avoir fait entre eulx les cessions, bailz et transportz des choses qui s’ensuivent : c’est assavoir ledit monseigneur le conte, recognoissant les bons, louables et grans services que ledit maistre Maurice lui a faiz le temps passé et fait de jour en autre, en plusieurs et maintes manières, desquelx services il s’est tenu et tient pour content, en le relevant de toute charge de preuve, que aussi que pour ce que très bien lui a pleu et plaist, à icelui honnorable [homme], pour lesdictes causes et autres qui à ce l’ont meu, avoir baillé, cedé, laissé et transporté, baille, cède, laisse et transporte à perpetuité, pour lui, ses hoirs et successeurs et qui cause auront de lui ou temps avenir, ses hommes et subgiez en souveraineté et faisant le guet et garde en sa ville de Chastellerault, qui cy emprès sont nommez et declarez : premierement Jehan Lisembois le clerc, Jehan Lisembois, charpentier, Perrot Picart, Perrot Villefaulx, Jehan Peletier, Guion Texier et Perrot Remugneau, Perrot Corrichart et son filz, Perrot des Vaulz, Colas son filz, Mery Chesnault, Jehan Chesnault, Perrot Chesnault, Jehan Baudry, Jehan Boisson le jeune, Jehan Tarin, Perrot Girart, Jehan Hameteau, Perrin Barbotin, Jehan Leignart, Jehan Portois, Perrot Grantvillain, Perrot Boisson, de Palu, Jehan Savary, de Palu, Jehan Chasseport, Jehan Damé et le mestaier demourant en la maison feu Premeillac, Regnault le Maçon, Colas Savary, Pierrot Guibert, tous les dessusdiz levans et couchans, hommes, subgiez et justiciables dudit maistre Maurice, tant à cause de sa place et forteresse de la Tour Savary que de l’Aubue autrement dicte la Pleigne, et leurs successeurs, et aussi ceulx qui pour le temps avenir vouldroient demourer ès maisons à eulx appartenans par heritaige, situées et assises èsdictes jurisdictions, facent et soient tenuz faire guetz et garde par nuyt audit lieu et forteresse de la Tour Savary, appartenant audit honnorable homme, ainsi qu’il leur sera commandé et ordonné par lui, ses gens et officiers à ce commis, et que en ce faisant ilz soient quictes et francs de plus doresenavant faire guet et garde en la ville de Chastellerault ; et les dessusdiz avecques toutes et chacunes les compulsions et contrainctes, droiz, prouffiz et emolumens, qui à cause de ce povoient et devoient competter et appartenir audit monseigneur le viconte, icelui seigneur a cedé, quictié, delaissié et transporté, quicte, cesse, delaisse et transporte audit honnorable et aux siens et qui cause auront de lui, sans ce que lui ne ses heritiers et successeurs et qui cause auront de lui y puissent jamais aucune chose exigier, querir ne demander ; et a donné et donne ledit monseigneur le viconte en commandement aux dessus nommez et à chascun d’eulx, et à leurs successeurs, de faire doresenavant ledit guet et garde audit lieu et forteresse de la Tour Savary, en defendant au cappitaine dudit lieu de Chastellerault, qui à present est ou qui pour le temps avenir sera, que doresenavant il ne contraigne ne face contraindre les dessusdiz ne leurs successeurs, subgiez et justiciables dudit honnorable homme, à faire guet ne garde en ladicte ville de Chastellerault. Et en oultre a voulu et consenty, veult et consent ledit monseigneur le conte que tous autres qui vouldront demourer èsdictes juridictions facent doresenavant guet et garde audit lieu et forteresse de la Tour Savary, pourveu qu’ilz ne soient subgiez ne justiciables sans moien de mondit seigneur le conte à cause de sa viconté de Chastellerault, lesquelx sont tenuz et feront lesdiz guet et garde audit lieu de Chastellerault ou à ses chasteaulx de Gironde et de Pu Millereou, nonobstant qu’ilz viennent demourer ès dictes juridictions d’icelui Claveurier. Et parmy ce ledit honnorable, pour lui et les siens dessusdiz, sera tenu et a promis rendre, paier, parfaire et continuer à mon dit seigneur le viconte et aux siens susdiz et qui cause auront de lui, chascun an en chascune feste saint Jehan, six livres en deniers tournois de rentes, desqueles icelui honnorable ou les siens susdiz pourront baillier assiète audit seigneur de Chastellerault ou aux siens susdiz, bonne et suffisant en ladicte ville ou viconté de Chastellerault, toutesfoiz qu’il leur plaira. Toutes lesqueles choses susdictes et chascune d’icelles lesdictes parties et chascune d’elles ont congneues et confessées estre vrayes et icelles, avecques le contenu en ces presentes, ont promis et promettent, pour elles et les leurs susdiz, par la foy et serement de leurs corps et soubz l’obligacion de tous et chascuns leurs biens meubles et immeubles, presens et futurs quelxconques, tenir et garder de point en point, sans jamais aler, faire ne venir encontre en aucune manière, et amander l’une partie à l’autre, et aux siens susdiz, tous coustz, mises, dommaiges, interestz et despens, qu’ilz auront et soustendront ou temps avenir, l’un par faulte de l’autre, par default de l’accomplissement du contenu en ces presentes, à en ester et croire sur ce au simple dict et serement de la partie endomaigée pour toute preuve. Renonçans sur ce lesdictes parties et chascune d’icelles, pour elles et les leurs susdiz, à toutes et chascunes excepcions et decepcions tant de droit que de fait quelxconques, à ces presentes contraires, à tout droit canon et civil, escript et non escript, et au droit disant generalle renonciation non valoir, de et sur ce que par dessus est dit perpetuelment tenir et garder ont esté lesdictes parties et chascune d’icelles, de leurs consentemens, jugées et condempnées par le jugement de ladicte court, et le seel d’icelle à ces presentes, originallement doublées, mis et apposé, en tesmoing de verité. Donné et fait ès presences de honnorables hommes Jehan des Hayes

Jean des Hayes était déjà juge de Châtellerault le 14 octobre 1427 ; la mainlevée d’une saisie faite sur la dîme de Naintré, portant cette date, est scellée de son sceau en cette qualité. (Arch. de la ville de Poitiers, F. 66.) Compromis en 1432, avec d’autres officiers de la vicomté, dans l’affaire de séquestration de Guillemette Berland, fille de Turpin Berland et de Jacquette Boilesve, il fut décrété de prise de corps, le 17 février, pour refus d’obéissance aux mandements de la cour de Parlement. Il est question de lui encore dans un acte du Parlement en date du 2 octobre de la même année. (Arch. nat., X2a 21, à la date du 17 février 1432, et X1a 9192, fol. 217.) Cf. aussi, sur cette affaire, une note de notre précédent volume, p. 301.

, juge de Chastellerault, maistre Jehan Martin, advocat audit lieu, Jehan Lucas

Un Jean Lucas, poursuivi comme complice de Renaud de Montléon, chevalier, par Simon de Cramaud, Jean de Cramaud et Orable de Montléon, sa femme, pour avoir expulsé de force ces derniers du château de Touffou, fut condamné à des dommages intérêts et à l’amende par arrêt du Parlement de Poitiers, en date du 13 avril 1429. (Arch. nat., X1a 9191, fol. 125.)

, licencié en loix, Jehan de Morry, lieutenant du seneschal de Chastellerault, et plusieurs autres presens, le vintiesme jour de septembre l’an mil cccc.xliii. — Ainsi signé : Rivière et G. Dorin.

Et combien que ledit suppliant et ses heritiers et successeurs après lui puissent licitement et raisonnablement joir et user desdiz guetz, selon la teneur desdictes lettres cy dessus transcriptes, veues les causes contenues en icelles, toutevoies pour ce que à nous et à noz officiers compette et appartient la cognoissance, interpretacion et declaracion des matières de fait de guet, se lesdiz bail, cession et transport desdiz guetz ainsi à lui faiz par nostre dit cousin lui estoient par nous ratiffiez, loez et approuvez, lui seroient et aux siens pour le temps avenir de plus grant seureté, et lui en pourroit on mettre moins d’empeschement, et en seroit la chose de plus grant valeur et auctorité, nous a ledit suppliant fait humblement supplier et requerir que vueillons lesdiz bail, cession et transport desdiz guetz, ainsi faiz à lui et aux siens par nostre dit cousin, louer, ratiffier et approuver et sur ce lui impartir nostre grace. Pour ce est il que nous, attendu ce que dit est et les bons, louables et notables services que nostre dit conseillier nous a faiz en plusieurs et maintes manières, voulons iceulx lui recongnoistre et aucunement l’en remunerer, et pour certaines autres causes et consideracions à ce nous mouvans, à icelui nostre conseillier, suppliant, avons oudit cas les diz bail, cession et transport desdiz guetz, ainsi à lui faiz par nostre dit cousin, louez, ratiffiez et approuvez, louons, ratiffions et approuvons, et en tant que mestier seroit, les lui avons donnez et donnons par ces presentes. Et voulons et nous plaist que lui et ses hoirs et successeurs après lui en joyssent selon la forme et teneur desdictes lettres cy dessus transcriptes, et tout ainsi et par la forme et manière que les seigneurs chastellains du pays joyssent de leurs guetz et qu’il en pourroit joïr, s’il avoit chastel ancien et droit de chastellenie audit lieu de la Tour Savary. Si donnons en mandement en commettant par ces presentes à nostre seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, et à chascun d’eulx, si comme à lui appartendra, que de noz presentes grace, ratifficacion et approbacion, ensemble des autres choses dessus dictes facent, seuffrent et laissent lesdiz suppliant et ses diz hoirs et successeurs et ayans cause, et chascun d’eulx, joir et user plainement et paisiblement, sans en ce leur mettre ou donner, ne à aucun d’eulx destourbier ou empeschement aucun au contraire, ains se mis ou donné leur estoit, ou à aucun d’eulx, l’ostent et mettent ou facent oster et mettre sans delay à estat deu. Et afin, etc. Sauf, etc. Donné à Jumièges, ou mois de janvier l’an de grace mil cccc. quarante et neuf, et de nostre règne le xxviiie.

Ainsi signé : Par le roy, maistre Jehan Le Picart

Jean Le Picart, général des finances en exercice dès 1444, trésorier de France par ordonnance du 12 avril 1445, maître des comptes et membre du grand conseil de Charles VII.

et Jaques Cuer

Jacques Cœur, le célèbre argentier du roi.

presens. E. Chevalier. — Visa. Contentor. Chaligaut.

MCLXXXVI Mars 1450

Rémission octroyée à Colas Bonnevot, de Gençay, qui, ayant frappé mortellement son beau-frère et ancien associé, Guillaume Perault, parce qu’il lui avait cherché querelle et fait tort à plusieurs reprises, avait été emprisonné audit lieu et s’était évadé.

AN JJ. 186, n° 33, fol. 17 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 164-169

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Colas Bonnevot, naguères demourant en la ville de Gençay près Poictiers, chargé de femme grosse et de plusieurs petiz enffans, contenant que, ung an a ou environ que ledit Bonnevot et feu Guillaume Perault, lequel avoit esposé la seur de la femme dudit Bonnevot, et le jour d’une foire de Gençay, partirent ung soir bien tart dudit lieu de Gençay, pour aler à Champaigné, et pourtoient chascun son fardeau de paelles ; et quant ilz furent en certain bois appellé le Bois de la Roche, près d’une maison nommée la Roche, ledit Perault dist audit Bonnevot ces parolles : « Il est bien tant d’aler à ceste heure ; nous alons quant il est nuyt ! » Et alors ledit Bonnevot lui demanda à qui en estoit la faulte ; lequel Perault lui dist que à lui. A quoy ledit suppliant respondi que non estoit. Et tantost ledit Perault descharga et deslia son fardeau des dictes paelles, et print ung baston et commança à frapper tant qu’il peut sur les dictes paelles. Et pour ce que ledit suppliant avoit partie ès dictes paelles, il lui dist que ce n’estoit pas bien fait de les derompre ; et adonc ledit Perault dist audit suppliant qu’il ne rompoit pas les siennes et que jamais il ne demourroit ou païs, et s’en voult aler. Et adonc ledit Bonnevot par le bras

Sic. Il faut lire sans doute : « Et adonc ledit Bonnevot [le retint ou le print] par le bras… »

 ; et incontinent ledit Perault se print audit suppliant et le gecta à terre et le foula des genoulz, et lui fist pluseurs oppressions. Et ce fait lesdiz suppliant et Perault prindrent chascun son fardel et s’en alèrent ensemble une lieue ou environ. Et quant il fut bien nuyt, se absenta dudit suppliant et se mussa ou bois ; et quant ledit suppliant ne le peut trouver, il s’en alast à la Crousete et demoura illec celle nuit, et le landemain s’en ala à Champaigné pour cuider trouver ledit Perault ; et pour ce qu’il ne le peut trouver ilec, s’en ala à Vivonne où il le trouva, et illec se rassemblèrent. Et abilla et mist ledit Bonnevot à point lesdictes paelles, et alèrent par les villaiges à leur avanture, ainsi qu’ilz avoient acoustumé de faire paravant. Et certain temps après, c’est assavoir le jour de la saint Morice derrenierement passé

C’est-à-dire le 22 septembre 1449.

, ainsi que lesdiz suppliant, Perault et plusieurs autres maignens

Chaudronniers ambulants.

estoient et souppoient à Gençay ensemble en l’ostel dudit Perault, pour ce que oudit hostel n’avoit point de vin, et que en l’ostel dudit suppliant en avoit, ledit Perault en envoya querir plusieurs fois à l’ostel dudit suppliant ; et quant il eut beu du derrenier pot de vin qu’il avoit envoyé querir à l’ostel dudit suppliant, il lui dist que sa femme avoit mis de l’eaue dedans ledit vin et que ce n’estoit pas bien fait. Et adonc ledit suppliant lui respondi qu’il n’en estoit riens ; et s’entreprindrent fort de parolles ensemble et tant que ledit suppliant gaigea audit Perault qu’il n’avoit point d’eaue, et en vouloient croire et ester au dit des assistens ; et envoièrent querir une pinte dudit vin, pour savoir s’il estoit pareil de l’autre ; lesquelz assistens dirent que c’estoit tout ung. Et tantost que les autres maignens furent yssus de la chambre pour aler coucher, lesdiz suppliant et Perault se prindrent de rechief de parolles ; et pour ce que ledit suppliant ne vouloit yssir dehors dudit hostel, ledit Perault le print, frappa et treyna dehors dudit hostel, et s’entrebatirent en la rue, devant ledit hostel ; et en ce faisant, ledit suppliant dist audit Perault qu’il ne mourroit jamais d’autres mains que des siennes. Et alors lesdiz maignens et autres s’assemblèrent ilec et les departirent, et de rechief ledit suppliant reentra oudit hostel, disant que, s’il povoit trouver ledit Perault, qu’il le turoit. Et alors s’en ala ledit suppliant en son hostel en ladicte ville de Gençay ; et le landemain au matin, lesdiz Bonnevot et Perault, qui paravant estoient communs en denrrées et marchandises, se departirent et comptèrent ensemble, et par leur compte resta deux paelles à departir entre eulx. Et depuis le mardi avant la Toussains derrenierement passée, ledit Perault acheta audit lieu de Gençay ung cousteau long et estroit en la façon d’un cousteau de daigue, auquel ledit suppliant demanda qu’il vouloit faire dudit cousteau, et ledit Perault lui respondi que c’estoit pour le tuer, et incontinent alèrent desjuner ensemble en l’ostel dudit suppliant avec Naudinet de Champeigné, et en desjunant ledit Bonnevot print ledit cousteau sur la table et le monstra audit Naudinet, et lui dist que ledit Perault lui avoit dit qu’il avoit achapté ledit cousteau pour le tuer. Et adonc ledit Naudinet dist audit Perault que ce n’estoit pas cousteau pour lui ; et tantost après ledit Bonnevot demanda audit Perault s’il vouloit aler à Poictiers mener certain blé qu’il devoit mener à ung tapicier de Poictiers. Lequel Perault dist audit Bonnevot qu’il n’avoit que une beste ; et alors ledit suppliant lui dist qu’il en louast une autre et qu’il en trouveroit bien, pour ce que ce jour la foire estoit audit lieu de Gençay. Et adonc ledit Perault en loua une, et pour ce que ledit Perault et cellui à qui estoit la beste estoit en discort du pris dudit louaige, ledit suppliant lui dist et pria qu’il lui fist bon marché et que avant il paieroit les despens dudit Perault, et les accorda ensemble ; et ce fait, ledit suppliant print lesdictes deux paelles qui estoient demourées de la fin du compte de lui et dudit Perault, et s’en alèrent tous deux au coucher aux Roches près Poictiers, en l’ostel de cellui à qui estoit la beste que ledit Perault avoit louée. Et le lendemain au matin s’en alèrent à Poictiers. Et quant ilz furent audit Poictiers, ledit Perault dist audit suppliant qu’il lui baillast ung escu, lequel lui dist qu’il n’avoit que xx. solz tournois pour lui bailler. Et adonc ledit Perault dist audit Bonnevot que, si lui bailloit ledit eseu, qu’il l’en paieroit bien avant qu’il fut nuyt et qu’il vendroit le blé qu’il avoit mené audit lieu de Poictiers. Et quand ledit suppliant ouyt que ledit Perault vendroit ledit blé, il lui bailla ung escu qu’il avoit emprunté du cappitaine de Gençay. Et adonc se departirent d’ensemble, et quant vint au soir, ledit Perault ala à l’ostel de Thevenot Bechery, paellier, où il trouva ledit Bonnevot, lesquelx burent ilec ensemble et, ce fait, montèrent chascun sur une desdictes bestes, sur lesquelles ilz avoient mené ledit blé à Poictiers, et porta ledit Perault certaines besongnes et marchandises que ledit suppliant avoit achapté audit lieu de Poictiers, et s’en alèrent noisant et tansant l’un à l’autre, partie de chemin. Et quant ledit Perault fut près dudit lieu des Roches, il s’avança le premier et ala à l’ostel où il avoit couchié celle nuyt ; et quant il fut devant la porte, il geta les besongnes dudit Bonnevot en la rue et print les deux paelles, qu’il avoit ilec aportées, et commança à s’en fouir. Lequel suppliant, veant qu’il en portoit lesdictes paelles, couru après ; mais pour ce qu’il ne le peut aconsuir, il s’en ala au devant de lui à la Ville Dieu, et dist à son hoste qu’il sallist avec lui, et que ledit Perault lui avoit emblé deux paelles, et seroit en avanture de le tuer ; lequel hoste yssi hors de son dit hostel avec une sienne bruz. Et tantost après, ledit Bonnevot ouyt que ledit Perault demandoit au mareschal dudit lieu une pelle de fer qu’il lui avoit baillée pour apareiller, et incontinent ledit suppliant couru ilec et osta les dictes deux paelles audit Perault et les porta en l’ostel dudit mareschal, et retourna incontinent à l’encontre dudit Perault, lequel estoit encores à cheval, et lui osta ledit cousteau et la gaigne et rompi l’aguillette de sa sainture. Lequel Perault frappa ledit suppliant sur le coul et incontinent descendit de cheval à terre ; et quant il fut descendu, lesdiz suppliant et Perault se prindrent au corps, et incontinent ledit suppliant frappa ledit Perault dudit coustel en la cuisse près du genoel ung seul coup. Et ce fait, ledit Perault dist audit Bonnevot qu’il estoit mort et qu’il lui fist venir le prestre, et chey à terre ; et incontinent ledit suppliant print le cornet de sa robe et le mist à l’encontre de la playe pour estancher le sang, et appella les voisins que lui venissent secourir et lui aportassent du linge et autres choses necessaires pour estancher ladicte playe. Et quant les voisines et autres gens furent ilec venuz et qu’ilz virent que ledit Perault estoit mort, ilz dirent audit Bonnevot qu’il se mist en franchise ; lequel se mist en cymentire qui estoit ilec auprès, où il fut une heure ou environ, et après ce, se party dudit cymetire pour aler à l’ostel d’un compère qu’il avoit audit lieu de la Ville Dieu. Et tantost qu’il fut party de ladicte franchise, les gens de la justice dudit lieu le prindrent et detindrent prisonnier par aucun temps. Et depuis les gens de la justice dudit lieu de Gençay, pour ce que ledit suppliant estoit de leur terre, requirent avoir ledit suppliant et leur estre rendu, pour en faire pugnicion et justice, ainsi que au cas appartenist ; lequel suppliant fut rendu, livré et baillé aux gens de la justice dudit lieu de Gençay, lesquelz l’ont detenu prisonnier par aucun temps. Lequel Bonnevot estant èsdictes prisons, trouva moyen de yssir hors d’icelles, et trouva certaine grosse corde par laquelle il se descendit par dessus les murs dudit chastel de Gençay à terre. A l’occasion desquelx cas, il, doubtant pugnicion de justice, s’est absenté du païs et n’y oseroit jamais retourner, se nostre grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties ; humblement requerant que, attendu ce que dit est et que ledit suppliant fut meu de oster audit Perault sondit cousteau pour ce qu’il avoit dit paravant audit suppliant qu’il l’avoit achapté pour le tuer, par quoy il doubtoit que ledit Perault lui voulsist courir sus et le tuer, et ne le fist en autre entencion, si n’est pour soy garder de sa fureur, et non pas en entencion de lui mal faire, et que ledit Perault fut aggresseur et de fait et de parolles, etc., il nous plaise sur ce lui impartir icelles. Pour quoy nous, attendu ce que dit est, voulans misericorde prefferer à rigueur de justice, audit suppliant avons oudit cas remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes aux bailliz de Touraine, seneschaulx de Poictou, de Limosin et de Xanctonge et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Alençon, ou mois de mars l’an de grace mil cccc. quarante et neuf, et de nostre règne le xxviiie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. J. de Lagarde. — Visa. Contentor. Chaligault.

MCLXXXVII Mars 1450

Rémission accordée à Guillaume Ogier, poursuivi et emprisonné pour sa participation à un meurtre commis, vingt et un ans auparavant, dans le Bois-Chamaillart près de Niort.

AN JJ. 186, n° 78, fol. 46 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 169-172

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de Guillaume Ogier

Une famille Ogier était fixée à cette époque dans la région de Saint-Maixent et avait pour principal représentant Hélie Ogier, qui rendit aveu au duc de Berry, le 22 mars 1407 n.s., puis à Charles dauphin, comte de Poitou, le 1er mai 1419, de plusieurs terres sises en la paroisse de Saivre, mouvant de la châtellenie de Saint-Maixent, au devoir de 12 sous 6 deniers. (Arch. nat., R1* 2172, p. 963 ; P. 1144, fol. 38.) Le même, sans doute, est dit avocat et procureur des habitants de Saint-Maixent dans un acte du 24 octobre 1427. (A. Richard, Chartes de l’abbaye de Saint-Maixent, t. II, p. 216, 218.) Un personnage portant les mêmes nom et prénom était aussi, le 10 juillet 1455, garde de la juridiction de la Saisine, en l’absence de Mathurin Arembert, licencié en lois, sénéchal du lieu. (A. Richard, Archives du château de la Barre, t. II, p. 193.)

, demourant en Xanctonge, simples hons de labour, chargé de femme et d’enffens, à present prisonnier ès prisons de Maigné en Xanctonge, contenant que, xxi. ans a environ, ledit Guillaume Ogier qui lors estoit jeunes homs et comme en l’aaige de xviii. à xx. ans ou environ, estoit à ung bois appellé le Bois Chamaillart, situé près la ville de Nyort, où il buschoit et abatoit du boys. Près duquel Bois Chamaillart a ung autre bois situé près de la Mote de Puy Naynaut, que ung appellé Guillaume Camus, dit le Picart, disoit lui appartenir, et en icellui bois avoit certaine quantité de fagoz que ledit le Picart advouoit estre siens. Et comme ledit Guillaume Ogier besongnoit audit Bois Chamaillart, ledit Guillaume Camus, dit le Picart, vint audit Ogier et lui dist qu’il y avoit gens qui embloient son bois, lui disant qu’il alast avec lui veoir qu’ilz estoient ; à quoy ledit Guillaume Ogier s’accorda, et alèrent ensemble oudit bois estans soubz ladite Mote de Puy Naynaut, où ilz trouvèrent Denis Peron, André Peron, son filz, et ung nommé Jehan Longin, lesquelx avoient deux charrettes à beufz, dont l’une estoit jà chargée desdiz fagoz et en chargeoient l’autre. Et comme ledit le Picart les vit, il dist audit Guillaume Ogier telles parolles ou semblables en sustance : « Veez là les larrons qui ont deux charrettes, qui chargent mon bois ! Alons à eulx, affin qu’ilz ne les enchèvent de charger et qu’ilz ne les enmènent ! » Dont ledit Guillaume Ogier, qui croioit ce que ledit le Picart lui disoit estre vray, fut content d’aler avec lui. Et alèrent ausdiz Denis Peron, André Peron et Jehan Longin, lesquelx ledit le Picart commança à frapper d’un baston de bois qu’il avoit sur ledit Denis Peron, tellement qu’il [le] fist cheoir à terre. Et quant ledit André Peron, filz du dit Denis, vit son dit père ainsi abatu à terre, il vint audit le Picart qui avoit frappé son dit père et le frappa d’un baston qu’il avoit si grant coup par la teste que ledit le Picart cheut à terre, telement qu’il ne se povoit lever ne à peine bouger. Et adonc, ledit Guillaume Ogier, voyant ledit le Picart ainsi abatu, doubtant que ledit André Peron et son dit père ne lui feissent semblablement que ledit André avoit fait audit le Picart, ala audit Denis Peron et le frappa d’un baston qu’il avoit ung coup qui d’avanture escheut sur la teste tant qu’il en tomba à terre. Et quant ledit André Peron vit son dit père ainsi abatu, il doubta bien qu’il feust fort blecié, et incontinent gettèrent lesdiz Longin et luy le boys qui estoit en la charrette, qui n’estoit pas encores achevée de charger, et misdrent en icelle ledit Denis Peron, qui ainsi estoit blecié et l’en menèrent en ladicte ville de Nyort, où il vesqui deux ou trois jours, et après ce il ala de vie à trespassement. Lequel cas venu à la congnoissance du père dudit Guillaume Ogier, se transporta par devers la vefve dudit feu Denis Peron et ledit André Peron et ung sien frère, nommé Jehan Peron, enffens dudit feu Denis, et leur fist satisfacion dudit cas, comme à parties principallement ausquelles interest de la mort dudit feu Denis Peron povoit plus et principalment toucher. Et depuis ce, ledit Guillaume Ogier a demouré, frequanté et repairé au païs, sans ce que on lui ait aucune chose demandé dudit cas, jusques à puis certain peu de temps ença, que nostre procureur en Poictou, pour occasion dudit cas, a fait prendre et emprisonner ledit Guillaume Ogier en noz prisons dudit Nyort, desquelles il a esté osté et baillé et delivré à la dame de Megné

Jeanne Chasteigner, fille de Simon, seigneur de la Meilleraye, et de Jeanne de Magné, fille unique de Moreau de Magné, chevalier, seigneur de Magné, Échiré, Saint-Maxire, etc. Ses deux frères Simon et Jean étant morts jeunes et sans alliance, elle réunit l’héritage de son père et de sa mère et fut dame de Magné et de la Meilleraye. Elle avait épousé Jean de Varèze, chevalier, seigneur de Châteautizon, chambellan du roi et capitaine de Civray. (A. Du Chesne, Hist. généal. de la maison des Chasteigners. Paris, 1634, in-fol., p. 510, et Preuves, p. 160.)

, qui l’a requis pour ce qu’il est son subgiet et justiciable. Laquelle ou les gens de sa justice pour elle le detiennent en mauvaises et dures prisons, èsquelles il est en voye de finer piteusement ses jours, se noz grace et misericorde ne lui sont sur ce imparties, ainsi que lesdiz supplians dient, humblement requerans iceulx que, les choses dessus dictes considerées, etc. et le long temps que ledit cas est avenu, qui a esté xxi. ans ou environ, et qu’il a esté fait satisfacion à partie, etc., nous audit Ogier vueillons sur ce impartir nos dictes grace et misericorde. Pour ce est il que nous, attendu ce que dit est, à icellui Guillaume Ogier, etc., avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement à noz amez seneschaulx de Xanctonge et de Poictou, etc. Donné à Bernay, ou mois de mars l’an de grace mil iiiic xlix, et de nostre règne le xxviiie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. P. Aude. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCLXXXVIII Avril 1450 (avant le 5)

Rémission octroyée à Jeanne, veuve de Nau Pion, de la Gatevinière, detenue prisonnière pour un infanticide.

AN JJ. 180, n° 77, fol. 34 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 172-174

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de Jehanne, vefve de feu Nau Pion, aagiée de xxxv. ans ou environ, du lieu de la Gastevinière, assiz entre Thouars et le lieu de Montereul Bellay, chargiée et six petiz enfans d’elle et dudit defunct, prisonnière ès prisons de Monstereul Bellay, avons receue, contenant que, deux ans a ou environ et après le decès dudit Pion, icelle Jehanne se accoincta d’ung jeune homme, mareschal, nommé Pierre Bodet, demourant audit lieu de la Gastevinière, et tellement que ledit Bodet congneut charnelment ladicte Jehanne, et certain temps après qu’elle ot habité avecques icelui Bodet, elle se trouva ensainte d’enfant. Laquelle grossesse icelle Jehanne, pour crainte, doubte et honte qu’elle avoit de sa mère et aussi du mary de sa dicte mère, et d’un sien frère, cela le plus qu’elle pot et le tint secret, sans en riens declairer. Et pour tousjours cuider sceler ledit fait, se bouta secrettement en sa chambre à l’eure qu’elle devoit enfanter, audit lieu de la Gastevinière, et illecques près d’un coffre enfanta d’un filz ; lequel, incontinent qu’il fut né, elle print et bendea, et pour ce que ledit enfant crioit fort et la grant paour qu’elle avoit d’estre descouverte dudit fait, villenée, blasmée et deschacée d’avecques ses amis, icelle Jehanne, temptée de l’ennemy, print icelluy enfant et lui frappa la teste contre le mur. Et ce fait, pour ce que ledit enfant crioit encores fort, elle l’enveloppa en ung drappeau et le mist ou giron de sa robe, lui mist les mains sur sa bouche et le porta en la rivière de Thouet près d’ilec, en ung lieu appellé le Pré de la Ryellière. Et cinq ou six jours après ledit cas avenu, ledit enfant fut trouvé noyé au pont de Thezon par certaines gens dudit lieu de Tezon, lesquelx le denoncèrent et firent savoir aux gens de la justice dudit lieu de Thouars, et fut trouvé et sceu par icelle justice que s’estoit l’enfant de ladicte Jehanne et dont elle estoit souspeçonnée d’estre grosse. Pour lequel cas, incontinent après ledit enfant ainsi trouvé, ladicte Jehanne fut prinse et apprehendée au corps et menée prisonnière ès prisons dudit lieu de Montereul Bellay, ès quelles prisons elle a esté depuis et encores est detenue prisonnière en grant povreté et misère et est en avanture d’y finer brief miserablement ses jours, se nostre grace et misericorde ne lui est sur ce impartie, si comme dient iceulx supplians, en nous humblement requerant que, attendu la grant peine et destresse qu’elle a eue et souffert depuis ledit temps de deux ans en icelles prisons et fait encores, et que tout son temps elle a esté de bonne vie, etc., et aussi comme bonne chrestienne, repentant et desplaisant de tout son cuer dudit cas, depuis qu’elle est ès dictes prisons a jeuné et jeune grant partie du temps en pain et en eaue, et fait plusieurs autres grans penitances secrettes, et aussi que ses diz enfans qui sont petiz et orphelins de père, lesquelx, s’il convenoit que ladicte Jehanne fust executée pour ledit cas et qu’elle ne les gouvernast, seroient en voie de finer brief leurs jours en grant povreté et misère, il nous plaise lui quictier, pardonner et remettre ledit cas et sur ce lui impartir nostre dicte grace. Pour quoy nous, ce consideré, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, à icelle Jehanne en faveur de ses diz enfans, et aussi pour l’onneur et reverance de la Passion de nostre sauveur et redempteur Jhesu Crist et de la Saincte sepmaine où nous sommes de present, avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Alençon, ou mois d’avril l’an de grace mil cccc. quarante et neuf avant Pasques, et de nostre règne le xxviiie.

Ainsi signé : Par le roy tenant les requestes, ès queles monseigneur le conte du Maine

Charles d’Anjou, comte du Maine, seigneur de Saint-Maixent, Melle, Civray, Chizé et Sainte-Néomaye. (Voy. le vol. précédent, p. 146, note.)

, vous, l’evesque de Magalonne

Robert de Rouvres, maître des requêtes de l’hôtel, membre du conseil de Charles VII et garde du sceau royal ; élu évêque de Seez le 1er juillet 1422, transféré au siège de Maguelonne, le 4 mars 1433, il en resta titulaire jusqu’à son décès arrivé à la fin de l’année 1453.

, messire Guillaume Cousinot

Guillaume II Cousinot, seigneur de Montreuil-sous-bois, magistrat, ambassadeur poète et historien, né vers 1400, mort vers 1484. Il fut premier président du conseil delphinal, depuis Parlement de Grenoble, et de 1444 à 1449 le principal agent des relations diplomatiques de Charles VII avec le roi d’Angleterre. N’ayant pu conclure la paix, il prit une part active à la conquête de la Normandie, et fut créé chevalier au siège de Rouen (octobre 1449) ; après la reddition de cette ville, il en fut nommé bailli. Louis XI, dont il devint chambellan, lui conserva la faveur dont il avait joui sous le règne précédent.

, chevalier, et autres estoient. Rolant. — Visa. Contentor. Chaligaut.

MCLXXXIX Mai 1450

Rémission en faveur de Jean Vernon, gentilhomme originaire d’Ecosse, demeurant à Montreuil-Bonnin, prisonnier à Poitiers pour le meurtre de Berthomé de Puy-Regnault.

AN JJ. 180, n° 93, fol. 41 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 175-177

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de Jehan Vernon, povre gentilhomme du pays d’Escosse, aagée de xlv. ans ou environ, contenant que, xxviii. ans a ou environ, il s’en vint dudit pays d’Escosse pour nous servir en noz guerres, en la compaignie de pluseurs nobles d’icelui pays, et en icelles noz guerres nous a longuement servy jusques à ce que, douze ans a ou environ, il s’en vint demourer au lieu de Monstereul Bonin

On sait que Montreuil-Bonnin avait pour seigneur alors Laurent Vernon, gentilhomme écossais, à qui Charles VII en avait fait cession par lettres de mai 1423, pour le dédommager en partie du prix de la rançon du comte de Somerset, qu’il avait fait prisonnier à la bataille de Baugé (21 mars 1421). Le roi désirant échanger ce personnage contre le comte d’Eu, tombé aux mains des Anglais à Azincourt, l’avait racheté moyennant 40.000 écus d’or à Laurent Vernon. Celui-ci était venu en France avec Archibald Douglas et le comte de Buchan ; il resta au service de Charles VII et se fixa en Poitou ainsi que ses descendants. Il eut un fils nommé Jacques, qui devint seigneur de Montreuil-Bonnin à la mort de son père, vers 1455, et trois filles. Jean Vernon, dont il est question ici, était évidemment parent de Laurent, mais on ne connaît rien de particulier sur son compte.

, auquel lieu il a tousjours depuis continuelment demouré honnestement et doulcement vesqu, entre toutes manières de gens, sans meffaire ne mesdire à aucun, et que le jeudi derrenier jour du mois d’avril derrenier passé, icelui Vernon s’en ala au lieu de la Chappelle

La Chapelle-Montreuil avait un prieuré cure sous le vocable de Saint-Eutrope, dépendant de l’abbaye de Montierneuf de Poitiers, qui avait droit de seigneurie et haute justice dans la paroisse.

, près dudit lieu de Monstereul Bonin, auquel lieu il avoit grant assemblée de gens pour l’onneur et voyage de monsieur saint Eutrope. Et avint que, à l’eure de deux heures après my jour ou environ, ledit Vernon s’en ala à l’oustel d’un nommé Pierre Bauchier, demourant audit lieu, lequel tenoit pain et vin à vendre, et illecques s’en entra ou jardin de la dicte maison, ouquel il trouva ung nommé Berthoumé du Puys Regnault, qui naguères estoit arrivé au pays et retourné du voyage que lui et les autres avoient fait ou pays de Normandie, auquel ledit Vernon demanda comment il se portoit de son voyage. Et ledit de Puis Regnault lui respondit qu’il se portoit mieulx que ledit Vernon ne voulsist, et que icelui Vernon avoit autres foiz fait desplaisir à ses amis, mais qu’il l’en compareroit, et passeroit par ses mains. Et en disant ces paroles, tira une dague qu’il avoit et s’efforça d’en frapper ledit Vernon ; mais icellui Vernon mist la main au devant et expella le coup, et en ce faisant fut blecié en ung doy de la dague dudit Puy Regnault ; lequel Vernon, soy sentant ainsi blecié et doubtant que ledit Puy Regnault, qui estoit jeune homme, grant et fort, le blessast plus avant, tira semblablement sa dague et d’icelle frappa ledit du Puis Regnault ung coup seulement par le cousté, et ce fait se recula et se absenta d’illec ; et tantost après ledit du Puis Regnault cheyt à terre. Pour occasion de quel coup, icellui du Puys Regnault est alé de vie à trespassement. Soubz umbre duquel cas, ledit Vernon a esté prins par noz gens et officiers et mis en noz prisons à Poictiers, èsqueles il a demouré par aucun temps ; et depuis, pour ce qu’il est clerc, a esté rendu aux gens de la justice de nostre amé et feal conseillier le patriarche d’Anthioche, evesque de Poictiers

Jacques Jouvenel des Ursins, l’un des fils de Jean, président au Parlement de Poitiers, et de Michelle de Vitry, né le 14 octobre 1410. Archidiacre de Paris, président de la Chambre des comptes par lettres du 2 janvier 1443, il fut élu par le chapitre de Reims archevêque de cette ville le 25 juin 1444. Charles VII lui confia d’importantes missions diplomatiques. Il se démit de son archevêché en faveur de son frère aîné, Jean Jouvenel, l’an 1449, et fut pourvu de l’administration perpétuelle de l’évêché de Poitiers, le 5 novembre de la même année, et du prieuré de Saint-Martin-des-Champs à Paris. Le 17 septembre 1456, il reçut l’hommage de Jean de Rochechouart, seigneur de Mortemart et de Vivonne, et mourut le 12 mars suivant. Il fut inhumé en l’église cathédrale de Poitiers. (Le P. Anselme, Hist. généal., t. II, p. 45 ; Gallia christ., t. II, col. 1199, IX, col. 137.)

, et illecques detenu en ses prisons, à grant povreté et misère et en voie d’y finer miserablement ses jours, se nostre grace et misericorde ne lui estoient imparties sur ce. Et pour ce nous ont humblement supplié et requis que, comme ledit cas soit avenu par chaude colle, que ledit du Puis Regnault fut le premier invaseur, le service que nous a fait le dit Vernon en noz guerres, et que en tous autres cas il a esté bien famé et renommé, sans ce que jamais il fust actaint ne convaincu d’aucun vilain cas, blasme ou reprouche, nous lui vueillons sur ce impartir iceulx. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde en ceste partie estre preferée à rigueur de justice, en faveur des services à nous, comme dit est, faiz par ledit Vernon, à icelui Jehan Vernon avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Essay, ou mois de may l’an de grace mil cccc. cinquante, et de nostre règne le xxviiie.

Ainsi signé : Par le roy, le sire de Torcy

Jean d’Estouteville, d’abord seigneur de Blainville, puis de Torcy après la mort de son père (19 novembre 1449), fut chambellan de Charles VII, prévôt de Paris (27 mai 1446) et grand maître des arbalétriers de France, en 1449. (Cf. le vol. précédent, p. 220, note 4.)

, Jacques Cuer, Estienne Chevalier

Étienne Chevalier, en latin Stephanus Militis, fils de Jean, secrétaire du roi en 1423, était originaire de Melun. Né vers 1410, il décéda le 3 septembre 1474. D’abord secrétaire et maître de la Chambre aux deniers du connétable de Richemont (1434), il devint successivement conseiller maître clerc à la Chambre des comptes (15 août 1449), contrôleur de la recette générale des finances du roi et trésorier de France, le 20 mars 1452, et jouit jusqu’au dernier jour du règne de la faveur de Charles VII, qui l’employa aussi en diverses ambassades, et dont il fut l’un des exécuteurs testamentaires. Louis XI, après l’avoir d’abord soupçonné et tenu à l’écart, lui rendit ses offices et lui témoigna ensuite une grande confiance. Étienne Chevalier est demeuré célèbre par son goût pour les beaux-arts et les encouragements qu’il prodigua aux artistes.

, et autres presens. P. Aude. — Visa. Contentor. Chaligaut.

MCXC 22 juin 1450

Rémission donnée en faveur de Jacques Poussart, écuyer, poursuivi à cause du meurtre de Simon Pelletier qu’il avait frappé d’un coup de dague, celui-ci et ses deux frères l’ayant assailli sous prétexte qu’il chassait dans leurs vignes.

AN JJ. 185, n° 242, fol. 173 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 178-181

Charles, par la grace de Dieu roy de France, à tous ceulx qui ces presentes lettres verront, salut. Savoir faisons nous avoir receu l’umble supplicacion de Jacques Poussart, escuier

Jacques Poussart, écuyer, alors seigneur de Beauregard, puis de l’Houmelière dont il hérita de sa mère, Mathurine Lambert, appartient à une branche inconnue des généalogistes. Ceux-ci ne donnent pas la descendance de Laurent Poussart, seigneur de Faye près la Rochelle, deuxième fils de Jacques, seigneur de Peyré, et de Catherine de Vivonne, auquel notre personnage pourrait fort bien se rattacher. Ce qui est certain, c’est que Jacques était fils de Jean Poussart, seigneur, à cause de sa femme, Mathurine Lambert, de l’Houmelière et d’un fief à Clavé, qui rendit aveu de ce dernier, sis dans la mouvance de Saint-Maixent, par acte daté de cette ville, le 10 mars 1438 n.s. (Arch. nat., P. 5532, cote 398, anc. 48). On possède aussi un aveu du 22 juillet 1443, rendu par Jacques Poussart pour la moitié de la dîmerie du Breuil de Fellés, paroisse de Saint-Christophe-sur-Roc, relevant également de Saint-Maixent. Cette dîme se levait sur « les villages de Bourduil, de Feliz, de Breuil de la Groye, de la Rivière, du Plantis, de la Geneste, etc. » (P. 5193 cote xiiiic iiiixxii.) Parmi les noms isolés, relevés dans l’anc. édit. du Dict. des familles du Poitou (t. II, p. 546), on lit cette mention qui paraît se rapporter à notre personnage : « Jacques Poussart, sr de L’Houmelière, eut de Perrette Pichier, son épouse, Jean, sr de L’Houmelière, vivant en 1533 et habitant l’élection de Fontenay-le-Comte, marié à Catherine de Bernezay. »

, aaigié de vingt cinq ans ou environ, contenant que, le lendemain de Pasques fleuries, penultime jour de mars derrenier passé, il se parti après disner de l’ostel de Lousmelière, appartenant à sa mère, à pié, ung tiercelet d’autour sur le poing et deux petiz chiens à oyseaux avec une levrière seulement, pour aler en gibier pestre son dit oyseau sur une perdriz, en attendant maistre Thibault Gracien

Un Thibaut Gracien était, le 24 juin 1380, sénéchal de l’abbaye de Saint-Maixent. (A. Richard, Arch. du château de la Barre, t. II, p. 249.)

, bourgoys de Saint Maixent en Poictou, qui se devoit venir esbatre avec lui audit lieu de Losmelière. Et quant il fut près du villaige de Bessagu, il sailli une perdriz que ledit tiercelet vola et remist en ung fief de vignes, appellé Riantbeuf, où ledit suppliant entra après son dit tiercelet ; et tantost qu’il fu dedans, ladicte perdriz revola dehors en ung champ appartenant à maistre Pierre Claveurier à cause de sa femme

Pierre Claveurier, fils cadet de Maurice Claveurier, lieutenant du sénéchal de Poitou et de sa première femme, Guillemette Gautier. Il a été question de ses démêlés avec la justice, dans notre précédent volume, p. 41, note, à l’occasion du meurtre d’Herbert Bernard, pour lequel il avait obtenu des lettres de rémission, et de violences par lui exercées sur la personne de Guillemette Petit. De concert avec Guillaume, son frère aîné, il avait intenté un procès à son père au sujet de la succession de leur mère, mais sur le conseil de ses parents et « affins » et « attendu que ce procès est très mal seant et au grand prejudice de son ame », il s’en désista par acte du 1er juillet 1443. (Arch. du château de la Barre, t. II, p. 15, 16, 408.) Cette année-là même, il était échevin de Poitiers ; il fut aussi capitaine du château de Dissay pour l’évêque de Poitiers, et, en 1459, sénéchal de la châtellenie de Montreuil-Bonnin. (Dict. des familles du Poitou, 2e édit., t. II, p. 513.) Il s’agit ici de sa seconde femme, Jeanne Poussart, dame de Boisferrand, fille de Barthélemy.

. Et ainsi comme ledit suppliant poursuivoit son dit tiercelet, survindrent Jehan, André et Simon Peletiers, frères, demourans à Bessé en la paroisse d’Augé, chacun une besoche à son col, et tantost tous esmeuz et eschauffez s’adrecèrent audit suppliant, en l’appellant truant et en lui disant qu’il avoit fait que saige de saillir de leur vigne, et qu’il avoit fait cheoir et abatre les bourgeons à ses chiens, et que se il lui eussent trouvé, ilz l’eussent bien froté. Dont ledit suppliant, qui est gentilhomme et de bonne maison, fut bien esbay, et leur demanda à qui ilz parloient. Lesquelz lui respondirent très impetueusement qu’ilz parloient à lui, et tantost s’aprouchèrent de lui, et le cuida ledit Jehan fraper de sa besoche sur la teste, mais ledit suppliant, se recula et cheut le cop sur son braz dextre. Et lors icelui suppliant, voyant lesdiz trois frères qui estoient tous jeunes de xxv. à xxxii. ans ou environ, ainsi esmeuz contre lui et qu’il estoit seul et n’avoit de quoy se defendre, fors d’un petit eschalaz ou paisseau de vigne tout pourry qu’il tenoit en sa main, et d’une petite dague seulement qu’il avoit pendue à sa saincture, fut moult esbay, et pour eviter leur fureur, s’en cuida fouir, mais il ne peut, tant le suivoient fors et de près lesdiz frères, et tousjours le frappoient de leurs besoches tellement qu’ilz rompirent le paisseau, dont il se targeoit et mettoit au devant desdiz cops. Et lors il tira sa dicte dague, et afin d’avoir chemin pour s’en fouir, en frappa ung petit ledit Jehan Peltier par la poictrine, pour le faire ruser

Plus souvent écrit « reuser », faire reculer, repousser, écarter, éloigner. (F. Godefroy, Dict. de l’anc. langue française.)

du chemin, toutes voies il ne lui fit pas grant mal, car il ne tendoit fors seulement se eschapper. Mais ce non obstant lesdiz frères se mistrent tous à l’entour de lui et l’acullèrent contre ung buisson, et pour ce qu’ilz ne osoient pas bonnement eulx aprocher ne joindre à lui, pour doubte de ladicte dague, ledit Jehan Peletier print une pierre et une mothe ensemble et la lui gecta à la teste, et en ce faisant s’aproucha de lui et le frappa de sa dicte besoche sur l’espaule, en amonestant sesdiz frères qu’ilz le frappassent aussi. Toutesvoies ledit suppliant s’eschappa d’eulx et s’en fouy ; mais en fuyant, l’un d’eulx gecta sa besoche après lui et le frappa par la main, de laquelle il tenoit sa dicte dague, tellement qu’elle cheu à terre, et ainsi comme ledit suppliant s’arresta pour la reprendre, lesdiz frères gectèrent leurs dictes besoches à l’encontre de lui, l’une des quelles assena ledit suppliant par la teste près de l’ueil dextre tellement qu’elle lui fist une grant playe, dont sailly moult grant effusion de sang, et tout estourdy cheu dudit coup à terre, et avoit tout le visaige et les yeulx couvers de sanc. Mais non contens de ce, iceulx frères se gectèrent tous sur lui, et en ce faisant ledit Simon Peletier eut ung cop seulement de ladicte dague par les coustez ; ne scet ledit suppliant se il frappa ledit Simon ou se lui mesmes en soy mettant sur lui se bleça, car il ne pensoit fors à la mort et que lesdiz frères le meurdrissent et occissent ; et illec le batirent et folèrent tellement qu’ilz le laissèrent comme mort en la place, et s’en allèrent. Et illecques demoura ledit suppliant jusques à ce que ung appellé Jehan Cousturier et ung autre appellé Jehan Usurer survindrent et l’emmenèrent oudit hostel de Lousmelière. Toutesvoies ledit Simon Pelletier, par deffault de gouvernement ou autrement ala, comme l’en dit, le landemain, de vie à trepassement. Et doubte ledit suppliant que, soubz umbre du cas dessus dit, ouquel lesdiz frères ont esté tousjours agresseurs, et n’ait ledit suppliant riens fait se non en se defendant et pour eviter la mort et fureur d’iceulx frères, et lequel, à l’occasion de ladicte bateure que lesdiz frères lui ont faicte, a esté longuement malade et a l’en pluseurs foiz esperé en lui la mort plus que la vie, et convenu qu’il ait esté amené en la ville de Poictiers pour soy faire guerir, l’on le vueille molester et travailler, mesmement que jà nostre procureur en Poictou l’a sur ce fait adjourner par devant nostre seneschal de Poictou ou son lieutenant et contre lui obtenu, comme l’on dit, deffault, lui estant ainsi malade et qu’il ne povoit comparoir, se sur ce ne lui estoit par nous pourveu de nostre grace et remède, requerant humblement, etc. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans audit suppliant subvenir, en tant que besoing seroit, de nos dictes grace et remède et le relever des vexacions et travaulx que il pourroit avoir à l’occasion de ce que dit est, à icellui suppliant avons, etc., quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement audit seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc., Donné à Paris, le xxiie jour de juing l’an de grace mil quatre cent cinquante, et de nostre règne le xxviiie

Le texte de ces lettres est inséré dans une autre rémission que Jacques Poussart se fit délivrer au mois de novembre 1451, à la suite d’un nouveau meurtre dont il s’était rendu coupable, à la porte de son hôtel de Beauregard, sur l’un des officiers de la dame de Cherveux, qui venait le mettre en état d’arrestation.

.

MCXCI Juin 1450

Rémission accordée à Michel Proust, de Poizay-le-Joli près le Port-de-Piles, prisonnier comme complice du meurtre de Jean Matignon, commis audit lieu de Poizay par son frère Pierre Proust, depuis mort au service du roi.

AN JJ. 180, n° 109, fol. 49 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 182-185

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de Michau Proust, aagié de xxii. ans ou environ, chargié de femme et d’enfans, filz de Jehan Proust, demourant en la parroisse de Puiset le Joly près le Port de Pilles, prisonnier en noz prisons de Tours, contenant que, le dimenche que l’en chante en nostre mère saincte Eglise Judica

Judica me est l’introït du dimanche de la Passion. La date exacte des faits rapportés ici est donc le 6 avril 1449 n.s., Pâques étant tombé cette année-là le 13 avril.

de l’an que l’on disoit mil cccc.xlviii, aucuns des parroissiens dudit lieu de Puiset le Joly se partirent à jouer contre ceulx de la parroisse de Saint Remy au jeu de la bille. Entre lesquelx parroissiens de Puiset le Joly estoient Pierre Proust et Michau Proust, frères, et de ladicte parroisse de Saint Remy ung nommé Jehan Matignon ; lesquelx, après ce que leur jeu fut parachevé, en eulx en retournant en leurs maisons avecques les autres de ladicte parroisse de Puiset, et passant par ung villaige, une nommée la Pasquière dist ausdiz Pierre et Michau Proust telles paroles ou semblables : « Maudite soit l’eure que vous ne vous en estes plus tost venuz, car ceans a esté Jehan Matignon qui a regnié Dieu plus de cent foiz qu’il tuera aujourd’uy l’un de vous deux ! » A quoy respondy le dit Pierre Proust, qui estoit nostre franc archier

Les francs archers étaient d’institution toute récente. C’est par lettres du 28 avril 1448 qu’ils furent créés en corps spécial, destiné à être le noyau de l’infanterie française : « Nous voulons et ordonnons, dit le roi, que en chascune paroisse de nostre royaume aura ung archer qui sera et se tiendra continuellement en habillement suffisant et armé de sallade, dague, espée, arc et trousse, jaque ou huque de brigandine, et seront appellez les Francs archers, lesquelz seront esleuz et choisiz par vous (les élus sur le fait des guerres) ès prevostez et eslections, les plus duiz et avisez pour le fait et exercice de l’arc qui se pourront trouver en chascune paroisse, sans avoir regard ni faveur à la richesse ni aux requestes que on vous pourroit faire sur ce… » Le nom de francs archers leur fut donné à cause de l’exemption d’impôts dont ils jouissaient. Ils étaient équipés à frais communs par les habitants de chaque paroisse, s’exerçaient au maniement des armes les jours de fêtes et devaient être prêts à répondre au premier appel. Les capitaines étaient nommés par le roi. (Boutaric, Institutions militaires de la France, p. 319 ; de Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. IV, p. 401-404.) L’exécution de la volonté royale ne tarda guère. En juillet 1448, des lettres furent adressées par Charles VII à ses bonnes villes, pour assurer l’accomplissement de l’ordonnance du 28 avril. Les commissaires des aides procédèrent aussitôt à l’organisation de la nouvelle milice dans tout le royaume. En ce qui concerne le Poitou, cf. le « Compte de la despense faicte pour mettre sus et en point en la ville de Poitiers douze francs archiers, ordonnez y estre mis sus par le roy », etc., publié par M. Redet. (Mémoires de la Société des Antiquaires de l’Ouest, t. VII, p. 437 et suiv.) L’isolement des francs archers leur enlevant tout esprit militaire, ils ne rendirent pas les services que l’on en avait espéré ; aussi ce corps fut-il supprimé par Louis XI, en 1480.

, qu’on se deffendroit bien de lui et que, s’il l’assailloit, il respondroit de son corps. Et sur ce s’en alèrent chascun en son hostel. Et lors que icelui Pierre Proust fut au plus près de sa maison, s’arresta pour faire son aisement et, comme il fut ainsi arresté, vit le dit Matignon tenant ung espieu en sa main. Et aussitost qu’il l’apperceut, ledit Pierre Proust entra en sondit hostel, print ses habillemens de guerre, comme dague, espée, arbaleste, jaques et salade, et s’en vint droit à l’ostel dudit Jehan Proust, son père, auquel il trouva ledit Michau Proust, son frère, et lui dist : « Jehannin Matignon me guette pour me tuer ; acompaigne moy pour aler contre lui, ou autrement je te regnie à toujours mais. » Et lors ledit Michau print son arbaleste, et s’en alèrent à celle heure qui estoit bien près de huit heures au soir, ensemble par devant l’ostel dudit Matignon, et passèrent oultre bien la longueur de cinq lances ou environ. Et ainsi qu’ilz passoient illec, sortirent les chiens de l’ostel d’icelui Matignon et coururent après lesdiz Pierre et Michau. Et lors ledit Michau se retourna et tira ung materaz à l’un de sesdiz chiens. Et adonc ledit Jehannin Matignon sorty hors de la dicte maison en courant vers lesdiz Pierre et Michau Proust, et regniant le nom de Nostre Seigneur qu’il se vengeroit à celle heure de l’un d’eulx deux. Et ledit Pierre lui respondy : « Ribault, tu mentiras » ; et en disant ces paroles ledit Pierre lui donna d’un raillon par le front. Lequel Matignon tira hors ledit raillon et le getta à terre ; et incontinent cuida frapper ledit Pierre Proust de son espieu d’un coup d’estoc, mais icelui Pierre y resista et le cuida frapper d’estoc de son espée, mais les deux croisées rencontrèrent l’un l’autre en telle manière que icelui Pierre Proust refoula les coustes audit Matignon dedans le corps de la force dudit coup. Et adonc ledit Michau se getta entre deux, en disant à son dit frère : « Ribaut, tu l’as assez batu ou frappé ; ne le frappes plus », en defendant ledit Matignon de sa puissance. Et sur ces paroles ledit Pierre lui dist que, s’il ne s’ostoit, qu’il le tueroit lui mesmes. Et il lui dist qu’il ne s’osteroit point. Et adonc ledit Pierre, son frère, le frappa d’une espée tant qu’il lui fist une plaie sur le nées. Et sur ce sorty la femme dudit Matignon, laquele en cuidant deffendre son mary, bailla sur la teste dudit Pierre Proust d’un levier de bois tel coup qu’elle le gietta par terre. Et quant icelui Pierre fut relevé, la cuida frapper de son espée, mais elle s’en fouy en son dit hostel, ouquel s’estoit desjà retraict ledit Jehan Matignon, son mary, qui dedans le vendredy prouchain d’illec ensuivant, pour cause desdiz coups ou autrement par faulte de gouvernement ala de vie à trespassement. A l’occasion desquelx cas, ledit Michau Proust est durement traicté èsdictes prisons et est en voye d’y finir miserablement ses jours, se sur ce ne lui estoient impartiz nosdictes grace et misericorde, si comme lesdiz supplians dient, en nous humblement requerant que, attendu que ledit Michau Proust a esté tousjours de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sans oncques mais avoir esté actaint d’aucun villain cas, blasme ou reprouche, et qu’il n’a point commis ledit cas, et que son frère qui le fist est depuis trespassé en nostre service, en ce present voyage et armée où nous sommes pour le recouvrement de noz pays et duchié de Normandie, nous lui vueillons sur ce noz grace et misericorde piteablement impartir. Pour ce est il que nous, consideré ce que dit est, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit Michau Proust ou cas dessus dit avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes à noz seneschal de Poictou et bailly de Touraine et des ressors et Exempcions d’Anjou et du Maine, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Argentan, ou mois de juing l’an de grace mil cccc. cinquante, et de nostre règne le xxxviiic.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. J. Aude. — Visa. Contentor. Chaligaut.

MCXCII Octobre 1450 (après le 20)

Rémission accordée à Jean Poret, sr de la Mabilière, coupable du meurtre de Casin Lenfant, qui l’avait menacé à plusieurs reprises et tenté de le prendre dans une embuscade.

AN JJ. 186, n° 7, fol. 4 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 185-190

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de nostre bien amé Jehan Poret, escuier, seigneur de la Mabilière

L’an 1438, Jean Poret, possesseur de la Mabillère ou Mabilière, ancien fief situé sur la paroisse de Courcoué et relevant de Faye-la-Vineuse, avait obtenu de Jean de Bueil, son suzerain, l’autorisation de fortifier son logis seigneurial. (Carré de Busserolle, Dict. géogr., hist. et biogr. d’Indre-et-Loire, in-8°, t. IV, p. 139.) Un acte du Parlement de Poitiers nous apprend qu’il avait trois frères. Thévenin, Louis et Guillaume. En 1420, les trois aînés, alors jeunes damoiseaux, Thévenin, Jean et Louis (ils sont nommés dans cet ordre) s’étaient rendus coupables de certains méfaits à l’égard de Guillaume Vidal, écuyer, originaire de Saintonge, alors capitaine de Faye-la-Vineuse. Celui-ci se vengea lâchement. Le plus jeune des frères Poret, Guillaume, que l’on destinait à l’Église, n’était âgé à cette époque que d’une douzaine d’années, et servait en qualité d’enfant de chœur à la collégiale de Faye. Vidal le fit battre et mutiler par un de ses valets, qui lui coupa le poing. Néanmoins il eut le crédit de se faire délivrer des lettres de rémission, dont l’entérinement fut combattu par la famille de la victime. Cette affaire fut plaidée contradictoirement devant la cour, les 6 et 30 septembre 1424. Outre les faits de la cause, on apprend dans les plaidoiries que deux des frères Poret, au service du roi, avaient été pris ou tués à la bataille de Cravant (juillet 1423), et que leur mère avait son hôtel à Marmande. (Arch. nat., X2a 18, fol. 42.)

en la chastellenie de Faye la Vineuse, aagé de lx. ans ou environ, contenant que dès son jeune aaige jusques à present il nous a bien et loyalment servy tant à la garde de nostre corps comme ou fait de noz guerres en et soubz la compaignie de nostre amé et feal chevalier et conseiller Jehan seigneur de Bueil

Jean V, sire de Bueil, Montrésor et Saint-Calais, comte de Sancerre, conseiller et chambellan de Charles VII, fils de Jean IV et de Marguerite dauphine d’Auvergne, dame de Marmande, fut créé amiral de France après la mort de Prégent de Coëtivy (août 1450) et mourut le 4 juillet 1477. (Cf. notre vol. précédent, p. 67, note.)

, admiral de France, que autrement en plusieurs et diverses manières, et a continuelment frequanté noz frontières, contre noz anciens ennemis les Anglois, jusques aux trèves par nous derrenièrement prises avecques nosdiz ennemis, et encores a esté en la conqueste par nous naguères faicte de nostre païs et duchié de Normandie, sans ce que durant ledit temps il ait meffaict ne fait meffaire en aucune manière à feu Casin Lenfant, à Colette, sa femme, à present vefve, ne à Colette, vefve de feu Guillemin de Bailleuf, mère de la vefve dudit Casin Lenfant, ne autres quelxconques ; mais ce non obstant, ledit Enffant, qui estoit homme chaut, extraict du païs de Picardie, grant reignieur de Dieu, bateur de gens et frequantant les tavernes, et femmes dessus dictes, qui sont extraictes du païs de Normandie ont, passé a cincq ans, conceu hayne contre ledit suppliant, et pour icelle mettre à effaict, ledit Casin batit ja pieça très inhumainement ung des serviteurs dudit suppliant, appellé Chassidal, et dist à icellui suppliant que encores le batroit il et lui mesmes, s’il en parloit. Et depuis a batu aucuns des serviteurs et a donné et fait donner audit suppliant pluseurs menaces, et qui plus est, depuis peu de temps ença ledit Casin, au pourchaz desdictes femmes, comme l’en dit, a par pluseurs et diverses foys guetté et fait guetter ledit suppliant, et entre les autres, ung jour de dimanche, voille de la saint Mathieu derrenierement passé

Le 20 septembre.

, icellui feu Casin amena avec lui trois ou quatre compaignons, habillez en habit de gens de guerre, au lieu de la Girardière près de l’ostel dudit suppliant, et aucuns d’eulx fist enbuscher en ung bois sur ung chemin par lequel icellui suppliant va de sa maison en l’eglise de Courcoué, dont il est parroissien, pour ouyr la messe, pour tuer et murdrir ledit suppliant, s’il cheoit en leurs mains, et tellement que la femme d’icellui suppliant, qui estoit alée à la messe audit lieu de Courcoué, ne s’en osa retourner à son hostel jusques à ce que, à la requeste du seigneur dudit lieu de Courcoué, appellé Jehan de La Lande

Courcoué formait une châtellenie relevant de Faye-la-Vineuse à foi et hommage lige. En 1420, elle appartenait, dit M. Carré de Busserolle, à Jean de La Lande, écuyer, qui eut une fille, Louise, mariée à Aimery de Brisay, deuxième du nom, seigneur de Brem (Bran), maître des eaux et forêts en Poitou et capitaine gouverneur de Châtellerault. Elle passa ensuite aux mains de Louis de La Lande, écuyer, vers 1500. (Dict. géogr., etc., d’Indre-et-Loire, t. II, p. 392.) Louise de La Lande, veuve d’Aimery de Brizay, rendit aveu au roi, le 1er juillet 1462, pour la Tour de Bran. (Arch. nat., P. 1145, fol. 147 v°.)

, icellui feu Casin asseura ledit suppliant et sa famille pour icellui jour seulement. Et en haine dudit suppliant, cuida ledit feu Casin tuer, ledit jour Françoys Tenon, nepveu dudit suppliant, se ledit Tenon ne se feust tenu en terre sainte, et que aucunes gens qui là estoient ne l’en eussent gardé. Et jura et regnia Dieu qu’il lui feroit passer la toux. Pour paour desquelles menaces, les fièvres quartes prindrent ledit Tenon, qui encores le tiennent. A l’occasion desquelles menaces et en busches, icellui suppliant a esté par longtemps qu’il n’a parti ne yssu hors de son hostel, se non qu’il eust avecques lui trois ou quatre hommes embastonnés pour le deffendre. Lesquelles choses voyant ledit suppliant et les dangiers en quoy il estoit de sa personne, le premier jour d’octobre derrenierement passé, après ce qui lui fut rapporté que ledit feu Casin estoit en l’ostel d’un appellé Berthelemin Droin, lui tout esmeu des menaces et empeschemens que ledit Casin lui avoit faiz et faisoit tous les jours, prinst ung bastonferré appellé espiot, et dist à ung sien nepveu, nommé Loys Amamin qu’il prinst ung crennequin et du traict, afin d’eulx deffendre, s’il estoit mestier, et dist à ung de ses serviteurs, nommé Thomassin, qu’il venist avecques eulx, ce qu’il fist. Et lors ledit suppliant, cuidant trouver moien de parler audit feu Cassin et de trouver accord avec lui, se faire se povoit, se transporta avecques lesdiz Amamin et Thomassin et deux autres de ses serviteurs qui le suivirent, en l’ostel dudit Droin, où il trouva à table icellui feu Cassin, qui avoit presque digné. Et quant il le vit, comme tout effrayé et esmeu, lui dist telles parolles ou semblables : « Hée, beau sire, ne cesserés vous jamais de dire villennie aux gens à moy et de me menacer à tuer ? Or vous tueray je anuyt, se je veulx. » A quoy ledit Cassin respondi bien arroganment telles parolles : « Je n’ay riens dit de vous que encores ne vous die et de faire de fait (sic), et ne vous crains riens. » Et lors ledit Poret prinst ledit espiot qu’il tenoit en sa main et le dressa vers le visaige dudit Casin, en disant telles parolles ou semblables : « Et je te turoye, se je vouloye », combien qu’il n’en eust aucune voulenté, mais il le cuidoit mater par parolles, et son dit espieu retira à soy. Mais neantmoins ledit Cassin saillit hors de la table où il estoit et tira sa daigue, en s’en venant tout autour d’icelle contre ledit suppliant. Et lors icellui suppliant mist son espiot au davant, en lui disant : « Alons dehors », dont icellui suppliant n’en voult riens faire, mais ledit espiot sourdit et leva contremont et au sourdre lui fraya ung peu au visaige et le lui esraffla, comme se fust d’une ronsse. Et ce fait, ledit Cassin, qui estoit jeune de l’aaige de xxx. ans, ayans tousjours sa daigue ou point, vint joindre audit suppliant qui est viel et ancien, lui cuidant mettre la daigue ou corps. Et lors ledit Loys Amamin, voyant le dangier de mort où estoit ledit suppliant, son oncle, et pour luy sauver la vie, laischa ledit crennequin, lequel il tenoit tout tendu, chargé d’un vireton, lequel vireton vint frapper ledit Casin par derrière entre les deux espaules. Et quant icellui Casin se senty frappé, dist audit suppliant : « Je suis mort, mais je le vous pardonne ; et tenez ma daigue. » A quoy icellui suppliant, saichant qu’il ne lui avoit fait nul mal, lui dist comme tout effrayé : « Hée ! commant ! estes vous mort ! » Et lors ledit Loys Amamin et autres qui estoient oudit hostel lui dirent : « Nous croyons bien qu’il soit mort ou en dangier de mort, [aiant ung

Mots effacés sur le registre, ainsi que plus bas, aux trois passages placés entre crochets.

] vireton ou corps » ; lequel coup apparcevant ledit suppliant, en fut moult doulant, en disant à son dit nepveu : « Mauvais ribault, pour quoy l’as tu fait ? » Et il lui respondi : « Mon oncle, se je ne eusse fait ledit cop, vous estiez mort. » Et lors ledit suppliant s’en sailly de l’ostel, aiant la dicte daigue au poing et luy yssu, [la jetta par des] plaisance en ung buisson près d’ilec. Pour occasion duquel coup, icellui Casin, après ce qu’il [fut confessé] par pluseurs foiz et eut receu le corps Nostre Seigneur, cinq heures après ou environ, ala de vie à trespassement. Et pour ceste cause, s’en est ledit suppliant fouy en franchise en l’eglise de Saint Georges de Faye la Veneuse, où il est encores de present, et ne ose partir d’icelle, creignant rigueur de justice. Et [pour ce] nous a humblement requis que, attendu qu’il n’a pas fait ledit coup et a esté et est d’icellui très desplaisant, etc., il nous plaise sur ce lui impartir noz grace et misericorde. Pour quoy nous, etc., audit suppliant avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Montbazon, ou mois d’octobre l’an de grace mil cccc. cinquante, et de nostre règne le xxixe.

Ainsi signé : Par le roy, le comte de Dunoys, l’admiral, le sire de la Varenne et autres presens. De la Loère. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCXCIII Novembre 1450

Rémission en faveur de Samson Bernardeau, franc archer pour la ville de Parthenay, qui en courant les champs aux environs de Pontaudemer avec six autres francs archers, avait détroussé deux Anglais et un Normand, quoi qu’ils eussent un sauf-conduit du sire de Culant, et coupé la gorge aux deux Anglais.

AN JJ. 186, n° 31, fol. 16 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 190-192

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Sanson Bernardeau, barbier, aigé de xxxii. ans ou environ, chargé de femme et d’enffans, franc archier pour la ville de Partenay, contenant que, ung an a ou environ, le dit suppliant et certains autres francs archiers, ses compaignons, estans en garnison en nostre ville de Ponteaudemer jusques au nombre de six, avant nostre venue audit lieu

Pontaudemer avait ouvert ses portes aux troupes royales, le 12 août 1449, et par lettres du 5 septembre suivant, Charles VII accorda aux habitants de cette ville une exemption totale d’impôts. (De Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. V, p. 38, 334.)

, alèrent courrir sur les champs et en y alant prindrent complot entre eulx que, s’ilz trouvoient nulz Anglois, quelques sauf conduitz qu’ilz eussent, qu’ilz les destrousseroient et les mettroient à mort. Et de fait, eulx estans ainsi sur les champs, rencontrèrent deux Anglois, l’un nommé Jehan Thiriel

Peut-être conviendrait-il de corriger Kiriel. Thomas Kyriel, capitaine anglais bien connu, guerroyait alors en Normandie.

, et du nom de l’autre n’est recors ledit suppliant, et avecques estoit ung nommé Durandin, natif du païs de Normandie, lesquelz ilz prindrent. Après laquelle prinse, iceulx deux Anglois leur volurent monstrer ung sauf conduit qu’ilz se disoient avoir de nostre amé et feal chevalier, conseiller et chambellan et grant maistre d’ostel de France, le sire de Culant

Charles de Culant, neveu de l’amiral Louis de Culant, chambellan du roi, gouverneur de Mantes et de Paris, mort en 1460. Il avait été nommé grand maître d’hôtel de France, l’année précédente (1449) et en fut privé peu de temps après pour cause de malversations. (Cf. notre vol. précédent, p. 348, note.)

 ; mais ce non obstant n’en tindrent compte et les destroussèrent et leur ostèrent leur or et leur argent et trois acquenées qu’ilz avoient. Et après ces choses faictes, l’un d’iceulx compaignons dudit suppliant print lesdiz deux Anglois et, en la presence d’aucuns d’eulx leur couppa la gorge, et ne atouchèrent en riens audit Durandin, normant. Et ce fait, s’en alèrent, et tantost après ce abutinèrent leur dicte destrousse, tellement que le dit suppliant en eut à sa part la somme de dix escuz ou environ et l’une des dictes acquenées. Pour occasion duquel cas, bris et romptures dudit sauf conduit d’icellui sire de Culant, ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du païs et n’y oseroit jamaiz retourner, converser ne demourer, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, si comme il dit, humblement requerant que, attendu que ledit suppliant toute sa vie a esté de bonne vie, renommée et honneste conversacion et ne fut jamais actaint ne convaincu d’aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, nous lui vueillons et nous plaise sur ce lui impartir nos dictes grace et misericorde. Pour quoy nous, consideré ce que dit est, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, à icellui, suppliant, ou cas dessus dit avons, en faveur mesmement des bons et agreables services qu’il nous a faiz ou fait de noz guerres et mesmement durant la recouvrance par nous faicte de noz païs et duchié de Normandie, quicté, remis et pardonné, etc., ensemble tous appeaulx, bannissemens et exploiz et tous autres qui s’en sont et pourroient estre ensuiz, lesquelx nous avons adnullé et adnullons, etc., satisfacion faicte à partie civilement tant seulement, se faicte n’est. Si donnons en mandement par ces mesmes presentes au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Montbason, ou moys de novembre l’an de grace mil cccc. cinquante, et de nostre règne le xxixe.

Ainsi signées : Par le roy, le grant maistre d’ostel, messire Jehan de Jambes

Jean de Jambes, ou mieux de Chambes, seigneur de Montsoreau, premier maître d’hôtel du roi, faisait partie depuis 1440 du conseil privé où il siégea jusqu’à la fin du règne de Charles VII. Il fut aussi capitaine de la Rochelle, Niort et Talmont, et avait épousé, le 17 mars 1445, Jeanne Chabot, seconde fille de Thibault IX, sr de la Grève, et de Brunissende d’Argenton, qui fut dame d’honneur de Charlotte de Savoie, femme de Louis XI.

et autres presens. De la Loère. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCXCIV Novembre 1450

Rémission en faveur de Colas Béreau, qui dans une discussion d’intérêt avec son fils Georget, outragé et battu par lui, l’avait frappé à la tête d’un coup de bâton dont il mourut le jour même.

AN JJ. 186, n° 15, fol. 8 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 192-194

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Colas Bereau, aagé de lxxv. ans ou environ, contenant que jà pieça ledit suppliant fut conjoinct par mariage avec Perrete Michonnelle, desquelz et dudit mariage yssirent plusieurs enfans, et entre les autres ung nommé Georget Bereau, lequel il norry comme son enfant jusques à ce que icellui Georget fut en aage competant de gangner sa vie, qu’il s’en ala vacabondant par le païs ; de quoy ledit suppliant estoit dolant et corroussié. Et fist tant icellui suppliant qu’il le maria avecques une nommée Jehanne Clemende, et au traicté dudit mariage fut appoincté que lui et sa dicte femme demourroient avecques le père d’icelle Clemende ; mais tantost après lesdictes nopces faictes, icellui Georget, qui estoit oultrageux et noiseux, print debat avecques le père de sa dicte femme, et tellement qu’il les mist hors de son hostel, et s’en alèrent demourer à par eulx, où ilz furent par aucun temps. Et pour ce que ledit suppliant voioit la povreté de son dit filz et de sa femme, meu d’amour naturelle envers eulx, fist tant qu’ilz s’en alèrent demourer avecques [lui], et voult qu’ilz feussent communs en biens meubles. Et tantost après qu’ilz furent ainsi ensemble en communité, certaine maladie print audit Georget, laquelle le detint par aucun temps, pendant lequel temps ledit suppliant et ses gens escardèrent et fillèrent une tresse pour faire ung drap, dont la laine leur avoit esté baillée par ung marchant, et en devoit avoir icellui suppliant pour sa peine xx. solz tournois. Et incontinent que ledit Georget fut guery, il print noise à son dit père, pour ce qu’il lui avoit dit qu’il ne devoit pas avoir tant de l’argent qui estoit venu d’escarder et filler la dicte tresse, comme lui, parce qu’il n’en avoit pas eu tant de peine et de travail. Et à ceste cause s’entreprindrent de paroles, et dist ledit Georget audit suppliant, son père, que c’estoit ce que les gens lui avoient dit qu’il ne feroit jà son proffit de demourer avec son père ; et lui dist bien malicieusement et oultrageusement qu’il se vouloit departir de lui et avoir sa part desdiz biens. Lequel suppliant, jasoit ce qu’il fust bien corroussé de l’oultrage que lui faisoit et disoit son dit filz, et de ce qu’il ne lui vouloit obeir, lui dist qu’il estoit content de lui bailler sa part, puisqu’il le vouloit laisser, mais qu’il vouloit qu’il y eust des gens pour veoir departir leurs biens, et qu’il alast querir pour lui qui bon lui sembleroit. Lequel Georget dist bien arroganment qu’il n’yroit jà querir personne, et que s’il ne vouloit bailler sa partie desdiz biens, qu’il le feroit excommenier. Et lors icellui suppliant, voiant l’oultrage de son dit filz, geta contre lui unes escardes qu’il avoit en sa main ; et adonc icellui Georget print ung baston en soy retournant contre ledit suppliant, son père ; et icellui suppliant, doubtant qu’il le voulsist frapper, en print ung autre et vint contre son dit filz, qui dudit baston qu’il tenoit frapa son dit père sur la main, et ledit suppliant le frappa aussi du baston qu’il tenoit par la teste ung seul cop, dont il ne sailli point de sang. Et ce fait, qui fut environ six heures devers le matin, ledit Georget sailly hors de la maison de son dit père, criant que son père l’avoit frapé et qu’il s’en yroit plaindre à justice et le feroit prendre ; et ala et vint par le vilage où ilz demouroient, depuis souleil levant jusques environ dix heures, à la quelle heure lui print mal, et tellement que cellui jour environ minuit il ala de vie à trespassement. A l’occasion duquel cas ainsi advenu que dit est, ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du païs et n’y oseroit jamais retourner, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties. Et pour ce, nous a humblement fait supplier et requerir que, attendu, etc., qu’il n’avoit point d’entencion de tuer son dit filz, etc. Pour quoy nous, etc., audit suppliant avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois de novembre l’an de grace mil cccc. cinquante, et de nostre règne le xxixe.

Ainsi signé : Par le roy à la relacion du conseil. Daniel. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCXCV Novembre 1450

Rémission accordée à Jean Jarlant, qui à la suite d’une querelle en revenant de la foire de Massogne, avait frappé mortellement d’un coup de bâton son compagnon, Jean Morin.

AN JJ. 186, n° 83, fol. 49 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 194-196

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Jehan Jarlant

Ce nom est précédé sur le registre de celui de « Jarchant », écrit sans doute par erreur et que le scribe a oublié de biffer.

, povre homme de braz, chargé de femme et de six petiz enffans, demourant en la chastellenie de Mirebeau, contenant que, le jour de la Nativité Nostre Dame l’an mil cccc. xlix, comme le dit suppliant et feu Jehan Morin, aussi en son vivant homme de braz, venoient de la foire de Maixoigne, et eulx estant à l’omeau de la roche Pierre Belleen, iceulx suppliant et feu Jehan Morin eurent parolles ensemble à l’occasion d’ung picq que ledit suppliant avoit baillé au père dudit feu Morin, et après plusieurs parolles en eulx entre desmentant, ledit suppliant tout esmeu et marry des rigoreuses parolles que ledit deffunct lui disoit, et aussi de ce qu’il le desmentoit, et par chaude colle, leva ung petit baston de saule qu’il tenoit en sa main, et d’icellui, non cuidant tuer ne mehaigner ledit Morin, frappa icellui suppliant [ledit] Morin ung cop seulement sur le col, à l’occasion duquel cop il ala incontinent de vie à trespas. Dont le dit suppliant fut bien courroucié et desplaisant, et combien que icellui suppliant n’eust entencion et ne cuidast tuer ne mehaigner ledit Morin, et qu’il ait ce fait par hastiveté et chaudecolle et aussi qu’il en ait satisfaict et contenté partie, et que en tous autres cas il soit bien famé et renommé, sans jamais avoir esté actaint ne convaincu d’autre villain cas, neantmoins, il n’ose ne oseroit jamais estre ne resider seurement au païs, doubtant rigueur de justice, et lui conviendroit tousjours estre fuitif et sadicte femme et enffans mendier, et avoir grant povreté et neccessité, se noz grace et misericorde ne lui estoit sur ce prealablement impartie, si comme il dit, humblement requerant icelle. Pour ce est il que nous, ces choses considerées, voulans misericorde prefferer à rigueur de justice, à icellui suppliant, etc., avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes au bailly de Touraine, des ressors et exempcions d’Anjou et du Maine, etc. Donné à Tours, ou mois de novembre l’an de grace mil iiiic cinquante, et de nostre règne le xxixe.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Duban. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCXCVI Décembre 1450

Rémission en faveur de Jean de Montvent, coupable du meurtre de Colas Peyreta, fermier, révoqué à cause de ses exactions, des fermes royales de la Roche-sur-Yon, Montaigu, les Essarts, etc., qui avait trouvé moyen de le faire excommunier sans motif par l’évêque de Luçon.

AN JJ. 186, n° 43, fol. 25 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 196-199

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Jehan de Montvent, contenant que ung nommé Colas Peyreta, natif de Dampierre sur la Roche sur Oyon, pour la detestable et enorme vie dont il vivoit et avoit acoustumé vivre, et aussi pour les grans excès et torts qu’il faisoit au povre peuple indeuement en exhigeant les deniers d’aucunes de noz fermes, dont il estoit fermier, fu par les seigneurs tant dudit lieu de la Roche, Montagu, les Essars que autres païs voisins dechassié d’icelles terres et seigneuries, et mesmement par aucuns noz officiers estans oudit païs lui [fut] interdit et deffendu, sur certaines grosses peines à nous à applicquer, de plus tenir nos dictes fermes èsdiz païs. Après lesquelles choses ainsi faictes, ledit Peyreta en perseverant tousjours en sa mauvaise voulenté, trouva autre manière de vexer nostre dit peuple et faigny estre clerc, et soubz umbre de ce prenoit des divisions et debatz avecques ung chascun, afin de les faire convenir par la court de l’eglise, et entre les autres, pour faire travail et dommaige audit suppliant, trouva manière de le faire excommunier par l’evesque de Lusson

Nicolas Cœur, frère du célèbre argentier de Charles VII, d’abord chanoine de la Sainte-Chapelle de Bourges, fut élu évêque de Luçon en remplacement de Jean Fleury (cf. l’introduction de notre t. VIII, p. xxxvi), décédé le 17 octobre 1441. Le catalogue des évêques de Luçon, cités par la Gallia christiana (t. II, col. 1410), dit qu’il mourut lui-même le 1er octobre 1451, après un pontificat de dix ans et seize jours. Il fut inhumé dans la cathédrale de Bourges. Nicolas Cœur, auquel s’était adjoint le procureur général, exerça des poursuites au criminel contre. Simon Pison, prieur de Longeville, Jean Pison, écuyer, son frère, Jean de Saint-Chartre, etc., pour port d’armes, rebellions et autres graves excès dont ils s’étaient rendus coupables, pour se venger de la perte d’un procès jugé au profit de l’évêque de Luçon, contre le prieur de Longeville et Jean Pelaut, chantre de l’église de Poitiers. (Mandements des 6 juillet et 20 août 1450, Arch. nat., X2a 26, fol. 66 v° et 81.)

, disant et maintenant icellui Montvent avoir autresfoiz mis la main en luy, en lui ostant une jeune femme mariée ; pour laquelle chose se meu entre iceulz Peyreta et Montvent, suppliant, très grant debat, tellement qu’ilz se deffièrent l’un l’autre. Pour laquelle deffiance, icellui Peyreta pourtoit continuelment à sa saincture une dague et une espée en sa main à l’encontre dudit Montvent, suppliant, en se vantant ledit Peyreta en plusieurs lieux et par diverses foiz que, s’il trouvoit ledit Montvent à son avantaige, il le turoit. A quoy, pour resister à la mauvaise voulenté dudit Peyreta, icellui Montvent, suppliant, se print à porter une gisarme pour soy deffendre, se ledit Peyreta l’assailloit. Et avint que, jeudi xixe jour du moys de……

Le nom du mois est resté en blanc.

, icellui Peyreta et Montvent se rencontrèrent, aussi comme environ soleil couchant, en la ville de Marueil, devant la maison dudit Peyreta, où ilz eurent ensemble grosses parolles et injurieuses, tellement que icellui Peyreta tira sa daigne, en soy efforçant de vouloir frapper ledit Jehan de Montvent. Et ce voyant, icellui de Montvent se contregarda du coup que lui vouloit bailler ledit Peyreta et donna audit Peyreta ung coup de sa dicte gisarme sur une de ses jambes par derrière ; et incontinent icellui Peyreta s’en fouy et entra en la maison de Colas Boutin

Ce nom est commun à plusieurs familles poitevines. Aux personnages mentionnés dans la nouvelle édition du Dictionnaire de MM. Beauchet-Filleau, nous pouvons ajouter Pierre Boutin qui, le 24 mars 1449, rendit aveu au connétable de Richemont, seigneur de Parthenay, pour une terre herbergée appelée le Robin en la paroisse de Vernou-en-Gâtine, appartenant à sa femme, Michelle de la Voyrie. Il devait aussi l’hommage au même seigneur, pour des terres sises à la Touche-Machon, paroisse de Secondigny, pour la terre dite la Billotière près du Chillou, et pour une dîmerie sur le tènement de Bellefaye, qu’il avait acquise de Pierre Vrignaut. (Arch. nat., R1* 190, fol. 133, 252 v°, 256 et 266.)

, joignant à celle dudit Peyreta ; et en entrant en laquelle, tousjours injurioit icellui Jehan de Montvent, suppliant, pour laquelle cause, icellui Montvent le frappa ung autre coup du bout de sa gisarme, dont il le navra, et entra après en la maison dudit Colas, poursuivant icellui Peyreta pour les causes (sic), grans et excessives injures qu’il lui disoit ; lequel Peyreta s’en fouy droit à la rivière du petit Maruillet jusques au coing du vergier d’un nommé Pierre Ouvrart, peletier, ouquel vergier estoit ung appellé Jehan de Sepeau, qui veoit comment ledit Peyreta s’en fuioit et aussi comment ledit Montvent le poursuivoit. Et lors ledit de Sepeaux commança à appeller ledit Peyreta, et lui dist qu’il entrast oudit vergier, et qu’il lui aideroit à soy sauver. Lequel Peyreta entra oudit vergier, tenant sa dague en sa main, de laquelle il voulu frapper ledit de Sepeaulx, et lors icellui de Sepeaulx print son espée et lui haussa sa dague pour obvier au coup du dit Peyreta, mais toutesvoies icellui Perretta (sic) lui bailla de ladicte dague ou front et le blessa jusques au sang. Et pour ce que ledit de Sepeaux vit que ledit Peyretta ne se vouloit desister de tousjours le vouloir frapper et lui courre sus, lui bailla deux ou trois coups de sa dicte espée parmy les jambes et ung autre cop par le costé. Et adonc eut illec ung grant cry, auquel cry vint Henry Saffaut et aussi ledit de Montvent, et adonc qu’ilz furent ensemble, se prindrent tous troys à frapper sur icellui Pereta, et ce veant, ledit Peyreta s’en fouy à la rivière qui près d’illec estoit. Et tantost lesdiz suppliant, Jehan de Sepeaulx et Saffaut s’en alèrent et laissèrent la ledit Peyreta, lequel se tira de la dicte rivière au mieulx qu’il peut, et delà en fu enporté par aucuns des voisins en une civière jusques à l’ostel dudit Pierre Ouvrart, ouquel hostel peu après, à cause desdiz coups par defaulte de gouvernement ou autrement, ala de vie à trespassement icellui Peyreta. A l’occasion du quel cas, ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est absenté dudit lieu et n’y oseroit jamaiz converser ne repairer, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, si comme il dit, humblement requerant que, attendu que ledit Peyreta a tousjours esté tenu et repputé de mauvaise et dissolue vie par tous ceulx qui de lui avoient congnoissance, et que de lui mesmes trouva le moyen d’avoir noise et faire desplaisir audit Montvent [et l’eust tué, s’il

Les mots entre crochets, nécessaires au sens, ont été omis sur le registre.

] ne se feust deffendu et ne lui eust resistée, comme il est vraysemblable, et que en tous autres cas ledit suppliant, etc., nous lui vueillons sur ce impartir nostre dicte grace et misericorde. Pour ce est il que nous, ces choses considerées, voulans misericorde prefferer à rigueur de justice, audit suppliant, etc., avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces mesmes presentes au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Montbason, ou moys de decembre l’an de grace mil iiiic l, et de nostre règne le xxixe.

Ainsi signées : Par le roy, maistre Loys de Harecourt

Sans doute Louis d’Harcourt, dit aussi le bâtard d’Aumale, fils de Jean d’Harcourt, comte d’Aumale et de Mortain, qui devint archevêque de Narbonne en 1452.

et autres presens. De La Loère. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCXCVII Décembre 1450

Rémission accordée à Jean de Scepeaux et Henri Saffait, de Mareuil-sur-le-Lay, pour sa participation au même meurtre.

AN JJ. 186, n° 57, fol. 36 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 199-200

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan de Sepeaux

Il ne paraît pas probable que l’on puisse rattacher ce personnage à l’illustre famille de Scepeaux, possessionnée dans le Maine et l’Anjou, qui prit son nom d’une châtellenie située dans la paroisse d’Astillé au comté de Laval, et à laquelle appartenait un Jean de Scepeaux, vivant au milieu du xve siècle, seigneur de Beauchesne et de la Cherbonnerie, mort après 1470, dont le fils aîné portait aussi le prénom de Jean.

et Henry Saffait

Il est appelé « Saffaut » dans l’acte qui précède.

, à present demourans ou chastel de Marueil en Poictou, contenant que le jeudi xxixe jour du mois de (blanc) derrenierement passé, le dit Jehan des Sepeaux, estant ou vergier d’un nommé Pierre Ouvrart, pelletier, vit et apperçut Colas Peyreta, natif de Dampierre sur la Roche sur Oyon, lequel estoit blecié et s’en fuioit droit à la rivière du petit Maruillet et ala jusques au coing dudit vergier où estoit ledit des Sepeaux, suppliant, et après lui vit ung nommé Jehan de Montvent, portant une guisarme, qui le suivoit. Et lors icellui des Sepeaux commença à appeller ledit Peyreta et lui dist qu’il entrast oudit vergier et qu’il lui aideroit à soy sauver. Lequel Peyreta entra oudit vergier, tenant une dague en sa main, etc.

La suite n’est que la reproduction textuelle de la dernière partie des lettres précédentes, données au profit de Jean de Montvent.

Donné à Tours, ou mois de decembre l’an de grace mil cccc. cinquante, et de nostre règne le xxixe.

Ainsi signées : Par le roy, à la relacion du conseil. A. Rolant. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCXCVIII Janvier 1451

Rémission octroyée à Jean Deschamps, archer, originaire de Sainte-Soline, coupable du meurtre de l’un de ses compagnons de guerre, nommé Etienne Mitrault.

AN JJ. 185, n° 2, fol. 1 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 200-203

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Jehan Deschamps, archer, natif de Saincte Souline en Poictou, contenant que dès sa jeunesse il nous a servy ou fait de noz guerres, et premierement fut page d’un nommé Gregoire de la compaignie de Blancheffort

Jean de Blanchefort, célèbre capitaine d’écorcheurs, dont une partie des exploits a été rapportée par M. Tuetey. Il avait accompagné le dauphin dans son expédition de Suisse et d’Alsace (1444-1445). Dans des lettres de rémission qui lui furent octroyées en mars 1446 n.s., pour toutes les peines qu’il avait encourues en tolérant ou favorisant les désordres des gens de sa compagnie, il est dit écuyer d’écurie du roi et seigneur de Fouras. (A. Tuetey, les Écorcheurs sous Charles VII, 2 vol. in-8°, voir aux tables.)

, lequel mouru ou siège de Pontoise

Le siège de Pontoise, ou Charles VII fut présent en personne, commença dans les premiers jours de juin 1441 et se termina le 19 septembre suivant, par l’assaut et la prise de cette place.

, et après nous a servy comme arbalestier, et depuis que avons mis en ordonnance et logis noz gens de guerre, nous a ledit suppliant servy comme archer en la compaignie de nostre amé et feal le mareschal de Jaloignes

Philippe de Culant, seigneur de Jaloignes, sénéchal de Limousin, fut créé maréchal de France pendant le siège de Pontoise. Il mourut en 1454.

, en la compaignie duquel il a esté ou païs de Normandie et après ou païs de Guienne, au siège de Bergerac

Lors de l’expédition pour la conquête de la Guyenne, le comte de Penthièvre, lieutenant général du roi, ayant sous ses ordres le maréchal de Jaloignes, le grand maître d’hôtel, Charles de Culant, Saintrailles, le sire d’Orval, etc., avec une armée composée de cinq cents lances et d’un corps de francs-archers, ouvrit la campagne par le siège de Bergerac. La puissante artillerie dirigée par Jean Bureau eut promptement raison des défenseurs de la ville, qui se rendit le 10 octobre 1450. De là on alla assiéger le château de Gensac, situé sur la rive gauche de la Dordogne. (De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. V, p. 43.) Le traité de reddition de Bergerac est publié dans le recueil des Ordonnances, t. XIV, p. 109. Des lettres d’abolition furent accordées aux habitants de cette ville, le 24 novembre 1450.

, et, la dicte ville prinse, a esté en garnison en icelle, et depuis ont lui et autres de ses compaignons fait pluseurs courses à pié et à cheval à l’encontre des Anglois, noz anciens ennemis et par devant pluseurs places par eulx occuppées, et entre les autres courrurent naguères, c’est assavoir ou mois de decembre derrenierement passé, et en retournant audit lieu de Bergerac, ilz se vouldrent retraire en une place forte appellée Aymet, mais on ne les y voult laisser entrer ne logier, et convint qu’ilz se logeassent toute nuyt par les hayes et buissons ; et se logea ledit suppliant et deux autres compaignons de guerre en ung jardrin près de ladicte place d’Aymet, et illec firent du feu et vouldrent appareiller une oaye qu’ilz avoient, mais ung gentil homme appellé Guillemin Le Maire leur priast qu’elle ne fust mangée jusques au landemain, dont ilz furent d’accord, et la misdrent en ung pommier à la gelée, et après s’en alèrent coucher au feu. Et ainsi comme ilz furent endormiz, ung appellé Estienne Mitrault, pareillement archer, qui estoit logé en ung puy ou montaigne près d’eulx, enleva ladicte oaye. Et quant ledit suppliant et sesdiz compaignons furent esveillez et qu’ilz ne trouvèrent pas leur oaye, ilz distrent l’un l’autre que ledit Mitrault l’avoit emblée. Lequel Mitrault, qui estoit homme bien oultragieulx et oy les parolles, leur dist qu’il estoit vray, et que s’ilz en vouloient avoir la peau, qu’il la leur bauldroit. Lequel suppliant et sesdiz compaignons lui distrent que, s’ilz lui eussent trouvé, qu’il s’en fust repenty et ne l’eust pas emportée. Et lors ledit Mitrault, bien esmeu, leur dist en jurant et detestant Dieu qu’ilz le menassoient, mais qu’il en turoit deux d’entr’eulx celle nuyt. Et incontinant print son arc et sa trousse, et vint à l’encontre d’eulx la flèche oudit arc, et s’adreça premierement à l’encontre dudit suppliant, contre lequel il avoit une grant hayne, et l’avoient lui et ung autre, appellé le bastard Courault

Il était peut-être fils d’Ardre IV Couraud, écuyer, seigneur de la Roche-Chevreux. (Cf. Dict. des familles du Poitou, 2e édit., t. II, p. 679.) Ce dernier était en procès au Parlement contre Guillaume Craigne, écuyer, à cause de la succession de feue Jeanne d’Autiffort, à laquelle chacun d’eux prétendait. (Arrêt du 23 décembre 1405, Arch. nat., X1a 53. fol. 158.) Ardre Couraud et Olivon de la Mothe, aussi écuyer, accusés d’avoir pris de force le château de la Garde appartenant à Claude Violet, tué à Cravant, et de l’avoir mis au pillage, étaient poursuivis criminellement par Jean Delacou, dit Violet, frère et héritier de Claude. Dans les plaidoiries de cette affaire, qui eurent lieu le 14 juillet 1424 au Parlement de Poitiers, il est dit que le père de Couraud avait contribué à la reddition de Lusignan. (Id., X2a 18, fol. 33.) — Jacques Couraud, conseiller et receveur des aides de Jean duc de Berry, d’une autre famille, eut un fils Antoine, archidiacre de Vexin en l’église de Rouen. Celui-ci réclamait à Étienne d’Ausseure, bourgeois de Poitiers, à Étienne Bonnet, à Guillaume Claret et à Jeanne Guillemet, des meubles ayant appartenu à son père, à Poitiers, que ceux-ci avaient fait saisir en payement de sommes dont Jacques Couraud était redevable envers eux. Cette affaire se termina par deux accords, les 24 mars et 11 avril 1419. (X1c 117, nos 92 et 107.)

tellement batu qu’il en estoit cuidé mourir, et en avoit esté bien malade l’espace de six mois ou plus. Et lors ledit suppliant, veant ledit Mitrault ainsi esmeu venir contre luy l’arc tendu, pour evader qu’il ne le tuast, mist sa javeline au devant de lui et en frappa ledit Mitrault ung seul coup par la poictrine, et, ce fait, s’en retourna ledit Mitrault en son logeiz et dedens trois ou quatre heures après ou environ, ala de vie à trespassement. Pour occasion duquel cas, ledit suppliant, qui en tous autres cas s’est bien et deuement gouverné, fors que durant la guerre il a esté aucunes foiz en fourraige et print des vivres, comme faisoient les autres, sans avoir esté reprins, actaint ne convaincu d’autre villain cas, blasme ou reprouche, s’est absenté du païs et de la compaignie des gens de guerre où il estoit et n’y oseroit jamais retourner, doubtant pugnicion de justice, se par nous ne lui estoient impartiz noz grace et misericorde, requerant humblement iceulx. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans prefferer misericorde à rigueur de justice, audit Jehan Deschamps, suppliant, avons le fait et cas dessus diz quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois de janvier l’an de grace mil cccc. cinquante, et de nostre règne le xxixe.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. P. Aude. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCXCIX Février 1451

Rémission en faveur de Jean Delacroix, avocat de Poitiers, coupable de vol au détriment de Jean Genoillac, marchand de cette ville.

AN JJ. 185, n° 28, fol. 22 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 203-206

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan Delacroix, demourant en nostre ville de Poictiers, contenant que, environ la feste de saincte Katherine derrenière passée, à ung jour de mardi, en s’en venant de l’eschevinaige de Poictiers où il plaidoioit contre ung nommé Jehan Caillaut, et en passant par devant la maison de Jehan Genoillac

Ce nom, que l’on trouve le plus souvent sous la forme Janoilhac, était celui d’une notable famille bourgeoise de Poitiers, dont plusieurs membres furent honorés de charges municipales. Jean Genoillac avait épousé Marie de Vauconcourt, fille de Guillaume de Vauconcourt, échevin de Poitiers, mort en 1444, et de Jeanne Galland. Sentence de la sénéchaussée de Poitou rendue contre celle-ci, Guillot, son frère, et Guillaume Boylesve, au profit des chapelains de Saint-Hilaire-le-Grand, touchant une rente de 45 sous. (Arch. de la Vienne, G. 1064.)

, marchant, demourant en ladicte ville, fut appellé par deux clercs de la maison d’icellui Genoillac, l’un nommé Pierre et l’autre nommé Colin, et lui dirent qu’il vensist parler à eulx. Et après que ledit suppliant fut devers eulx, lui demandèrent dont il venoit. Et icellui suppliant leur respondist qu’il venoit de l’eschevinaige. Et adonc iceulx deux clercs lui dirent que maistre Jehan Genoillac avoit dit que on se donnast garde de lui, mais que, s’il vouloit, qu’il n’en parleroit pas pour neant, en lui demandant s’il avoit point de coffre en sa maison, fermant à clef. Ausquelx icellui suppliant respondy qu’il n’en avoit point, qui ne lui feist besoing ; mais avoit une pippe qui fermoit à clef. Et lors lesdis deux clercs demandèrent de rechief audit suppliant s’il les encuseroit point de chose qu’ilz lui deissent. Lequel leur respondit que non. Et alors lui dirent qu’ilz lui livreroient quatre balles de poyvre qu’il emporteroit en sa maison, et qu’il venist le landemain bien matin, et qu’il n’y faillist point, comment qu’il fust ; et lui baillèrent cent solz et ung quarteron de pouldre fine. Et tantost après son partement, l’un desdis clercs cedit jour ala en l’ostel dudit suppliant visiter la pippe dont ilz avoient parlé ; laquelle leur sembla bonne pour ce qu’ilz en avoient à besoingner. Et ce fait, ledit suppliant, desplaisant des parolles que lesdis clercs lui avoient dictes que ledit Genoillac avoit dictes de lui, en le chargant de son honneur, tempté de l’ennemy, se consenty et accorda aux choses dont iceulx clercs lui avoient parlé, et s’en party, pensant ausdictes parolles. Et le landemain à matin, qui fut jour de mercredi, ledit suppliant s’en vint en l’ostel dudit Genoillac, auquel il trouva lesdis deux clercs en la boutique, lesquelz le firent entrer en icelle. Et quant il y fut, le chargèrent d’une balle de poyvre, en lui disant qu’il retournast le landemain et qu’il en auroit une autre et en auroit jusques à quatre balles, qui font deux charges ; laquelle balle ledit suppliant emporta et une pièce de boucassin et unes bouges

« Boucassin » étoffe de coton ou de lin ; « bouges », sac de cuir, valise.

, qu’il print oudit hostel. Et ce mesme jour, l’un d’iceulx clercs porta en ladicte pippe plusieurs marchandises de toutes sortes. Lesquelles balle et marchandises et autres choses ainsi prinses en l’ostel dudit Genoillac, et emportées et mises en l’ostel dudit suppliant, y ont esté trouvées, prinses et emportées par le prevost de ladicte ville de Poictiers, et toutes rendues et restituées audit Genoillac, reservé une pièce de fustaine et une goume

« Goume » aliàs « gomme », ballot. (Voir F. Godefroy, Dict. de l’anc. langue franc., v° Gomme.)

d’aguilles, qui autres fois et paravant ce fait, avoient esté baillées par ung nommé François Colin, clerc, audit suppliant, dont il a composé et accordé audit Genoillac. Pour occasion desquelles choses, ledit suppliant doubte que justice ne le vueille ores ou pour le temps avenir contre lui rigoureusement proceder, par pugnicion corporelle ou autrement, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, si comme il dit, humblement requerant que, attendu que les choses dessus dictes ou la pluspart ont esté rendues et restituées audit Genoillac, et que en tous autres cas il a esté tousjours de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sans jamais avoir esté actaint d’aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, nous lui vueillons sur ce impartir nos dites grace et misericorde. Pour ce est il que nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, à icellui suppliant, ou cas dessus dit, avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois de fevrier l’an de grace mil cccc. cinquante, et de nostre règne le xxixe.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Rolant. — Visa. Contentor. Chaligaut.

MCC Février 1451

Rémission en faveur de Jean Barraut, natif d’Ambière (auj. Saint-Genest), qui avait tué, à la Coue, village dépendant de cette paroisse, Jean Bordier, dans une rixe provoquée par celui-ci.

AN JJ. 185, n° 34, fol. 28 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 206-213

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Jehan Barrault, filz de Laurens Barraut, natif de la parroisse d’Ambière ou viconté de Chastellerault, aaigé de vingt ans ou environ, contenant que, le jour saint Eloy qui fut le landemain de la Nativité saint Jehan Baptiste derrenierement passée eut ung an ou environ, le dit Barraut, suppliant, et Jehan Barraut, du Pré, son cousin, parroissien de Doussay, et Simon Moraut, parroissien dudit lieu d’Ambière se trouvèrent ensemble tous d’une part au lieu et villaige de la Coux en ladicte parroisse, et ilecques firent parties à jouer à la paulme et jouèrent contre ung nommé Jehan Bourdier, grant Jehan Bordier et Guion Bordier, tous frères. Et après la dicte partie ainsi faicte, jouèrent ensemble audit jeu de paulme audit lieu de la Coux, pour le vin, l’espace de trois à quatre heures après mydy. Auquel jeu de paulme les diz Bordiers frères perdirent le vin, et après ce alèrent tous ensemble boyre chex ung nommé Laurens Amoureux, demourant audit lieu de la Coux, qui vendoit vin à detail. Et après ce qu’ilz eurent beu leur vin dudit jeu, icellui Jehan Bordier, sans paier son escot, s’en ala chex ung nommé Jehannin François, demourant audit lieu de la Coux, qui semblablement tenoit vin à vendre, et dist qu’il aloit chex ledit François querir de l’argent ; et pour ce qu’il tardoit trop, le dit grant Jehan Bordier envoya Guion Bourdier, son frère, dire audit Jehan Bordier qui estoit chex ledit François qu’il s’en venist paier son escot. A quoy ledit Jehan respondy audit Guion, son dit frère, qu’il s’en alast, et que tantost il yroit après lui. Et après ce qu’ilz orent attendu aucun pou de temps, ledit grant Jehan Bordier y renvoya ledit Jehan Barraut, du Pré, cousin dudit suppliant, chieux ledit François, pour dire de rechief audit Jehan Bordier qu’il retournast chex ledit Amoureux, pour paier son escot. Lequel Barraut du Pré fist son messaige, et quant il ot fait, ledit Jehan Bordier lui dist qu’il n’avoit point d’argent et en demanda audit François, qui lui en bailla. Après ce que ledit François ot baillé ledit argent audit Jehan Bordier, icellui François dist audit Barraut du Pré de quoy il se mesloit de lui fortraire ses gens qui buvoient en sa maison, et qu’il yssist hors, et qu’il ne se trouvast point auprès de lui. Lequel Barrault du Pré, qui vouloit rapporter la response dudit Jehan Bordier à son dit frère, dist de rechief audit Jehan qui pour lors le convia à boire : « Venez vous en paier vostre escot, et nous en allons. » Et en ce disant, s’entreprindrent de parolles ledit Bordier et ledit Barraut du Pré. Sur lesquelles parolles survint ledit Barraut, suppliant, chex ledit Jehan Françoys ; et tantost qu’il fut au dedans de la maison d’icellui Jehan François, ledit Jehan Bordier, sans dire autre chose, s’efforça de frapper icellui Barraut, suppliant, par la poictrine d’un couteau qu’il avoit, et en soy destournant et fuyant au cop, cuidant evader la fureur dudit feu Bordier, icellui Bordier le frappa d’icellui cousteau parmy la teste de la pointe tellement que le sang en sorty, et lui rompy le test jusques au cerveau, et dudit cop ledit cousteau ploya. Lequel suppliant, ainsi blecé, sorty hors ladicte maison et acouru prandre ung pal de haye, et atout ledit pal s’en ala à l’uys dudit François et dist audit Jehan Bordier que il l’avoit afolé et que si le povoit attaindre, qu’il le blesseroit. Et après ce icellui Bordier, embastonné d’une barre d’uys et ledit François d’un grant bois de quoy on braye la fouace, et ung nommé Perrin Baillargeau, autrement appellé Terrin, d’une troinsaille

Tronçon, morceau de bois, échalas. (F. Godefroy, Dict. de l’anc. langue franç.)

, tous raliez ensemble, poursuirent très fort ledit Barraut, suppliant, et lui convint s’en fouir très hastivement, et en fuiant son baston qu’il avoit lui cheut à terre. Pendant laquelle noise et debat, aucunes gens alèrent chez ledit Amoureux dire audit Laurens Barraut, suppliant (sic), que les Bordiers affolloient son filz, et sur ce sorty de cheux ledit Amoureux et ala veoir que c’estoit. Et trouva ledit Bordier et lui dist telles parolles ou semblables : « Ha ! tu as afollé mon filz ! » Et ledit Bordier lui respondit que par le sang Dieu, il feroit encores pis qu’il n’avoit fait et que, si le haseroit

« Haser » signifiait irriter, piquer, aiguillonner, etc. (Id. ibid.)

, que si feroit il à luy mesmes. Et de fait de rechief icellui Bordier se voulu mettre en essoy de frapper icellui Jehan Barraut, suppliant, et ledit Laurens, son père, qui avoit ung baston gros comme le posse de trois piez de long ou environ, dont il bailla ung coup audit Bordier sur la teste, et non apparu qu’on apparceust aucune bleceure. Et quant ledit Bordier se trouva frappé par ledit Laurens, icellui Bordier tira son cousteau, s’aproucha tost contre ledit Laurent, en lui cuidant frapper ledit cousteau parmy le ventre, et de fait lui passa ledit cousteau parmy le cousté près les costes et lui perça dudit cop sa robbe, son pourpoint et sa chemise ; et non content de ce, ledit Bordier, qui ne peut pas parvenir à la fin qu’il tendoit, comme de tuer ledit Laurent, poursuit icelluy Laurens le cousteau enmy le poing, et ledit Laurens s’en fouyt. Et icelle poursuite faisant, on ala dire audit grant Jehan Bordier, frère dudit Jehan Bordier, que les Barraulx affoloient son frère. Et incontinant issit de chex ledit Amoureux et trouva le baston qui estoit choist audit Jehan Barrault, suppliant, et adreça le dit grant Jehan Bordier ses parolles audit Laurens Barrault et lui dist pourquoy c’estoit qu’il avoit batu son frère. Et il lui respondit qu’il avoit blessé son filz et cuidé le blecer luy mesmes. Et sur ce eurent plusieurs parolles ensemble, d’une part et d’autre. Après lesquelles, ledit Jehan Bordier vint de rechief atout son cousteau et s’efforça d’en frapper ledit Laurens, et aussi semblablement grant Jehan Bordier, qui estoit embastonné, disoit audit Laurens : « Pourquoy voulez vous frapper mon frère ? » et en [disant] ces parolles, haulsa le baston pour le cuidier frapper ; mais ung nommé Simon Moraut, qui estoit par derrière, empescha qu’il ne le frappast, et en perseverant tousjours à sa mauvaise voulenté, haulsa de rechief le baston pour cuider frapper ledit Laurens, lequel se recula ; et se mist ledit suppliant, son filz, entre deulx et cheut le coup sur la teste dudit Jehan Barraut, suppliant, tellement que dudit coup il cheut à terre et ne remuoit pié ne main, et cuidoit on qu’il fust mort. Et après ce, lesdis Bordiers se misdrent en fuicte, afin qu’ilz ne feussent prins, et fut emporté ledit suppliant cheux ledit Amoureux, et fut gardé toute nuyt, et y estoit ung chappellain nommé messire Adam, pour confesser ledit suppliant, s’il eust parlé. Mais il fut bien quinze jours ou environ sans parler. Et le landemain, il fut porté sur une table à force de gens chieux son père, et a esté bien demy an avant qu’il ait esté gary, et tout ce par le moien et malice dudit Jehan Bordier. Et après toutes ces choses et que ledit suppliant a esté guery, ledit Jehan Bordier, en perseverant en sa dicte malice, et pour monstrer la hayne qu’il avoit audit Barraut, suppliant, fut present, à ung jour de dimanche qui fut quinze jours après la Penthecoste derrenière passée, en bourg de Lacloiste oudit vicomté de Chastelleraut. Auquel lieu et jour, ledit Barraut, suppliant, avoit fait partie à jouer à la paulme, lui tout seul, contre ung nommé Micheau Thipheneau, dudit lieu, et Guion Bordier, frère dudit Jehan Bordier ; et estoit l’emprinse telle que ledit Barraut, suppliant, jouoit à l’encontre des autres deux, chacune allée pour ung cartier de chevreau. Et advint que ledit Barraut, suppliant, perdit deux emprinses, entre lesquelles ilz furent en debat d’une chasse que ledit suppliant avoit jouée ; et en leur debat ledit Bordier, sans ce qu’on lui en demandast du jeu, et de soy en jugea et dist les parolles, et dist que c’estoit Barraut qui l’avoit perdue, en monstrant tousjours sa malice contre ledit Barraut, suppliant. A quoy ledit suppliant lui respondit qu’il ne le croiroit point et qu’il en croiroit toutes gens de bien, en disant audit Jehan Bordier qui l’esmouvoit à en parler et qu’il ne se pouvoit tousjours tenir de parler sur lui, et que autres foiz lui avoit fait grant dommaige du corps. Et ledit Jehan Bordier lui dist telles parolles ou semblables en substance : « Tu n’en as pas eu assez, tu en auras de l’autre avant qu’il soit gaires de temps. » Et icellui suppliant lui respondy telle parolle : « Menasse qui te craint, et ne me abreuves point de parolles. » Et après ces parolles et choses dessus dictes, ledit suppliant et ses parties parachevèrent leur jeu, et puis alèrent boire chieux ung nommé Jehan Sermigneau, dudit lieu de Lacloistre, et rendirent les estues qu’ilz avoient empruntez, et burent chieux ledit Sermigneau. Et après boire, ledit suppliant et ses dictes parties yssirent en la rue, et de rechief eulx et plusieurs autres jouèrent à qui en seroit du jeu par ebat ; et y furent audit jeu par aucun temps et jusques à ce que ledit Micheau Thipheneau et ung nommé Micheau Nerbonneau, mosnier, se prindrent à jouer l’un contre l’autre pour ung quartier de chevreau, et perdit ledit Narbonneau deux emprinses et pinte de vin. Et en jouant survint la pluye qui les destourba de jouer. Et print icellui Thipheneau la robbe dudit Narbonneau et la porta chieux ledit Sermigneau, et fut avecques eulx ledit Jehan Barraut, suppliant, qui estoit leur juge ; et aussi y estoit ledit Jehan Barraut, du Pré, son cousin germain. Lesquelx, en attendant le soupper à appareiller, chantoient et foisoient bonne chière. Et eulx esbatant et faisant bonne chière, attendans ledit soupper, survint sur eulx ung nommé Jehan Limosin, de Doussay, Perrin Descartes et Colin Le Mareschal, parroissien d’Ambière, et plusieurs autres, et leur donnèrent à boire. Et après eulx survint aussi ledit Jehan Bordier, auquel ledit Jehan Barraut du Pré donna à boire. Et après ce ledit Bordier s’en ala asseoir au coign de la table, et ilecques trouva le chien dudit Jehan Barraut, suppliant, et d’un baston qu’il avoit frappa ung coup très fort sur ledit chien ; et estoit ledit baston de cosdre, gros comme la verge d’un fleau. Pour lequel coup le chien s’en fouy en la rue, et demanda ledit suppliant audit Jehan Bordier pourquoy c’estoit qu’il avoit frappé son chien ; et icellui Bordier luy respondy qu’il n’estoit pas sien et qu’il ne lerroit point pour lui à le frapper, et qu’il ne l’avoit point nourry. A quoy ledit suppliant luy respondy que sy estoit vrayement et qu’il l’avoit nourry. Et ledit Bordier luy dist qu’il regardast en la rue, pour veoir s’il estoit sien. Et en regardant tous deux ensembleement, ledit suppliant dist audit Bordier qu’il estoit sien, et ledit Bordier dist audit suppliant et respondit qu’il avoit menty, et qu’il n’estoit pas sien, et qu’il l’avoit plus nourry que n’avoit fait ledit suppliant. Et adonc ledit suppliant dist audit Bordier que c’estoit luy qui avoit menty, et en icelle parolle ledit suppliant bailla ung cop de baston audit feu Bordier sur le cousté destre de la teste, et estoit le baston court d’un pié et demy, ung peu plus gros que le posse. Et incontinant ledit Jehan Bordier dist audit Barraut, suppliant : « Ha ! traistre chien, me as tu frappé ! » et bailla du poing à icellui suppliant sur le visaige et l’embrassa parmy le corps. Et se trouva lors esbahy ledit Barraut, suppliant, quant il se vit ainsi saisy au corps par ledit Bordier, qui estoit fort et puissant de corps. Et ainsi qu’ilz s’entretenoient, chacun d’eulx s’efforçoit de trouver son cousteau ; et trouva ledit suppliant plus tost le sien que ne fist ledit Bordier ; et avant que ledit Bordier eust tiré le sien hors la guesne, icellui suppliant bailla ung coup de sondit cousteau par la poictrine audit Jehan Bordier. Et incontinant après ledit coup, icellui Bordier dist audit suppliant : « Tu m’as blessé, truant ! » Et tantost ledit Thipheneau et ledit Sermigneau qui survint, qui oyrent la plainte dudit Bordier, les deppartirent. Et après ce qu’ilz furent deppartiz, ledit Bordier s’efforça de rechief de frapper ledit suppliant d’un baston qu’il avoit. Mais il ne peut. Et lui disdrent ceulx qui estoient ilecques presens : « Ha ! ha ! tu as blessé Bordier. » Et tantost après ledit Bordier cheut à terre et ala de vie à trespassement. Pour occasion duquel cas, ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, se absenta du païs, et n’y oseroit jamais demourer ne retourner, se nostre grace et misericorde ne lui estoient sur ce impartiz, humblement requerant que, attendu que ledit feu Bordier a esté tousjours agresseur, tant de fait que de parolles, envers ledit suppliant et que, avant ledit cas advenu, l’avoit ainsi feru du cousteau par la teste, navré et mutilé comme dit est, et aussi que ledit feu Bordier estoit en son vivant très rigoureux, noisif et coustumier de frapper du cousteau, et que ledit suppliant est jeunes homs de labour, aaigé de vingt ans ou environ, comme dit est, de bonne vie, renommée et honneste conversacion, il nous plaise lui pardonner, etc. Pour quoy nous, ce consideré, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, à icellui Jehan Barraut avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes aux seneschal de Poictou, bailli de Touraine et des ressors et Exempcions d’Anjou et du Maine, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois de fevrier l’an de grace mil cccc. cinquante, et de nostre règne le xxixe.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Pregrimaut. — Visa. Contentor. Chaligaut.

MCCI 20 mars 1451

Permission à Jacques Blanchet, écuyer, seigneur du Quérois en Poitou, de relever les fortifications de ce lieu.

AN JJ. 185, n° 53, fol. 43 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 213-215

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de nostre bien amé Jacques Blanchet

Jean Blanchet, fils et héritier de Berthomée Mercier, étant mineur, le 1er mai 1405, rendit aveu de la prairie de Saint-Médard-des-Prés mouvant de Fontenay-le-Comte et d’une autre prairie enclose entre le Gué-d’Enfernet et la Grande-Vendée, qu’il renouvela le 16 janvier 1411 et le 19 octobre 1417. On trouve encore aux mêmes noms et prénoms un autre aveu des mêmes fiefs le 29 avril 1462. (Arch. nat., R1* 2172, p. 1133 ; P. 1144 fol. 48 ; P. 1145, fol. 42, 44 v°, 46, 49.) Jacques Blanchet, écuyer, sr du Quérois, appartenait sans doute à cette famille, sur laquelle les renseignements sont assez rares.

, escuier, seigneur du Queyrois ou païs de Poictou, contenant que puis certain temps ença, pour retraire et saulver et ses biens et ceulx de ses hommes et subgetz de la dicte seigneurie, il a, du congié et consentement du seigneur feodal et justicier, commancé à faire emparer et fortiffier ledit lieu du Queyrois, auquel d’anciennetté souloit avoir hostel fort, et lequel à l’occasion des guerres et divisions avoit esté demoly et demouré comme vague et en desolacion par l’espace de soixante ans ou environ, et eust encores esté en voye de jamais n’estre remparé, se ne feust la reparacion et fortifficacion que ledit suppliant y a jà faicte faire, en entencion de icelle faire parachever, comme de tours, carneaux, lucarnes, pont leveiz, fossez, paleiz autour d’iceulx fossez et autres choses neccessaires à fortifficacion. Mais, obstant ce que de faire la dicte fortifficacion, qui n’est encores achevée ne parfaicte, il n’a eu de nous aucun congié ou licence, il doubte que ou temps avenir on lui en voulsist à ceste cause aucune chose imputer ou demander, ou lui faire demolir sondit hostel, qui seroit sa destruction, comme il dit, requerant humblement nostre grace sur ce. Pour quoy nous, ces choses considerées, et mesmement ledit congié dudit seigneur feodal, et aussi les bons et agreables services que ledit suppliant nous a faiz en noz guerres et autrement en maintes manières, ladicte fortifficacion et emparement ainsi encommancez à faire audit lieu du Queyrois avons eue et avons ou cas dessus dit agreable, et voulons qu’elle soit et demeure en estat. Et en oultre, de nostre grace especial, plaine puissance et auctorité royal, lui avons donné et donnons par ces dictes presentes congié et licence de parfaire et achever ledit hostel fort, et y faire tours, carneaulx, barbecannes, murailles, fossez, paliz, pont leveis, barrières et autres fortifficacions que bon lui semblera, pourveu toutesvoies que à ce se consente ledit seigneur feodal de qui il tient ledit lieu du Queyrois et que, non obstant ladicte fortifficacion, les habitans dudit lieu du Queyrois feront guet et garde là où ilz ont acoustumé et sont tenuz faire d’anciennetté. Si donnons en mandement, par ces dites presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers ou à leurs lieutenans, presens et avenir, et à chascun d’eulx, si comme à lui appartendra, que ilz en ce cas facent, seuffrent et laissent ledit suppliant joïr et user paisiblement de noz presens grace et octroi, congié et licence, et de tout le contenu en ces dictes presentes, sans lui faire mettre ou donner, ne souffrir estre fait, mis ou donné, ores ou pour le temps avenir, aucun empeschement ou destourbier au contraire ; mais, se fait ou donné estoit en aucune manière, le repparent et remettent ou facent repparer et remettre sans delay au premier estat et deu. Et afin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné aux Montilz lez Tours, le vingtiesme jour de mars l’an de grace mil cccc. cinquante, et de nostre règne le xxixe.

Ainsi signé : Par le roy, le conte de Dunois, le sire de Sainterailles et autres presens. De La Loère. — Visa.

MCCII Mars 1451

Rémission octroyée à Jean d’Estevan, dit Poulaine, originaire d’Allemagne, qui lors d’une agression dont lui et son compagnon, Mathurin de Viron, écuyer, avaient été victimes, l’an 1442, entre le château des Marais et Chizé, où ils demeuraient, de la part de trois hommes de guerre, avait tué l’un d’eux qui le serrait de près.

AN JJ. 184, n° 96, fol. 60 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 215-217

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et advenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan de Estevan, dit Poulaine, natif du pays d’Almaigne, aagé de xxx. ans ou environ, contenant que, huit ans a ou environ, ainsi que ledit suppliant et ung nommé Mathurin de Viron

La famille de Viron, peu connue et dont aucune généalogie ne paraît avoir été dressée, était originaire du village de ce nom (con de Brulain, Deux-Sèvres). Possessionnée à Chizé et aux environs, elle comptait un assez grand nombre de représentants dans cette région à la fin xive du siècle et au xve. Nous pouvons citer : Jeanne de Viron, dame de Séligné, qui avait épousé Charles III de Saint-Gelais, vers 1360 ; Jean de Viron, sr de la Thibaudière, dont on possède un aveu de la Salle-Bérard, daté du 23 juin 1374 (Arch. nat., P. 1145, fol. 21 v°) ; Isabeau, mariée vers 1390 à Guillaume de Curzay, paraît être sa fille, car elle apporta la Thibaudière à son mari ; Pierre de Viron, écuyer, fils d’autre Pierre, alors défunt, rendit, le 13 mai 1411, aveu de son hébergement de Parsay (P. 1145, fol. 24), du fief des Marais, mouvant de Chizé, et d’un droit d’usage en la forêt de Chizé, le 3 octobre 1419. (Id., fol. 29.) Le 24 juillet 1424, en qualité de tuteur de Tranchant et de Jeanne de Viron, il fit aveu d’un usage en la même forêt, que Tranchant renouvela le 9 novembre 1435. (Id., fol. 30, r° et v°.) On possède aussi des aveux de la Salle-Bérard, hébergement sis dans les paroisses de Séligné et de Saint-Hilaire de Leigné, rendus, les 22 octobre 1403 et 5 mars 1419, par Jean de Viron, autre fils de Pierre. (R1* 2173, p. 1860 ; P. 1144, fol. 56, 57.) Le 4 juillet 1423, sa veuve, Louise de Granges, fille de Jean de Granges, rendait aveu pour son hébergement de la Croix, mouvant de Saint-Maixent (P. 1145, fol. 117). Simonne de Viron était femme de Jean Parthenay, sr d’Availles, le 8 février 1408 n.s., date d’un aveu du fief de Quairay ou Quéray, rendu par celui-ci, à cause d’elle. (R1* 2171, p. 271.) Mentionnons encore un aveu de l’hébergement de la Croix, tenu de Saint-Maixent, rendu par Joachim de Viron, écuyer, le 3 novembre 1451, et un autre du fief de Puyfremont, paroisse d’Augé, mouvant du château de Saint-Maixent, fourni par Pierre de Viron, écuyer, le 13 juillet 1473. (P. 5193, nos xiiiic lxi et xiiiic lxx.)

, escuier, lors jeune enfant, aagé de xvi. à xviii. ans ou environ, retournoyent du chastel des Maroys, où ilz estoient alez, au lieu de Chizé où ilz demouroyent, ilz rancontrèrent trois hommes de guerre qu’ilz ne congnoissoyent, lesquelz ilz saluèrent, et ce fait, passèrent oultre, chacun son chemin. Et après qu’ilz furent loing les ungs des autres d’un quart de lieue ou environ, lesdiz trois hommes de guerre retournèrent hastivement à course de cheval, tenans leurs espées toutes nues contre lesdiz Viron et suppliant ; et quant ilz les eurent aconceuz, l’un d’eulx frappa ung grant coup de son espée sur la teste dudit de Viron, telement qu’il cheut de dessus son cheval à terre, fut très fort blecié et perdit grant partie de son sang. Et pour ce que ledit suppliant cuida aidier audit Viron qui estoit de sa compaignie, l’ung desdiz hommes de guerre s’efforça luy donner de son espée sur la teste, en renyant Dieu et faisant autres seremens qu’il le tueroit ; et telement pressèrent iceulx hommes de guerre ledit suppliant qu’il luy convint descendre de dessus son cheval à terre et, luy descendu, l’un desdiz trois hommes de guerre descendi de dessus son cheval et luy vint courir sus, tenant en sa main son espée toute nue qui estoit grant et longue ; lequel suppliant se deffendi d’une espée qu’il avoit, et combatirent longtemps ensamble. Ouquel conflict icellui suppliant donna à l’un desdiz troys hommes de guerre, qui ainsi le poursuivoit et duquel il ne scet le nom, ung cop de sa dicte espée par le costé, par le moyen duquel cop il laissa icelluy suppliant, et ala tantost après de vie à trespaz. Pour occasion duquel cas, ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du pays et n’y oseroit jamaiz retourner ne demourer, se nostre grace ne luy estoit sur ce impartie, si comme il dit, en nous humblement requerant que, attendu que lesdiz trois hommes de guerre furent agresseurs et que ledit cas est advenu en son corps deffendant, et qu’il a tousjours esté de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sans onques mais avoir esté actaint ne convaincu d’aucun autre villain cas, blasme ou reproche, nous luy vueillons sur ce impartir nostre dicte grace. Pour ce est il que nous, consideré ce que dit est, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant avons ou cas dessus dit quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces dictes presentes, aux seneschaulx de Poictou et de Xantonge, au gouverneur de la Rochelle et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou moys de mars l’an de grace mil cccc. cinquante, et de nostre règne le xxixe.

Ainsi signé : Par le conseil. A. Dubeuf. — Visa. Contentor. N. Aymar.

MCCIII 15 avril 1451

Mandement prescrivant une enquête sur l’utilité d’un marché à Moricq, dont la création était demandée par le seigneur du lieu, Renaud Girard, chevalier, sr de Bazoges.

AN JJ. 184, n° 287, fol. 195 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 218-220

Charles, par la grace de Dieu roy de France, à noz amez et feaulx gens de noz comptes, salut et dilection. De la partie de nostre amé et feal conseiller et maistre de nostre hostel, Regnault Girard, chevalier, seigneur de Basoges et de Moric

Renaud était fils de Jean Girard, seigneur de Bazoges-en-Pareds, et de Marie Luneau. Son père a été l’objet d’une notice développée dans notre tome VI. (Arch. hist., XXIV, p. 77.) Conseiller et maître d’hôtel de Charles VII, les services qu’il rendit à ce prince sont surtout d’ordre diplomatique. Au commencement de l’année 1430, il fut chargé, avec Richard Pocaire, bailli de Senlis, d’aller sonder les dispositions du duc de Bretagne et de régler les conditions d’une entrevue entre Georges de La Trémoïlle et le connétable de Richemont. Deux ans plus tard il remplit, avec le sire de Gaucourt, une nouvelle mission à la cour de Bretagne pour préparer le traité de Rennes, qui fut signé le 5 mars 1432. Les ambassades de Renaud Girard en Écosse sont les plus importantes et les plus connues ; il nous en a d’ailleurs laissé une relation. (Bibl. nat., ms. fr. 17330.) Elles avaient un double but : négocier un traité d’alliance entre la France et Jacques Ier et le mariage de Marguerite d’Écosse avec le dauphin. Le sr de Bazoges partit en octobre 1434, accompagné d’un écuyer écossais, Hue Kennedy. Une convention fut signée le 26 février 1435, portant que Marguerite passerait en France au mois de mai suivant. Mais le voyage fut retardé de près d’un an. Renaud Girard était encore en Écosse en février 1436 ; il partit le 15 de ce mois, comblé de présents et ramenant la future dauphine. La princesse débarqua, le 18 avril 1436, à Chef-du-Bois près la Rochelle, et le mariage eut lieu à Tours le 25 juin suivant. Charles VII donna encore mission au sr de Bazoges d’assister la duchesse de Bourgogne aux conférences de Gravelines, en janvier 1439. (Cf. M. de Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. II, p. 271, 284, 493-504, t. III, p. 35, 38, 103, 107.) L’historien de la Rochelle, Amos Barbot, rapporte la part considérable prise en 1433 par Renaud Girard, chevalier, sr de Bazoges, et Laurent Poussard, aussi chevalier, sr de Faye, « qui estoient du corps de cette ville », à une expédition maritime contre Mornac, dont les Anglais de Bordeaux s’étaient emparés depuis peu, et qui se termina par la capitulation de la place, que les srs de la Roche et de Pons assiégeaient en même temps du côté de la terre. (Arch. hist. de la Saintonge, t. XIV, p. 299.)

Les registres du Parlement fournissent aussi des renseignements d’ordre privé relatifs au sr de Bazoges. Un nommé Jean Faure, ayant obtenu une sentence lui adjugeant 400 livres tournois contre Jean Girard, écuyer, sr de Givrans, avait fait saisir certains héritages de son adversaire et voulait les faire vendre aux enchères. Renaud Girard, Jean Quenault, les chapelains de Saint-Barthélemy de la Rochelle et les religieux de l’abbaye de Torsay s’opposèrent aux criées. Un accord intervint, le 18 juin 1428, par lequel le sr de Bazoges et consorts consentirent que les revenus des héritages recueillis par les commissaires délégués par le Parlement fussent mis entre les mains de Jean Faure, mais sans préjudice de leurs causes d’opposition. (Arch. nat., X1c 135, n° 96.) Renaud Girard eut à soutenir un autre procès contre Louis d’Amboise, vicomte de Thouars, au sujet de la possession d’une part de la terre et seigneurie de Moricq, que ce dernier revendiquait comme ayant droit de Simon Ojart. Guillemette Girard, sœur de Renaud, mariée à Jean de Vaux avant 1395, avait eu en dot une partie de cette terre de Moricq ; elle eut un fils, Joachim de Vaux, qui mourut jeune, sans lignée. Le sr de Bazoges pensa alors que, comme héritier de sa sœur et de son neveu, il lui était permis de réunir cette portion à celle qu’il tenait de la succession de son père. Le vicomte de Thouars, dans la mouvance duquel se trouvait Moricq, à cause de sa baronnie de Talmont, prétendit qu’elle lui appartenait à titre d’aubaine et de fief vacant, parce que Joachim de Vaux était décédé sans hoir. Simon Ojart, de son côté, et Jean Ojart revendiquaient depuis longtemps la seigneurie de Moricq, comme leur propre héritage. Au cours du procès, Louis d’Amboise acheta leurs prétendus droits. Enfin une transaction intervint entre lui et Renaud Girard. Celui-ci paya au premier une somme de 400 écus ou réaux d’or, et par ce moyen fut reconnu propriétaire de la part litigieuse. Le vicomte de Thouars l’y reçut à foi et hommage et l’en fit mettre en possession et saisine réelle. L’accord est du 8 juillet 1430, mais il ne fut enregistré au Parlement que le 20 février 1432 n.s., après que la cour eut été autorisée à le faire, nonobstant l’emprisonnement de Louis d’Amboise, par lettres du roi du 7 septembre 1431. (Arch. nat., X1c 143, nos 28-32 ; X1a 8604, fol. 145.) Le 16 avril 1432, le Parlement confirma en appel une sentence du sénéchal de Poitou au profit de Renaud Girard contre Jacques Meschin, chevalier, au sujet d’une rente de quinze quartes de froment, qu’il réclamait à celui-ci, comme ayant droit de Marie Luneau, sa mère. A cette date, Jacques Meschin venait de mourir, laissant pour héritières Béatrice de Montjehan, sa veuve, et ses deux filles, mariées, la première à Giraud de La Noue, la seconde à Jean de Rabaines. (X1a 9192, fol. 279 v°.) Trois ans plus tard, Raymond Bonneau ayant acheté aux enchères des biens appartenant aux enfants mineurs de Jean Chaudrier, de la Rochelle, dont le sr de Bazoges était l’un des tuteurs, fut poursuivi et condamné en première instance, à la requête de celui-ci et de Jeanne de Coulaines, veuve de Chaudrier, alors remariée au sr de la Musse. (Arrêt rendu sur appel, le 26 février 1435, X1a 9193, fol. 66 bis.) Renaud Girard était aussi seigneur de la Tour-d’Anguitard à Poitiers. On conserve aux Archives de la Vienne un bail à ferme par lui passé, l’an 1430, d’un terrain situé près ladite tour. (G. 1129.)

, nous a esté exposé que, comme ledit lieu de Moric soit assis sur la rivière de Loy près de la mer, et d’illec pour aler et venir par eaue de toutes pars et nacions pour marchander, et mesmes des ysles de Ré, Oleron et Marenne, et aussi des villes de la Rochelle, Marant et autres lieux….

Sic. Mots omis par le scribe.

, auquel lieu qui est en pays fertil nostre dit conseiller a droit de chastel et chastellenie, et toute justice haulte, comme seigneur chastellain, et seroit le bien et prouffit de nous et de la chose publique, dudit exposant et des autres habitans que audit lieu de Moric eust marché une foys la sepmaine, c’est assavoir chascun jour de vendredi, si comme il dit, sy nous a humblement fait supplier que ledit marché luy vueillons octroyer. Pour quoy nous, ces choses considerées, vous mandons que par certain commissaire, ydoine et souffisant, vous, appellé nostre procureur en nostre seneschaussée de Poictou

On lit « Pontieu » au lieu de Poitou sur le registre.

, faictes diligemment enquerir du prouffit ou dommage qui s’ensuyvroit, se ledit marchié estoit audit exposant octroyé, et se seroit le prejudice d’icelluy ; et l’informacion qui faicte sera sur ce faictes apporter par devers vous, et, icelle par vous veue, pourveez audit exposant, ainsi que verrez estre à faire par raison. Car ainsi nous plaist il estre fait, et audit exposant l’avons octroyé et octroyons, de grace especial, par ces presentes. Donné à Saincte Katherine de Freboys, le xve jour d’avril l’an de grace mil cccc. cinquante avant Pasques, et de nostre règne le xxixe

Cf. ci-dessous, à la date de janvier 1453 n.s., le texte des lettres d’institution du marché de Moricq.

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MCCIV Avril 1451

Rémission accordée à Pierre Micheau, hôtelier de Moricq, commis à l’administration du prieuré de Saint-Benoît, dépendant de l’abbaye de Saint-Michel-en-l’Herm, fermier de l’imposition des xii. deniers pour livre à Moricq, et à son gendre, André Goupilleau, coupables du meurtre de Pierre Herbreteau, qui avait insulté la femme dudit Micheau.

AN JJ. 185, n° 105, fol. 81 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 220-226

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de Pierre Micheau et André Gouppilleau, son gendre, contenant que ledit Micheau, lequel tient son dommicile au lieu de Moric en la parroisse d’Angles en nostre païs de Poictou, a acoustumé tenir hostellerie et logier les poissonniers qui vont querir poisson au port dudit lieu de Moric, qui est port de mer, et ilec environ, et aussi recevoir et logier les marchans du païs de Bretagne et autres, qui ont acoustumé converser et frequenter ilec environ, pour aler querir et acheter des vins en Tallemondoys et ailleurs ou païs environ ledit lieu, pour les charger au port dudit lieu de Moric et les enmener ou païs de Bretaigne. Lequel Pierre Micheau et ung nommé Pierre Herbreteau ont esté, depuis dix ans ençà, commis et ordonnez à lever soubz nostre main le temporel du prieuré Sainct Benoist, membre deppendant de l’abbaye de Saint Michiel en Lair, lequel a esté prins et saisy en nostre dicte main pour plusieurs causes plus à plain declairées ès lettres de commission. Duquel lieu de Moric, où est demourant ledit Micheau, ledit lieu de Sainct Benoist est distant de demie lieue ou environ. Duquel prieuré de Sainct Benoist lesdiz Micheau et Gouppilleau ont prins et levé soubz nostre main plusieurs années les fruitz, prouffiz, revenues et emolumens, comme compaignons ensemble, de quoy ilz ont encores à compter au prieur dudit lieu de Sainct Benoist, lequel a, comme l’on dit, fait lever et hoster nostre dicte main dudit prieuré. Par le moyen de laquelle commission et aussi de la ferme de l’imposition de xii. deniers pour livre, de laquelle ledit Micheau estoit fermier de par nous audit lieu de Moric, ledit Pierre Herbreteau, qui demouroit aux Moustiers des Maufaiz, à deux lieues dudit lieu de Moric et aussi dudit lieu de Sainct Benoist, a souvent conversé et frequenté en l’ostel dudit Micheau audit lieu de Moric, et avecques lui y a conversé ung nommé Anthoine Caut, dudit lieu des Moustiers, qui y aloit pour ses affaires et se logeoit avecques ledit Herbreteau en l’ostel dudit Micheau, pour ce qu’ilz estoient voisins et dudit lieu des Moustiers. Lesquelz Herbreteau et Caut, le xiie jour du mois de mars derrenier passé, estans en l’ostel dudit Micheau audit lieu de Moric, en la compaignie d’aucuns marchans et poissonniers qui y estoient logiez ; et ainsi qu’ilz beuvoient et mengeoient, ledit Caut dit publiquement audit Pierre Herbreteau en adreçant ses paroles à lui, que c’estoit il qui autresfoiz avoit volu chevaucher leur hostesse, femme dudit Micheau, laquelle estoit là presente avec son dit mary. Et aussi estoit present ausdictes paroles ledit André Gouppilleau, filz de ladicte femme et gendre dudit Micheau ; mais que ladicte femme l’avoit reffusé et contredit, et l’avoit rebouté et reppousé comme une asnesse, tellement qu’il ne l’avoit peu faire. Desquelles paroles ladicte femme, qui estoit presente à icelles, fut bien esmerveillée et desplaisant et dist audit Le Caut que c’estoit mal dit à lui de dire telles paroles, lesquelles n’estoient pas vrayes et qu’il s’en teust. Aussi lui disdrent lesdiz Pierre Micheau et André Gouppilleau, filz de la dicte femme, et les autres qui estoient presens, qui blasmèrent fort ledit Caut d’avoir dit lesdictes paroles. Lequel Herbreteau, duquel ledit Caut avoit dit lesdictes paroles, ne fist pas grant response, et sembloit à sa contenance et manière que lesdictes paroles eussent esté dictes de son consentement et qu’il en eust esté et feust d’accord, combien que au derrenier et après ce que ledit Herbreteau vit et oyt que ladicte femme eust respondu audit Caut, et que les marchans qui estoient presens ausdictes paroles le eurent blasmé d’avoir dit lesdictes paroles et lui avoient dit qu’il laissast icelles paroles et qu’elles ne valoient riens, il dist qu’il estoit vray que c’estoit mal fait de dire lesdictes paroles et qu’il n’estoit riens de ce que disoit ledit Caut, et que jamais n’avoit pryé ne requis ladicte femme. Et atant se departirent lesdiz Herbreteau, Caut et autres qui y estoient ilec presens, et s’en alèrent chacun à ses affaires. Et ledit jour, devers le soir, lesdiz Herbreteau et Caut retournèrent de rechief en ladicte maison dudit Pierre Micheau, en laquelle estoient lors logiez certains marchans poissonniers de Fontenay le Conte, pour y coucher et logier, et en celle heure qui estoit environ jour faillant, survint en ladicte maison ung nommé Mathurin Jauneau, qui estoit d’ilec environ, et demanda aucuns marchans du païs de Bretaigne qui avoient logié oudit hostel, pour avoir l’argent d’un tonneau de vin qu’il leur avoit vendu ; lesquelz il ne trouva pas et s’en estoient jà partiz et retraiz pour aler coucher en leurs vesseaulx, qui estoient au port sur la mer. Lequel Jauneau ala après les diz marchans et en aconceut ung ou chemin, et le fist retourner à l’ostel dudit Pierre Micheau. Et quant il fut oudit hostel, ledit Mathurin lui demanda, en la presence desdiz Pierre Micheau, sa femme, André Gouppilleau, gendre dudit Micheau, Herbreteau et de pluseurs autres l’argent de son tonneau de vin qu’il lui avoit vendu. Auquel Jauneau ledit marchant de Bretaigne respondit que son marchant qui avoit acheté de lui ledit tonneau de vin et le devoit paier estoit jà party et s’en estoit alé à ce jour en Bretaigne par terre et que, au regard de lui, il ne le lui devoit pas paier, combien qu’il eust tasté ledit vin, et encores le paieroit il voulontiers s’il avoit argent, mais qu’il n’en avoit point, au moins tant qu’il lui en estoit deu, et que à l’autre venue qu’il vendroit ou païs il le paieroit sans nulle faulte, en le requerant qu’il lui pleust attendre. Auquel marchant ledit Jauneau respondit qu’il vouloit estre paié et qu’il ne attendroit point tant que demandoit ledit marchant, et qu’il avoit neccessité et besoing de son argent, et que avant qu’il partist du païs, qu’il seroit paié. Et lors la femme dudit Micheau dist audit Jauneau qu’il estoit bien raison qu’il feust paié, mais qu’il avoit faulte que plus tost il n’estoit venu requerir et demander son argent, avant que les autres marchans s’en feussent alez, et qu’il convenoit qu’il attendist ledit marchant à sa première venue pour estre payé, pour ce que lors il n’avoit de quoy le paier. En disant lesquelles paroles par ladicte Jehanne, ledit Herbreteau qui estoit present et retourné en l’ostel dudit Micheau, pour y coucher et logier, print les paroles pour ledit Jauneau, qui demandoit son argent et commença à tenser à ladicte Jehanne, en lui disant telles paroles : « Voire, dame, et dont ce povre homme yra après eulx sur la mer, nouant

Nouer, qui s’écrivait aussi noer, nuer et noier, signifiait nager.

comme les goilètes, querir son argent ! » Et commencèrent lors lesdiz Herbreteau et Gouppilleau à eulx entreprendre de paroles hayneuses et contencieuses. Lequel Gouppilleau dist audit Herbreteau qu’il pourroit bien avoir tort de tancer et dire tant de paroles à sa mère, comme il lui disoit. Et ledit Micheau pareillement lui dist que oyl et qu’il alast en sa maison sans tanser. Et lors ledit Caut dist audit Herbreteau qu’il alast querir sa jument et qu’ilz s’en alassent ; et se misdrent lesdiz Herbreteau et Caut à chemin pour querir la dicte jument et eulx en aler. Et eulx en alant, lesdiz Micheau et Gouppilleau, qui estoient indignez et courrouciez des paroles que avoit dictes ledit Herbreteau à la femme dudit Micheau, mère dudit Gouppilleau, saillirent hors et alèrent à l’estable où estoit la jument dudit Herbreteau, lequel aussi y aloit et tousjours tanssoit. Lesquelz, en alant, eurent pluseurs paroles entre eulx contencieuses, et disoit ledit Herbreteau pluseurs paroles injurieuses, à l’occasion desquelles et des autres qui avoient esté dictes par avant, ce mesme jour, de la femme dudit Micheau, mère dudit-Gouppilleau, dont ilz se sentoient fort injuriez, tant par ce que elles avoient esté dictes publiquement et en la presence de plusieurs marchans de divers lieux que autrement, ledit Gouppilleau, à l’occasion aussi de ce que ledit Herbreteau se voult efforcier d’assaillir, villener et injurier du corps ledit Gouppilleau et se print à lui, print une pierre et en frappa ledit Herbreteau par la teste ; et ledit Micheau, meu de chaudecole, doubtant que ledit Herbreteau le voulsist frapper ou lui courir sus, et aussi pour deffendre son dit gendre, tira son cousteau et l’en frappa ung coup ou cousté ; duquel coup ledit Herbreteau, par faulte de gouvernement ou autrement, est alé de vie à trespassement. A l’occasion duquel cas, lesdiz Micheau et Gouppilleau, doubtans rigueur de justice, se sont absentez du païs et n’y oseroient jamais retourner, se nostre grace et misericorde ne leur estoient sur ce imparties, humblement requerans que, attendu ce que dit est et que lesdiz Pierre Micheau et André Gouppilleau sont gens paisibles, de bonne fame et renommée et honneste conversacion, non actains ne convaincuz d’aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, et que ou temps dudit cas et qu’il advint, ilz estoient troublez et esmeuz des paroles dictes de la dicte femme dudit Micheau, mère dudit Gouppilleau, qui touchoient grandement son honneur, laquelle est bien renommée, et aussi parce que ledit Herbreteau se voult efforcier de courir sus audit Gouppilleau, par quoy il fut meu, pour soy deffendre, gecter ladicte pierre contre ledit Herbreteau, et que par avant lesdictes paroles dictes de la femme dudit Micheau, mère dudit Gouppilleau, n’avoit entre eulx aucune hayne precedent, debat ne division, mais conversoient et partissipoient ensemble, comme bons amis, et que ledit cas est advenu de chaudecole et pour les paroles qui avoient esté dictes de la femme dudit Micheau, et aussi de ce que ledit Herbreteau avoit tanssé et tanssoit ladicte femme, et leur avoit dit plusieurs paroles injurieuses, comme dit est, desquelles ilz estoient esmeuz et eschauffez, et aussi que c’estoit au soir et après boire, et que lesdiz Micheau et Gouppilleau sont chargez de femmes et petiz enfans, lesquelz seroient en avanture de mendier et aler miserablement querir leur vie, se les diz Micheau et Gouppilleau estoient corporelement puniz ou estoient longuement absentez du païs, il nous plaise sur ce leur impartir nos dictes grace et misericorde. Pour quoy nous, consideré ce que dit est, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, ausdiz Pierre Micheau et André Gouppilleau et à chacun d’eulx avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces presentes, aux seneschaulx de Poictou et de Xanctonge, gouverneur de la Rochelle et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou moys d’avril l’an de grace mil cccc. cinquante et ung, et de nostre règne le xxixe, après Pasques.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil, H. Machet. — Visa. Contentor.

MCCV Juin 1451

Rémission en faveur de Jean Houlereau, prisonnier à la Roche-Servière pour plusieurs vols.

AN JJ. 185, n° 117, fol. 89 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 226-227

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de Jehan Houlereau, chargé de femme grosse et de plusieurs petiz enfans, prisonnier detenu ès prisons de la Roche Servière, contenant que, puis aucun temps en ça, par povreté et neccessité en la quelle ledit Houlereau estoit tellement qu’il n’avoit bonnement de quoy nourir et entretenir sesdiz femme et enfans ne subvenir à ses neccessitez et affaires, et par temptacion de l’ennemy, icellui Houlereau de son auctorité print ou tenement de Romeffort six beufz qui estoient à Jehan Bouteron, de la Roussière, parroissien de Saint Denis de la Chevace, dont satisfacion fut faicte audit Boutheron qui l’en promist garentir. Aussi print ledit Houlereau de son auctorité une jument à la Bugnonnière en la parroisse des Essars, de laquelle fut aussi faicte satisfacion à cellui à qui elle appartenoit. Et neantmoins ledit suppliant, qui a sa dicte femme grosse d’enfant, moult marrie et adollée de ce que dit est, et ses diz enfans en si grant povreté qu’il leur convient de jour en jour mendier leurs vies, est èsdictes prisons detenu en grant povreté et misère et en voye de miserablement finer ses jours, mesmement par rigueur de justice qu’il doubte rigoreusement proceder contre lui, se nostre grace et misericorde ne lui estoit sur ce prealablement impartie, si comme il dit, humblement requerant icelle. Pour ce est il que nous, ces choses considerées, voulans misericorde estre preferée à rigueur de justice, audit Jehan Houlereau, en faveur et pour pitié de sa dicte femme et enfans, avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Poictiers, ou mois de juing l’an de grace mil cccc. cinquante et ung, et de nostre règne le xxixe.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Machet. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCCVI Juin 1451

Permission de relever les fortifications du Plessis-Sénéchal en la châtellenie de Lusignan, octroyée à Jean de Mortemer, seigneur dudit lieu et de Couhé.

AN JJ. 185, n° 231, fol. 166 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 227-229

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue la supplicacion de nostre amé et feal chevalier, Jehan de Mortemer, seigneur de Couhé

Fils de Geoffroy de Mortemer, sr de Couhé, Jean avait épousé Pernelle, sœur de père de Jean Larchevêque, sr de Taillebourg et de Soubise. La succession de ce dernier fut l’occasion d’un procès intenté à sa veuve Jeanne d’Anduze par le sr de Couhé, ayant le gouvernement et administration de Jeanne de Mortemer, sa fille, et ses beaux-frères, Guy Larchevêque, sr de Mouchamps et du Parc-Soubise, Jean Jousseaume, sr de la Forêt-sur-Sèvre et de Commequiers, et René Jousseaume, chevalier, ayant le bail des enfants de feu son fils, René Jousseaume le jeune. (Arrêt du 6 mars 1423 n.s., Arch. nat., X1a 9190, fol. 216.) A la fin de cette année, Jean de Mortemer et Briand Meschin, écuyer, son capitaine de Couhé, étaient poursuivis par l’abbé et les religieux de Notre-Dame de Valence, pour excès et violences (X2a 68, fol. 17, 18 v°), affaire dont il a été question déjà dans une note relative à B. Meschin (voy. notre t. VII, p. 12 n.). Cf. aussi un accord conclu, le 19 mars 1444 n.s., entre Jean Coussot, abbé, et l’abbaye de Valence, d’une part, et le sr de Couhé, d’autre, au sujet de quelques arrérages de rentes dues par ce dernier, touchant la moyenne et basse justice que l’abbé et les religieux prétendaient sur leurs hommes, et au sujet d’autres droits. (Coll. dom Fonteneau, t. XXVII, p. 74.)

et du Plesseis Seneschal en la chastellenie de Lezignen, contenant que ledit lieu du Pleisseis Seneschal souloit d’ancienneté estre fort, et y avoit une belle place ; la quelle, à l’occasion des guerres et divisions qui, dès longtemps a, ont esté en nostre royaume, a esté destruite et desemparée. Pour laquelle cause, ledit suppliant et ses hommes et subgiez dudit lieu, durans ces presentes et derrenières guerres, ont eu beaucoup à souffrir et soustenir de graves pertes et dommages, à cause des pilleries et roberies que les gens de guerre qui ont esté et sont en ce royaume leur ont fais et faisoient. Et pour à ce obvier, avoit advisé, tant pour la seurté de sa personne que aussi de sesdiz hommes et subgiez, et afin aussi que en cas de neccessité ilz se puissent, eulx et leurs biens, retraire seurement ou temps avenir en ladicte place, de icelle fortiffier, mais il ne vouldroit ne oseroit ce faire pour doubte de mesprendre et d’encourir nostre indignacion, sans avoir prealablement nostre congié et licence de ce faire, si comme il dit, en nous humblement requerant icellui. Pour ce est il que nous, ces choses considerées, qui voulons tousjours la salvacion de noz povres subgiez et les garder et preserver de dommage le plus que povons, audit suppliant, pour ces causes et autres à ce nous mouvans, et pour consideracion aussi des bons et aggreables services que ledit suppliant et pluseurs ses parens et amis nous ont faiz ou fait de noz guerres et autrement, avons donné et octroyé et par la teneur de ces presentes, de grace especial et auctorité royal, donnons et octroyons congié, licence et auctorité de fortiffier et emparer ladicte maison et place du Plesseis Seneschal, et de y faire fossez, murailles, paliz, pont leveis, barbacanes, freiches et toutes autres choses qui à chastel ou maison fort doivent competter et appartenir, pourveu que ladicte fortificacion ne soit aucunement dommageable à noz pays et subgiez. Si donnons en mandement par ces presentes au seneschal de Poictou, ou à son lieutenant, et à tous noz autres justiciers et officiers ou à leurs lieuxtenans, et à chascun d’eulx, si comme à luy appartendra, que, appellé nostre procureur oudit pays de Poictou, et autres qui pour ce feront à appeller, s’il leur appert ladicte fortifficacion n’estre aucunement dommageable à nous ne à noz diz subgiez, ilz de nostre presente grace, congié, licence et octroy facent, seuffrent et laissent ledit suppliant joïr et user plainement et paisiblement, sans lui mettre ou donner, ne souffrir estre mis ou donné aucun destourbier ou empeschement au contraire ; ainçois tout ce qui auroit esté ou seroit fait au contraire, faictes tout repparer, ramener et remettre tantost et sans delay au premier estat et deu. Car ainsi nous plaist il estre fait. Et afin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf, etc. Donné audit lieu de Lezignen, ou mois de juing l’an de grace mil cccc. cinquante et ung, et de nostre règne le xxixe.

Ainsi signé : Par le roy. Chaligaut. — Visa. Contentor. Chaligaut.

MCCVII Juin 1451

Rémission octroyée à Guillaume de La Touche, marchand et praticien en cour laie, demeurant à Charroux, prisonnier pour le meurtre d’Etiene Pierre, couvreur de l’abbaye dudit lieu, qui l’avait outragé.

AN JJ. 185, n° 129, fol. 98 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 229-232

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Guillaume de La Tousche

Guillaume de La Touche avait été commissaire du roi, avec Pierre Maingny et Pierre Pradeau, pour la levée des tailles en la ville et châtellenie de Charroux, et ils s’y étaient rendus coupables de malversations. Leurs noms figurent dans le compte de répartition de l’amende de dix-huit mille livres, supportée par les officiers royaux du Poitou, l’an 1447, en échange de lettres d’abolition. Ils furent taxés à la somme de dix-huit livres, pour leur part. (Arch. hist. du Poitou, t. XXXI, p. 139.)

, marchant et praticien en court laye, demourant à Charroz, contenant que, six sepmaines a ou environ, ledit suppliant et autres estans audit lieu de Charroux advisèrent ensemble qu’il seroit bon de faire retraire les chevaulx et jumens dudit lieu, afin que les gens de guerre qui passoient de jour en jour près d’ilec ne les prensissent pour les rançonner, et pour ce faire entreprindrent de faire corner retraicte, ainsi qu’il estoit acoustumé de ce faire en temps de guerre ; et afin que le guet montast au lieu où il avoit acoustumé estre, qui est une tour appellée la tour du Paraduis estant en l’abbaye dudit lieu de Charroux, ledit suppliant ala par devers l’abbé de la dicte abbaye

Jean Chaperon, de la famille duquel il a été question dans notre précédent volume (p. 311 note), est dit abbé de Charroux de l’année 1444 à 1477, « quem sane dicunt Sammarthani electum die 12 nov. ann. 1444, priorem etiam extitisse de Saint-Fraigne, d’Auzé et de Rié in Pictonibus. Memoratur autem in chartis authenticis regiæ bibliothecœ ann. 1454, die 24 junii, 1464, 2 julii, et 1476, 22 novembris. (Gallia christ., t. II, col. 1283.) Jean Chaperon exerça des poursuites criminelles au Parlement contre Bernard d’Armagnac, comte de la Basse-Marche, et ses officiers, qui s’étaient rendus coupables d’attentats et abus de pouvoir au détriment du temporel de l’abbaye. Il est question de cette affaire aux audiences des 15 novembre 1448, 3 avril et 1er septembre 1449. (Arch. nat., X2a 26, fol. 1, 13 et 31.)

et lui demanda la clef de la dicte tour, pour faire ce que dit est. Lequel luy respondi que son recouvreur, nommé Estienne Pierre, l’avoit et qu’il la luy demandast. Et lors icellui suppliant ala par devers ledit recouvreur et luy demanda ladicte clef ; mais il luy dist, en jurant la mort Dieu, qu’il n’y entreroit point. A quoy ledit suppliant respondi que le dit abbé le vouloit bien et le luy avoit dit ; et il luy dist que icellui abbé ne l’auroit pas lui mesmes, et sur ce eurent certaines grosses parolles, tellement que ledit recouvreur appella icellui suppliant « vilain mastin » et pluseurs autres parolles oultrageuses et atant se departirent. Et le lundi après la feste de la Penthecouste derrenierement passée

Le 14 juin.

, environ neuf heures devers le soir, ledit suppliant estant assis devant son hostel audit lieu de Charroux, survint ilec le compaignon dudit recouvreur, lequel luy dist en parolles arrogans : « Que dictes vous ? » A quoy icellui supliant fist responce : « Je ne vous dy riens », ou parolles semblables. Et incontinent survint pareillement ledit Estienne le recouvreur, qui estoit sus ung cousturier près d’ilec, et dist audit suppliant teles parolles ou semblables : « Villain orguilleux, tu es le plus orguilleux de ceste ville » ; et en disant les dictes parolles, avoit la dague ou poing. Et lors ledit suppliant luy demanda qu’il vouloit faire, et s’il le vouloit tuer. Lequel recouvreur s’efforça en ce disant de frapper ledit suppliant, et de fait icellui recouvreur et son dit compaignon chargèrent tellement sur luy que à peine se peut retraire et mettre chex soy ; et se n’eussent esté les gens qui illec estoient, il croit qu’ilz l’eussent tué, lesquelz empeschoient le debat à leur povoir et remisdrent les diz recouvreur et son compaignon en l’ostel du dit cousturier où ilz estoient logiez, et ledit cousturier les enferma dedans sa maison, cuidant les garder qu’ilz ne saillissent. Mais icellui recouvreur, cuidant mettre sa mauvaise et dampnable voulenté à execucion, sailly de rechief de l’ostel dudit cousturier, la dague ou poing, en menassant ledit suppliant qui encores n’estoit pas retrait dedans sa chambre, et lui vint courir sus de la dicte dague. Lequel suppliant, voyant la continuacion, voulenté et chaleur dudit recouvreur, pour obvier qu’il ne le tuast, tira ung cousteau qu’il avoit en façon de dague, que il a acoustumé porter communement, et en frappa ledit Estienne Pierre, recouvreur, ung coup au dessoubz de la mamelle, dont assez tost après il ala de vie à trespassement. A l’occasion duquel cas, ainsi avenu que dit est, ledit suppliant a esté prins et est detenu prisonnier à grant povreté et misère, et doubte que on vueille proceder à l’encontre de lui à pugnicion corporelle, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties. Et pour ce nous a humblement fait supplier et requerir que, attendu qu’il ne fust pas agresseur, etc. Pour quoy nous, les choses dessus dictes considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes aux seneschaulx de Poictou, Xanctonge et Limosin, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Saint Jehan d’Angely, ou mois de juing l’an de grace mil cccc. cinquante et ung, et de nostre règne le xxixe.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Daniel. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCCVIII Juillet 1451

Rémission octroyée à Pierre Queyraud, écuyer, détenu prisonnier à Commequiers pour complicité dans l’assassinat de Jean Lorson, prieur de Soullans, perpétré seize ans auparavant.

AN JJ. 185, n° 143, fol. 109 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 232-239

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Pierre Queyraud

Les renseignements sur cette famille sont très rares. Nous pouvons cependant citer un accord conclu, le 15 janvier 1427 n.s., entre Jean Queyraut, écuyer, seigneur de la Pépinière, qui pourrait avoir été le frère aîné de Pierre, et Jean Eschalart, chevalier, sr de la Boulaye. Ce dernier avait acquis de feu Jean Baudriau les fiefs de la Marzelle, de l’Oriollière et de la Planche, qui étaient tenus à hommage plein de la seigneurie de la Pépinière, et comme il n’avait pas obéi à la coutume et fait « exhibition au suzerain du contrat de vente », Queyraut avait fait saisir lesdits lieux pour manquement au devoir féodal. La transaction qui mit fin au litige porte que les lieux saisis demeureront la propriété de Jean Eschalart et qu’il en obtiendra mainlevée, à condition de payer à Jean Queyraut le droit de rachat dû à cause de la mort de Jean Baudriau et qu’il se reconnaîtra tenu à faire hommage audit seigneur de la Pépinière. Elle fut passée le 27 décembre 1426, en présence de Guyon, seigneur du Puy-du-Fou, Jean Fouchier, seigneur de l’Esmentruère, Simon Eschalart, sr de Maillé, Pierre Bouhet, sr de Langebaudière, Jacques du Puy-du-Fou, écuyer, etc., et entérinée au Parlement le 15 janvier suivant. (Arch. nat., X1c 133, n° 2.) La complicité de Pierre Queyraut dans le meurtre du prieur de Soullans avait été dénoncée, au pied de l’échafaud, par Jean Philippe, le 21 juillet 1435. (Id., X2a 21, à la date.)

, povre escuier puisné, contenant que, comme jà pieça icellui suppliant et autres manans et habitans de la parroisse de Soulans en nostre pays de Poictou, en laquelle il estoit demourant, ensemble sa femme et ses enfans, conceurent très grant haine à l’encontre de frère Jehan Lorsson

Avant de périr assassiné en 1435, Jean Lorson avait eu à subir, par suite de son avidité et de son caractère altier, bien des persécutions. Après avoir fait de bonnes études à Paris, il était devenu secrétaire, d’abord du cardinal de Vergy (Guillaume de Vergy, archevêque de Besançon, cardinal, 1398, mort en 1407) et ensuite du cardinal de Milet (Conrad Carraccioli, napolitain, archevêque de Nicosie, transféré à l’évêché de Mileto, 1402, cardinal en 1405, chargé par le pape Alexandre V d’une légation en France, 1409-1410, mort en 1411), et à leur service il avait acquis, disait-il, « moult de beaux meubles ». Revenu en Poitou, après le décès de son dernier protecteur, il s’était fait religieux à l’abbaye de Nieul-sur-l’Autize. Il fut successivement prieur du Fougeré, de la « Charonière », de l’Angle-aux-Chanoines, « qui estoit de grant revenu en blé et en vins », et enfin, vers 1430, prieur curé de Soullans. Le frère de sa mère, Guillaume Crespin, avait été serviteur de Thibault VIII Chabot, seigneur de la Grève. Jean Lorson profita de ces relations pour se lier avec Louis Chabot, fils de Thibaut, qui était en mauvais termes avec son père ; il lui rendit des services et lui vint même en aide pécuniairement. Il fit si bien que celui-ci se l’attacha en qualité d’intendant et lui abandonna l’administration de ses biens, quand il en eut la jouissance, après la mort de Thibaut. Lorson s’était imposé, paraît-il, à la faiblesse de celui-ci et, pendant la courte existence de Louis Chabot, il abusa de sa situation et s’enrichit au détriment de son maître. Du moins il en fut accusé par les fils de Louis, Thibaut IX, devenu seigneur de la Grève, et Renaud. Soit qu’ils eussent réellement à se plaindre de son administration et qu’ils poursuivissent, comme ils le prétendaient, la réparation des vols dont ils avaient été victimes, soit, ce qui semble plus vraisemblable d’après les pièces du procès, qu’ils eussent résolu de s’emparer de ses richesses, bien ou mal acquises, de concert avec Guillaume, seigneur d’Argenton, beau-père de Thibaut IX, ils s’assurèrent par surprise de la personne de Jean Lorson, qu’ils firent prendre à Chantemerle par une troupe armée, dirigée par Renaud Chabot et par Bertrand de Vaux, capitaine de Jarnac. Après avoir fait main basse sur tout ce qu’ils trouvèrent dans son hôtel, ils le traînèrent de prison en prison et lui firent subir les pires traitements. En route, il put s’échapper un instant et se réfugia en franchise dans une église ; mais il en fut arraché de force et accablé de coups. Il fut ensuite mis en un cachot pendant deux mois au château de Pressigny, au pain et à l’eau et enferré si étroitement que ses membres saignaient.

Jean Lorson ayant fait appel de ces violences au Parlement, nous le retrouvons prisonnier à Poitiers, au mois de mars 1425. L’affaire fut plaidée les 15 et 22 de ce mois. Les avocats exposèrent en détail, l’un les actes de violence dont le prieur avait à se plaindre, l’autre les nombreux méfaits que lui imputaient les frères Chabot et le sr d’Argenton. Il serait beaucoup trop long de les suivre et même de les résumer. Blasphèmes quotidiens, malversations, vols, faux, tentatives de meurtre et d’incendie, telles étaient les charges relevées contre Lorson. Il s’était vanté, disait-on, d’avoir gagné en une seule année douze mille écus sur Louis Chabot, quand il avait le gouvernement de sa maison. Son but était de ruiner entièrement les fis de son maître. Lors de son arrestation, une perquisition faite chez lui avait amené la découverte d’argenterie et de joyaux appartenant au sr de la Grève. Même, depuis qu’il était prisonnier, il avait juré qu’il « détruirait » Thibaut Chabot et que le sire d’Argenton ne périrait que de sa main. D’autres accusateurs, personnages aussi importants, s’étaient joints aux frères Chabot. Jean Rabateau, se rendant pour le service du roi, le dimanche avant la saint Michel 1424, de Fontenay-le-Comte à Saint-Maixent, avait été battu et détroussé par les Bretons de la garnison des Essarts, qui s’étaient mis en deux embuscades. Il prétendait avoir reconnu Jean Lorson armé parmi ses agresseurs. On savait dans le pays qu’il avait également des accointances avec ceux de Châteaumur, et l’abbé de l’Absie, qui avait été pillé, déclarait que le prieur de l’Angle était certainement l’instigateur des vols. Le Parlement eut d’abord à régler la question de compétence. L’abbé de Nieul, l’évêque de Luçon et l’évêque de Poitiers se disputaient le prisonnier : le premier disait que Lorson étant son religieux, la connaissance lui en appartenait, même in causa criminali ; le deuxième, sous prétexte que le prieuré de l’Angle, domicile réel de l’accusé, était dans son diocèse, le réclamait comme son sujet ; quant à l’évêque de Poitiers, il prétendait avoir la juridiction totale sur les clercs délinquants et faisait remarquer que d’ailleurs certains des délits avaient été commis dans son diocèse. Ce dernier obtint la garde du prisonnier, à l’élargissement duquel le sire d’Argenton, les frères Chabot, l’abbé de l’Absie et Jean Rabateau s’opposaient unanimement. Mais la cour retint le jugement du procès. Le 29 mars, Lorson répondit à ses adversaires, les accusa de n’agir que par haine contre lui et nia toutes les charges qu’ils lui imposaient. Puis il revint sur les odieux traitements dont il avait été victime. Tout ce qu’il avait chez lui à la Grève, à Chantemerle et ailleurs avait été pris sans inventaire. Son père et sa mère, sans considération pour leur grand âge, avaient été jetés hors de leur domicile. Son frère, Guillaume Lorson, avait été mis en prison et menacé de mort, etc. Le 16 avril, le prieur, qui jusque-là avait été détenu à la Conciergerie du Palais en la chambre du concierge, fut derechef baillé, « par manière de garde et prisons empruntées », à l’évêque de Poitiers, que la cour exhorta à tenir ledit frère « en prison honneste et moins grevable que faire se pourra ». Puis, le 25 mai, fut rendu un premier arrêt, favorable à l’accusé. Il portait que les parties seraient tenues de faire la preuve de ce qu’elles avançaient, et en conséquence prescrivait une enquête. En attendant Lorson serait remis en liberté ; Thibaut Chabot devait lui bailler par écrit une déclaration des points sur lesquels il entendait lui demander des comptes, et faire mettre entre les mains de la cour réellement et de fait tous les biens qu’il avouait avoir fait saisir chez l’accusé. Le 23 juin, autre arrêt. La cour prononce disjonction en ce qui concerne l’accusation portée par Jean Rabateau, ordonne une enquête sur ce point spécial, et déclare de nouveau que Lorson sera élargi ubique et que ses biens lui seront rendus. (Arch. nat., X1a 9190, fol. 344 v° ; X1a 9198, fol. 45, 48, 53, 56, 87 ; X2a 19, fol. 18 ; X2a 20, fol. 8 ; X2a 21, fol. 28, 31.)

L’affaire suivit son cours. A la fin de l’année 1425, Thibaut Chabot, qui servait à l’armée, demanda à la cour de le dispenser de venir en personne et de lui permettre de se faire représenter par procureur. Si aucune charge n’avait pesé sur lui, cette requête eût été admise sans difficulté. Mais Jouvenel, l’avocat du prieur, la combattit de toutes ses forces, disant que Thibaut avait refusé d’obéir à l’arrêt du 25 mai. Le premier huissier du Parlement le lui avait signifié à Poitiers, en l’abbaye de Saint-Hilaire, où logeait alors le connétable de Richemont, en la compagnie duquel se trouvaient les srs de la Grève et d’Argenton. Au commandement qui lui fut fait de restituer les biens saisis, il tira sa dague et voulut en frapper Jean Lorson, déclarant qu’il le tuerait. Et depuis il avait fait maltraiter et piller le père du prieur, âgé de quatre-vingts ans, et son frère Guillaume, qui fut mutilé, percé de vingt-cinq blessures par les hommes des Chabot et mené prisonnier aux Essarts. Celui-ci guérit néanmoins, et quand Thibaut le sut, il entra dans une violente colère et s’écria : « J’avais donné l’ordre qu’il fût pendu. » Jean Rabateau plaida pour Chabot et insista, malgré tout, pour qu’un procureur pût se présenter à sa place aux ajournements. (Id., X2a 18, fol. 83 v°.) Depuis, il n’est plus question de ces poursuites sur les registres du Parlement. Il est probable que le procès était encore pendant lorsque Thibaut IX Chabot, sr de la Grève, fut tué à la journée dite des harengs (12 février 1429).

C’est vers cette époque que Jean Lorson fut transféré au prieuré-cure de Soullans. Le 10 décembre 1432, nous le retrouvons, avec ce titre, devant la cour. De concert avec Jean Gordeau et Jean Lortie, écuyers, il avait porté plainte contre Jean Jousseaume, sr de la Geffardière, tuteur des enfants mineurs de feu Jean Jousseaume, sr de Commequiers, qui les avait fait expulser de force de ce château, sans même vouloir leur rendre les vivres qu’ils y avaient apportés. Perceval Chabot, sr de la Turmelière, s’était, peu de temps auparavant, emparé de Commequiers, qu’il prétendait lui appartenir, mais par arrêt récréance en avait été faite, en attendant l’issue du procès engagé, aux mineurs Jousseaume. C’est alors que le sr de la Geffardière, sous prétexte que Lorson, Gordeau et Lortie avaient soutenu le parti de Perceval, les fit mettre dehors. Non content de cette exécution sommaire, Jean Jousseaume les fit traquer par les gens qui tenaient garnison à Commequiers. Plusieurs d’entre eux avaient envahi l’église de Soullans pendant que le prieur y accomplissait Ie service divin, et s’étaient efforcés de le tuer ; il n’avait pu qu’à grand’peine échapper à leur fureur. La cour ordonna que le sr de la Geffardière viendrait quam citius répondre de ces faits. (Id., X1a 9200, fol. 110 v°.) On voit que Jean Lorson était véritablement prédestiné à finir de mort violente.

, lors prieur curé dudit lieu de Soulans, à l’occasion de sa mauvaise vie et gouvernement, et des debatz et noises qu’il avoit tousjours à sesdiz parroissiens, et qu’il vouloit tousjours user de fait à l’encontre d’eulx, et en mettant sa mauvaise voulenté à execucion fist faire pluseurs maulx et dommages à iceulx manans et habitans par pluseurs gens de guerre qui estoient lors en garnison en nostre dit pays de Poictou, tant Bretons que autres ; et qui pis est, icellui Lorson ne voult onques ensepulturer ung appellé Jehan Morineau, son parroissien, combien qu’il eust eu confession, receu le corps Jhesu Crist et eu tous ses sacremens de saincte Eglise, comme bon catholique, et convint à la vefve et heritiers d’icellui Morineau composer audit Lorson à la somme de cent royaulx qu’il le voulsist mettre en terre sainte ne luy bailler sepulture ecclesiastique. Et pareillement par sa mauvaistié ne voult ensepulturer une povre femme de sa dicte parroisse, combien qu’elle fut trespassée bonne catholique, et la mengèrent les pourceaulx. Et avecques ce icellui Lorson reffusa de baptiser ung enffant né en sa dicte parroisse, lequel par sa faulte ala de vie à trespassement sans baptesme. Et fist et donna ledit Lorson, durant ledit temps, pluseurs maulx et oultrages à ses diz parroissiens, telement que par le moyen d’iceulx les diz parroissiens, voyans qu’ilz n’en povoient avoir raison ne justice pour les guerres et divisions qui estoient lors, conspirèrent de le faire morir. Et ung certain jour, s’assemblèrent ledit suppliant, Jehan Philipes, Estienne Bernard,

Jean Philippes et Étienne Bernard, les deux principaux coupables du meurtre du prieur de Soullans, avaient obtenu des lettres de rémission, et la cour du sénéchal de Poitou, présidée par le lieutenant général, avait consenti à leur entérinement. Mais le procureur général releva appel de cette décision et le Parlement, jugeant que, pour mettre un terme aux violences contre les personnes qui se multipliaient alors dans des proportions effrayantes, un exemple était nécessaire, refusa aux meurtriers le bénéfice de la grâce royale et les fit exécuter. Voici le dictum de l’arrêt qui fut rendu contre eux, le 16 juillet 1435 : « Il sera dit qu’il a esté mal fait et mal appoincté par ledit seneschal ou son lieutenant, et bien appelé par ledit procureur, et en faisant ce que ledit seneschal ou son lieutenant deust avoir fait, sera dit que la court ne obtempère point aux lettres de rémission impetrées par lesdiz Philipes et Bernard sur le meurtre commis en la personne de feu frère Jehan Lorson, prieur de Soullans, et que, nonobstant icelles, ilz seront penduz au gibet et estranglez. Et ordonne la court que sur leurs biens sera prinse la somme de cxxv. livres, chacun par moitié, pour convertir et employer, assavoir cent livres en euvres pies pour le salut de l’âme du defunt, deux anniversaires chaque jour de l’an, c’est-à-dire une messe en l’église de Soulans, où fut fait ledit meurtre, et l’autre en la ville de Poictiers, moitié en l’eglise des Jacobins, moitié en celle des Cordeliers, et les xxv. livres seront pour les despens desdiz prisonniers et pour les frais de leur execution. » Cet arrêt fut prononcé aux deux meurtriers, le jeudi 21 juillet, et ils furent immédiatement livrés au bourreau. « Ce jour furent executez à mort Jehan Philippes et Estienne Bernard, et eulx estans devant le gibet, deirent à moy J. d’Asnières, presens Maurice Barbier et Geufroy Le Vavasseur, les choses qui s’ensuivent : c’est assavoir ledit Jehan Philippes que Pierre Queraut et Jehan Baillaut (ou Vaillant) estoient consentans de la mort de feu frère Jehan Lorson, en son vivant prieur de Soulans, et qu’il n’estoit recors s’il les avoit nommez ou procès, et pour ce les nommoit et declairoit lors ; et ledit Estienne Bernard que oudit procès il avoit accusé Pierre Farineau, Jehan Mayner et Pierre Chauvet d’estre et avoir esté coulpables et consentans de la mort dudit feu frère Jehan de Lorson, et toutes voies que pour vray ilz n’en furent oncques consentans, mais seulement de le batre, et pour ce les desaccusoit de ladicte mort. » (Arch. nat., X2a 21, dates des 16 et 21 juillet 1435.)

On lit sur le même registre, au 10 décembre de la même année, que la cour évoqua la connaissance de toutes les causes introduites et pendantes en la cour du sénéchal de Poitou à cause du meurtre de J. Lorson, jadis prieur de l’Angle et de Soullans. Ce jour, Louis Bernard, habitant de cette dernière localité, prisonnier à la Conciergerie comme complice de l’assassinat, fut élargi par la ville de Poitiers seulement et s’engagea à ne pas en sortir. Puis, le 23 décembre, il fut remis en pleine liberté, à condition de se représenter devant la cour à toute réquisition. Enfin, le 4 avril 1436, on trouve un décret d’adjudication, moyennant 45 livres tournois, à Jean Philippes, damoiseau, sr de Bissus, du manoir ou village (manerium seu villagium) de la Roche-des-Loups, en la paroisse de Montigny, châtellenie de Châteaumur, ayant appartenu à Jean Philippes, l’un des meurtriers de Jean Lorson, ledit manoir saisi et vendu aux enchères publiques, parce que l’amende de 125 livres tournois, dont il est question dans l’arrêt du 16 juillet 1435, n’avait pas été fournie intégralement par le produit des biens meubles desdits Philippes et Étienne Bernard. (Id., X2a 20, fol. 91 v°.)

et autres parroissiens dudit lieu de Soulans en une chappelle nommée la chappelle de Nostre Dame du Puy, soubz esperance de tuer ledit Lorson, qu’ilz cuidèrent trouver en ung certain bois près dudit prieuré de Soulans. Icellui Lorson n’y vint point. Et depuis ledit suppliant, ayant remors de conscience, ne voult assister ne donner consentement ne voulenté que on tuast icellui Lorson, mais se departi de tout en tout de la dicte conspiration. Et certain temps après, les diz parroissiens ou aucuns d’eulx firent morir ledit Lorson, sans ce que ledit suppliant en sceust aucune chose, fors ce que dessus est dit, jusques après la chose faicte et acomplie. Pour occasion duquel cas, les diz habitans, mesmement ceulx qui l’avoient commis, furent executez par justice, et ledit suppliant, doubtant la rigueur d’icelle, se absenta du pays et delaissa et habandonna sa femme et mesnage, et n’y retourna depuis le dit cas avenu, qui fut xv. ou xvi. ans a ou environ, jusques puis nagaires qu’il s’en est retourné en son hostel. Et tantost après les gens de la justice de Commiquiers, dont il est subgiet, l’ont mené prisonnier au dit lieu de Commiquiers, où il est de present detenu en prison fermée, à l’occasion dudit cas, où il est en voye de miserablement finer ses jours, et doubte que on vueille proceder contre luy à punicion corporelle, se nostre grace et misericorde ne luy estoient sur ce imparties. Et pour ce, nous a humblement fait supplier et requerir que, attendu ce que dit est, que il ne fut point à faire ledit murtre et n’en savoit aucune chose, et ne cuidoit point que, après ce que luy et les autres eurent failly à trouver [ledit prieur] oudit bois, qu’on deust plus proceder à l’acomplissement de la dicte conspiracion, que ledit suppliant ne fut onques actaint d’aucun autre vilain cas, blasme ou reprouche, et nous a servi et ses predecesseurs au fait de noz guerres, comme les autres nobles de nostre royaume, que justice et punicion a esté faicte de ceulx qui firent et commirent le dit cas, ou de la pluspart d’iceulx, le long temps qu’il a esté fuytif et absent, il nous plaise nos dictes grace et misericorde lui impartir. Pour quoy nous, les choses dessus dictes considerées, voulans misericorde estre preferée à rigueur de justice, à icelluy suppliant avons ou cas dessus dit, remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Xainctes, ou mois de juillet l’an de grace mil cccc. cinquante et ung, et de nostre règne le xxixe.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Daniel. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCCIX Juillet 1451

Rémission en faveur de Jean Legé, du Poiré-sous-la-Roche-sur-Yon, coupable du meurtre de Jean Chauchet dans une rixe.

AN JJ. 185, n° 149, fol. 114 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 239-241

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan Legé, filz de Guillaume Legé, povre homme de labour, chargié de femme et de quatre filles à marier, de la parroisse du Peyré près la Roche sur Oyon en nostre païs de Poictou, contenant que audit Guillaume Legé, père dudit suppliant, compette et appartient par heritage certaine pièce de terre labourable, assise en la parroisse de la Genestoie, laquelle ledit Guillaume Legé, père dudit suppliant, avoit pieça bailliée par tiltre de louage à certain temps prefix à ung nommé Jehan Chauchet, parroissien dudit lieu de la Genestoie. Et après ce que le temps dudit louage fut escheu et passé, qui puet avoir cincq ans ou environ, ledit père dudit suppliant et lui aussi requisdrent par pluseurs foiz audit Chauchet qu’il leur rendit leur dicte pièce de terre et qu’il n’y feist plus aucun labour ; ce qu’il ne voult faire, mais s’en voult ensaisiner et icelle detenir et exploictier. Laquelle chose veant ledit suppliant, considerant que son dit père et sa mère estoient debilitez et anciens, et qu’il avoit la principale charge de leur labour et du soustenement de leur ostel, vit ung jour entre les autres ledit Chauchet labourant en ladicte terre, acompagnié de Françoys Chauchet et ung sien varlet, qui lui aidoient, et lors ala requerir audit Jehan Chauchet qu’il se desistast de plus y labourer et la leur rendist, ainsi que faire devoit. Lequel Chauchet en fust refusant et contredisant et respondit audit suppliant pluseurs grosses et malgracieuses parolles, par quoy ledit suppliant, voulant empescher que ledit Chauchet ne labourast plus en ladicte terre, ala querir ung pal en une haye près d’ilec, et se mist tantost après, ledit pal en sa main, devant les beufz dudit Chauchet, labourans en ladicte terre. Et lors ledit Chauchet, meu de mauvaise voulenté, vint, ung autre pal en sa main, au devant des beufz que menoient labourant lesdiz Françoys, son frère, et varlet, où estoit ledit suppliant qui seulement vouloit empescher qu’ilz ne labourassent plus. Lequel suppliant, doubtant que ledit Jehan Chauchet qui venoit vers luy, le voulsist frapper, ledit suppliant leva son dit pal qu’il avoit sur son col et en bailla sur les doiz audit Jehan Chauchet ; et incontinent ledit Jehan Chauchet leva son dit pal et en donna sur la teste dudit suppliant tellement qu’il cheut à terre, et ledit Chauchet se mist sur luy, et atant se departirent. Lequel suppliant en soy retournant vers ladicte charrue et ainsi qu’il avoit le doz tourné audit Chauchet, icellui Chauchet, continuant en son mauvaiz propoz, poursuivy tousjours ledit suppliant et en le poursuivant le promouvoit de parolles à noyse et debat. Laquelle chose veant, icellui suppliant qui estoit esmeu et eschauffé de ce que ledit Chauchet l’avoit batu et fait cheoir, et doubtant que encores voulsist faire, ainsi qu’il estoit vraissemblable à croire, se retourna hastivement vers ledit Chauchet et soubzdainement en arrière main, sans aviser à ce qu’il faisoit, en soy tournant, frappa ledit Chauchet du pal qu’il avoit sur la teste telement qu’il cheut à terre, et dedans sept ou huit jours après, par le moyen dudit cop, par faulte de bon gouvernement ou autrement, ala de vie à trespassement. Pour occasion duquel cas, ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, dès ledit temps s’absenta du pays et y delaissa sesdiz père et mère, vieulx et debilitez, et aussi sa femme et sa fille despourveuz de leur vie, et n’y oseroit jamais retourner ne converser, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties. Requerant humblement que, attendu que ledit Chauchet en soy retournant il ne le cuidoit pas frapper sur la teste, et que en tous autres cas il est de bonne fame, renommée et honneste conversacion, en aiant aussi pitié et compassion de sesdiz père et mère, femme et filles, et afin qu’ilz ne cheent en mendicité, et que ses dictes femme et filles ne soient contraintes par povreté de mener vie dissolue, il nous plaise sur ce luy impartir nostre grace et misericorde. Pour ce est il que nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, aux seneschal de Poictou et bailli de Touraine et des ressors et exempcions d’Anjou et du Maine, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Taillebourg, ou moys de juillet l’an de grace mil cccc.li, et de nostre règne le xxixme, soubz nostre seel ordonné en l’absence du grant.

Ainsi signé : Par le conseil. Badovilier. — Visa. Contentor. Chaligaut.

MCCX 17 août 1451

Permission à Hublet du Plessis, écuyer, de fortifier son lieu du Plessis, sis en la terre et seigneurie de Saint-Maixent.

AN JJ. 185, n° 186, fol. 141 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 241-243

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de nostre bien amé Hublet du Plessis, escuier, seigneur dudit lieu du Plessis, situé en la terre et seigneurie de Saint Maixent

Le 14 juin 1464, Hublet du Plaisseis, éc., sgr du Plaisseis (Le Plessis-sur-Augé), consent que Jean Asse et ses successeurs, tiennent désormais leur hôtel du Plessis (Le Plessis-Asse) de Jean de Choursses, seigneur de Faye, et de Marie de Vivonne, sa femme. (Arch. de la baronnie d’Aubigny et Faye.)

, contenant que puis aucuns ans ença, pour la seureté de lui et de ses biens et d’aucuns hommes qu’il a près dudit lieu du Plessis, il y commença à faire fortifier, et jà y a fait bon hostel et beaucop despendu du sien, ne cuidant aucunement mesprendre, mais puis nagaires on luy a dit que pour ce qu’il n’a sur ce licence de nous, que on luy pourroit licitement faire demolir son dit hostel et qu’il encourroit envers nous en grant peine et dangier ; et pour ce nous ait humblement fait supplier et requerir que, attendu qu’il a faicte faire icelle fortificacion pour la conservacion de luy et de ses biens seulement, aussi que il a entencion de avoir sur ce le consentement de nostre très chier et très amé frère et cousin Charles, conte du Maine, seigneur dudit lieu de Saint Maixent

Charles d’Anjou, comte du Maine, était seigneur de Saint-Maixent par don qu’il en avait eu de Charles VII, en février 1443, en même temps que de Melle, Civray, Chizé et Sainte-Néomaye. Le texte de cette donation est imprimé dans notre précédent volume, p. 146.

, il nous plaise sur ce luy impartir nostre grace. Pour ce est il que nous, ces choses considerées et pour consideracion de pluseurs bons services qu’il nous a faiz ou fait de noz guerres, avons eu et avons agreable tout ce que par luy a esté fait et ediffié audit lieu du Plessis en fortificacion, et ne voulons que aucune chose luy en soit imputée ou demandée, ne aux siens, ne pour ce donné aucun destourbier en ladicte fortificacion. Et en oultre avons audit suppliant donné et octroyé, donnons et octroyons, de grace especial, plaine puissance et auctorité royal, par ces presentes, congié et licence de parachever de fortifier et clorre ledit lieu du Plessis de murs, tours, creneaulx, barbecanes, fossez, pontleveiz et autres choses neccessaires à fortificacion, pourveu toutevoyes que à ce se consente nostre dit frère et cousin ou autre seigneur feodal, et que nonobstant la dicte fortificacion, les hommes dudit suppliant seront tenuz de faire guet et garde là où ilz ont acoustumé faire d’ancienneté. Si donnons en mandement au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, et à chascun d’eulx, si comme à luy appartendra, que ledit Hublet suppliant et les siens facent, seuffrent et laissent joïr et user paisiblement et à plain de nostre presente grace et octroy, sans pour ce luy faire ne souffrir estre fait aucun destourbier ou empeschement, en quelque manière que ce soit ; ainçois se fait, mis ou donné leur avoit esté ou estoit, si l’ostent ou facent oster et mettre sans delay au premier estat et deu. Et afin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné à Taillebourg, le xviime jour d’aoust l’an de grace mil cccc. cinquante et ung, et de nostre règne le xxixme.

Ainsi signé : Par le roy, l’evesque d’Agde

L’évêque d’Agde était alors Étienne de Roupy, dit de Cambrai (26 juillet 1448 à 1462).

, l’admiral

Jean de Bueil, comte de Sancerre, avait succédé, à la fin de l’année précédente, comme amiral de France, à Prégent de Coëtivy.

, les sires de la Forest

Il s’agit sans doute de Louis de Beaumont, seigneur de Vallans et de la Forêt-sur-Sèvre par suite de son mariage avec Jeanne Jousseaume, chambellan du roi, qui était sénéchal de Poitou depuis le 3 avril précédent.

et de Montsoreau

Jean de Chambes, seigneur de Montsoreau, premier maître d’hôtel du roi, sur lequel cf. notre volume précédent, p. 131, note 3.

, et autres presens. De La Loère. — Visa. Contentor. Chaligaut.

MCCXI Octobre 1451

Lettres de rémission accordées à Guillaume de Celle, de la ville de Bourganeuf « ou ressort de Poictou

Il est curieux de noter qu’à cette époque le ressort du Poitou s’étendait jusqu’à Bourganeuf dans la Haute-Marche. Néanmoins nous ne croyons pas devoir donner le texte de ces lettres, malgré leur intérêt particulier, les personnes et les localités dont il y est question n’appartenant pas en réalité au Poitou.

 ». Il avait aidé avec plusieurs autres habitants dudit lieu frère Louis Augustin, abbé légitime depuis vingt-cinq ans de Notre-Dame-du-Palais

Les auteurs de la Gallia christiana n’ont point connu le nom de cet abbé.

près Bourganeuf, diocèse de Limoges, et maintenu par arrêt en possession de ladite abbaye, à la reprendre de force sur Jacques de Codert, qui s’en était emparé, pendant une absence de l’abbé, et l’occupait avec ses complices. Lors d’un véritable siège qu’il soutint contre les gens de frère Louis Augustin, Jacques de Codert fut tué d’un trait d’arbalète au front

Le même jour des lettres semblables furent scellées et expédiées au profit de Jean Griveau et de Jean Quarreau, autres complices de la mort de Jacques de Codert (JJ. 185, fol. 170) ; et en mai 1452, à Tours, les frères Mercier, aussi de Bourganeuf et compromis dans la même affaire, obtinrent aussi leur rémission. (JJ. 181, n° 89, fol. 47 v°).

. « Donné à Nyort, ou mois d’octobre l’an de grace mil cccc. cinquante et ung, et de nostre règne le xxixme ».

AN JJ. 185, n° 236, fol. 199 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 243-244

MCCXII 18 novembre 1451

Lettres d’anoblissement en faveur de Philippe Payen, de Saint-Maixent.

AN JJ. 185, n° 249, fol. 177 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 244-246

Karolus, etc. Ad perpetuam rei memoriam. Decens et juri consonum arbitramur illos nobilitatibus et aliis prerogativis muniri, quos probos et fideles, vita laudabili, morum honestate aliis que virtutum insigniis decoratos adinvenit regia magestas. Sane, licet dilectus noster Philipus Pagani

Philippe Payen était le fils aîné d’Itier Payen, marchand de Saint-Maixent, et de Jeanne de Launaye. On le trouve qualifié bourgeois de Saint-Maixent (1445), seigneur de Vilaines (1453) et de terres à Augé. Il mourut en 1455, après avoir fondé des chapellenies à l’autel des Payens en l’église de Saint-Saturnin de Saint-Maixent. Marié à Mathurine Brunet, ils n’eurent qu’une fille, Jeanne, décédée avant son père. Philippe eut deux frères : Pierre Payen, marchand à Parthenay (1433), bourgeois de Saint-Maixent (1450), seigneur de Chauray (1450), et Jean, seigneur de la Foleresse, paroisse de Sully, dit de Mirebeau. (Généalogie manuscrite, communiquée par M.A. Richard.) Mathurine Brunet, dite « veuve de feu noble Philippon Païen », vivait encore le 16 décembre 1483. A cette date, elle rendit aveu de divers domaines sis dans la paroisse de Nanteuil, tenus du château de Saint-Maixent, à hommage plein, au devoir de quarante sous et à vingt sous de service. (Arch. nat., P. 5193, n° 1489.) De Pierre Payen on peut citer aussi un aveu du 16 août 1449 pour le fief de « Courlu » (Corlieu), mouvant aussi du château de Saint-Maixent. (Id., P. 5192, n° 1394.)

, burgensis Sancti Maxencii, libere condicionis et de legitimo matrimonio, ex plebeis parentibus sumpserit originem, vita tamen laudabilis, morum honestas alieque plurime virtutes quibus persona ejus insignitur, vera eciam ipsius apud nos fidelitas ipsum nobilem in suis actibus reddunt et nos merito inducunt ut ergà eum reddamur ad gratiam liberales. Notum igitur facimus universis, presentibus et futuris, quod nos, premissorum consideracione nec non gratuitorum serviciorum nobis per ipsum Philipum Pagani multimode impensorum, ipsum et ejus prolem et posteritatem, masculinam et femininam, in legitimo matrimonio procreandam, nobilitavimus et ex certa nostra sciencia, gracia speciali auctoritateque regia, nobilem facimus et creamus per presentes, expresse concedentes ut ipse ejusque posteritas et proles predicta nascitura in omnibus suis actibus, in judicio et extra, ab omnibus pro nobilibus reputentur, habeantur et perpetuo censeantur, et habiles reddimus ut ipsi universis et singulis privilegiis, prerogativis, libertatibus et aliis juribus, quibus ceteri nobiles regni nostri, ex nobili stirpite et genere procreati, uti et gaudere consueverunt, utantur et gaudeant pacifice et fruantur ; ipsum aliorum regni nostri nobilium, ex nobili prosapia natorum, numero et cetui aggregantes, licet ipse Philipus Pagani ex nobili genere ortum non habuerit. Volentes insuper et concedentes eidem ut ipse et dicta ejus proles et posteritas masculina, dum et quociens ei placuerit, a quocumque milite cingulum milicie valeant adipisci, et feoda, retrofeoda ac res nobiles a nobilibus et quibuscumque aliis acquirere et jam acquisita necnon acquirenda retinere et possidere pacifice, absque eo quod ea vel eas nunc vel futuro tempore, innobilitatis occasione, extra manum suam ponere vel alienare cogantur ; solvendo tamen nobis hac vice dumtaxat finenciam moderatam. Quocirca dilectis et fidelibus nostris gentibus compotorum nostrorum et thesaurariis ac senescallis Pictavensi et Xanctonensi, ceterisque justiciariis et officiariis nostris, aut eorum locatenentibus, presentibus et futuris, et eorum cuilibet, prout ad eum pertinuerit, tenore presentium mandamus quatinus nostris presentibus nobilitacione, concessione et gracia dictum Philipum Pagani et ejus posteritatem, masculinam et femininam, in legitimo matrimonio nascituram, uti et gaudere faciant et permittant, absque quovis impedimento. Quod ut firmum et stabile perpetuo perseveret, nostrum presentibus jussimus apponi sigillum. Nostro tamen in ceteris, alieno in omnibus juribus semper salvis. Datum apud Villam Dei de Comblé

Le château de la Villedieu appartenait à Étienne Gillier. Charles VII y séjourna pendant les mois d’octobre et de novembre 1451, tandis que s’instruisait à Lusignan le procès de Jacques Cœur. (De Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. V, p. 76.)

, die decima octava mensis novembris anno Domini millesimo quadringentesimo quinquagesimo primo, regni vero nostri tricesimo.

Sic signatum : Per regem, thesaurario Sacrosancte Cappelle

Jean d’Auxy ou d’Aussy, docteur de l’Université de Paris, confesseur de Charles VII, puis grand aumônier du roi, avait obtenu la trésorerie de la Sainte-Chapelle par cession d’Antoine de Bec-Crespin, le 4 septembre 1449. Il devint évêque de Langres en 1452 et mourut l’année suivante.

Palacii regalis Parisius, magistro Stephano Militis

Étienne Chevalier, contrôleur de la recette générale des finances. (Cf. ci-dessus, p. 177 note 2.)

, magistro compotorum, et aliis pluribus presentibus. Badovillier. — Visa. Contentor. Chaligaut.

MCCXIII Novembre 1451

Lettres de légitimation en faveur de Jean de May, fils naturel de Savary de La Tour et de Jeanne de Lezay.

AN JJ. 181, n° 4, fol. 2 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 246-249

Karolus, Dei gracia Francorum rex. Illegitime genitos quos vite decorat honestas nature vicium minime decolorat, nam decor virtutis abscondit in prole maculam geniture et pudicicia morum pudor originis aboletur. Notum igitur facimus universis, presentibus et futuris, quod licet Johannes de May, filius naturalis Savary de La Tour et Johanne de Lezay

Jeanne de Lezay, que les généalogies passent sous silence, était la plus jeune fille de Guillaume de Lezay, écuyer, seigneur des Marais, et de Jeanne de Vezançay. Séduite par Savary de La Tour, sr de May, et n’ayant pu obtenir de ses parents leur consentement à son mariage, elle vécut quelque temps en concubinage ; puis son frère aîné Jean II de Lezay la recueillit dans sa maison où il la traita durement, la tenant « en grande crainte et sujetion ». A force de menaces, il obtint qu’elle renonçât à ses droits dans la succession de ses père et mère. Elle mourut jeune, peu de temps avant ce frère, qui décéda lui-même au commencement de l’année 1434, laissant plusieurs enfants mineurs sous la tutelle de leur mère, Louise des Granges. Le fils naturel de Jeanne de Lezay, Jean de La Tour, dit de May, celui dont il est question ici, n’avait que deux ans, quand il perdit sa mère. Sitôt qu’il fut en âge de chevaucher, « il s’employa à servir le roy au fait de la guerre », sans se préoccuper de ses intérêts, jusqu’à ce qu’il sût que la veuve de Jean de Lezay, et Jean Jousserand, écuyer, époux de Marie de Lezay, sa tante, détenaient indûment la partie des biens qui auraient dû revenir à sa mère. Alors il leur intenta un procès en revendication qui durait depuis plusieurs années déjà, quand il obtint de Charles VII ces lettres de légitimation. Enfin Jean III de Lezay, chevalier, sr des Marais, fils de Jean II, et Jean Jousserand, par une transaction passée en la cour de Lusignan, le 16 mars 1458 n.s., firent droit à une partie de ses réclamations. Cet acte fort long et en assez mauvais état de conservation se trouve parmi les titres confisqués, à l’époque de la Révolution, sur le dernier descendant de la branche de Lezay des Marais. (Arch. nat., T. 110.)

, ex illicita copula traxerit originem, videlicet ex dictis Savary de La Tour et Johanna de Lezay, talibus tamen virtutis donis et morum venustate insignitur, quod in ipso supplent merita et virtutes id quod ortus odiosus adjecit, adeo quod super deffectu natalium quem patitur, gratiam quam nobis humilime postulavit merito debet obtinere. Hinc est quod nos, hiis attentis nec non aliquibus serviciis per ipsum Johannem nobis impensis, ipsum Johannem de nostre regie potestatis plenitudine auctoritateque regia et gracia speciali legitimavimus et legitimacionis titulo decoramus per presentes ; volentes ut ipse deinceps, in judicio et extra, pro legitimo habeatur, ac eidem concedentes et cum eo dispensantes ut, quanquam ipse de cohitu illicito originem traxerit, bona mobilia temporalia quecumque et inmobilia acquirere et jam acquisita retinere et pacifice possidere valeat, ac de eis disponere inter vivos vel in testamento, ad sue libitum voluntatis, ad successionemque dictorum patris et matris ceterorumque parentum et amicorum carnalium suorum et aliorum quorumlibet, ex testamento vel intestato, dummodo de eorum processerit voluntate et nisi alteri foret jus jam quesitum, et ad quoscunque honores, officia et alios actus legitimos admittatur ac si esset de legitimo matrimonio procreatus ; quodque eciam sui liberi, si quos in futurum habeat, totaque ejus posteritas de legitimo matrimonio procreanda in bonis suis quibuscunque eidem jure hereditario succedant et succedere valeant, nisi aliud quam defectus hujusmodi natalium repugnet, predicto defectu quem prorsus abolemus, jure, constitucione, statuto, edito, consuetudine, usu generali vel locali regni nostri ad hoc contrariis non obstantibus quibuscunque, solvendo nobis hac vice financiam moderatam. Quocirca dilectis et fidelibus gentibus compotorum nostrorum et thesaurariis, baillivisque Turonie et Bitturie, necnon senescallo Pictavensi ceterisque justiciariis et officiariis nostris, aut eorum locatenentibus, presentibus et futuris, et eorum cuilibet, tenore presentium mandamus quatinus dictum Johannem de May et ejus posteros nostris presentibus legitimacione, concessione et gracia uti et gaudere pacifice faciant et permittant, absque quovis impedimento. Quod, si illatum foret, id reparent et ad statum pristinum et debitum reducant seu reduci faciant indilate, visis presentibus. Quibus, ut stabilitatis perpetue robur obtineant, nostrum jussimus apponi sigillum. Nostro tamen in ceteris et alieno in omnibus juribus semper salvis. Datum in opido Ville Dei prope Sanctum Maxencium, in mense novembris anno Domini millesimo quadringentesimo quinquagesimo primo et regni nostri tricesimo.

Sic signata : Per regem, domino de Foresta, magistro Stephano Militis et aliis presentibus. — Visa.

MCCXIV Novembre 1451

Rémission en faveur de Barnabé de La Fossadière, détenu dans les prisons du Bourg-Archambault pour un meurtre commis, dix ou douze ans auparavant, sur un de ses voisins, nommé Jean de Bonneuil, qui ruinait son père en procès.

AN JJ. 185, n° 244, fol. 174 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 249-251

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Bernabé de La Fossadière, povre homme de labour, chargié de femme et d’enfans, contenant que, dix ou douze ans a ou environ, certain procès estoit meu en la justice du Bourg aux Chambaux, entre Jehan de Bonneul, demandeur, d’une part, et Pasquet de la Fossadière, père dudit suppliant, defendeur, d’autre, à l’occasion du quel procès se meu grant hayne entre le père d’icellui suppliant et ledit de Bonneul, et tellement que ledit Pasquet dist par pluseurs foiz audit suppliant, son filz, qui lors estoit jeune de vint et deux à vint et trois ans, que icellui de Bonneul le molestoit et tenoit en procès sans cause, et jà lui avoit tenu par l’espace de six ou sept ans et lui fait despendre tout le sien, en lui requerant que il lui donnast provision. Lequel suppliant, veant que ledit de Bonneul ne se vouloit deporter de molester sondit père, et en voulant complaire à icellui son père, ung certain jour, icellui suppliant estant au labour en une pièce de terre, et ledit de Bonneul labouroit en une autre près d’ilec, vint à memoire audit suppliant ce que son père lui avoit dit, et delaissa sondit labourage et s’en ala vers ledit Bonneul. Et quant il fut près de lui, print en son chemin ung baston de couldre en sa main, dont icellui suppliant le frappa dudit baston parmy les jambes deux ou trois cops, tellement que ledit de Bonneul de l’un des diz cops, et croit que ce fut du premier, il chey à terre. Et lors ledit suppliant le laissa et s’en retourna labourer ainsi qu’il faisoit paravant, et devers le soir s’en retourna à l’ostel de sondit père. Mais icellui de Bonneul ne parti de toute la nuit et jusques au matin que on le ala querir en une charète du champ où il avoit esté batu, et cinq ou six jours après, par faulte de bon gouvernement ou autrement, ala de vie à trespassement. A l’occasion duquel cas ainsi avenu que dit est, ledit suppliant fut prins prisonnier et mis ès prisons dudit lieu de Bourg aux Chambaux, où il demoura deux mois ou environ, et après qu’il fut en fers par les piez et par les mains et en prison basse, trouva moyen et façon de s’en saillir et se transporta en l’eglise dudit lieu, et print les cordes des cloches d’icelle eglise et se descendi aux fossez de la forteresse, et d’ilec s’en ala à Poictiers, où il a demouré cinq ou six ans, et depuis s’est transporté de lieu en autre jusques puis pou de temps ença que, en revenant de Romme, où il estoit alé principalement pour soy confesser dudit cas, il s’est retourné en son hostel, ouquel il a esté de rechief prins et mis ès prisons dudit lieu de Bourg aux Chambaux, à l’occasion dudit cas, où il est à present detenu prisonnier à grant misère et povreté, et èsquelles il est en voye de miserablement finer ses jours, se nostre grace et misericorde ne lui sont sur ce imparties. Et pour ce nous a humblement fait supplier et requerir que, attendu que quant il baty ledit feu Bonneul il estoit jeune et aussi ne le cuidoit il pas tuer, car il ne le bati que par les jambes, dont il ne devoit point mourir, et est vraysemblable que, s’il eust esté bien gouverné, il ne fut point mort, que en tous autres cas il s’est bien et doulcement gouverné, sans avoir esté actaint d’aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, le long temps que a que ledit cas avint, nous lui vueillons nos dictes grace et misericorde impartir. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde estre preferée à rigueur de justice, audit suppliant ou cas dessus dit avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Saint Maixent, ou mois de novembre l’an de grace mil cccc. cinquante et ung, et de nostre règne le xxxme.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Daniel. — Visa. Contentor. Chaligaut.

MCCXV Novembre 1451

Rémission octroyée à Jacques Poussart, écuyer, coupable d’avoir frappé mortellement de plusieurs coups de javeline le sr Bouchart qui avait envahi, avec d’autres officiers de la dame de Cherveux, la cour de son hôtel de Beauregard et voulait se saisir de lui au nom de ladite dame.

AN JJ. 185, n° 242, fol. 173 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 251-257

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Jacques Poussart

Jacques Poussart a été l’objet d’une note généalogique, ci-dessus, p. 178.

, escuier, aaigié de xxvi. à xxvii. ans ou environ, contenant comme pour occasion de la mort de feu Simon Peletier, ledit suppliant eust obtenu noz autres lettres en double queue, desquelles l’on dit la teneur estre tèle : « Charles, etc… Donné à Paris, le xxiime jour de juing l’an de grace mil quatre cens cinquante, et de nostre règne le xxviiime

Le texte de ces lettres du 22 juin 1450 est imprimé ci-dessus, n° MCXC.

. » Lesquelles noz lettres dessus transcriptes il eust presentées à nostre seneschal de Poictou ou son lieutenant, et de lui eust obtenu ses lettres executoires, par vertu desquelles il eust fait adjourner la vefve et autres parens d’icellui feu Simon par devant nostre seneschal de Poictou ou son lieutenant audit Poictiers, à certain jour ensuivant. Auquel jour les dictes parties comparurent et mesmement ledit suppliant en sa personne, et requist l’enterinement de ses dictes lettres dessus inserées, sur le contenu desquelles il fut examiné ; et après furent les dictes lettres debatues par nostre procureur et autres parties adverses dudit suppliant, et ledit suppliant mis en recreance de sa personne ; et sur ce a esté tellement procedé que les parties furent appoinctées contraires et en enquestes, si comme on dit ce plus à plain apparoir par l’acte de la court de nostre dit seneschal. Et depuis, ou mois de mars derrenier passé, icelui exposant, pour ce qu’il se disposoit pour nous venir servir au recouvrement de nostre païs de Guienne, obtint noz lettres d’estat jusques à six moys, lesquelles lui furent enterinées par nostre dit seneschal ou son lieutenant, du consentement de ses parties adverses. Nonobstant lesquelles choses dessus dictes, la dame de Cherveux

Marie de La Trémoïlle, la plus jeune sœur de Georges de La Trémoïlle, était alors dame du Bois-Pouvreau, de Prahec et de Cherveux. (A. Richard, Arch. du château de la Barre, t. II, p. 17.) Elle avait été mariée à Louis II de Chalon, comte de Tonnerre (mort en 1422), qui l’avait répudiée pour épouser Jeanne de Perillos, sa maîtresse. (Voy. E. Petit, Mort de Louis II de Chalon, comte de Tonnerre. Rectification à l’Art de vérifier les dates. Bulletin de la Société des sciences de l’Yonne, 1er semestre 1893.)

, à l’occasion de la mort dudit feu Simon, envoya, le penultime jour dudit mois de mars, à l’ostel de Losmelière appartenant à Mathurine Lamberte

Mathurine Lambert et son frère Guillaume, nommé plus bas, appartenaient à une famille notable de la région (cf. le Bois-Lambert, fief sur la paroisse de Saivre), qui possédait les seigneuries de L’Hommelière, de Beauregard, et diverses pièces de terre, dîmeries et rentes en la paroisse de Clavé, mouvant de Saint-Maixent, dont on possède plusieurs aveux rendus : 1° le 23 novembre 1353, par Guillaume Lambert, valet ; 2° le 14 octobre 1363, par Guyon Lambert (Arch. nat., P. 1145, fol. 104 et 106) ; 3° le 1er juin 1405, par Jeanne Lambert (R1* 2172, p. 891) ; 4° le 2 juin 1418 et le 4 février 1422, par Marguerite de Sazay, veuve de Guyart Lambert, au nom de ses enfants mineurs, dont l’aîné se nommait Guillaume (P. 1144, fol. 36 et 43 ; P. 1145, pl. 115 v°). Guillaume et Mathurine, dont il est question dans nos lettres de rémission, paraissent être les enfants de ce Guyart Lambert et de Marguerite de Sazay. Dans un état des commandises dues, en 1450, aux héritiers de Jaubert Légier, sr de la Sauvagère, paroisse de Vautebis, on trouve « l’Aussepée qui est à Guillaume Lambert, terroir tenant aux terres de feu Guillaume Sachet et au chemin du Sauze au Groux-Chaigne, et qui de là va vers le Charrioux, autrement dit la Sachetière… » (Arch. du château de la Barre, t. II, p. 162.)

Mathurine avait épousé Jean Poussard, qui vivait encore le 10 mars 1438 n.s. A cette date, il fit hommage à Saint-Maixent de son fief de Clavé, paroisse dudit lieu, sis dans la mouvance des château et châtellenie de Saint-Maixent. (Id., P. 5532, cote 398, anc. 48.) On ne sait si elle eut d’autres enfants que Jacques, sur lequel cf. ci-dessus, p. 178, note.

, mère dudit suppliant, pluseurs personnes armés et embastonnez d’armes invasibles et deffendues, cuidans y trouver ledit suppliant pour le faire prendre, jasoit ce qu’il fust en recreance et en procès, comme dit est. Et pour ce qu’ilz ne le trouvèrent pas, prindrent et ravirent oudit hostel grant quantité de biens appartenans à icelle Lamberte et les emportèrent ou bon leur sembla, et ne vouldrent oncques cesser, pour quelque opposicion ou appellacion qu’elle fist, et laquelle appellacion elle a depuis bien et deuement relevée en nostre court de Parlement et fait adjourner sur actemptaz Jehan Chaigne à comparoir en personne en nostre dicte court. Et depuis ladicte Lamberte s’est traicte par devers les officiers de la dicte dame de Charveux, en leur requerant qu’ilz lui voulsissent rendre et restituer ses diz biens et lui en faire delivrance ; lesquelz deuement acertainés les diz biens estre et appartenir à icelle Lamberte, lui en ont fait planière delivrance. Mais icelle dame de Cherveux n’a à ce voulu obtemperer en haine dudit suppliant, et qui plus est a dit par pluseurs foiz et s’est ventée, et aussi ledit Chaigne, ung appellé Bouschart et autres serviteurs et officiers d’icelle dame, que tous les maulx et desplaisirs qu’ilz pourront pourchasser à ladicte Lamberte et audit suppliant, son filz, qu’ilz le feront, et que s’ilz povoient prendre icelui suppliant, qu’ilz le feroient pendre, et par pluseurs foiz se sont transportez les diz Bouschart, Chaigne et autres au lieu de Beauregart et autres lieux, pour cuider prendre ledit suppliant, et fait en iceulx lieux pluseurs maulx et oultraiges, comme batu chamberières, prins et ravy les biens estans en iceulx et fait pluseurs autres maulx. Et entre les autres, le mercredi d’après Pasques, vindrent audit lieu de Beauregart appartenant à Guillaume Lambert, oncle du dit suppliant, environ soleil levant, Jehan Paler, de Nyort, soy disant nostre sergent, ledit Jehan Chaigne, Jehan Boutet, André Bouschart, Jehan Barreau, l’aisné, Millet Rouillé, Jehan Fornerat, Jehan Peletier et pluseurs autres jusques au nombre de vint ou environ, armez et embastonnez d’espées, dagues, javelines, espioz, fourches de fer et autres armes invasibles. Et quant ilz furent arrivez audit lieu, ilz entrèrent au dedans de la court dudit hostel, jusques au nombre de sept ou huit par une petite…

Blanc au registre.

qui est devers le coulombier, qu’ilz rompirent, et alèrent ouvrir ung autre huys, et eulx estans ainsi dedans la dicte court et gardans les portes dudit hostel, vint le paige dudit suppliant par devers lui, lui estant encores couchié en ung lit, et lui dist : « Mon maistre, il y a en la court de ceans ung grant taux de gens embastonnez qui ont ouvert et rompu les portes et veulent entrer ceans. » Et incontinent icellui suppliant se leva et print son pourpoint, sa jacquète et son espée au costé, et s’en ala sur le valet

Le valet ou ballet est un appentis ou hangar ; il s’en trouvait généralement en Poitou à la porte des églises et quelquefois, comme dans le cas présent, à la porte extérieure des châteaux ou maisons fortes de la campagne ; il servait d’abri. (Voy. Godefroy, Dict. de l’anc. langue française.)

de la porte qui entroit oudit hostel, et regarda en la dicte court où il vit les dessus diz et les portes rompues et gens qui les gardoient, et entre lesquelz il y apperceut ledit Bouschart qui tenoit ung espiot en sa main. Et pour ce que les aucuns d’eulx estans dessoubz ledit valet s’efforçoient d’entrer dedans le dit hostel, ledit suppliant leva deux hais du plancher et gecta deux pierres, ne scet s’il en frappa aucuns ou non ; aussi ne savoit il lors qui ilz estoient. Mais, à l’occasion des dictes pierres, s’en saillirent dudit valet et laissèrent ung cheval dedans. Et lors icelui suppliant, ayans à memoire les menaces que lui avoit faites et données ladite dame de Cherveux et ses serviteurs, et mesmement ledit Bouschart, lequel s’estoit pluseurs foiz jacté et venté que s’il povoit tenir à son avantaige ledit suppliant, qu’il le pendroit au premier arbre qu’il trouveroit, s’il n’y avoit autres qui le pendissent, doubtant cheoir entre leurs mains, veant qu’il ne povoit garder qu’ilz n’entrassent oudit hostel, s’en sailli d’icellui hostel et dist à son dit paige qu’il lui baillast sa javeline par là où il avoit levé lesdiz deux hais, ce que ledit paige fist. Et quant icelui suppliant fut en la court du dit hostel, il rencontra ledit Paler, nostre sergent, auquel il dist, en mettant la javeline encontre lui, qu’il se ostast de son chemin et s’en saillist hors de la dicte court, ou autrement qu’il le tueroit. Lequel Paler, dist audit suppliant : « Pour Dieu, mercy, je ne vous demande riens. » Et adonc lui dist ledit suppliant que non faisoit il pas à lui. Et pour ce icelui suppliant, cuidant s’en fouyr et aler hors dudit hostel, se tira vers la porte qui estoit rompue ; à laquelle porte il trouva ledit Bouschart et pluseurs autres, ausquelz il dist qu’ilz se ostassent de son chemin, ou autrement il les tueroit. Lesquelz se ostèrent, excepté ledit Bouschart qui se mist à costé de la porte par le hors, dressant son espiot contre icellui suppliant pour le vouloir frapper, en passant la dicte porte. Auquel ledit suppliant dist : « Je suis appellant de toy, de la dame de Cherveulx et de tous ses officiers, et non obstant l’appel tu es venu ycy pour me tuer ; mais par le sang Dieu, tu te osteras ou je te tueray ». Lequel Bouchart ne se voult aucunement oster dudit chemin. Et adonc ledit suppliant le frappa de ladicte javeline par le braz ou par le costé, ne scet lequel. Et lors ledit Bouchart se recula, et icellui suppliant sailli hors de la dicte court. Mais pour ce que ledit Bouchart avoit tousjours son espiot tendu contre lui, et ne disoit mot, et se tenoit tousjours ou chemin dudit suppliant, icelui suppliant, doubtant que lui et autres se raliassent contre lui, frappa ledit Bouchart de ladicte javeline parmy le braz et par l’espaule trois ou quatre cops, en le reculant jusques devant la grant porte dudit hostel, sans aucunement avoir voulenté de le tuer, mais le reculer de son chemin. Et lors ledit Bouchart commença à crier au murtre et s’en fouir, et tous ses compaignons, excepté ledit Paler, qui estoit transi de paour, combien qu’il n’eust esté aucunement frappé. Lequel Paler requist audit suppliant qu’il eust son cheval, qui estoit demouré audit valet ou en la dicte court, et il lui dist qu’il le alast querir, ce qu’il fist. Et lui bailla son page, pour lui aider à monter, parce que, comme dit est, il estoit comme transi ; et dist icelui suppliant audit Paler que plus il ne autres ne retournassent oudit hostel, et que, s’ilz y retournoient, qu’il les villeniroit du corps. Et ce fait, ledit suppliant se habilla et monta à cheval et s’en ala audit lieu de Losmelière, appartenant à sa dicte mère, querir certain argent qu’il y avoit laissé, et puis s’en retourna audit lieu de Beauregart, où estoient ses chevaulx et habillemens de guerre, et s’en parti pour aller ou païs de Guienne. Et le lendemain, ledit Bouchart, à l’occasion desdiz cops ou autrement par mauvaiz gouvernement ala de vie à trespassement. Par le moien duquel cas ainsi avenu que dit est, ledit suppliant, qui tousjours a esté en nostre service au recouvrement de nostre païs et duchié de Guienne, doubtant rigueur de justice, n’a osé ne encores n’ose retourner au païs, se nostre grace et misericorde ne lui sont sur ce imparties. Et pour ce, nous a humblement fait supplier et requerir que, attendu que ledit cas est avenu de chaude colle et, quant ledit Bouchart et autres estans avec lui, vindrent audit hostel, il doubtoit qu’ilz le voulsissent prendre et mener à la dicte dame de Cherveulx qui s’estoit ventée de le faire pendre, s’elle le povoit tenir, que, quant il frappa premierement ledit Bouchart, icelui se doubtoit, pour ce que ledit Bouchart avoit ung espiot, qu’il le voulsist blecer et villener, et ne se vouloit oster de son chemin, il nous plaise nos dictes grace et misericorde lui impartir. Pour quoy nous, ces choses considerées et les bons et agreables services que ledit suppliant nous a faiz, tant au recouvrement de nostre païs et duchié de Guienne que autrement, voulans misericorde estre preferée à rigueur de justice, audit suppliant ou cas dessus dit, en faveur des choses dessus dictes et de son jeune aaige, avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Saint Maixent, ou moys de novembre l’an de grace mil cccc. cinquante et ung, et de nostre règne le xxxe.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. P. Aude. — Visa. Contentor. Chaligaut.

MCCXVI Novembre 1451

Rémission accordée à Geoffroy de Perse, clerc, demeurant à Juscorps, qui avait fait à un quêteur nommé Jean Macé une blessure ayant déterminé sa mort.

AN JJ. 185, n° 251, fol. 178 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 257-259

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Geffroy de Perse, clerc, demourant à Juchecourt en l’eveschié de Poictiers, chargié de jeune femme et d’enfans, contenant que, en cest present mois de novembre, ledit suppliant acheta certaine quantité de froment d’un homme audit lieu de Juchecourt ; après lequel achat fait, icellui suppliant s’en ala boire à l’ostel d’un nommé Rimbaut, ouquel hostel avoit lors trois questeurs qui buvoient. Et après ce que icellui suppliant et ledit Rimbaut qui estoient ensemble eurent beu, l’un desdiz questeurs dist audit suppliant teles parolles ou semblables : « Buvez à moy, en donnant vostre ame et la mienne au deable ! » Lequel suppliant luy respondi qu’il estoit mauvais homme de ce dire. Et lors se meuvent grosses parolles entre icellui questeur et ledit suppliant, et tellement que icellui suppliant, esmeu et eschauffé des dictes parolles et des oultrages que lui disoit ledit questeur, tira ung petit cousteau qu’il avoit et en cuida frapper ledit questeur ; mais pour ce empescher, ung des compaignons d’icellui questeur, nommé Jehan Macé, se mist entre deux et d’aventure ledit suppliant frappa icellui Macé par le bras et bleça tellement qu’il seigna très fort. Après lequel cop ainsi avenu, icellui suppliant emmena ledit Macé en son hostel et illec l’a fait penser et gouverner par barbiers et cireurgiens au mieulx qu’il a peu, par l’espace de quinze jours et plus, tellement que lesdiz barbiers et cirurgiens disoient qu’il estoit guery. Or est ainsi que, ung jour de la sepmaine passée, ledit Macé, soy sentant comme homme guery, se voulu lever et aler à l’esbat, et de fait y ala, et en alant au retrait ou autrement s’efforça dudit bras qu’il avoit blecié et tellement que la playe se ouvry et escreva et seigny fort, avant ce qu’il s’en apperceust, et n’a on peu trouver manière de le estanchier ; et à ceste cause, dimenche derrenier passé, il ala de vie à trespassement. A l’occasion duquel cas ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du pays et n’y oseroit jamais retourner, se nostre grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, si comme il dit. Et pour ce nous a humblement fait supplier et requerir que, attendu que ledit cas est avenu d’aventure et ne cuidoit point icellui suppliant frapper ledit Macé, et que ledit suppliant fut esmeu de tirer son cousteau pour les oultrageuses parolles que lui disoit ledit questeur, que icellui Macé estoit comme guery, se il ne se feust efforcé dudit braz, et avant son trespassement a eu ses sacremens de sainte Eglise et a pardonné audit suppliant, et que en tous autres cas ledit suppliant s’est bien et doulcement gouverné, sans avoir esté actaint ou convaincu d’aucun autre vilain cas, blasme ou reprouche, il nous plaise lui impartir nostre dicte grace et misericorde. Pourquoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde estre preferée à rigueur de justice, audit suppliant ou cas dessus dit avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces presentes, aux seneschaulx de Poictou et de Xanctonge, ou à leurs lieux tenans, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Saint Maixent, ou mois de novembre l’an de grace mil cccc. cinquante et ung, et de nostre règne le xxxe.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Daniel. — Visa. Contentor. Chaligaut.

MCCXVII Décembre 1451

Rémission octroyée à Jean Vignault, écuyer de la compagnie de Jean de Lezay, sr des Marais, coupable du meurtre d’un charretier qui l’avait outragé et frappé, parce qu’il lui reprochait d’avoir brutalisé un jeune page.

AN JJ. 185, n° 257, fol. 182 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 259-262

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan Vignault

On trouve au xve siècle une famille Vignault établie dans la Gâtine, qui a donné son nom au lieu de la Vignauderie, commune de Vautebis. Ce domaine était possédé en 1452 par Robin Vignaut (Archives de la Barre II, p. 165). Le 15 décembre 1415, Jean Vignault, valet, rendit aveu, à cause de sa femme, Jeanne Jourdain, d’un fief vulgairement appelé le Champ du Tertre et autres terres en dépendant, tenus à hommage lige du château de Parthenay, ledit acte passé sous le sceau aux contrats des seigneuries de Faye et Aubigny, appartenant à Renaud de Vivonne. (Arch. nat., R1* 190, fol. 218 v°, 280 v°.)

, escuier, contenant que, comme ledit suppliant se soit employé en nostre service ou fait de la guerre et mesmement au recouvrement de nostre pays et duchié de Guienne, en la compaignie de nostre très chier et amé cousin le conte d’Angoulesme

Jean, dit le Bon, comte d’Angoulême, né le 26 juin 1404, mort le 30 août 1467, second fils de Louis Ier, duc d’Orléans, et de Valentine de Milan.

, ouquel voiage il nous a servi comme archier soubz la lance de nostre amé et feal Jehan de Lezay, chevalier, seigneur des Maroys

Jean III de Lezay, chevalier, sr des Marais, fils de Jean II et de Louise des Granges. En juin 1434, il était sous la tutelle de sa mère, avec Jacques son frère aîné, décédé peu après, Héliot son cadet, et Marie sa sœur, et en 1442 sous la garde d’Hélie Du Bois, second mari de Louise des Granges. Il rendit hommage pour sa terre des Marais aux évêques de Poitiers, le 2 février 1457, le 13 juillet 1462, le 29 janvier 1479 et le 8 mai 1482. Louis XI le retint en qualité de son chambellan, par lettres données au Mans, le 20 janvier 1468 n.s., et un acte du même jour lui donna entrée au Conseil d’État (orig., Arch. nat., T. 110). Le même carton contient, en outre, un grand nombre d’aveux et dénombrements, actes de foi et hommage, contrats de vente, d’échange, etc., par lui baillés ou reçus, tant depuis sa majorité que pendant sa tutelle. Jean de Lezay fit son testament au château des Marais, le 1er juillet 1481. Il avait épousé Catherine du Retail, dont il eut deux fils, Jean IV et Marc, et trois filles.

, durant lequel temps et lui estant en nostre dit service, le mercredi avant les Rogacions derrenierement passées, icellui suppliant, estant en la ville de Liborne, vit ung jeune page à cheval qui demouroit avec nostre amé et feal Pierre Maintrole

Cette famille noble était établie aux xive et xve siècles dans la région de Saint-Maixent, aux environs de Niort et de Chizé. Pierre, fils de Jean Maintrole, chevalier, et de Marie Claveau, possédait des maisons à Saint-Maixent, pour lesquelles il devait hommage à l’abbaye. (Acte du 1er août 1443, Arch. hist. du Poitou, t. XVIII, p. 151, note.) Son aïeul, nommé aussi Jean, écuyer, avait épousé Jeanne de Torsay ; il rendit aveu de son fief de la Coussaye, mouvant du château de Saint-Maixent, le 5 novembre 1408 (Arch. nat., R1* 217, p. 958), et le 10 mai 1419 (P. 1145, fol. 113 v°). Il était aussi seigneur de Salles et de la Maintrolière, dans la même mouvance (actes des 7 novembre et 7 décembre 1418, P. 1144, fol. 36 et 43 v°). De Jean II, père de Pierre, on possède des hommages du 10 mars 1438 n.s., pour son hôtel de Genouillé, tenu du château de Chizé, et pour ses hébergements de la Métairie, de la Maintrolière, de la Prévôté, etc., mouvant de Saint-Maixent. (P. 5531, nos 386, 393.) Le 18 juin 1436, il conclut, au nom de sa femme, Marie Claveau, un accord avec l’abbé et le couvent de Saint-Liguaire, près Niort, au sujet d’un fossé ou canal, sis près du moulin de la Roussille, tenant d’une part au bois du Cloudis, d’autre à la rivière appelée la Roussille et par devant au grand cours ancien de la Sèvre. Ce fossé, que les religieux prétendaient avoir le droit de tenir ouvert et d’y faire passer des petits bateaux, nuisait à ses moulins de la Tiffardière. L’abbé de Saint-Liguaire consentit à ce qu’il fût désormais fermé. Cet accord fut entériné au Parlement, le 6 octobre suivant. (Arch. nat., X1c 152, n° 58.)

, chevalier, lequel cheval rua contre les chevaulx d’un charretier qui estoit en la rue, et à ceste cause icellui charretier, sans ce que ledit cheval dudit page eust frappé les chevaulx dudit charretier, frappa ledit page d’un fouet et de la verge d’icellui par le visage, tellement qu’il le fist seigner. Et lors ledit suppliant, qui cognoissoit ledit page, dist audit charretier qu’il estoit meschant homme de frapper ainsi ledit page, qui estoit jeune enfant de treze à xiiii. ans, veu que son cheval n’avoit aucunement blecié les siens. Et adonc ung autre charretier dont il ne scet le nom, entreprinst les parolles et dist à icellui suppliant qu’il ne demouroit point pour lui et qu’il luy en feroit autant, se mestier estoit, ou parolles semblables, en disant lesquelles parolles, icellui charretier frappa icellui suppliant du poing et d’un baston qu’il tenoist en sa main parmy la teste, tellement qu’il le cuida tumber à terre. Et pour ce ledit suppliant, esmeu et eschauffé à l’occasion dudit coup et des parolles que lui avoit dictes ledit charretier, tira sa dague et d’icelle frappa icellui charretier ung cop par la poitrine, et incontinent ou tantost après il ala de vie à trespassement. A l’occasion du quel cop ainsi avenu que dit est, ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du pays et n’y oseroit jamais retourner, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties. Et pour ce nous a humblement fait supplier et requerir que, attendu ce que dit est, que il fut esmeu de parler audit charretier qui avoit frappé ledit page, parce qu’il le cognoissoit, et aussi ledit Maintrolle, son maistre, et estoient icellui Maintrolle et ledit de Lezey, soubz lequel estoit archier ledit suppliant, parens et affins, que l’autre charretier qui entreprint lesdictes parolles et ledit suppliant frappa fut agresseur et frappa le premier icellui suppliant, par quoy il fut eschauffé et esmeu de le frapper de ladicte dague, qu’il n’avoit aucune inimitié à icellui charretier et est la chose advenue de chaude cole, que ledit suppliant s’est employé en nostre service et s’est tousjours bien et doulcement gouverné, sans avoir fait ou commis ne esté actaint d’aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, il nous plaise nos dictes grace et misericorde luy impartir. Pour quoy nous, les choses dessus dictes considerées, voulans misericorde estre preferée à rigueur de justice, audit suppliant ou cas dessus dit avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Poictiers, ou mois de decembre l’an de grace mil cccc. cinquante et ung, et de nostre règne le xxxe.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Daniel. — Visa. Contentor. Chaligaut.

MCCXVIII Décembre 1451

Rémission, en faveur de Pierre Baut, écuyer poitevin, du meurtre de Pierre François, dit de Villiers, qu’il avait frappé, sans intention de le tuer, d’un coup d’épée à la cuisse, celui-ci étant intervenu dans une dispute qu’il avait avec Jean Richart, collecteur des tailles de la paroisse de Saint-Hilaire-sur-l’Autize.

AN JJ. 185, n° 265, fol. 186 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 262-267

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de Pierre Baut, escuier, filz de feu Guillaume Baut, en son vivant escuier, contenant que ledit deffunct estoit homme noble et de noble lignée et fut, en son vivant, en pluseurs voyages et assemblées à l’encontre de noz anciens ennemis et adversaires les Anglois, et mesmement au siège de Bourg

Il s’agit du siège mis devant cette place forte par Louis duc d’Orléans, lors de son expédition en Guyenne, l’an 1406. Après avoir perdu plusieurs jours à négocier avec les Anglais de Bordeaux, il s’éloigna plein de dépit et résolu à enlever de vive force Bourg-sur-Gironde, ville importante, flanquée de tours et de murailles et défendue par une forte garnison. De la veille de la Toussaint jusqu’au milieu de janvier suivant, le duc d’Orléans ne cessa de fatiguer les assiégés par des assauts continuels. Mais ses attaques furent toutes repoussées, son armée décimée par les maladies, et il fut obligé de se retirer. La Chronique du religieux de Saint-Denis fournit des renseignements nombreux sur les opérations de ce siège. (Edit. Bellaguet, in-4°, t. III, p. 451 et suiv.)

, qui fut mis par feu nostre oncle le duc d’Orleans derrenier trespassé ; lequel feu Guillaume Baut, vingt ans a ou environ, est alé de vie à trespassement, delaissé ledit Pierre Baut, son filz, en l’aage de cinq ans ou environ, lequel venu en aage compectant a servy pluseurs nobles du pays et a esté en garnison longtemps en la ville de Mirembeau en Xanctonge, pour resister à nosdiz ennemis qui lors occuppoient grant partie de nostre pays de Guienne, et s’est ledit Pierre tousjours depuis tenu en ladicte garnison soubz Jehan de Toutessan, escuier, seigneur de Champdolant

Richard Totesham, chevalier anglais, qui avait accompagné Jean Chandos quand celui-ci prit possession, au nom du roi d’Angleterre, du Poitou et de la Saintonge, fut établi, le 5 octobre 1361, gouverneur de la Rochelle et sénéchal de Saintonge au lieu de Guichard d’Ars. (A. Bardonnet, Délivrance du Poitou à Chandos, p. 123 et s., 167.) Il épousa Rose André, dame de Champdolent, et lors de la reprise du pays par Du Guesclin, il retourna en Angleterre, abandonnant sa femme et deux enfants en bas âge, Jean et une fille qui fut mariée à Maynart de Maugésier, chevalier. La terre et seigneurie de la Jarrie, que Richard avait acquise après son mariage, fut alors confisquée par Charles V, puis après rendue à la dame de Champdolent et à ses enfants, par lettres de don du 15 janvier 1379 n.s., confirmées par Charles VI, à Paris, en juin 1399, parce que le vicomte d’Acy, qui avait obtenu la moitié de la confiscation du chevalier anglais, s’était opposé à l’entérinement des premières lettres. (JJ. 117, fol. 152 ; JJ. 154, n° 332, fol. 203.) Le fils de Richard Totesham, qui entra au service du roi de France, francisa son nom et fut appelé Jean de Toutessan. Rose André, sa mère, qui mourut fort âgée, était en procès, le 23 décembre 1419, contre Jean Préveraut au sujet du rachat d’une maison sise à Saint-Jean-d’Angély, près la porte de Niort, qu’elle lui avait vendue pour le prix de 200 livres. (X1a 9190, fol. 70 v°.) Elle vivait encore le 21 juillet 1431. A cette date, Jean de Toutessan, qualifié chevalier, procureur et gestor negociorum de sa mère, obtint un arrêt du Parlement contre Michel Burget au sujet de l’hommage de fiefs situés dans les paroisses de Champdolent, de Saint-Vivien et autres lieux. (X1a 9192, fol. 243 v°.) Il rendit aveu de la tour de Contré, mouvant de la vicomté d’Aunay, le 31 mars 1428 n.s., et son fils, nommé aussi Jean de Toutessan, sr de Champdolent, celui dont il est question ici, fit à son tour aveu de cette terre et du fief Raffin, le 11 mai 1448, et le renouvela le 29 novembre 1479. (Arch. nat., P. 5182, nos 1163, 1165, 1175.)

, cappitaine dudit lieu de Mirembeau, et jusques à ce que avons envoyé noz gens d’armes et de trait oudit pays de Guienne, pour la reduction d’icellui en nostre obeissance ; lequel Pierre, après ce que noz gens de guerre sont descenduz oudit pays, a esté retenu et mis en ordonnance par nostre amé et feal conseiller maistre Jehan Bureau, tresorier de France, soubz la charge duquel il estoit ; lequel Pierre nous a bien et loyaument servi oudit voyage à l’encontre de nos diz ennemis. Lequel estant au siège de Blaye

Peu après la reprise des hostilités en Guyenne, le 12 mai 1451, Dunois se porta sur Blaye, la plus forte place du pays après Bordeaux. Tandis qu’il attaquait la ville par terre, une flotte, sous les ordres de Jean Le Boursier, tenait la mer. Cinq gros navires envoyés par les Bordelais pour secourir Blaye furent dispersés après un combat sanglant. Le Boursier donna la chasse aux vaisseaux ennemis jusqu’à l’embouchure de la Gironde, puis il revint faire le blocus de la place. Le 20 mai un assaut fut donné ; il détermina la capitulation, qui fut signée à la date du 23. (De Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. V, p. 46.)

fut très griefvement blecié ou visage, et depuis le recouvrement et reduction dudit pays de Guienne, comme estant en ordonnance, a esté retenu avec autres compaignons de guerre et mis en garnison à la garde de la place de Chastillon, en laquelle il est encores demourant. Lequel Pierre puis nagaires s’est trait audit lieu de Champdolent et illec a fiencé une femme ; mais pour ce qu’il ne vouloit faire ses nopces sans le faire assavoir à sa mère et autres ses amis, vint, la sepmaine devant la sainte Katherine derreniere passée, au lieu de Bertet, en l’ostel de son feu père, et ilec demoura trois jours ou environ ; pendant lequel temps parolles se meurent d’entre sa dicte mère et autres demourans audit hostel, de certains gaiges qui autresfoiz avoient esté prins par ung nommé Jehan Richart, demourant ou village de Beauregart près dudit lieu de Bertet, en la paroisse de Saint Ylaire sur l’Autize, comme soy disant collecteur de certaines tailles mises sus de par nous en ladicte parroisse. Lequel Pierre, voyant que lesdiz gaiges n’avoient point esté renduz, monta, le mercredi matin en ladicte sepmaine, sur son cheval, et print sa dague et espée, pour aler audit lieu de Saint Ylaire, et passa par ledit lieu de Beauregart. Auquel lieu il ne trouva pas ledit Richart en sa maison, mais en alant audit lieu de Saint Ylaire, trouva ledit Richart faisant ung fossé au long d’une pièce de terre. Lequel Pierre salua ledit Richart et lui demanda qu’estoient devenuz les gaiges qu’il avoit prins ou fait prendre en l’ostel de sa mère ; lequel Richart lui respondi qu’il n’en avoit que besongnier et qu’il ne savoit qui il estoit. Auquel Richart ledit Pierre dist qu’il les gardast bien et qu’il les rendroit, et les lui feroit rendre par justice, et que son entencion estoit de venir devers nous. Lequel Richart lui dist que pour lui il n’en feroit riens et qu’il ne le cognoissoit point et l’outraga de parolles, tellement que ledit Pierre lui respondit que, s’il ne cessoit à l’injurier, qu’il luy donneroit tel cop qu’il en seroit pire. Lequel Richart, sans autre chose dire, se print au corps dudit Pierre et print la poingnée de son espée ; lequel Pierre, qui ne savoit que vouloit faire ledit Richart, print sa dague et lui fist paour, sans autrement lui meffaire que lui faire lacher son espée ; mais ledit Richart, non content de ce, print la pesle dont il dreçoit et faisoit ledit fossé et d’icelle donna tel cop audit Pierre par les espaulles qu’il cheut de dessus son cheval à terre, et volt de rechief courir sus audit Pierre, mais il se leva hastivement et tira son espée et se deffendi dudit Richart, et en se defendant le bleça ung peu ou polse. Pour le bruit desquelz Richart et Pierre Baut, et aussi que ledit Richart cria à haulte voix « à l’aide », survindrent tantost après à son aide Loys et Jehan Bonneaux, frères, cousins germains dudit Richart, et Pierre François, dit de Villiers, demourant audit village de Beauregart ; lesquelz estoient embastonnez, c’est assavoir ledit Loys d’un voulant

Le volant est une faucille attachée à un long manche avec laquelle on coupe « à la volée » les buissons et les extrémités de branches d’arbres. (Voy. Godefroy, Dict. de l’anc. langue française.)

pour buissonner, et ledit Jehan Bonneau et Pierre François chacun d’un gros baston. Lesquelz coururent sus avec ledit Richart audit Pierre, auquel convint habandonner son cheval, et print la fuite vers l’ostel de sa mère, par où l’en va dudit lieu de Beauregart à Bertet. Lesquelz Bonneaux, François et Richart poursuivirent si fort ledit Pierre qu’il lui convint se gecter ès terres appartenans à Jehan Chauvigny dudit lieu de Bertet, en l’ayre ou court dudit Chauvigny, tirant à la porte de la dicte ayre qui couroit ou chemin publique, lequel chemin ledit Pierre avoit fourvoié et delaissé, cuidant estre avant que les dessus nommez à ladicte porte, pour seurement se rendre en l’ostel de sa dicte mère ; mais lesdiz Richart, Bonneaux et François furent aussi tost que luy à la porte de la dicte ayre, place ou court, et se mirent devant, tellement qu’il convint audit Pierre fermer ladicte porte et se targer d’icelle. Laquelle porte demoura entre ouverte pour l’empeschement que faisoient lesdiz Bonneaux et François et Richart, lesquelz furent ilec par aucun temps, assaillant ledit Pierre, auquel ilz donnoient pluseurs grans menaces ; pour quoy il n’osoit saillir de la dicte aire. Lequel Pierre estant ainsi en ladicte ayre et ladicte porte entre ouverte, et parlant par ladicte ouverture ausdiz Bonneaux et Richart, tenant son espée nue soubz son bras, la pointe par derière lui, ledit François vint par derrière en ladicte aire, cryant à haulte voix : « Je tiens le meurtrier ! » A laquelle voix, ledit Pierre qui ot paour se retourna pour regarder qui c’estoit qui le vouloit surprendre ; lequel François se gecta hastivement sur ledit Pierre et s’enferra de l’espée dudit Pierre en la cuisse, tellement que du cop qu’il donna contre la pointe de ladicte espée, il fist saillir le pomeau de la dicte espée contre la muraille, contre laquelle ladicte espée s’aferma tellement que la dicte espée passa oultre la cuisse dudit François ; par le moyen duquel cop ledit François perdist tout le sang et demoura ilec en la place, et deux heures après ala de vie à trespassement. A l’occasion duquel cas ledit Pierre, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du pays et n’y oseroit jamais retourner, se nostre grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties ; humblement requerant que, attendu ce que dit est et que ledit Pierre est homme de bon fame, renommée et honeste conversacion, non actaint ou convaincu d’aucun vilain cas, blasme ou reprouche, et que ledit Richart et Bonneaux furent agresseurs et ne leur demandoit riens ledit Pierre, ne n’avoit eu paravant aucune hayne audit feu François, et que ledit Pierre n’a fait ledit cop à son aissient, etc., il nous plaise sur ce luy pourveoir de nos dictes grace et misericorde. Pour quoy nous, attendu ce que dit est, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit Pierre ou cas dessus dit avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces presentes, aux seneschaulx de Poictou, de Xanctonge, gouverneur de la Rochelle et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Poictiers, ou mois de decembre l’an de grace mil cccc. cinquante et ung, et de nostre règne le xxxe.

Ainsi signé : Par le roy à la relacion du conseil. Burdelot. — Visa. Contentor. Daniel.

MCCXIX Janvier 1452

Rémission accordée, à la requête de son mari, à Catherine de Rodun, femme de Pierre Roullon, d’Olonne, qui à l’instigation d’un prêtre nommé Jacques Grondin, son amant, avait mis le feu à la maison dudit Roullon à la Furetière, aidée d’une enfant de huit à neuf ans.

AN JJ. 185, n° 285, fol. 199 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 267-269

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et advenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Pierre Roullon, mary de Katherine de Rodun, et des autres parens et amis charnelz de ladicte Katherine et de Marie Cornevine, jeune fille, contenant comme ledit Roullon, qui faisoit sa demourance au lieu d’Olonne, eust souspeçon que ladicte Katherine ne se gouvernoit pas bien envers lui et que ung prebstre, nommé Jacques Grondin, la maintenoit, et à ceste cause ledit suppliant, environ l’Ascension Nostre Seigneur mil IIIIcL, se departit dudit lieu d’Olonne et s’en ala demourer à ung village appellé la Furetière et y demoura jusques en vendanges ensuivans, qu’il s’en retourna audit lieu d’Olonne pour faire ses vendanges avecques sa femme et mesnage, en entencion que, icelles vendanges faictes, s’en retourneroit audit lieu de le Fuzetière (sic). Et quant lui et la dicte femme furent retournez audit lieu d’Olonne, ledit Grondin et icelle femme trouvèrent façon de parler ensemble par pluseurs foiz, et dist la dicte femme audit Grondin que l’entencion de son mary estoit de l’enmener, incontinent vendanges faictes, audit lieu de la Fuzetière. Lequel Grondin ne fut pas de ce content, et dist à icelle Katherine qu’il convenoit qu’elle trouvast tous les moiens qu’elle pourroit pour empescher qu’elle ne s’en alast audit lieu de la Fuzetière ; laquelle respondist qu’elle creoit qu’elle ne pourroit. Et adonc icelui Grondin lui dist que, puisqu’elle ne povoit empescher qu’elle ne s’en alast audit lieu de la Fuzetière, qu’il convenoit qu’elle mist le feu en icellui village. Laquelle, temptée de l’ennemy et embrassée de folle amour, accorda de ce faire et, pour acomplir sa mauvaise voulenté, acueilly la dicte Cournevine, qui estoit jeune fille de huit à IX. ans, et fist tant par dons et menaces que icelle fille fut contente de faire ce que sa maistresse vouldroit ; et ung bien matin, icelle Katherine se leva d’emprès ledit Roullon, son mary, et fist lever la dicte Cornevine, à laquelle elle bailla ung pot, où il y avoit des charbons ardens et une chandelle, et la charga qu’elle allast audit lieu de la Fuzetière, et que quand elle serait illec, en certain lieu qu’elle lui declaira, qu’elle alumast la dicte chandelle et mist le feu en la paille qui y estoit. Laquelle fille, en obtemperant à son commandement, ala en icelui lieu et mist le feu en la manière que sa maistresse lui avoit enchargé, tellement que ledit hostel brula et tous les biens qui estoient dedans et ung enfant de deux ans et demy qui estoit endormy en icelui hostel, dont elle ne savoit riens. A l’occasion duquel cas lesdictes Katherine et Marye se sont absentez du païs et n’y oseroient jamais retourner ne repairer, se noz grace et misericorde ne leur estoient sur ce imparties, si comme dient lesdiz supplians, qui pour ce nous ont humblement fait requerir que, attendu que ledit Roullon reprendroit voulentiers sa dicte femme, pour l’oster de la vie dissolue où elle pourroit encheoir, et mesmement que d’elle il a quatre petiz enfans jeunes, et que ladicte Cornevine est jeune fille de l’aage de huit à neuf ans, et ce qu’elle en fist, elle le fist par l’ennortement de sa maistresse, il nous plaise impartir aus dictes Katherine et Marie nos dictes grace et misericorde. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde estre preferée à rigueur de justice, à Katherine de Rodun et Marie Cornevine, et à chacune d’elles, avons au cas dessus dit quicté et remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois de janvier l’an de grace mil CCCC. cinquante ung, et de nostre règne le XXXe.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion des gens de son grant conseil. Rippe. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCCXX 24 février 1452

Lettres de légitimation en faveur d’André de Saint-Sébastien, fils naturel de Pierre de Saint-Sébastien, chevalier, tué à la bataille de Verneuil, et de Sibile Du Bois, celle-ci mariée depuis à Perrin Du Verger.

AN JJ. 181, n° 21, fol. 11 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 269-271

Karolus, Dei gracia Francorum rex. Illegitime genitos, quos vite decorat honestas nature vicium minime decolorat, nam decor virtutis abscondit in prole maculam geniture et pudicicia morum pudor originis aboletur. Notum igitur facimus presentibus et futuris quod, licet Andreas de Sancto Sebastiano, filius naturalis quondam Petri de Sancto Sebastiano, militis, et Sibille de Bosco, tunc uxoris Perrini Du Vergier

A cette date vivait Pierre du Verger, sr de Ridejeu, fils de Christophe, chef de la branche des seigneurs de la Rochejaquelein, et de Marre de Champdefain ; mais il n’est pas probable qu’il s’agisse de ce personnage. Celui-ci eut, d’après les généalogies imprimées, deux femmes : 1° Jeanne de la Chaussée, 2° Jeanne de la Forêt, qu’il avait épousée avant le 10 août 1451.

, ex illicita copula originem traxerit, talibus tamen virtutis dono et morum venustate coruscat quod in ipso supplent merita et virtutes quod ortus odiosus adjecit, adeo quod super eo defectu natalium, quem patitur, graciam quam nobis humillime flagitavit a nostra regia majestate meruit obtinere. Nos igitur, hiis attentis necnon consideracione serviciorum nobis alias per patrem dicti Andree in nostris guerris contra adversarios nostros antiquos et presertim in bello de Vernueil, in quo diem suum clausit extremum, impensorum, eundem Andream de Sancto Sebastiano de nostre regie potestatis plenitudine, certa sciencia ac speciali gracia legitimavimus et legitimamus per presentes, ac legitimacionis titulo decoramus, ipsumque in judicio et extra a modo pro legitimo reputari et censeri volumus et haberi. Concedentes eidem et cum eo dispensantes ut ipse, quamquam de dampnato coitu traxerit originem, bona mobilia temporalia et immobilia quecunque acquirere, et jam acquisita possidere valeat et tenere, et de eisdem inter vivos vel in testamento disponere ad sue libitum voluntatis, ad successionemque dictorum patris et matris ceterorumque amicorum carnalium ac aliorum quorumlibet, ex testamento vel ab intestato, dummodo de eorum processerit voluntate, et nisi alteri foret jus jam quesitum, et ad quoscunque honores, officia aliosque legitimos actus admittatur, ac si esset de legitimo matrimonio procreatus, quodque eciam sui liberi, si quos in futurum habeat, totaque ejus posteritas de matrimonio legitimo procreanda in bonis suis quibuscunque eidem jure hereditario succedant et succedere valeant, nisi aliud quam defectus hujusmodi natalium repugnet, predicto deffectu, quem prorsus abolemus, jure, constitucione, statuto, lege, edicto et consuetudine, usu generali vel locali regni nostri, ad hoc contrariis, non obstantibus quibuscunque ; solvendo nobis hac vice financiam moderatam. Quocirca dilectis et fidelibus nostris gentibus compotorum nostrorum et thesaurariis Parisius, necnon senescallo Pictavie, ceterisque omnibus et singulis justiciariis et officiariis nostris quibuscunque, aut eorum locatenentibus, presentibus et futuris, et eorum cuilibet, prout ad eum pertinuerit, mandamus districtius injungendo quathinus prefatum Andream de Sancto Sebastiano et ejus posteros nostris presentibus legitimacione, concessione et gracia uti et gaudere pacifice faciant et permittant, absque quovis impedimento, quod si illatum foret, id reparent et ad statum pristinum et debitum reducant, seu reduci faciant indilate, visis presentibus. Quibus, ut perpetue stabilitatis robur obtineant, nostrum jussimus apponi sigillum. Nostro in aliis et omnibus quolibet alieno jure semper salvo. Datum in Montiliis prope Turonis, die xxiiiia mensis februarii anno Domini millesimo ccccmo quinquagesimo primo, et regni nostri tricesimo.

Sic signata : Per regem, domino de Montsoreau et aliis presentibus. De La Loère. — Visa.

MCCXXI Février 1452

Lettres d’anoblissement d’Etienne Boynet, originaire du Poitou.

AN JJ. 181, n° 16, fol. 9 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 271-274

Karolus, Dei gracia Francorum rex. Ad perpetuam rei memoriam. Decens et juri consonum arbitramur illos nobilitatibus et aliis prerogativis muniri, quos probos et fideles ac vita laudabili, morum honestate aliisque virtutum insigniis decoratos adinvenit regia majestas. Sane licet dilectus noster Stephanus Boynet

Étienne Boynet, le premier de cette famille notable de Poitiers sur lequel on possède des renseignements précis, était seigneur de la Frémaudière en Gâtine. Sur le livre des fiefs de la baronnie de Parthenay, dressé par le receveur du domaine du connétable de Richemont, on lit : « Estienne Boynet, pour une mesure de terre herbregée, appelée la Fremaudière Escures (la Frémaudière-Écureux), en la paroisse d’Alonne, tenue par hommage plein, à un cheval, lx solz. — Id., pour deux borderies de terre, assises à la Fremaudière Escures en la paroisse de Secondigny, qui furent messire Jehan Oger, prestre, et à ses frerescheurs, tenues à hommage plein, lx solz. » (Arch. nat., R1* 190, fol. 245 r° et v°.) On peut citer encore un aveu du moulin d’Enfernat (auj. Enfrenet ou Garotin), mouvant de la châtellenie de Civray, rendu au roi par Étienne Boynet, le 8 mai 1461. (P. 5221, côté iiMlx.) Il avait épousé Marie Boylève, veuve en premières noces de Gervais Guerry, fille d’un lieutenant en la sénéchaussée de Poitiers et de Jeanne Giraud, comme on l’apprend par un acte du 3 février 1456 n.s., portant constitution de rente sur une maison de Ligugé en faveur du chapitre de Notre-Dame-la-Grande de Poitiers, passé au nom d’Étienne Boynet, qualifié écuyer, et de sa femme, pour qu’un anniversaire fût célébré dans cette église pour les âmes de Gervais Guerry, de Jeanne Giraud et de Marie Boynet, leur fille. (Arch. de la Vienne, G. 1232.) Jean Boynet, leur fils, fut échevin de Poitiers. Le sr de la Fremaudière soutint un procès criminel contre Hugues de Conzay, lieutenant du sénéchal de Poitou, et Jean Chèvredent, procureur du roi en ladite sénéchaussée, dont on trouve plusieurs mentions entre le 10 mai 1466 et le 3 septembre 1468, sur les registres du Parlement. L’arrêt définitif, rendu à cette dernière date, condamnait les deux magistrats « pour réparation de certains abus, excès et attemptaz par eulx commis et perpetrez au prejudice dudit Boynet », chacun à 500 livres d’amende envers le roi, dont 200 pour distribuer en aumônes, savoir 100 livres aux hôpitaux de Poitiers, 50 à l’Hôtel-Dieu de Paris et 50 pour les nécessités des pauvres prisonniers de la Conciergerie. (Arch. nat., X2a 31, fol. 49 ; X2a 34, fol. 200 v°, 232, 232 v°, 237 v°, 340 v° et 355.)

, de patria nostra Pictavie oriundus, libere condicionis et de legitimo matrimonio procreatus, ex plebeis parentibus traxerit vel sumpserit originem, verumptamen vita laudabilis, morum honestas, vera erga nos eciam ipsius fidelitas ac alie virtutes quibus persona ejus insignitur, ipsum nobilem in suis actibus reddunt et nos inducunt ut erga eum reddamur ad graciam liberales. Notum igitur facimus presentibus universis et futuris quod, premissorum necnon serviciorum per memoratum Stephanum carissimo ac dilecto consanguineo nostro Francie connestabulario nobisque in ejus comitiva impensorum consideracione, eundem Stephanum Boynet et ejus posteritatem, prolem masculinam et femininam, in legitimo matrimonio natam et nascituram, nobilitavimus et de gracia speciali, ex nostra certa scientia, plena potestate et auctoritate regia, eos nobiles facimus et creamus, expresse concedentes ut ipse et tota ejus posteritas, nata et nascitura predicta, in omnibus suis actibus, in judicio et extra, ab omnibus pro nobilibus habeantur et reputentur, et habiles reddimus ut ipsi universis et singulis previllegiis, prerogativis, libertatibus et aliis juribus quibus ceteri nobiles regni nostri, ex nobili genere procreati, uti consueverunt et utuntur, gaudeant pacifice et fruantur ; ipsum Stephanum et ejus posteritatem predictam aliorum nobilium, ex nobili prosapia seu stipite procreatorum, numero agregantes, licet ipse Stephanus ex nobili genere ortum non habuerit vel sumpserit originem, ut predictum est. Volentes insuper et concedentes ut idem Stephanus et proles ejus, nascitura et nata, dum et quociens eisdem placuerit, a quocumque milite cingulum milicie valeant adipisci, et feoda et retrofeoda ac res nobiles a nobilibus et quibuscunque aliis acquirere, et jam acquisitas ac eciam acquirendas retinere et possidere perpetuo, absque eo quod ea vel eas nunc vel futuro tempore, ignobilitatis occasione, extra manum suam ponere vel alienare cogantur ; solvendo tamen nobis una vice financiam moderatam. Quocirca dilectis et fidelibus gentibus nostris compotorum nostrorum et thesaurariis, necnon generalibus consiliariis nostris super facto omnium financiarum nostrarum, et senescallo Pictavensi ceterisque justiciariis et officiariis nostris, aut eorum locatenentibus, presentibus et futuris, et cuilibet ipsorum, prout ad eum pertinuerit, damus in mandatis quatinus nostris presentibus gracia et nobilitacione dictum Stephanum Boynet et ejus posteros, masculinos et femininos, in legitimo matrimonio procreatos et procreandos, uti et gaudere plenarie et pacifice faciant et permittant, omni impedimento cessante seu amoto, ordinacionibus, statutis, editis, inhibicionibus, revocacionibus, mandatis aut deffensionibus, in contrarium factis vel fiendis, non obstantibus quibuscunque. Quod ut firmum et stabile perpetuo perseveret, nostrum presentibus litteris jussimus apponi sigillum. Datum in castro Montiliorum prope Turonis, in mense februarii anno Domini millesimo quadringentesimo quinquagesimo primo, et regni nostri tricesimo.

Sic signata : Per regem, domino de Montesorello, magistro Johanne Burelli et aliis presentibus. J. de La Loère. — Visa.

MCCXXII Février 1452

Rémission octroyée à Bertrand Gouillaud, clerc d’Etienne Gillier, conseiller et procureur du roi en Saintonge, qui s’était rendu coupable, au village de Nanteuil, paroisse de Migné, d’un meurtre sur la personne de Jamet David, meunier, celui-ci l’ayant injurié et attaqué.

AN JJ. 181, n° 26, fol. 13 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 274-279

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de Bertrand Gouillaud, clerc de nostre amé et feal maistre Estienne Gilier

Étienne Gillier, sr des Rosiers, fils aîné de Denis Gillier et de Jeanne de Taunay, sa troisième femme, fut conseiller du roi et son procureur en Saintonge, Aunis et au gouvernement de la Rochelle, et clerc des présentations de Poitou, office tenu en fief dans sa famille. Il avait épousé Jeanne Andraut, fille de Guillaume Andraut et de Jeanne Maigné, qui lui apporta la seigneurie de la Villedieu-de-Comblé. Leurs enfants furent : Françoise, dont il est question ci-dessous ; Jean, seigneur de la Villedieu et de Saint-Georges ; Pierre, depuis seigneur de Puygarreau ; Guillaume, seigneur de Salles ; et Jeanne, mariée à Louis de La Brousse, écuyer. Étienne fut exécuteur du testament d’Herbert de Taunay, son oncle, et eut à ce sujet des contestations avec Jeanne Larcher, veuve de celui-ci. Il en a été question, dans un de nos précédents volumes, ainsi que des procès qu’il eut à soutenir contre Jean de Vaily, président au Parlement de Poitiers, son beau-frère. (Voy. Arch. hist. du Poitou, t. XXI, p. 17, note ; t. XXVI, p. 397-398, note ; t. XXIX, p. 27, note, 32, note, 358, note.) Le 7 décembre 1451, il fit hommage de l’hôtel de « Saugé, sis au village de Baigneux », mouvant du château de Lusignan (Arch. nat., P. 5661, cote 2815), et rendit aveu de l’office de clerc des présentations de Poitou, le 15 mars 1462 n.s. Son décès eut lieu avant le 10 mars 1465 n.s., date d’un autre aveu du même office rendu par son fils aîné Jean, seigneur de la Villedieu-de-Comblé. (P. 1145, fol. 143 et v°, 150.)

, nostre conseiller et procureur en Xanctonge et à la Rochelle, contenant que, en ce present moys de fevrier, en retournant de nostre ville de Tours, en laquelle il estoit venu pour aucunes affaires et besoignes de sondit maistre, et retornant en nostre ville de Poictiers, il passa par Puygarreau, où il porta de par sondit maistre aucunes lettres closes à la dame dudit lieu de Puygarreau, fille de sondit maistre

Françoise Gillier, fille aînée d’Étienne et de Jeanne Andraut, était mariée à Jean Barbin, seigneur de Puygarreau, conseiller du roi et son avocat criminel au Parlement, qui, décédé sans enfants en 1469, laissa sa femme héritière de tous ses biens. Ce personnage est l’objet d’une notice quelques pages plus loin. Quant à Françoise, c’est elle qui fonda à Poitiers, le 7 avril 1478, le célèbre collège de Puygarreau, racheté depuis par la ville de Poitiers et cédé aux Jésuites en 1608. Après sa mort, la terre de Puygarreau échut à son frère Pierre. L’abbé Lalanne dit que celui-ci prenait le titre de cette seigneurie dès l’année 1478. (Histoire de Châtellerault, t. I, p. 455. Cf. aussi Dict. des familles du Poitou, 2e édit., t. I, p. 279.)

, et coucha audit lieu. Et le mercredi xvie jour dudit mois de fevrier, ledit Bertrand s’en parti dudit lieu de Puygarreau où il avoit couché, pour aler en nostre ville de Poictiers, et environ neuf heures de jour arriva ou village de Nanteuil, qui est à une lieue près de Poictiers, en la parroisse de Meigné, en laquelle ledit maistre Estienne, son maistre, a plusieurs belles maisons et heritages. Lequel Bertrand, à l’entrée dudit villaige, trouva ung laboureur nommé Jehan Caillaut, qui coupoit des houmeaux et faisoit des fagotz ; lequel Caillaut il salua et lui demanda à qui estoient lesdiz fagotz et houmeaulx. Et ledit Caillaut respondit qu’ilz estoient siens et que le nepveu de feu maistre Regnault Marchent lui avoit vendu les branches desdiz houmeaulx. Et incontinent ledit Bertrand passa son chemin et ala tout à cheval à ung hostel appellé Bertaud estant oudit village, lequel hostel appartient à son dit maistre, cuidant trouver oudit hostel de Bertaud le mestoier ou son varlet, en entencion de repaistre son dit cheval qu’il avoit jà chevauché six lieues, et de soy chauffer, mais pour ce qu’il ne trouva que la chambarière, il passa oultre et ne arresta point oudit hostel de Bertaud, et s’en ala dudit hostel de Bertaud à ung autre des hostelz de son dit maistre, appellé la Grant maison de Nanteuil, tout jeun, sans avoir beu ne mangé ; ne pensoit avoir debat à aucun. Et quant il eut passé la vigne dudit lieu de Bertaud, et qu’il fut au grant chemin dudit village, au droit d’une petite maison appellée la Pille, estant au melieu d’une pièce de terre appellée la terre de la Pille, touchant à ladite vigne de Bertaud, audit grant chemin et à la vigne de ladite Grant maison de Nanteuil, lesquelles maisons de Bertaud, de la Pille et de Nanteuil appartiennent à son dit maistre et sont tenues et mouvans de nous, lequel Bertrand, en alant son chemin, aperceut ou meileu d’icelle terre asnes ou bestes chargées de blé ou farine, sur l’une desquelles avoit ung sac vuide, ouquel n’avoit blé ne farine, après lesquelles bestes avoit ung mosnier, nommé Jamet David, demourant près dudit village, sur la rivière d’Auzance, auquel ledit Bertrand n’avoit jamais eu debat ne parolles contencieuses, et ne savoit encores lors son propre nom. Lequel mosnier estoit acompaigné d’un sien varlet, duquel il ne scet le nom. Ausquelx mosnier et varlet il dist doulcement telles parolles : « David, vous voiez que ceste terre est labourée pour y couvrir le blé, et jasoit ce qu’elle ne feust labourée, il n’y a par icelle point de chemin, et le grant chemin pour venir de vostre maison est bel et sec, par ainsi que vous faictes mal de faire par ceste terre nouvel chemin. Vous faictes injures à monseigneur de Forges, mon maistre, qui est en la sauvegarde du roy, et faictes dommage à son laboureur. Je vous prie, n’y passez plus. » Et incontinent ledit David commença à dire audit Bertrand, present ledit varlet, troys ou quatre foys : « Et bien, et bien, mes bestes font plus de bien que de mal en passant par la terre de vostre maistre ». Et ledit Bertrand, qui jà estoit près dudit hostel de la Pille et aloit veoir se Jehan Mosnier demourant en ladicte maison y estoit, oyant les parolles dudit David, lui dist : « Vous ne dictes pas vray, et ne trouverez laboureur qui ne feust contre vous. Si je vous y trouve une autresfoys, je vous desgaigeray et le vous feray reparer. » Et incontinent ledit David, qui se sentoit fort de lui et de sondit varlet, et estoit homme injurieux et noisif, et hayneux de Guillaume Bardoux, mestoier dudit Gillier en ladicte Grant maison dudit Nanteuil, et de laquelle hayne ledit Bertrand ne savoit riens, et creoit ledit Bertrand que ledit David passoit ses dictes bestes et son dit varlet par ladicte terre en hayne et despit dudit Guillaume Bardoux, pour ce que entre le moulin dudit David et ladicte terre de la Pille sont les terres de ladicte Grant maison de Nanteuil, en laquelle demouroit ledit Guillaume, et par lesquelles terres qui touchent à icelle terre de la Pille ledit David, son dit varlet et lesdictes bestes avoient passé en venant à ladicte terre de la Pille et y faisoient semblablement leur chemin ; lequel David, plein de mal courage, commença à dire audit Bertrand : « Je ne laisserai point pour vous à y passer, puis que le sentier y est ». Et se commença à arrester. Et lors ledit Bertrand retourna aus dictes bestes qui estoient encores en ladicte terre et cuida prendre ledit sac vuide, mais ledit David qui avoit ung gros baston sec frappa sur la teste du cheval dudit Bertrand, qui estoit petit et travaillé du chemin qu’il avoit fait, tant qu’il tint à pou que ledit cheval ne cheut, et s’en feust fouy, se n’eussent esté lesdictes bestes chargées qui estoient devers le chemin, et ledit David et son varlet qui estoient devers le champ, d’autre part. Lequel Bertrand, quant il vit son dit cheval frappé et qu’il ne se povoit oster, sans estre refrappé, volut frapper et de fait frappa ung pou sur ledit David, avec une petite verge de noier qu’il avoit en sa main et dont il chassoit son dit cheval, pour cuider faire fouyr lesdiz David et son varlet ; mais ledit David voulut derechief frapper ledit Bertrand, lequel mist la main destre dont il tenoit ladicte verge au devant du coup, et lui fist ledit David très grant mal et jusques à sang et playe, et crya à son dit varlet : « Aide moy, ribault, aide moy ! » et disant audit Bertrand : « Par le sang Dieu, je vous garderay bien de tirer l’espée ! » Et ce voiant ledit Bertrand, qui estoit entre lesdictes bestes et ledit David et son dit varlet, oyant ledit cry et doubtant estre plus fort blecié, tira une petite espée qu’il avoit, et pour obvier au coup que lui vouloit donner ledit David, frappa sur le baston dudit David, lequel estoit gros et sec, et ne scet ou du plat ou du trenchant, mais ladicte espée ressortit sur le cousté de la teste dudit David, et luy fist sang et playe, dont ledit Bertrand fut très courroussé, et se tira incontinent à part. Et quant il vit qu’il avoit ainsi blecié ledit David, il s’en ala à ladicte maison de la Pille, et pria à la femme dudit Jehan Mosnier, demourant en ladicte maison, et lui requist qu’elle portast audit David ung euf et un peu d’estoupes, et lui dist qu’il avoit blecié ledit David sur la teste, dont il estoit bien courrocié. Et incontinent ladicte femme porta audit David ce que ledit Bertrand lui avoit dit ; mais ledit David qui menassoit très fort ledit Bertrand, ne voulut riens mettre sur ladicte playe, et dist par troys ou quatre foys audit Bertrand : « Tu as fait que foul de par le deable », et s’en ala ainsi cryant en sa maison, jusques au soir, sans riens vouloir mettre sur ladicte playe. Et tantost après ledit Bertrand s’en ala à Poictiers tout jeun, sans boire ne sans menger, doulant et courrocié. Et luy arrivé, doubtant de la mort dudit David, voulut incontinent faire aler maistre Jehan, le barbier, audit lieu de Nanteuil, pour penser [la plaie] dudit David. Et le jeudi ensuivant, pria et requist de rechief audit maistre Jehan qu’il y alast et menast encores ung autre barbier avec lui, et qu’il les paieroit bien, et lui voulut bailler argent. Et aussi fist requerir audit maistre Jehan plusieurs foys d’y aler. Pour laquelle cause, ledit maistre Jehan parla à la femme et au filz dudit David qui estoient venuz en ladicte ville de Poictiers, et leur dist ce que ledit Bertrand lui avoit dit, et qu’il estoit prest d’y aler. Lesquelz femme et filz respondirent audit barbier qu’il n’y alast point et que ung autre barbier y estoit alé, et que ledit David n’avoit pas grant mal. Et aussi disoient publiquement lesdiz femme et filz ce qu’ilz disdrent audit barbier. A l’occasion desquelles parolles, ledit maistre Jehan delaissa d’y aler. Et trois jours après ou environ ledit David, par deffault d’estre pensé et de gouvernement, ou autrement, est alé de vie à trespassement. A l’occasion duquel cas ledit Bertrand, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du pays et n’y oseroit jamais retourner, se nostre grace et misericorde ne lui estoit sur ce impartie. Requerant humblement que, attendu ce que dit est, etc. Pour quoy nous, etc., audit Bertrand avons ou cas dessus dit, remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois de fevrier l’an de grace mil cccc. cinquante et ung, et de nostre règne le xxxe.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Courtinelles. — Visa.

MCCXXIII Mars 1452

Rémission en faveur de Thomin Chardebeuf, de Saint-Maixent, coupable du meurtre d’une femme de vie dissolue qui l’avait diffamé.

AN JJ. 181, n° 39, fol. 21 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 279-281

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de Thomin Chardebeuf, natif de la ville de Saint Maixant et prisonnier detenu ès prisons de nostre très chier et très amé frère et cousin le conte du Maine, audit lieu de Saint Maixent, contenant que, combien que ledit Chardebeuf n’eust meffait ou mesdit à feue Perrenelle Sagette, en son vivant femme de Mery Naudin, demourans audit lieu de Saint Maixant, ce non obstant icelle Perrenelle Sagette, qui estoit femme de mauvaise vie et deshonneste, entachée de plusieurs mauvaises condicions et coustumière de boire oultre mesure et soy enyvrer, et de injurier et mesdire sur autruy, an et demy a ou environ, incontinent qu’elle appercevoit ledit Chardebeuf, proferoit alencontre de lui plusieurs parolles injurieuses, en cryant en plaine rue à haulte voix : « Chardebeuf, ribault, ruffien, maquereau, vendeur de char vive aux moines » ; et à ung jour de lundi entre les autres, en continuant en sa mauvaise voulenté, monta sur ung planchier en l’ostel de sondit mary et se mist à la fenestre sur la rue, en cryant comme dessus : « Chardebeuf, ribault, ruffien, maquereau, vendeur de char vive aux moines », et le recitoit plusieurs foys et injurioit de plusieurs autres parolles et oultrages. Et ce oyant ledit Chardebeuf, considerant que par le moien desdictes parolles non veritables il pourroit estre grandement vituperé et blasmé, et comme d’icelles dolent et courrocié, s’en alla en son hostel et illec print ung haste de fer, et vint devant l’ostel de ladicte Sagette, et dudit haste, pour ladicte Sagette faire oster de ladicte fenestre et retraire en son dit hostel et garder de plus proferer contre lui lesdictes parolles, donna à ladicte Sagette deux ou trois coups et tellement que, le mercredi ensuivant, par son mauvais gouvernement ou autrement, elle ala de vie à trespassement. Pour occasion duquel cas ledit Chardebeuf a esté prins par les officiers de nostre dit cousin et constitué prisonnier èsdictes prisons, où il est detenu en grant pouvreté et misère, en voye d’y finer miserablement ses jours, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, si comme dient lesdiz supplians ; requerans humblement que, attendu que ladicte Sagette estoit femme de mauvais gouvernement, et qu’il est à presumer qu’elle est plustost decedée par son dit mauvais gouvernement que pour cause desdiz coups à elle donnez, par ce que souventes foys par son yvresse s’endormoit en la rue ou autre part où elle se trouvoit, et que en tous autres cas ledit Chardebeuf est bien renommé, non actaint ou convaincu d’aucun autre cas, blasme ou reprouche, nous lui vueillons nos dictes grace et misericorde eslargir. Pour quoy nous, etc., audit Thomin Chardebeuf avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou moys de mars l’an de grace mil cccc. cinquante et ung, et de nostre règne le xxxe.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Rippe. — Visa. Contentor. Chaligaut.

MCCXXIV Avril 1452 (après Pâques)

Rémission accordée à Jean Pasquaut et à Pierre Babin, jeunes clercs de Saint-Maurice-des-Noues, qui avaient commis un vol au préjudice du prieur de ce lieu.

AN JJ. 181, n° 77, fol. 41 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 281-283

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de Jehan Pasquault, aagé de xix. ans ou environ, et de Pierre Babin, filz de Jehan Babin, aagé de xvi. ans ou environ, clercs, parroissiens de Saint Morice des Nohes ou diocese de Maillezays, contenant que, le jour saint Blaise derrenierement passé

Le 3 février 1452 n.s.

, lesdiz enfens qui estoient demourans en ladicte eglise de Saint Morice, en laquelle ilz ou l’un d’eulx aidoient souventes fois à ung chappelain y resident à dire et celebrer messe, après ce que icelui chappelain eut en icelui jour celebré sadicte messe, ilz demourèrent seulz en ladicte eglise. Et, pour ce que auparavant ilz avoient veuz des pommes en unes aumaires en ladicte eglise, appartenans à frère Pierre Recoign, prieur du prieuré dudit lieu de Saint Morice

Le prieuré de Saint-Maurice-des-Noues, indépendant de la cure de cette paroisse, était à la nomination de l’évêque de Maillezais ; au xviie siècle, il fut uni au doyenné de La Rochelle. (L’abbé Aillery, Pouillé du diocèse de Maillezais, p. 180.)

, qui aucunes fois leur donnoit lesdictes pommes, iceulx enfens, afin qu’ilz eussent de celles pommes, se prindrent à destachier et descouldre la claveure desdictes aumaires. Et ainsi qu’ilz cuidèrent trouver lesdictes pommes, trouvèrent èsdictes aulmaires une poche de linge, en laquelle avoit certaine quantité d’or appartenant audit prieur, hors de la quelle poche, par temptacion de l’ennemy, ilz en prindrent quarante pièces, dont ledit prieur en fist question et demande en jugement. Lesdiz enffens, desplaisans et courroucez du fait, vindrent devers luy les mains jointes, crians mercy et pardon, et lui suppliant que il leur voulsist pardonner, et lui randirent et restituèrent de fait lesdictes quarante pièces d’or, en telle manière que il s’en est tenu content, et moiennant laquelle restitucion et en faveur de leur jeune aage et ignorance, de bon cuer et voulenté le leur pardonna. Neantmoins, doubtans rigueur de justice, se sont absentez du pays et n’y oseroient jamais retourner, converser ne demourer, se noz grace et misericorde ne leur estoient sur ce imparties, si comme dient iceulx supplians. Pourquoi nous, attendu ce que dit est, voulans misericorde estre preferée à rigueur de justice, ausdiz Jehan Pasquault, le filz, et Pierre Babin, en faveur de leur dicte jeunesse et à la requeste desdiz supplians, avons oudit cas quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces mesmes presentes aux seneschaulx de Poictou et Xainctonge, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou moys d’avril l’an de grace mil cccc. cinquante et deux après Pasques, et de nostre règne le xxxe.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. H. Machet. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCCXXV Juin 1452

Lettres octroyant à Pierre Frotier, écuyer, et à Prégent, son fils, le droit de haute, moyenne et basse justice en leur seigneurie de Melzéar, mouvant de Melle, en échange de l’abandon et de la cession qu’ils ont faits au roi de l’hommage et autres droits féodaux qu’ils possédaient, à cause de la baronnie de Preuilly, sur la vicomté de la Guerche en Touraine.

AN JJ. 181, n° 119, fol. 66 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 283-288

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, que comme nostre amé et feal conseiller Pierre Frotier, escuier, seigneur de Prully et de Mellezar, tant en son propre et privé nom, que comme ayant le bail, garde, gouvernement et administracion de Prigent Frotier, son filz, et de feue Marguerite de Pruilly, damoiselle, jadis sa femme

On connaît le rôle important joué par Pierre Frotier dans le gouvernement de Charles VII, pendant la régence et les trois premières années du règne. Il remplit l’office de sénéchal de Poitou d’avril à juillet 1425, durant la disgrâce de Jean de Torsay ; nous avons rencontré son nom à plusieurs reprises dans les deux précédents volumes de ce recueil. (T. XXVI des Arch. hist. du Poitou, introduction, p. xxvii, notice, p. 364, note ; t. XXIX, p. 40, note, 145, note, et 271.) On trouve d’autres renseignements sur ce personnage dans les registres du Parlement ; procès par lui soutenus : 1° contre le procureur général, Jean Amouroux et Nicolas Machon, lieutenants en la sénéchaussée de Poitou, Jean Arembert et Jean Vasselot, procureur du roi en Poitou, Jean Tranchant, greffier des assises de ladite sénéchaussée, qui le poursuivaient pour excès de pouvoir, 31 juillet 1423 (Arch. nat., X1a 9190, fol. 241 v°) ; 2° contre le procureur général qui s’opposait à l’entérinement des lettres de don de Gençay qu’il avait obtenues du roi, janvier 1424 (id., fol. 248, 270) ; 3° contre Pierre de Salvinhac, affaire criminelle, 12 et 28 avril 1431 (X2a 18, fol. 250 v°, 251 v°) ; 4° à cause de sa femme, Marguerite de Preuilly, contre Louise de Preuilly, dame de Saint-Georges, veuve de Geoffroy Chasteigner, 7 juin 1432 (X1a 9192, fol. 292) ; 5° contre Petitjean Domery, sergent royal, 7 juillet 1433 (X2a 21, à la date) ; 6° avec Raoul de Gaucourt, à cause de leurs femmes, contre Marguerite, dame de Malval, 22 juin et 26 août 1434 (X1a 9194, fol. 72 et 78 v°) ; 7° contre Raoul de Gaucourt et ses autres beaux-frères, à cause de l’héritage de leur beau-père, 9 et 20 janvier, 3 février 1434 (X2a 21) ; 8° contre Jacques de la Cueille et autres, 15 septembre 1434 (X2a 20, fol. 76 v°) ; 9° avec Raoul de Gaucourt, en revendication des biens provenant de Jeanne Turpin, veuve de Guillaume de Naillac (X2a 21, aux dates des 6 et 15 septembre, 15 décembre 1434, 12 janvier, 11, 12 et 19 mars, 1er et 30 avril, 7 septembre et 23 décembre 1435) ; 10° contre Germain Girardin, au sujet d’une obligation de 60 marcs d’or, 25 mai 1436 (X1a 9193, fol. 142).

Pierre Frotier, seigneur de Melzéar et de Miseré en Poitou, avait épousé Marguerite, la deuxième des cinq filles de Gilles, baron de Preuilly, seigneur de la Rochepozay, et de Marguerite de Naillac, par contrat du 6 août 1421 (texte publié par Carré de Busserolle, Dict. hist. géogr. d’Indre-et-Loire, t. V, p. 211). Ils firent leur testament le 8 février 1445, et Marguerite de Preuilly mourut le 13 août de la même année. Son mari lui survécut environ douze ans. Le 26 décembre 1443, il fit hommage au roi de la baronnie du Blanc, mouvant de la Tour de Maubergeon. (Arch. nat., P. 5541, n° lxx bis.)

Prégent Frotier, nommé ici, baron de Preuilly après la mort de son père, seigneur d’Azay-le-Féron, du Blanc, etc., avait épousé, vers 1450, Isabeau de Billy, fille et héritière d’Huguet de Billy, seigneur de Thuré et de la Tour-d’Oiré près de Châtellerault, et de Jeanne Rouault. Elle testa avec son mari l’an 1480. Le 19 novembre 1471, Prégent s’était emparé du château de la Rochepozay, qui appartenait alors à Louise de Preuilly, veuve de Geoffroy Chasteigner, le mit au pillage, puis se retira avec un riche butin, consistant principalement en armes d’un grand prix, en espèces et en vaisselle d’or et d’argent. Un arrêt du Grand Conseil le condamna à restituer ces richesses. Tristan l’Hermite, grand prévôt de l’hôtel, chargé de l’exécution de la sentence, vint trouver Prégent à Preuilly et s’entendit avec lui sur les moyens de faire tourner cette affaire à leur profit. Opposition fut faite à l’ordonnance ; un nouvel arrêt confirma le premier et fut encore attaqué, si bien que Louise de Preuilly, fatiguée de cette interminable procédure, fut amenée au but que se proposaient les deux complices, à un accommodement. Cet accord fut assez favorable à Frotier pour que l’envoyé du roi pût être largement payé de ses services. (Carré de Busserolle, op. cit., t. V, p. 220.) Prégent Frotier était appelant de l’évêque de Poitiers contre Jean de Champrupin, abbé de Saint-Cyprien de Poitiers, prieur de Luray, le 19 novembre 1483. (Arch. nat., X1a 4825, fol. 13 v°, 187 v°.) Il mourut en 1487, laissant trois fils et deux filles, et fut enterré dans l’abbaye de Preuilly. Le château actuel d’Azay-le-Féron fut bâti par lui en 1480.

, et icellui Prigent avec l’auctorité de son dit père, nous aient cedé, transporté, quicté, delaissé et remis à perpetuité, pour eulx et chacun d’eulx, et pour leurs hoirs et successeurs et qui d’eulx et de chacun d’eulx auront cause, tout le droit de hommage et serment de feaulté, ressort, justice et juridicion, feage et droiz de fief avec tous les honneurs, services, legences et autres droiz, devoirs et reddevances quelzconques que lesdiz Pierre Frotier, et Prigent, son filz, et chacun d’eulx avoient et avoir povoient et devoient, et qui à eulx et chacun d’eulx povoient et pourroient pour le temps avenir competter et appartenir à cause de la seigneurie de Preuilly, et autrement en et sur les viconté, terre, seigneurie, ville, chastel et chastellenie de la Guierche en Touraine

L’acte de renonciation par les Frotier à l’hommage de la vicomté de la Guerche, tenue jusqu’alors de la baronnie de Preuilly, porte la date du 24 mai 1452. Outre la haute justice de Melzéar, le roi, en échange de cet abandon fait à son profit, leur fit don de 6.000 écus d’or. Prégent confirma et renouvela cette renonciation le 6 octobre 1457. Son père était alors décédé, contrairement à l’affirmation des généalogistes qui fixent la mort de Pierre Frotier à l’année 1459. (Arch. nat., J. 183, n° 152.) La Guerche appartenait alors à André de Villequier, qui l’avait achetée, le 19 octobre 1450, de Nicolas Chambes, ou Chambre, gentilhomme originaire d’Écosse, pour le prix de 1.000 écus d’or. Le château fut bâti vers cette époque, très probablement aux frais de Charles VII, qui en fit don à sa maîtresse, Antoinette de Maignelais, femme d’André de Villequier. (Carré de Busserolle, Dict. hist. d’Indre-et-Loire, t. III, p. 268 ; de Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. V, p. 63.)

, paravant tenue à foy et hommage de la dicte seigneurie de Prully, sans riens reserver ne retenir à eulx [ne à] aucun d’eulx ou de leurs hoirs, ne à ladicte seigneurie de Prully, en quelque manière que ce soit, et s’en soient desvestuz et dessaisiz en noz mains, et nous en ayent vestu et saisi, et voulu et consenti expressement que ledit hommage et autres droiz et reddevances quelzconques, qu’ilz avoient sur la dicte viconté de la Guiarche feussent et soient perpetuelement uniz et consolidez à nostre dommaine et directe seigneurie de la duchié de Touraine, tant pour consideracion de plusieurs biensfaiz et avantaiges que avons fait au dit Pierre Frotier et autres predecesseurs dudit Prigent, et que esperons encores leur faire, et mesmement audit Prigent, pour le temps avenir, que aussi parmi ce et affin que voulsissions donner et octroyer ausdiz Pierre Frotier et Prigent, et aux leurs, droit, puissance et auctorité de avoir, tenir et exercer perpetuelement haulte justice et juridicion, moyenne et basse, avecques l’exercice d’icelle et tout ce qui en deppend en la terre, fief et seigneurie de Melleziar, appartenans audit Pierre Frotier, tenuz à foy et hommage de nostre très chier et très amé frère et cousin le conte du Maine

Par acte passé à Mehun-sur-Yèvre, le 31 juillet 1452, Charles d’Anjou, comte du Maine, donna, comme seigneur de Melle, son consentement à l’érection de Melzéar en haute justice au profit de Pierre et Prégent Frotier. (Original scellé, Arch. nat., J. 183, n° 151.)

, à cause de sa seigneurie de Melle, en laquelle ladicte terre et seigneurie de Melleziar est assise, et parmy ce aussi que leur en feissons avoir consentement exprès et lettre bonne et valable de nostre dit frère et cousin ; lesquelles choses nous leur ayons octroyé et accordé, ainsi que plus à plain est contenu ès lettres dudit transport. Pour ce est il que nous, ayans agreable lesdiz cession, transport et delaiz desdiz foy, hommage, serment de feaulté, droiz de fiefz et autres devoirs et autres reddevances sur ladicte viconté de la Guiarche, à nous faiz par lesdiz Pierre Frotier et Prigent, son filz, et chacun d’eulx, par la manière que dit est, et tous les poins et articles contenuz ès lettres dudit transport, icelles lettres de transport nous avons auctorisé, confermé et approuvé, auctorisons, confermons et approuvons par ces presentes. Et avons voulu et ordonné, voulons et ordonnons que lesdiz foy et hommage, serement de feaulté de ladicte viconté de la Guiarche et autres devoirs et reddevances quelzconques que lesdiz Pierre Frotier et Prigent, son filz, avoient sur icelle, soient perpetuelment annexez, uniz et consolidez à nostre dommaine et directe seigneurie de Touraine, et lesquelz nous y avons uniz et annexez, unissons et annexons par ces presentes. Et en oultre, en accomplissant de nostre part les choses appointées et accordées ès lettres dudit transport, nous, pour et en recompense desdiz foy et hommage et autres droiz et devoirs à nous transportez, comme dit est, avons donné et octroyé, donnons et octroyons, par la teneur de ces presentes, ausdiz Pierre Frotier et Prigent, son filz, et à leurs hoirs, successeurs et ayans cause, plaine puissance, droit et auctorité de avoir, tenir et exercer perpetuelement en ladicte terre de Melleziar justice et juridicion, haulte, moyenne et basse, exercice d’icelle et tout ce qui en deppend, avecques tous les droiz, noblesses, proffiz, prerogatives et preeminences, qui à justice, haulte, moyenne et basse appartiennent et puent appartenir, selon la coustume du païs ; pour icelle juridicion avoir et tenir hommageement de nostre dit frère et cousin le conte du Maine, à cause de sa dicte seigneurie de Melle, et tout en ressort et juridicion d’icelle, et en joïr et user doresenavant perpetuelement par ledit seigneur de Prully et ledit Prigent, son filz, et leurs hoirs, successeurs, qui tendront et possideront ledit fief, terre et seigneurie de Melleziar, soubz les foy, hommage, serement de feaulté et autres droiz et devoirs que ledit Pierre Frotier est tenu et a acoustumé de faire au seigneur de Melle, pour raison d’iceulx fief, terre et seigneurie de Melleziar, reservé à nous le droit de souveraineté, et à nostre dit frère et cousin et à ses successeurs, à cause de sa dicte seigneurie de Melle, ledit hommage et serement de feaulté, avecques le ressort des appellacions et autre tel devoir que seigneur feodal puet et doit avoir sur ses vassaulx qui tiennent haulte, moyenne et basse juridicion soubz lui. Si donnons en mandement à noz amez et feaulx les gens de noz comptes et tresoriers à Paris, au seneschal de Poictou et à noz procureur, receveur et autres nos officiers et justiciers en nostre conté de Poictou, et à tous noz autres justiciers et officiers, ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, que de nostre presente concession et octroy ilz facent, seuffrent et laissent joïr et user ledit Pierre Frotier et Prigent, son filz, plainement et paisiblement, sans avoir empeschement ou contredit. Et afin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné à Chicé en Touraine, ou mois de juing l’an de grace mil cccc. cinquante deux, et de nostre règne le xxxe.

Ainsi signé : Par le roy, le sire de Vauvert

Jean de Lévis, seigneur de Vauvert, fils d’Antoine de Lévis, comte de Villars, conseiller et chambellan de Charles VII, jouissait de la plus grande faveur auprès de ce prince. Il avait épousé, le 25 novembre précédent, au château de la Villedieu-de-Comblé, appartenant à Étienne Gillier, en présence du roi et de la cour, Antoinette, aliàs Thomine de Villequier, sœur d’André de Villequier, mari depuis deux ans d’Antoinette de Maignelais, la maîtresse du roi. (Voy. de Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. V, p. 68, 76.)

, maistres Jehan Barbin

Jean Barbin naquit en 1406. Dès l’an 1432, il jouissait d’une certaine réputation comme avocat au Parlement de Poitiers. Le 28 décembre de cette même année, il épousa Françoise Gillier, fille aînée d’Étienne Gillier, sr des Rosiers et de la Villedieu (ci-dessus, p. 275, note). Vers la même époque, il acquit de Jean de la Leigne et de Rose de Jaunay sa femme, la terre de Puygarreau avec les seigneuries de l’Écuré, de Louzil et de Verneuil, et Charles VII l’autorisa, par lettres d’octobre 1434, à fortifier son château de Puygarreau. (L’abbé Lalanne, Hist. de Châtellerault, I, p. 455.) Par son mariage, il devint aussi seigneur de Pruniers et de la Roche-de-Mérigné, dont Françoise Gillier hérita d’Agnès Bourde, veuve de Nicolas Gillier, son oncle. (Le baron d’Huart, Persac, etc. Mém. des Antiq. de l’Ouest, 2e série, t. X, 1887, p. 307.) En 1445, il est qualifié conseiller et avocat du roi pour le criminel au Parlement, c’est-à-dire avocat général lai, et nous voyons ici qu’il siégeait au Grand Conseil. Les Archives de la Vienne possèdent un acte sur parchemin du 3 octobre 1446, par lequel les maire, bourgeois et échevins de Poitiers nomment sire Jean Barbin, avocat du roi au Parlement, leur conseiller à ladite cour et lui attribuent une pension annuelle de 10 livres. (B. 5.) Au commencement de 1451, Jean Barbin, dit M. de Beaucourt, vint s’installer auprès de Charles VII, qui le retint pendant presque toute l’année, à cause des arrestations qui eurent lieu alors à plusieurs reprises et des poursuites qui furent dirigées contre des particuliers, soit pour avoir tenu des propos injurieux contre le roi, soit sous l’inculpation d’un crime de lèse-majesté. (Hist. de Charles VII, t. V, p. 94.) Le sr de Puygarreau fut aussi l’un des juges de Jacques Cœur, en 1452. Il avait suivi de près Jeanne d’Arc à Poitiers et put, au procès de réhabilitation, faire une importante déposition (30 avril 1456) ; il est dit, dans cet acte, legum doctor, advocatus regis in sua Parlamenti curia, ætatis l. annorum. (J. Quicherat, Procès de Jeanne d’Arc, t. III, p. 82 et s.) Révoqué à l’avènement de Louis XI, ce prince lui accorda des lettres de rémission le 19 décembre 1463 (JJ. 199, n° 74) ; elles seront publiées à leur date. Jean Barbin mourut en 1469, sans postérité, et fut inhumé au couvent des Cordeliers de Poitiers.

, Estienne Chevalier, Pierre Doriole

Pierre Doriole, sire de Loiré, né à la Rochelle en 1407, mort le 14 septembre 1485. Trésorier de France et conseiller de Charles VII, il fut chargé, par ce prince et son successeur, d’importantes négociations et remplit les fonctions de chancelier de France de 1472 à 1483.

et autres plusieurs presens. Chaligaut. — Visa.

MCCXXVI Juin 1452

Lettres ratifiant la cession faite par Charles d’Anjou, comte du Maine, vicomte de Châtellerault, à Huguet de Billy, écuyer, son maître d’hôtel, et à la femme de celui-ci, des terres et seigneuries de Thuré, Saint-Christophe-sous-Faye et la Tour-d’Oiré.

AN JJ. 181, n° 159, fol. 99 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 289-293

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de nostre très chier et très amé frère et cousin le conte du Maine, viconte de Chastelleraut

Charles d’Anjou, comte du Maine et de Mortain, vicomte de Châtellerault, etc., beau-frère de Charles VII, sur lequel voy. le vol. précédent, p. 146, note, et ci-dessus, p. 12, note.

, contenant que, ou mois de janvier l’an mil cccc. quarante et sept

Cette date n’est pas exacte. C’est le 21 mai 1447 que l’échange en question eut lieu. (Cf. ci-dessus, p. 14, note.)

, nostre dit frère et cousin et l’evesque de Poictiers, qui lors estoit

L’évêque de Poitiers était alors Guillaume Gouge de Charpaignes, auquel nous avons consacré une notice dans notre précédent volume, page 116.

, firent certaine permutacion et eschange par lesquelz nostre dit frère et cousin bailla et transporta audit evesque et à ses successeurs evesques de Poictiers, les chastel et chastellenies, terres et seigneuries de Harecourt en Chauvigny, appartenances et appendances d’icelles, tenues et mouvans en fief dudit evesque de Poictiers, à cause de son chastel de Chauvigny, et en recompensacion de ce ledit deffunct evesque de Poictiers bailla et transporta à nostre dit frère et cousin, ses heritiers et successeurs, les terres et seigneuries de Thuré, Saint Christofle soubz Faye et la Tour d’Ouairé, lesquelles sont situées et assises au dedans des fins et mettes et près et joignant de ladicte viconté de Chastelleraut, sans ce que ledit evesque y reservast ne retenist aucune chose pour lui ne ses successeurs en aucune manière. Auquel nostre dit frère et cousin, pour certaines causes et consideracions à ce nous mouvans, nous octroiasmes ja pieça qu’il tenist de nous lesdictes terres et seigneuries de Thuré, Saint Christofle et la Tour d’Ouairé soubz les foy et hommaige et devoirs qu’il nous doit et est tenu de faict à cause de sa dicte viconté de Chastelleraut, et icelles terres et seigneuries unismes et joingnismes avec ladicte viconté, ainsi que plus à plain appert par noz autres lettres sur ce faictes, desquelles la teneur s’ensuit :

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons, etc., nous avoir receu l’umble supplicacion de nostre très chier et très amé frère et cousin Charles d’Anjou, conte du Maine et viconte de Chastelleraut, etc… Donné au Boys Sire Amé, ou mois de juing l’an de grace mil quatre cens quarante et sept, et de nostre règne le xxve

Le texte de ces lettres patentes est imprimé au commencement du présent volume, page 12.

.

Et après lesquelles obtenues et avant qu’elles feussent expediées ne veriffiées en nostre court de Parlement ne ailleurs, nostre dit frère et cousin, par certains justes tiltres et moiens ceda et transporta lesdictes terres à Huguet de Billé, escuier

Huguet de Billy, écuyer, d’une famille ancienne du Mirebalais, paraît être le second fils de Léonnet de Billy, qui rendit aveu pour son hôtel de Billy, le 29 août 1385, à la baronnie de Mirebeau, et de Perrette de Marconnay. Il assistait, le 30 septembre 1443, au mariage de Simon de Marconnay avec Jeanne Chaperon. Sa femme Jeanne Rouault était fille de Jean, seigneur de Boisménart, chambellan du roi, tué à Verneuil, et de Jeanne Du Bellay, dame du Colombier, et par conséquent sœur de Joachim Rouault, chevalier, qui devint maréchal de France à l’avènement de Louis XI. Nous avons vu, quelques pages plus haut, que leur fille Isabeau avait épousé, vers 1450, Prégent Frotier, baron de Preuilly. On ignore si Pierre de Bilhé (Billy), écuyer, seigneur de Faviers et de Limalonges, qui rendit aveu de son hébergement de Limalonges et autres fiefs mouvant de Civray aux comtes de Poitou, le 9 février 1410 n.s. et en 1418, et Jeanne de Billy, à cette dernière date, dame d’un hébergement à Fontfroide, tenu du château de Montreuil-Bonnin (Arch. nat., P. 1144, fol. 20 et 66 v° ; R1* 2172, p. 1322), étaient parents des Billy du Mirebalais. D’autres familles du même nom, et plus connues, ont existé dans le Soissonnais, la Beauce, la Lorraine et la Bourgogne. M.A. Richard fait remarquer à ce sujet que plusieurs auteurs ont confondu des membres de ces dernières avec les Billy du Poitou. (Note sur quatre abbés poitevins du nom de Billy, Extr. du Bulletin de la Société des Antiquaires de l’Ouest, 1886, 3e trimestre.)

, maistre de son hostel, et Jehanne Rouaude, damoiselle, sa femme, et à leurs hoirs et aians cause d’eulx, à les tenir de nostre dit frère et cousin, ses hoirs et aians cause de lui, à foy et hommaige et certains autres devoirs, à cause de sa dicte viconté de Chastelleraut, comme l’en dit plus applain apparoir par lettres autentiques sur ce faictes et passées. Et doubte nostre dit frère et cousin que, attendu qu’il n’a requis l’enterinement de nos dictes lettres dessus transcriptes avant le transport qu’il a fait des dictes terres audit Huguet de Billé et sa femme, que nostre procureur et autres noz officiers le vueilent troubler et empescher en la joyssance des dictes foy et hommaige et devoirs, à cause des dictes terres et seigneuries, et aussi le empescher en l’expedicion et verifficacion de nos dictes lettres dessus transcriptes, et sur ce le tenir et enveloper en grans procès, qui seroit et pourroit estre en son grant prejudice et dommaige, si comme il dit, requerant humblement que sur ce lui vueilons pourveoir de nostre gracieulx et convenable remède. Pour quoy nous, eue consideracion aux choses dessus dictes et aux grans et louables services que nostre dit frère et cousin nous a faiz en maintes manières, et esperons que face ou temps advenir, et que nostre dit frère et cousin, par le moien dudit eschange, nous a remises lesdictes terres et seigneuries de Thuré, Saint Christofle et la Tour d’Ouairé, qui estoient admorties, subgectes à rachapt et ausdiz foy et hommaige, et à plusieurs autres proufiz, que nous et noz successeurs en pourrons avoir ou temps avenir, et pour autres raisonnables causes à ce nous mouvans, nous, de nostre certaine science, plaine puissance et auctorité royal, avons octroié et de grace especial octroions par ces presentes, à nostre dit frère et cousin, voulons et nous plaist que il joysse de nos dictes lettres dessus transcriptes et qu’elles lui soient d’autel effect et valeur, comme se elles lui eussent esté enterinées par avant le transport par lui fait desdictes terres et seigneuries audit Huguet de Billé et sa femme. Et de nostre plus ample grace, voulons, ordonnons et nous plaist, et avons octroié et octroions à nostre dit frère et cousin que icelles terres et seigneuries de Thuré, Saint Christofle et la Tour d’Ouairé soient doresnavant tenues et mouvans, de lui en fief et à foy et hommaige, et autres droiz et devoirs qui y appartiennent, et de ses heritiers et successeurs vicontes de la dicte viconté de Chastelleraut, à les tenir de nous soubz les diz foy et hommaige qu’il nous doit et est tenu de faire à cause de sadicte viconté de Chastelleraut. Et en tant que mestier est, avons donné et par la teneur de ces presentes, donnons à notre dit frère et cousin les foy et hommaige et autres devoirs, s’aucuns nous estoient ou pourroient estre deuz à cause des dictes terres et seigneuries par le moien dudit eschange ou autrement, sans ce que à cause de foy et hommaige, ou autres droiz et devoirs non faiz et paiez à nous, l’en puisse aucunement inquieter ne traveiller nostre dit frère et cousin, les diz Huguet de Billé et sa femme, leurs hoirs, successeurs et aians cause. Et quant à ce nous imposons scilence perpetuel à nostre procureur et à tous noz autres officiers. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, à noz amez et feaulx conseillers les gens tenans et qui tendront nostre Parlement, gens de noz comptes et tresoriers, au seneschal de Poictou ou à son lieutenant, et à noz advocat, procureur et receveur, et autres officiers en nostre païs de Poictou, presens et avenir, et à chascun d’eulx, si comme à lui appartendra, que de noz presens grace, don et octroy facent, seuffrent et laissent nostre dit frère et cousin, et ses successeurs vicontes de Chastelleraut, joïr et user plainement et paisiblement, sans en ce leur donner ne mettre, ne souffrir leur estre mis ou donné aucun empeschement ou destourbier au contraire, ores ne pour le temps avenir, ains, se mis ou donné leur avoit esté ou estoit, reparent et remettent, ou facent reparer et remettre incontinent et sans delay au premier estat et deu. Et afin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes, sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné à Saint Aignen en Berry, ou mois de juing l’an de grace mil cccc. cinquante et deux, et de nostre règne le xxxe

Le texte de ces lettres est imprimé dans le recueil des Ordonnances des Rois de France, in-fol., t. XIV, p. 228.

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Ainsi signées : Par le roy en son conseil. Chaligaut. — Collation est faicte. Visa.

MCCXXVII Juillet 1452

Lettres d’anoblissement octroyées à Jean Dufour et à sa postérité.

AN JJ. 181, n° 158, fol. 98 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 293-295

Karolus, Dei gracia Francorum rex. Ad perpetuam rei memoriam. Decens et juri consonum arbitramur illos nobilitatibus et aliis prerogativis muniri, quos probos et fideles ac vita laudabili, morum honestate et aliis virtutum insigniis decoratos adinvenit regia majestas. Sane licet dilectus noster Johannes de Furno

Les généalogies ne fournissent de renseignements sur aucune famille poitevine de ce nom. Au commencement du xve siècle, vivait, à Parthenay, un Jean Dufour, marié à Pernelle de La Chaussée. (Arch. nat., X1a 54, fol. 157 v°.) En 1463, un autre personnage de mêmes nom et prénom, prisonnier à la Conciergerie, avait obtenu son élargissement moyennant une caution de 1.000 livres promise par un écuyer poitevin, nommé Jean Morin ; mais il ne se présenta plus aux ajournements. Des poursuites furent exercées en conséquence contre ce dernier. (Mandements des 7 septembre 1463 et 16 juillet 1464, X2a 30, fol. 285 v°, 396 v°.)

, libere condicionis et de legitimo matrimonio procreatus, ex plebeis parentibus traxerit originem, verumtamen vita laudabilis, morum honestas, vera eciam erga nos ipsius fidelitas et alie virtutes quibus, ut accepimus, insignitur ejus persona, ipsum nobilem in suis actibus reddunt et nos inducunt ut erga eum reddamur ad gratiam liberales. Notum igitur facimus universis, presentibus et futuris, quod premissorum consideracione necnon serviciorum per dictum Johannem de Furno nostris in guerris ab evo suo juvenili nobis impensorum et que adhuc cothidie non desinit impendere, ipsum et ejus posteritatem et prolem masculinam et femininam in legitimo matrimonio nascituram, nobilitavimus ac tenore presentium, de nostris gracia speciali, certa sciencia, plena potestate et auctoritate regia, nobiles facimus et creamus expressè, concedentes ut ipse et tota ejus posteritas nascitura predicta in omnibus suis actibus, in judicio et extra, ab omnibus de cetero pro nobilibus habeantur et reputentur, et habiles reddimus ut ipsi universis et singulis privilegiis, prerogativis, libertatibus ac aliis juribus quibus ceteri regni nostri nobiles ex nobili genere procreati uti consueverunt et utuntur, gaudeant et fruantur pacifice, prefatum Johannem de Furno et ejus posteritatem predictam aliorum nobilium, ex nobili stipite procreatorum, cetui et numero aggregantes. Volentes insuper et concedentes ut idem Johannes de Furno et ejus dicta proles masculina nascitura, dum et quociens eis placuerit et a quocunque milite voluerint, cingulum milicie valeant adipisci, et feoda, retrofeoda ac res nobiles a nobilibus et quibuscunque aliis acquirere et jam acquisitas ac eciam acquirendas retinere et possidere perpetuo, absque eo quod eas vel ea nunc aut futuro tempore, innobilitatis occasione, alienare vel extra manum suam ponere cogantur ; solvendo tamen nobis hac vice financiam moderatam, per dilectas et fideles nostras gentes compotorum nostrorum et thesaurarios arbitrandam. Quocirca eisdem gentibus compotorum nostrorum et thesaurariis, senescalo Pictavie necnon et baillivo Turonie ceterisque justiciariis et officiariis nostris, vel eorum locatenentibus, presentibus et futuris, et ipsorum cuilibet, prout ad eum pertinuerit, mandamus quatinus nostris presentibus gratia et nobilitacione sepedictum Johannem de Furno et ejus prolem utriusque sexus, in legitimum matrimonium nascituram, uti et gaudere plenarie et pacifice faciant et permittant, absque quovis impedimento ; quod si forsan illatum foret, reparent vel reparari faciant indilate, visis presentibus. Quibus, ut perpetue stabilitatis robur obtineant, nostrum jussimus apponi sigillum. Nostro in aliis et in omnibus quolibet alieno jure semper salvo. Datum Magduni supra Ebram, mense julio anno Domini m°cccc°liido, et regni nostri tricesimo.

Sic signata : Per regem, domino de Turre

Bertrand de La Tour, seigneur de Montgascon, était membre du Conseil du roi depuis le mois de mai 1446. (Voy. de Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. IV, p. 411.)

, admiraldo, domino Johanne de Jambis

Jean de Chambes, seigneur de Montsoreau, premier maître d’hôtel du roi. (Cf. ci-dessus, p. 192, note.)

, Guillermo Gouffier

Guillaume Gouffier, chevalier, fils d’Aimery, décédé en 1436, et de Madeleine de La Fayette, fut seigneur de Bonnivet, de Boissy, baron de Roannez, premier chambellan du roi, gouverneur de Touraine et sénéchal de Saintonge. Il fut remplacé dans cette dernière charge par Martin Henriquez de Castille, dont les provisions sont datées du 11 mars 1459. (Anc. mém. de la Chambre des Comptes coté L, fol. 143, Bibl. nat., ms. fr. 21.405, p. 131.) Charles VII lui fit don, le 9 avril 1451, d’Oyron et autres terres provenant de la confiscation de Jean Barillet, dit de Xaincoins, receveur général des finances (de Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. V, p. 91), et Louis XI lui attribua, ainsi qu’à sa seconde femme, Philippe de Montmorency, à plusieurs reprises (4 février 1470, 30 mars 1473, 18 janvier 1474), 600 livres de rente à prendre sur la seigneurie de Roqueservière en Rouergue. (Bibl. nat., ms. fr. 21.405, p. 176, 190.) Guillaume Gouffier mourut le 23 mai 1495. De ses douze enfants, les plus célèbres furent Artus Gouffier, sr de Boissy, favori de Charles VIII et de Louis XII, gouverneur de François Ier et grand maître de France, Adrien, dit le cardinal de Boissy, grand aumônier de France, cardinal-évêque de Coutances, et Guillaume, seigneur de Bonnivet, amiral de France, tué à Pavie.

et aliis presentibus. Badonvillier. — Visa. Contentor. Pichon.

MCCXXVIII Août 1452

Rémission accordée à Guillaume Siet, d’Ambière (aujourd’hui Saint-Genest), poursuivi pour refus de payer le droit d’apetissement levé par le vicomte de Châtellerault et coupable d’avoir rompu son arrêt, à condition qu’il réintégrera la prison où il était détenu.

AN JJ. 184, n° 230, fol. 154 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 295-298

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Guillaume Siet

On lirait plutôt Fiet en cet endroit ; mais dans de nouvelles lettres de rémission obtenues par ce personnage en janvier 1454 n.s., publiées ci-dessous, le nom est très lisiblement écrit Siet. Cette forme ayant paru plus satisfaisante, on l’a adoptée pour les deux textes. Guillaume Siet était prisonnier à Poitiers, le 20 novembre 1464, à la requête de Jean Barbin (ci-dessus, p. 288, note). A cette date, le Parlement mande au sénéchal de Poitou de le remettre en liberté, s’il appert qu’il a fait ce qu’il devait pour désintéresser ses créanciers. (Arch. nat., X2a 34, fol. 56.)

, povre homme, parroissien d’Ambière en la viconté de Chastelerault, chargié de femme et enfans, contenant que ou mois de juing ou de jullet l’an mil iiiicli, pour lors que les assises furent tenues ou chastel de Gironde pour ledit viconte, pour ce que ledit viconte avoit par long temps levé ou fait lever par ses gens et officiers en ladicte viconté, quoy que soit en ladicte chastellenie, l’appetissement du vin vendu à detail qui est la xe partie, par droit et octroy par nous à luy fait, comme il vouloit dire, et que ledit suppliant et autres avoient contredit et reffusé à payer icelluy appetissement au fermier dudit viconte, ilz furent trais en court et procès par ses gens et officiers, et leur fist l’en peticion et demande dudit appetissement. Et pour ce que en furent reffusans et contredisans de le payer, disans qu’ilz avoient vendu à la grant mesure et par ce qu’ilz ne devoient riens, ilz furent detenus et mis en l’arrest de la court, et leur fut deffendu de partir dudit chastel. Mais ce non obstant, ledit suppliant s’en party et s’en ala en sa maison, et en enfraigny ledit arrest et la deffence faicte par le juge de Chastelerault qui tenoit et avoit tenu les dictes assises. Et pou de temps après, ung nommé Perrin Mirebeau, soy disant sergent en la chastellenie, se transporta en l’ostel dudit suppliant, lequel il voult excecuter et prendre de ses biens pour ledit appetissement. Pour laquelle chose il en appella à nous et à nostre court de Parlement, en laquelle il a depuis relevé son dit appel bien et deuement, et fait adjourner le dit sergent et intimer ledit viconte. Mais ces choses nonobstans, aucuns des officiers dudit Chastelerault, avec ung nommé Guyon Vorry et Guillaume de La Chèze, eulx disans noz sergens, armez et embastonnez, vindrent et se transportèrent depuis en l’ostel dudit suppliant à heure de nuyt, heure indeue et deffendue, accompaignez d’aucuns frans archers, duquel ilz prindrent realment et de fait, tant par jour que par nuyt, plusieurs des biens dudit suppliant en très grant nombre et quantité, comme blé, vaisselle, or et argent et plusieurs autres choses. Depuis lesquelz exploix ainsi faiz, ledit suppliant se trahy incontinent par devers nouz et nostre chancelerie estant à Taillebourg

Charles VII séjourna à Taillebourg depuis les premiers jours de juillet 1451 jusqu’à la fin de l’expédition de Guyenne, c’est-à-dire pendant les mois de juillet, août et septembre. (De Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. V, p. 75, 76.)

, afin d’illec prendre et trouver sa provision touchant les faiz dessus diz. Mais en icelle pourchassant et à la requeste de ses parties adverses, qui ne queroient que à le destruire, soubz umbre de ce qu’ilz le disoient avoir enfraint l’arrest dont dessus est faicte mencion, ilz le firent prendre au corps et constituer prisonnier en la grosse tour dudit Taillebourg, où il fut detenu l’espace de trois sepmaines et plus, où il fut interrogué par maistre George Havart

Georges Havart, chevalier, seigneur de la Rosière au Perche et autres lieux, vicomte de Dreux et sénéchal héréditaire du comté d’Eu, conseiller du roi, nommé maître des requêtes de l’hôtel vers 1450, remplit diverses missions politiques durant les dernières années du règne de Charles VII et sous Louis XI. Il mourut l’an 1484 et avait épousé Antoinette d’Estouteville. (Blanchard, Les généalogies des Maistres des requestes, in-fol., 1670, p. 178 ; de Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. V et VI, passim.)

, maistre des requestes de nostre hostel, et par le prevost de noz mareschaulx. Et depuis fut amené prisonnier ès prisons de Poictiers, desquelles il a trouvé moyen de saillir et soy mettre hors, et les a de fait enfraintes et rompues, et s’est mis icellui suppliant en franchise en l’eglise Saint Pierre le Grant dudit Poictiers. Et s’est icellui suppliant par long temps absenté du pays, pendant lequel deux de ses enfans sont alez de vie à trespassement ; lequel, qui pour raison des choses dessus dictes a grandement perdu du sien, et n’a ausé ne ause retourner sur son bien, pour demourer avec sa dicte femme et enfans, doubtant que à l’occasion dessus dicte aucuns de noz subgetz ou officiers le vueillent pour ceste cause prendre ou apprehender en sa personne, ou le vexer et traveiller en nostre royaume, ouquel il n’oseroit bonnement converser ne repairer, se nostre grace et misericorde ne luy estoit sur ce impartie, si comme il dit, en nous humblement requerant que, attendu qu’il a esté tousjours de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sans onques avoir esté actaint ne convaincu d’aucuns autres villains cas, blasme ou reprouche, nous luy vueillons sur ce impartir nostre grace. Pour ce est il que nous, consideré ce que dit est, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant, en faveur de sa dicte femme et enfans, avons, ou cas dessus dit, quicté, remis et pardonné, etc., ensemble les deffences, ban ou appeaulx qui en seroient contre luy ensuys, etc., pourveu que ledit suppliant sera tenu de reintegrer lesdictes prisons où il estoit prisonnier detenu, etc. Si donnons en mandement, par ces presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois d’aoust l’an de grace mil cccc. cinquante deux, et de nostre règne le xxxe.

Ainsi signé : Par le conseil. Cornu. — Visa. Contentor. Valengelier.

MCCXXIX Septembre 1452

Rémission accordée à Martin Linart, et à sa femme Jeanne Malmaud, qui, s’étant disputée et battue avec la femme de Jean Chameau, de la Villedieu, avait été accusée par celle-ci de l’avoir fait avorter, et avait été pendant quelque temps détenue à la Mothe-Saint-Héraye.

AN JJ. 181, n° 190, fol. 118 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 299-301

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Martin Linart et de Jehanne Malmaude, sa femme, contenant comme ladicte Jehanne Malmaude ait tousjours esté tenue preude femme, paisible et de bonne fame, vie, renommée et honneste conversacion, sans faire ne pourchacer mal ne ennuy à autruy, et sans estre actainte ne convaincue d’aucun vilain cas, blasme ou reprouche, et soit ainsi que à ung jour de dimenche qui fut neuf mois a ou environ, que ladicte Malmaude se trouva avecques la femme d’un nommé Jehan Chameau de la Villedieu en ung masureau appartenant à Pierre Arnault, pour ce que icelle femme dudit Chameau, qui avoit esté malade bien deux mois ou environ, avoit dit et proferé à pluseurs de ladicte Villedieu contre raison que ladicte Malmaude l’avoit fait ainsi malade, icelle Malmaude demanda à ladicte femme dudit Chameau, comme marrie et desplaisante desdictes parolles par elle ainsi indeuement dictes et proferées, se sa teste qu’elle avoit tant plainte n’estoit point guerie. A quoy ladicte femme d’icellui Chameau lui respondi en la injuriant, et à ceste occasion et des autres parolles et injures dessus dictes, se print à elle et lui donna du poing sur le visage quatre ou cinq cops, et par ce qu’elle avoit certaines roignes en son dit visaige, il en sailli sang ; et comme elle qui estoit boiteuse et foible femme se cuida lever, pour ce qu’elle estoit assise, et s’en aler, elle chey le visaige contre terre et incontinent se releva ; et atant se deppartirent ladicte Malmaude et elle, et demoura son chapperon en la place, que ladicte Malmaude lui gecta, et elle le print et recueilli et s’en ala à son hostel et ailleurs où bon lui sembla ; et dès lors s’en ala et vint plainement comme paravant à ses besongnes, negoces et affaires, sans estre plus malade qu’elle avoit paravant esté, et jusques au second lundi ensuivant, auquel jour de lundi pour ce qu’elle avoit fait adjourner ladicte Malmaude par devant le juge de la prevosté de la Mote Saint Eraye, pour lui donner asseurement, elle ala de son pié appertement jusques audit lieu de la Mote Saint Eraye, demander ledit asseurement devant ledit juge de la prevosté d’ilecq. Et pour ce qu’elle estoit partie tart, elle, doubtant n’y estre pas à heure, y ala hastivement et s’eschauffa très fort à ce faire, et le lendemain, elle qui estoit ensainte et avoit esté malade, comme dessus est dit, bien l’espace de deux mois ou environ, et s’estoit eschauffée, comme dit est, se delivra d’enfant mort né. Et peu après, la dicte femme dudit Chameau se plaigny et clama à la justice dudit lieu de la Mote Saint Eraye, disant que ladicte Malmaude l’avoit tant batue qu’elle en estoit avortée. Au moien de laquelle plainte et clameur, icelle Malmaude fut prinse et emprisonnée ès prisons dudit lieu de la Mote Saint Heraye, et ilec detenue par aucun temps ; et depuis a esté eslargie. Mais elle doubte que, pour occasion desdiz copz par elle donnez à ladicte femme d’icellui Chameau et de ladicte chaeste, on la voulsist tenir coulpable dudit cas et pour occasion d’icellui proceder rigoreusement contre elle, qui pourroit estre à sa desercion totale, se nostre grace et misericorde ne lui estoit sur ce prealablement impartie, si comme dient lesdiz supplians, humblement requerant iceulx. Pour ce est il que nous, ces choses considerées, voulans misericorde estre preferée à rigueur de justice, à ladicte Malmaude oudit cas avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Croiset, ou mois de septembre l’an de grace mil cccc. cinquante deux, et de nostre règne le xxxe.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Machet. — Visa. Contentor. P. Audé.

MCCXXX Janvier 1453

Lettres d’institution d’un marché, le vendredi de chaque semaine, à Moricq, en faveur de Renaud Girard, chevalier, seigneur de Bazoges et dudit lieu, maître d’hôtel du roi.

AN JJ. 184, n° 287, fol. 195 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 301-305

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, que comme, dès l’an mil cccc. cinquante, nostre amé et feal conseiller et maistre de nostre hostel, Regnault Girard, chevalier

Voy. la notice biographique de ce personnage, ci-dessus, p. 218, note.

, seigneur de Basoges et de Moric, eust de nous obtenu et impetré noz lettres patentes en simple queue, contenant la forme qui s’ensuit : « Charles, par la grace, etc. »

Suit le mandement d’enquête du 15 avril 1451 n.s., imprimé ci-dessus (n° MCCIII).

 ; lesquelles noz lettres nostre dit conseiller eust depuis presenté à noz amez et feaulx gens de noz comptes à Paris, requerant l’enterinement d’icelles. Lesquelz, pour sur ce proceder, comme faire se devoit, eussent à nostre dit conseiller baillé leurs lettres de commission adreçans au seneschal de Poictou

Le texte porte « Pontieu ».

ou à son lieutenant, en luy mandant que, appellez avec luy, nostre procureur en ladicte seneschaussée ou son substitut, ung ou deux des esleuz sur le fait des aides ordonnez pour la guerre au lieu plus prouchain de ladicte ville de Moric, il se informast bien et diligemment par gens notables et dignes de foy, tant dudit lieu de Moric comme des bonnes villes d’environ, se proffitable chose seroit pour nous et pour le bien publique d’environ, que en icelle ville de Moric eust marché chascune sepmaine au jour de vendredi, ainsi que contenu et declaré est en nos dictes lettres dessus transcriptes, en quoy et comment seroit ledit prouffit et se aucun dommage ou prejudice s’en pourroit ensuir à nous, à bien publique, ou aux seigneurs et villes aians jours de marchez environ ladicte ville, des cas et causes pour quoy et en quoy ce pourroit estre, et aussi quelz marchez se tiennent à huit lieues près d’icelle ville, de tous costez, à qui sont lesdiz marchez et en quelz jours ilz se tiennent ; en luy mandant en oultre, afin que ceulx à qui ce pourroit touchier n’en peussent pretendre ignorance, qu’il feist publier ès lieux acoustumez à faire criz ès villes voysines, à huit lieues à la ronde près de la dicte ville de Moric, nos dictes lettres dessus transcriptes, en faisant savoir par ladicte publicacion que, se aucun vouloit contredire, empescher ou soy opposer à ce que ledit marché ne feust octroyé par chacune sepmaine audit jour de vendredi, audit lieu de Moric, venist par devers lesdiz seneschal ou son lieutenant, ou envoyast par escript par certain message les causes de son contredit, empeschement ou opposicion, dedens ung moys au plus tart après ladicte publicacion, afin que, icelles veues par nosdiz gens des comptes, avecques l’informacion qui sur ce seroit faicte, laquelle icelluy seneschal seroit tenu renvoyer par devers eulx avecques les adviz de luy et des dessusdiz, tout feablement clos et seellé, peust estre pourveu à nostre dit conseiller sur le contenu en nosdictes lettres, comme il appartendra par raison. En obtemperant ausquelles lettres de commission, ledit seneschal de Poictou, ou maistre Jacques Roigne

Famille notable de la Gâtine, dont plusieurs membres remplirent des offices dans la magistrature au xve siècle : Nicolas Roigne, lieutenant du sénéchal du Poitou en 1410, dont la veuve, Jeanne Colas, épousa Maurice Claveurier (vol. précédent, p. 41, note) ; Pierre Roigne, l’aîné, qui était, en 1450, bailli de Gâtine, office auquel il avait succédé un peu après, le 22 mai 1441, à Jean de La Chaussée (Ledain, La Gâtine historique, p. 360) ; son fils Pierre, le jeune, était à la même époque sénéchal de la Barre-Pouvreau. (A. Richard, les Archives du château de la Barre, t. II, p. 44.)

, licencié en loys, son lieutenant ou commis en ceste partie, appellez et presens avec luy maistre Jehan Chevredens

Jean Chèvredent, d’abord procureur au Parlement de Poitiers (1436), puis procureur du roi en la sénéchaussée de Poitou, avant le 19 mars 1444, maire de Poitiers (1453-1454), a été l’objet d’une courte notice dans notre volume précédent, p. 7, note ; cf. aussi p. 46, note, et 251, note. Il a été dit quelques mots ci-dessus d’un arrêt criminel rendu contre lui, le 3 septembre 1468, au profit d’Étienne Boynet (p. 272, note). Il était décédé avant le 26 mai 1483. (Voy. les autres renseignements recueillis sur ce personnage dans le Dictionnaire des familles du Poitou, nouv. édit., t. II, p. 452.)

, nostre procureur en ladicte seneschaussée, et maistre Simon Blandin

Fils ou frère d’Henri Blandin, notaire et secrétaire du roi, receveur des amendes prononcées par les commissaires du dauphin en Poitou, en décembre 1439 (vol. précédent, p. 120, note), élu sur le fait des aides en Poitou (1448-1449), puis échevin de Poitiers en 1455. (Arch. de la ville de Poitiers, inventaire édit. par MM. Redet et Richard, nos 962, 969 et 1019.)

, à ce commis par les esleuz sur le fait des aides ordonnez pour la guerre en Poictou, se sont informez de et sur le contenu en icelles nosdictes lettres dessus transcriptes, ait fait signiffier et publier par la manière que dit est, et tout renvoyé avec certifficacion des dictes publicacions, et les adviz de luy et des dessus diz, feablement clos et seellé, ainsi que mandé luy estoit, par devers nosdiz gens des comptes, par lesquelz en la Chambre de nosdiz comptes à Paris ait esté veue et examinée à bonne et meure deliberacion ladicte informacion, par laquelle leur soit apparu que nous ne la chose publique du pays d’environ le dit lieu de Moric, ne avons et ne povons avoir aucun interest ne dommage à l’octroy dudit marché, et aussi que, environ icelluy lieu de Moric, ne se tiennent aucuns marchez audit jour de vendredi, ausquelz ledit marché peust prejudicier ; et semblablement soit apparu à nosdiz gens des comptes nosdictes lettres dessus transcriptes avoir esté publiées ès villes et lieux de Mareul, de Saint Hermine, de Talemont, des Moustiers des Mauffaiz, de Luçon et de la Roche sur Oyon, à quoy aucun ne a donné contredit ne opposicion, pour empescher le contenu en icelles, ne que ledit marché ne soit tenu par chacune sepmaine audit jour de vendredi, en la dicte ville de Moric. Pour ce est il que, veu et consideré tout ce qui faisoit à veoir et considerer en ceste partie, nous, par l’adviz et deliberacion de nosdiz gens des comptes, avons à nostredit conseiller et maistre de nostre hostel, Regnault Girard, chevalier, seigneur de Basoges et de Moric, octroyé et octroyons par ces presentes que audit lieu de Moric soit tenu et ait doresenavant à tousjours perpetuellement, marché une foiz la sepmaine, c’est assavoir chacun jour de vendredi. Et voulons et nous plaist que tous marchans puissent aler et venir marchander au dit marché, avecques toutes leurs denrées et marchandises quelzconques, licites et non defendues, tout ainsi qu’il est acoustumé ès autres marchez du pays d’environ, en payant toutesvoyes noz aides et autres drois et devoirs. Sy donnons en mandement, par ces dictes presentes, audit seneschal de Poictou, au gouverneur de la Rochelle et à tous noz autres justiciers et officiers, ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, et à chascun d’eulx, si comme à luy appartendra, que nostre present octroy ilz facent signiffier, crier et publier, se requis en sont, ès lieux, places et en la manière en telz cas acoustumez, et en facent, seuffrent et laissent doresenavant à tousjours perpetuellement nostre dit conseiller et ses hoirs, successeurs et aians cause, seigneurs de Moric, et touz autres qu’il appartendra, joir et user plainement et paisiblement, en ostant tout empeschement qui mis ou donné leur seroit au contraire. Et afin que ce soit chose ferme et estable à tous jours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné à Paris, ou moys de janvier l’an de grace mil cccc. cinquante deux, et de nostre règne le xxxie.

Ainsi signé : Par le conseil estant en la Chambre des Comptes à Paris, J. Le Bègue. — Collation est faicte aux lettres cy dessus incorporées. — Visa. Contentor. J. Le Clerc.

MCCXXXI Février 1453

Rémission en faveur de Jean Poupart, Etienne Reparon et André Bareau, de Saint-Maixent, coupables de vol avec effraction, la nuit, audit lieu, en la maison du sr Tabusteau, demeurant au village de Nanteuil.

AN JJ. 181, n° 237, fol. 146 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 305-307

Charles, etc. Savoir, etc. nous avoir receue l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de Jehan Poupart, Estienne Reparon et André Bareau, povres gens mecaniques demourans en la ville de Saint Maixent

Le texte porte « Saint Maximent ».

ou païs de Poictou, chargez de femmes et de plusieurs petiz enfans, contenant que, xv. jours ou environ avant Noël derrenier passé, lesdiz Poupart, Barreau et ung nommé Simon le Maçon, Thomas Dillet et ledit Estienne Reparon alèrent boire en l’ostel de Thomas Malescot, auquel avoit vin à vendre, et après ce qu’ilz eurent bien beu, conspirèrent d’aler rober une maison en ladicte ville, appartenant à ung nommé Tabusteau demourant au village de Nantueil

Le texte porte « Malhueil ».

près ladicte ville, et en laquelle ledit Tabusteau avoit retrait ses biens ou partie d’iceulx ; et furent ordonnez et commis à visiter ladicte maison, le lieu et la manière par ou l’en y entreroit, lesdiz Barreau et Maçon, lesquelz alèrent puis visiter ladicte maison par chés ung nommé Jehan de Thoulouze, qui est demourant et joignant de ladicte maison, et de ce fut consentent la femme dudit Thoulouze et les mist en ladicte maison. Et après que lesdiz Barreau et Maçon eurent visité ladicte maison et la manière par là où ilz y entreroient, iceulx Barreau et Maçon firent rapport audit Poupart et aux autres dessusdiz qu’ilz feroient leur entrée par une fenestre estant en ladicte maison devers le jardin de ladicte maison dudit Thoulouze. Et ce fait, entreprindrent eulx tous ensemble eulx rendre en la maison dudit Thoulouze, la vigille dudit jour de Noël derrenier passé au soir, tandis que l’en diroit matines aux eglises. Auquel jour et vigille de Noël au soir, environ huit heures, se rendirent lesdiz Barreau, Poupart, Reparon et les autres dessus nommez en ladicte maison dudit Thoulouse, et quant ilz furent touz assemblez, s’en alèrent au jardrin de ladicte maison dudit Tabusteau, par le derrière d’icelle, ouquel y a ung petit mur et sur icellui des espines, lequel mur depart les jardrins desdictes maisons d’iceulx Tabusteau et Thoulouze, et passèrent par dessus ledit mur et entrèrent au jardin dudit Tabusteau. Et ce fait, ledit Simon le Maçon, avecques ung cousteau qu’il avoit, ouvrit une fenestre de ladicte maison dudit Tabusteau, laquelle estoit fermée d’une barre par derrière, et lui aida ledit Poupart ; et avoit ledit Barreau une chandelle ardent qu’il tenoit mussée, et quant ladicte fenestre fut ouverte, ilz entrèrent en ladicte maison, en laquelle avoit trois coffres, desquelz l’un estoit fermé à clef ; et trouva ledit Poupart la clef d’icellui coffre avecques autres clefz en une fenestre estant en ladicte maison, et puis ouvry ledit coffre, ouquel avoit xxvi. pièces d’or, c’est assavoir xxiiii. en une boete et deux hors de ladicte boete ; lequel or ledit Poupart print et en bailla incontinent quatre pièces audit Barreau et le residu mist en son sain, combien que depuis il en bailla à chacun sa part, eulx estans oudit hostel, et ne lui en demoura à sa part que quatre pièces seulement, comme il dit. Et avecques ce prindrent en ladicte maison deux charges de froment ou environ. Et ce fait, s’en yssirent lesdiz Poupart, Barreau et Maçon par où ilz estoient entrez et s’en alèrent à matines. Pour occasion duquel cas, lesdiz Poupart, Reparon et Barreau ont esté mis ès prisons dudit lieu de Saint Maixent, ès quelles ilz sont detenuz en grant pouvreté et misère et en voye de illec finer miserablement leurs jours, se noz grace et misericorde ne leur estoit sur ce impartie, si comme disent lesdiz supplians, en nous humblement requerant que, attendu que lesdiz Poupart, Reparon et Barreau sont povres simples gens mecaniques, chargiez de femmes et grant nombre de povres petiz enfans, et ne furent oncques mais actains d’aucun autre vilain cas, blasme ou reprouche, et aussi que, en commettant ledit cas n’a eu mort, bateure ne mutilacion, il nous plaise sur ce leur impartir nostre grace. Pour quoy nous, ce consideré, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, à iceulx Poupart, Reparon et Barreau, et à chacun, en faveur mesmement de leurs dictes femmes et enfans, avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces dictes presentes, à nostre seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois de fevrier l’an de grace mil cccc. cinquante deux…

L’année du règne n’est pas indiquée. La mention des signatures est aussi omise.

MCCXXXII Mars 1453

Permission à Pierre Gaboreau, doyen de Saint-Hilaire de Poitiers, de faire clore et fortifier de murs, tours et fossés le lieu de Bignolesse dont il est seigneur.

AN JJ. 181, n° 279, fol. 173 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 307-309

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de nostre amé et feal conseiller maistre Pierre Gaboreau

Pierre Gaboreau, que nous avons rencontré déjà dans un acte de mai 1449 (ci-dessus, p. 134), avant de devenir doyen du chapitre de Saint-Hilaire, y avait eu, pendant plusieurs années, l’office de chantre prébendé. En cette qualité, il intenta des poursuites au Parlement contre ses collègues Jean de Blois, Jean Mangny, Barthélemy Sableau et Jean Vivien, chanoines de la même église. Usant de son droit de présentation, il avait obtenu la collation d’un canonicat vacant pour Geoffroy Vassal, conseiller clerc au Parlement, chantre du chapitre de la cathédrale de Poitiers, qui, par la suite, devint archevêque de Vienne (1439), puis de Lyon (1444) ; mais les autres chanoines refusaient de reconnaître la validité de cette nomination. L’affaire fut plaidée les 3 et 7 juillet 1432. (Arch. nat., X2a 18, fol. 324 v°, 325 v°.) Pierre Gaboreau fut pourvu d’une charge de conseiller clerc au Parlement de Paris, le 11 septembre 1439. Au mois de janvier 1446, il fut commis à l’exécution d’un arrêt de la cour contre Perceval Chabot, chevalier, et Guillaume Chabot, reconnus coupables d’excès et violence contre feu Jean Jousseaume, chevalier. Dans ces lettres il est qualifié doyen de Saint-Hilaire-le-Grand. La commission lui fut renouvelée au mois d’août suivant. (X2a 23, fol. 247, 268 v°.) Il mourut l’an 1454, après avoir fait divers dons aux chapelains de Saint-Hilaire ; il avait, entre autres, constitué en leur faveur une rente annuelle de 12 livres sur une maison du bourg de Saint-Martin en l’île de Ré et une rente de 20 sous sur ses vignes de Masseuil. Un accord intervint à ce sujet entre les donataires et les ayants droit du doyen défunt. (Arch. de la Vienne, G. 1068.)

, doyen de l’eglise monsieur Saint Hillaire le Grant de Poictiers, contenant que, en son privé nom il est seigneur du lieu, terres et appartenances de Vinolesses, assis en nostre païs de Poictou, lequel il tient noblement et par hommaige, ouquel lieu anciennement avoit bel hostel et notable, fermé à grans fossez et en tout ou partie de muraille, en laquelle apparoissent encores arbalestrières ou archières, et qu’il a grant desir de faire reparer et ediffier ledit hostel et icellui faire emparer et fortiffier pour le retraict et seurté de sa personne et de ses biens et choses, et aussi de ses hommes et subgietz, mais il ne l’oseroit ne vouldroit faire sans permission, congié et licence de nous, si comme il dit, requerant humblement que sur ce lui vueillons impartir nostre grace. Pour quoy nous, ces choses considerées et les bons et agreables services que nostre dit conseiller nous a faiz, fait chacun jour et esperons qu’il face ou temps avenir, à icellui nostre dit conseiller, pour ces causes et autres à ce nous mouvans, avons donné et octroié, donnons et octroions de grace especial, par ces presentes, congié et licence de faire fortiffier, emparer, fermer et clorre sondit hostel de Vinolesses, de muraille et y faire construire tours, portail, creneaulx, archières, pont leveis, douves ou fossez et autres choses neccessaires, ainsi que bon lui semblera. Si donnons en mandement à nostre seneschal de Poictou, ou à son lieutenant, que de nos diz grace et octroy il seuffre, face et laisse joïr et user nostre dit conseiller et ceulx qui de lui auront cause ou temps avenir, paisiblement et franchement, sans sur ce leur donner ou souffrir estre donné aucun destourbier ou empeschement au contraire. Car ainsi nous plaist il et voulons estre fait, et à nostre dit conseiller l’avons octroyé et octroyons de grace especial par ces presentes. Et afin, etc. Sauf, etc. Donné aux Montilz lez Tours, ou mois de mars l’an de grace mil cccc. cinquante deux avant Pasques, et de nostre règne le xxxie.

Ainsi signé : Par le roy, Thoreau. — Visa. Contentor. Chaligaut.

MCCXXXIII Avril 1453

Rémission octroyée à Vincent Gautereau, poursuivi pour avoir extorqué, en usant de force et de menaces, une promesse de mariage de Christine Bretin, de Fontenay-le-Comte, qu’il avait arrêtée sur la grande route, lorsqu’elle revenait de Machecoul, où elle était allée consulter un médecin. Emprisonné quatre ans après à la Rochelle, il s’était évadé.

AN JJ. 184, n° 306, pl. 211 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 309-316

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons, etc., nous avoir receu l’umble supplicacion de Vincent Gautereau

Un Nicolas Gautereau était greffier de la cour de Rocheservière, en 1495. (Arch. nat., P. 14102, fol. 26, 27.)

, contenant que, le premier jour de juillet l’an mil cccc. xlvi, une femme nommée Chrestine Bretin, fille de Mery Bretin

Pierre Bretin ou Bertin, de Pamplie, officier de justice dans la Gâtine, nommé dans un acte du 29 septembre 1400, rendit aveu à Jean II Larchevêque du fief Mandraut sis à Saint-Ouenne et autres mouvant du château de Parthenay, le 1er décembre 1410. (Arch. nat., R1* 190, fol. 201.) Il fut père de Philippe, frère mineur du couvent de Fontenay-le-Comte, qui fut brûlé vif le 7 mai 1448, pour cause d’hérésie, par sentence du sénéchal de cette ville, et de Méry Bretin, ici nommé. Ce dernier est mentionné dans le livre des fiefs de la baronnie de Parthenay, rédigé de 1430 à 1450, comme tenant du connétable de Richemont par hommage plein son hébergement de Pamplie et appartenances, avec deux journaux de pré, six boisselées de terre et les deux parts d’un verger. (Id., fol. 253.) On voit, dans ces lettres de rémission, qu’il habitait Fontenay ; il était seigneur de Boisse à Saint-Médard-des-Prés près cette ville, et reçut, en 1448, pour son fils François, le dénombrement de la seigneurie de Guignefolle. Christine Bretin, sa fille, veuve dès le 7 décembre 1445 de Jean Mervaut, écuyer, avoua, par acte de cette date, tenir à hommage lige et droit de rachat des hommes levans et couchans en la paroisse de Longèves, « destreignables à son four », le pré de la Fontaine, tenant au grand chemin de Fontenay-le-Comte à l’Hermenault, et plusieurs autres terres, le tout dans la mouvance de la seigneurie de Mervant. (R1* 204, fol. 7 v°.) François Bretin, alors seigneur de Boisse (Méry, son père, étant décédé depuis peu), fit hommage, le 8 mars 1460 n.s., et rendit aveu, le 28 avril 1462, pour son hôtel et village de Granges et pour le fief de Grissais, mouvant de Fontenay, ce dernier appelé la terre des « Deux seigneurs », parce qu’il était commun et indivis entre lui et Germain de Vivonne, seigneur de la Châtaigneraie. (P. 5661, cote 2873, et P. 1145, fol. 41.) Méry Bretin avait épousé Catherine Toreil ou Toureille, qui fonda à Fontenay le couvent des Sœurs du Tiers-Ordre de Saint-François. (Beauchet-Filleau, Dict. des familles du Poitou, nouv. édit., t. I, p. 495.) On voit, dans la suite du présent acte, qu’il était père d’une autre fille, mariée à Pierre Beuf, habitant la Rochelle.

, de Fontenay le Conte, se partit de la ville de Maschecol en Rays, accompaignée de deux hommes et deux femmes, auquel lieu de Machecol ladicte Chrestine estoit alée à ung barbier nommé Faucheret, pour cuider trouver remède d’aucunes maladies qu’elle avoit ; et ledit suppliant, acompaigné de trois ou quatre compaignons du lieu de la Benaste vint après ladicte Chrestine et sadicte compaignie, et les suyvirent tellement qu’ilz les aconsceurent entre Faleron et Saint Estienne de Malemort. Et incontinant qu’ilz les eurent aconsceuz, print ledit suppliant la haquenée d’icelle Chrestine par la bride, et luy dist icelluy suppliant que elle s’en vendroit avec luy et sadicte compaignie, et que ladicte Chrestine n’ameneroit avec elle que une des femmes qu’elle avoit en sa compagnie, et que le demourant de sadicte compagnie s’en yroit et ne vendroit plus avec elle, pour ce qu’il la vouloit mener à ung gentil homme de la court du duc de Bretaigne qui la vouloit avoir à femme et espouse. Et après ce, se partirent lesdiz suppliant et ses compaignons et enmenèrent ladicte Chrestine et une desdictes femmes, pour luy tenir compagnie, et en traversant pays droit à la Benaste, en ung boys nommé l’Oezelière, ledit suppliant vit ung nommé Jehan de La Mare et avec luy la femme d’un orfèvre de Fontenay le Conte qui venoient après en poursuyvant ladicte Chrestine et ledit suppliant et autres de sa compagnie ; et quant ledit suppliant appersceut ledit de La Mare avec la dicte femme, il vint à l’encontre d’eulx et tira l’espée et dist que, s’ilz ne s’en retournoient, il les courrouceroit du corps. Et après aucunes parolles dictes et pour crainte dudit suppliant, s’en retournèrent ledit de La Mare et ladicte femme. Et ledit suppliant s’en ala à sa dicte compagnie et menèrent ladicte Chrestine et une desdictes femmes audit boys, et eulx estans oudit boys assez près d’un village, ledit suppliant fist descendre icelle Chrestine et ladicte femme, et luy dist qu’il failloit qu’elle feust sa femme [et] espouse. Laquelle Chrestine luy respondit qu’elle ne se vouloit point marier et qu’elle n’estoit pas habille pour l’estre pour aucunes maladies qu’elle avoit. Et lors ledit suppliant dist que pour les maladies ne se laissast point et que, se elle ne le faisoit, qu’il la transporteroit en place pour en faire sa volenté. Et lors ladicte Chrestine accorda de fiancer ledit suppliant, pour la doubte qu’elle avoit de son corps. Et adoncques vint ung des compaignons d’icelluy suppliant qui les fiança par parolle de present. Et après ce ledit suppliant luy donna ung viel escu et luy mist en sa bource. Et ce fait, la dicte Chrestine et la dicte femme qu’elle avoit avec elle montèrent à cheval, et aussi le dit suppliant et ceulx de sa dicte compagnie et s’en alèrent en ung village et la descendirent et se logèrent ; et trouvèrent oudit village ung chappellain, auquel icelluy suppliant requist qu’il fiançast luy et ladicte Chrestine ensemble. Lequel chappellain respondit audit suppliant qu’il n’oseroit, car il veoit que ladicte Chrestine n’en estoit pas bien contente. Et adonc le dit suppliant menaça ledit chappellain de batre. Et ce voyant, le dit chappellain s’en ala, et après qu’il s’en fut alé, ledit suppliant party et s’en ala à une lieue d’illec ou environ querir ung moine pour fiancer luy et ladicte Chrestine ensemble. Et quant ledit moyne fut arrivé au lieu où estoit ladicte Chrestine, il luy demanda se elle estoit bien contente d’estre fiancée avec ledit suppliant, laquelle respondi que nennil pas de son gré. Lors ledit suppliant fist semblant d’aler querir son cheval et de la vouloir mettre derrière luy, pour la mener hors d’illec ; et lors ladicte Chrestine doubtant icelluy suppliant et que par avanture il ne luy voulsist faire aucune force ou autrement, se accorda fiancer ledit suppliant, en la main dudit religieux, et les fiança icelluy religieux, en presence de plusieurs personnes, tant hommes que femmes dudit village et d’ailleurs. Et après lesdictes fiances faictes ainsi que dit est, firent appareiller à soupper et firent bonne chère ; et cuidoient espouser le lendemain au matin. Et ainsi comme ilz vouloient aler à table pour soupper, arriva ung homme, nommé Georget de Marueil, cappitaine de la dicte Benaste, lequel dist audit suppliant qu’il failloit mener ladicte Chrestine à ladicte Benaste à ung nommé Jehan de La Mare, qui vouloit parler à elle ; à quoy ledit suppliant ne mist aucun empeschement. Et ainsi ledit Georget enmena ladicte Chrestine montée sur son cheval derrière lui audit lieu de la Benaste. Et quant il fut arrivé audit lieu de la Benaste, il mist la dicte Chrestine avec sa dicte femme et autres en sa chambre. Et tantost après ledit suppliant y vint, en la presence duquel la dicte Chrestine revoqua toutes les promesses qu’elle avoit faictes audit suppliant, et dist qu’elle les avoit faictes pour la doubte du deshonneur de son corps. Et incontinant que ladicte Chrestine eut ce dit, ledit suppliant s’en partit et ne parla plus à elle. Et lors ledit Jehan de La Mare et autres gens en sa compaignie enmenèrent ladicte Chrestine droit à Fontenay le Conte ou ailleurs, et la mussèrent en l’ostel dudit Mery Bretin, son père, et à luy rendue. Et trois sepmaines ou ung moys après ou environ, ledit Mery Bretin, père de ladicte Chrestine, proceda fort en la court laye du duc de Bretaigne à Nantes, à l’encontre dudit suppliant à toute rigueur de justice. Et depuis, et en l’an mil cccc. cinquante, le jour saint Barnabé, ledit suppliant estant prisonnier aux Anglois de Bayonne, en ung lieu nommé Saint Jehan de Lux ou pays de Labourt, se eschappa et se rendit à Saint Sebastien en Biscaye et se mist en ung navire et s’en ala à la Rochelle. Et incontinant que ung nommé Pierre Beuf, gendre dudit Mery Bertin, demourant audit lieu de la Rochelle, sceut que ledit suppliant fut arrivé en ladicte ville, fist garder les passages, afin de faire prendre et emprisonner icelluy suppliant, à l’occasion de la dicte Chrestine, seur de sa femme, et fist tant que ledit suppliant fut prins et emprisonné et enferré en ung lieu nommé Laleu près de la Rochelle ; auquel lieu de Laleu ledit Pierre Beuf se fist partie à l’encontre dudit suppliant, lequel fut mis en estroicte prison et grandes gardes sur luy. Et ce voyant, ledit suppliant eut grant paour que on ne le fist mourir soubitement comme de le gecter de nuyt en la mer, ou faire mourir d’autre mort vilaine, et pour les grans doubtes que ledit suppliant eut, se advisa de dire au geolier et au prevost dudit lieu de Laleu qu’ilz le feissent parler à nostre procureur et aux autres gens de justice de la dicte Rochelle. Lesquelz prevost et geolier dudit lieu de Laleu leur firent assavoir, et tantost après, et à la requeste des gens et officiers pour nous en ladicte ville de la Rochelle, fut mis hors de ladicte prison de Laleu et amené enferré sur ung cheval ou chastel de la dicte ville de la Rochelle, où il fut emprisonné et enferré de gros fers autres qu’il n’avoit apportez dudit lieu de Laleu. Et après qu’il eust esté mis oudit chastel de la Rochelle, fut examiné et interrogué par la justice dudit lieu sur le cas touchant ladicte Chrestine. Et vindrent par devers icelluy suppliant l’aumosnier de Saint Berthelemieu de la Rochelle, qui pour lors estoit accesseur du lieutenant du gouverneur d’icelle ville de la Rochelle, avec autres gens de justice dudit lieu, lesquelz lui demandèrent qu’il leur vouloit dire et pourquoy il avoit tant requis de parler à eulx. Et adonc ledit suppliant leur dist qu’il venoit des parties de Bayonne et qu’il avoit charge de Augeron de Saint Peyr et du seigneur de Ortebie, demourans ès dictes parties de Bayonne, de parler à nous pour avoir ung sauf conduit de nous ou nostre chier cousin le conte d’Angoulesme

Jean d’Orléans, comte d’Angoulême (1407-1467), troisième fils de Louis duc d’Orléans, frère de Charles VI.

, de nostre admiral et de nostre amé et feal Jehan Le Bourcier

Jean Le Bourcier, chevalier, seigneur d’Esternay, conseiller et chambellan de Charles VII, fils d’Alexandre Le Bourcier et de Colette Portier. Élu sur le fait des aides en Saintonge (1436), puis général des finances de Normandie (1450), il fut employé par Charles VII en diverses expéditions militaires et négociations. A l’avènement de Louis XI, Charles de France, frère du roi, lui avait confié les fonctions de général de ses finances. Lors de la ligue du Bien public, Le Bourcier fut accusé d’avoir contribué à mettre la ville de Caudebec entre les mains des princes. Obligé de fuir, il quitta Rouen déguisé en cordelier, mais il fut reconnu par des partisans zélés du roi qui, sans aucune forme de procès, le noyèrent dans l’Eure, le 1er janvier 1466 n.s. (Journal de Jean de Roye, connu sous le nom de Chronique scandaleuse, publ. par B. de Mandrot, t. I, p. 145, 149. — Cf. aussi de Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. V et VI, passim.) Ses biens confisqués furent donnés à Guérin Le Groing, chevalier, seigneur de la Mothe-au-Groing.

, chevalier, pour venir, à une navire ou à deux, avec cinquante ou soixante personnes en leur compagnie, pour nous faire obeissance de tout ledit pays de Bayonne. Et leur requit ledit suppliant qu’ilz le nous feissent assavoir, s’ilz ne luy vouloient mener. Et disoit icellui suppliant que icellui Agerot (sic) et ledit sieur de Ortebie l’avoient delivré des prisons de leur party et que ilz luy avoient promis certaine finance, pour faire les diligences et pour leur porter ledit sauf conduit. Et donna tout ce à entendre ledit suppliant à nos diz officiers et gens de justice de nostre dicte ville de la Rochelle, pour cuider trouver moien d’estre delivré et mis hors des dictes prisons, combien que de tout ce ne feust riens, car il n’avoit aucune charge de parler à nous de par ledit Ogerot de Saint Peyr ne dudit sieur de Ortebye, et ne le faisoit, sinon pour eschapper du dangier où il se veoit. Et les dictes gens et officiers pour nous en ladicte ville de la Rochelle, de ce faisans doubte, luy baillèrent plus estroicte prison que devant. Dont ledit suppliant chey en maladie. Et si firent autres personnes estans en ladicte prison dudit chastel de la Rochelle, et mesmement la femme du geolier, de laquelle on esperoit plus la mort que la vie, et le plus jeune qui feust en ladicte prison y estoit jà mort. Pour quoy ledit suppliant, doubtant plus de y mourir que autrement, veu que la mort et les maladies y estoient si grandes, entreprist avec deux autres prisonniers de lymer leurs fers et de faire pertuiz aux murs des prisons pour s’en devoir aler ; les quelz deux autres prisonniers n’osèrent s’en saillir ne yssir. Et ung jour de jeudi, second ou tiers après la saint Berthelemy ou dit an mil cccc. cinquante, le dit suppliant appella la chamberière du geolier et ung petit garson que le geollier appelloit son filleul, afin qu’ilz apportassent à boire de l’eaue à leur maistresse qui estoit malade en ung lit. Et ainsi comme ilz vindrent apporter de l’eaue à la femme dudit geolier et ilz ouvrirent la porte, ledit suppliant s’en yssy hors de ladicte prison et trouva une fourche de fer à deux dois qu’il mist en sa main, pour soy deffendre, se besoing en eust esté, et s’en ala rendre en l’ostel des Seurs noires, et leur requist franchise, lesquelles Seurs noires la luy baillèrent. Et incontinant qu’il fut en franchise, le geolier vint parler à luy et luy requist qu’il se rendist aux prisons dont il estoit sailly. Lequel suppliant luy respondit que pour icelle heure il ne yroit point, et qu’il se donnast garde d’un Anglois, qui pour l’eure estoit en prison et qui avoit lymé ses fers. En laquelle franchise ledit suppliant fut par l’espace de vii. ou viii. jours, et puis trouva moien de s’en aler hors de la dicte ville. Pour occasion duquel fait, ledit suppliant n’oseroit de present repairer ne converser en la dicte ville de la Rochelle ne ailleurs, pour doubte qu’il ne feust prins et aprehendé, et longuement detenu prisonnier, et d’estre rigoreusement traicté, se nostre grace et misericorde ne luy estoit sur ce impartie. Et pour ce, nous a ledit suppliant humblement supplié et requis que, attendu ce que dit est et que en autres cas, exceptez les dessus diz, s’est tousjours honnorablement et honnestement porté et gouverné, sans ce qu’il feust oncques actaint ne convaincu d’aucun villain cas, blasme ou reprouche, nous sur ce luy vueillons subvenir d’icelle nostre grace et pourveoir de remède convenable. Pourquoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant oudit cas avons remis, quicté et pardonné, etc., ensemble tous appeaulx et ban, s’aucuns s’en estoient ensuys, etc. Sy donnons en mandement, par ces presentes, au seneschal de Poictou, au gouverneur de la Rochelle, aux bailliz de Touraine et des ressors et exempcions d’Anjou et du Maine et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou moys d’avril l’an de grace mil cccc.liii. et de nostre règne le xxxie.

Ainsi signé : Par le conseil. Tarenne. — Visa. Contentor. Valengelier.

MCCXXXIV Mai 1453

Rémission octroyée à Jean Colart, homme de guerre, demeurant à Celles, poursuivi pour faux, et réfugié en franchise en l’église Notre-Dame-la-Petite de Poitiers.

AN JJ. 185, n° 295, fol. 204 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 316-320

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan Colart, homme de guerre, aagé de xl. ans ou environ, chargié de femme et d’enfans, demourant ou bourc de Nostre Dame de Celle en nostre païs de Poictou, contenant comme, puis vint ans ença il nous ait servy ou fait de noz guerres avec pluseurs noz chiefz et cappitaines de guerre, tant ou voiage que fismes pour nostre couronnement que en la frontière de Normandie, ès journées de Sillé le Guillaume

La journée de Sillé-le-Guillaume (février 1434), où le connétable de Richemont, à la tête d’une armée imposante, obligea le comte d’Arundell à lever le siège de cette place et à rendre les otages qu’il avait reçus. (E. Cosneau, Le connétable de Richemont, p. 207 et suiv.)

et Vernueil

Verneuil au Perche fut, en septembre 1435, l’objectif d’une expédition infructueuse dirigée par le duc d’Alençon. (Ci-dessus, p. 38, note 4.)

, que en pluseurs autres besongnes et exploiz de guerre, monté et armé souffisanment, comme homme d’armes, à l’encontre de noz adversaires les Anglois, depuis le recouvrement de noz ville de Bordeaux et pays de Bordelois, a tousjours esté et demouré en frontière et garnison en nostre ville de Blaye

Sur le siège et l’occupation de Blaye par les Français, voy. ci-dessus, p. 264, note.

, jusques à nagaires que lui et autres, voians que les diz Anglois s’efforçoient de jour en jour courir sus sur noz subgiez du pays d’environ la dicte ville, pour leur resister, feust ledit suppliant avec autres de la dicte garnison allé sur la rivière estant près la dicte ville de Blaye, et en combatant ausdiz Anglois eust esté blecié tellement que à peine povoit retourner en la dicte ville, en laquelle il feust demouré malade par pluseurs journées, non povant trouver barbier ne cirurgien expert à sa garison expedier. Et pour ce, desirant sa dicte garison, s’en feust venu de la dicte ville de Blaye à son hostel oudit lieu de Celle assez près de la ville de Nyort, esperant tantost retourner audit lieu de Blaye. Toutevoye, après ce qu’il a esté comme gary, voulant retourner à Blaye en garnison, ung nommé Jehan Guillouet lui a empeschié, par ce que en la sainte sepmaine de Quaresme derrenier passé, il l’a fait prendre et mener prisonnier ès prisons de Saint Maixent, desquelles il a esté eslargi à caucion, moiennant qu’il s’est deu rendre prisonnier à Poictiers, à certain jour ensuivant, après Misericordia

C’est-à-dire le second dimanche après Pâques.

 ; pendant lequel temps il a obtenu certaines noz lettres d’estat, lesquelles il a presentées à nostre seneschal de Poictou ou à son lieutenant, qui à icelles noz lettres n’a voulu obtemperer, mais a fait constituer le dit suppliant en noz prisons du dict Poictiers, où il a esté et demouré par deux jours et deux nuis ; et luy interrogué et examiné sur les cas desquelz ledit Guillouet et nostre procureur en Poictou le chargoient a liberalment confessé que en l’an mil cccc. cinquante et ung, à la requeste de Jehan et Thomas Guillouès, frères, ou l’un d’eulx, il s’estoit transporté devers nostre bien amé Guillaume Palain, dit Peliège, escuier, bailli de Montargiz

L’acte de réception de Guillaume Palain, dit Peliège, à la Chambre des Comptes de Paris, en qualité de bailli de Montargis, était transcrit sur le registre de 1450, vers le mois de novembre. (Anc. mémorial L, fol. 20 v° ; mention d’inventaire, Arch. nat., PP. 118.)

, lequel devoit ausdiz frères ou audit Thomas, comme il disoit, xx. livres de rente et pluseurs arrerages, et le fist et constitua ledit Guillouet son procureur pour vendre, se mestier estoit, la dicte rente et arrerages, ou autrement appoincter audit Peliège. Et de fait appoincta icellui suppliant en tele manière que ledit Peliège estoit tenu paier et bailler la somme de six vins escuz d’or. Et après ce s’en retourna ledit suppliant à Paris, pour faire savoir audit Thomas s’il estoit content dudit appoinctement ; lequel respondi que oy. Et ce fait, ledit suppliant retourna à Montargis de rechief et fist passer lettres dudit appoinctement et pour la dicte somme de vixx escuz, lesquelz ledit Peliège promist paier en telle manière, c’est assavoir par le greffier de nostre court de Parlement xx. escuz d’or, lesquelz ledit suppliant comme aiant povoir à ce, eut et receut, et cent escuz d’or dedans la feste de Toussains prouchain après ensuivant, à l’ostel de Janoilhac

Janoilhac, ou Genoillac, est le nom d’une famille bourgeoise de Poitiers, dont plusieurs membres remplirent des charges municipales.

à Poictiers ; lequel paiement des dix cent escuz ledit Peliège ne fist pas, pour ce que depuis le dit Guillouet dist audit Peliège qu’il ne baillast point audit suppliant la dicte somme, combien que icellui suppliant la cuidoit [avoir] pour soy recompenser des coustz et fraiz qu’il avoit fais et soutenuz pour ledit Guillouet et son frère, et que aussi il l’avoit constitué son procureur pour prendre et recevoir ladicte somme, et pour les fraiz faiz par ledit suppliant de sa chevance, pour aidier à delivrer de noz prisons de Poictiers les diz frères qui avoient esté chargez de faire or, pour ce que on les chargoit d’arquemie et autres abuz touchant monnoye. Et après qu’ilz furent hors de prison, ledit Thomas requist audit suppliant qu’il alast avec lui ou pays d’Alemaigne, pour faire l’or d’arquemie. Lequel suppliant et ledit Thomas y alèrent et puis retournèrent en Bourgongne et à Lyon, et d’ilec au Puy en Auvergne et à Clermont ; et se essaya ilec ledit Guillouet, ledit suppliant present, faire ledit or d’arquemie et argent blanc, en quoy icellui suppliant n’estoit aucunement expert, mais acompaignoit le dit Guillouet, et furent ensemble par l’espace de deux mois ou environ et despensèrent bien six vins francs ou environ, sans en ce riens proffiter ; et fist ledit Thomas faire à Clermont ung mole à couler metail, pour prendre emprainte de monnoye, pour eviter la noise qu’il eust peu faire, s’il eust frappé en coing la dicte monnoye, et dist audit suppliant que autrefoiz il avoit fait en telz moles comme cellui de semblables monnoyes. Et pour les grans abusions que ledit suppliant vit que faisoit ledit Thomas, se deppartit de lui, et après ala devers ledit Peliège, pour cuider recevoir la dicte somme de cent escuz, lequel Pelège ne lui voulut riens bailler, pour la defense que lui avoit fait ledit Thomas, dont ledit suppliant fut bien couroucé, non pensant plus estre recompensé des grans despens, mises et pertes qu’il avoit faiz et portez pour ledit Thomas et sondit frère, qui montent plus que ladicte somme de cent escuz, ymagina comme il la pourroit recouvrer. Si entendi que ung nommé Robin de Courcelles feroit bien lettres comme se ledit Thomas lui eust transportée ladicte somme. Et adonc ledit suppliant, considerant qu’il estoit comme destruit de chevance et qu’il avoit acoustumé d’estre bien monté et armé en nostre service, ouquel par ce il ne se povoit excercer, et que icellui Thomas avoit empesché les diz cent escuz, ala devers ledit Robin de Courcelles et pourchassa que icellui de Courcelles lui feist lettres signées et seellées, contenant contre verité que ledit Thomas lui avoit transporté les diz cent escuz. Et toutesfoiz il avoit nyé èsdictes prisons qu’il eust fait faire les dictes faulses lettres. Et aucun temps après, doubtant la disete de prison et que on le voulsist traicter rigoreusement, ainsi que les sergens le menoient par devant l’eglise Nostre Dame la Petite de Poictiers, il s’eschappa d’eulx et s’en bouta en franchise en la dicte eglise ; et depuis s’en est yssu et absenta du pays, et s’en est alé en nostre dicte ville de Blaye, où il nous sert de present à l’encontre de nos diz adversaires. Pour occasion desquelz cas, ledit suppliant n’oseroit jamais retourner, demourer ne converser avecques ses diz femme et enfans, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, si comme il dit, nous humblement requerant que, attendu que en tous autres cas ledit suppliant a esté et est homme de bonne vie et renommée, etc., et mesmement qu’il nous a servy longuement ou fait de nos dictes guerres et sert encores de present, comme dit est, nous lui vueillons sur ce impartir nos dictes grace et misericorde. Pourquoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, etc., à icellui suppliant ou cas dessus dit, avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, à nostre seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Jazenueil, ou mois de may l’an de grace mil cccc. cinquante trois, et le xxxie de nostre règne.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du Conseil. P. Burdelot. — Visa. Contentor. P. Aude.

MCCXXXV Mai 1453

Rémission en faveur de Guillaume Mandart, de Champigny-le-Sec, qui, douze ou treize ans auparavant, attaqué la nuit dans sa maison par une bande d’hommes armés le menaçant de mort, avait tué l’un des agresseurs.

AN JJ. 185, n° 297, fol. 206 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 321-324

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Guillaume Mandart, povre homme, laboureur de braz, natif et demourant ou bourg de Champaigné le Sec en la chastellenie de Mirebeau, aagé de quarante cinq ans ou environ, chargié de femme et de quatre filles, dont il en y a deux prestes à marier, contenant que, douze ou treze ans a ou environ, à ung jour de feste de saint Jaques et saint Phelipe, ung nommé Loys Pouvereau

Louis Pouvereau tenait, en 1438, des terres et pré à la Belletière, près Champigny-le-Sec, à dix sous de devoir, aux aides et aux gardes, et ses héritiers les possédaient en 1508. Dans un texte de 1452, il est dit écuyer, seigneur de la Boirie à cause de sa femme, Marie Chevaleau, et propriétaire de l’hôtel du Pressoir, mouvant de Champigny. (E. de Fouchier, La baronnie de Mirebeau, etc., 1877, in-8°, p. 133, 134.) On trouve encore, aux dates des 2 juin 1453 et 20 mai 1462, deux aveux au nom de Louis Pouvreau, écuyer, seigneur de Laugerie, pour les passage, péage et péagerie de Jazeneuil. (Arch. nat., P. 1145, fol. 72 v°, 123.)

, Jehan Paluau, Pierre Brun, le bastart Mautaint, le bastart Chauderon, ung nommé Jehannin, serviteur dudit Loys Pouvereau, et autres jusques au nombre de huit ou neuf, vindrent aussi comme environ neuf heures de nuit, à l’ostel du père dudit suppliant où icellui suppliant et son dit père avec leur mesnage demouroient, et monta ledit Loys Pouvereau par dessus la muraille de la court ou bail dudit hostel, pour ce que la porte ou entrée de la dicte court ou bail estoit fermée, et ouvrit icelle porte à ses compaignons, lesquelz entrèrent au dedans et s’en allèrent avec ledit Loys à l’ostel dudit suppliant et de sondit père, et frappèrent à la porte. Et lors ledit suppliant demanda qui ce estoit. Lequel Pouvereau luy respondy qu’il le sauroit bien tantost ; et incontinant commencèrent ledit Pouvereau et autres dessusdiz à frapper contre ladicte porte. Lequel suppliant s’escria tant qu’il pust : A l’aide et au murtre. Et tantost ledit Paluyau monta sur ladicte maison et commença à descouvrir pour vouloir entrer dedans. Et ledit Pouvereau et autres dessusdiz rompirent de la muraille de ladite maison et dirent audit suppliant qu’ilz le feroient mourir avant qu’ilz partissent d’ilec, et ledit Paluyau qui estoit sur ladicte maison lui dist aussi qu’il mengeroit de sa fressure, avant qu’il partist de la place. Et ce fait, commencèrent à tirer viretons les ungs avec arbalestres qu’ilz avoient apportées et les autres à gecter pierres, telement qu’ilz en frappèrent d’une la mère dudit suppliant par la teste, dont elle fut moult longuement malade. Et pour ce qu’ilz ne cessoient de gecter pierres et tirer viretons, icellui suppliant prinst une sienne arbalestre qu’il avoit et tousjours a eu et tenu, pour la tuicion et deffense de la forteresse dudit lieu de Champaigné le Sec, et tira contre les dessuz diz dix ou douze materaz qu’il avoit. Et quant ledit suppliant vit que lesdiz Pouvereau et autres dessus diz ne cessoient point de tirer lesdiz viretons et gecter lesdictes pierres, et aussi qu’ilz avoient jà descouvert et rompu deux travées de ladicte maison, icellui suppliant print ung vireton et le tira contre ledit Paluau qui estoit dessus ladicte maison, lequel Paluau cheut incontinent de dessus icelle maison à terre en ladicte court, et tantost après les dessus diz le prindrent et l’en emmenèrent à l’ostel dudit Pouvereau. Et ilec dist et confessa icellui Paluau à pluseurs que ledit suppliant lui avoit fait ce qu’il lui vouloit faire et qu’il luy eust faict, s’il ne se fust deffendu ; et de là à quatre ou cinq jours après, ala ledit Paluyau de vie à trespassement. Et pour ce qu’il estoit tout notoire que les dessus diz avoient ainsi assailli le dit suppliant et qu’ilz avoient disposé de l’occire, la justice dudit lieu de Mirebeau demoura par certain temps sans en faire poursuite contre icellui suppliant ; et après fut prins et mis en prison audit lieu de Mirebeau, où il fut par aucun temps detenu. Et pour ce qu’il disoit et dist aux officiers dudit lieu qu’il avoit bonnes justificacions et leur remonstra le cas estre tel que dessus est dit, iceulx officiers de Mirebeau se informèrent sur icelle et trouvèrent que la verité du cas estoit telle que ledit suppliant leur avoit dit et qu’il l’avoit fait en soy defendant ce qu’il avoit fait. Et à ceste cause, fut ledit suppliant eslargy et mis hors des dictes prisons. Et lui fut ordonné qu’il feroit ses ediz publiquement, pour faire adjourner les parens et lignagiers dudit Paluyau, et tous autres qui pourroient avoir sur ce interest. Et lesquelz ediz il a faiz faire bien et solempnelement par quatre foiz, ainsi qu’il est acoustumé. Mais il n’est venu homme ne femme qui ait riens voulu dire ne poursuir contre ledit suppliant. Et à ceste occasion, l’a tenu tousjours en procès le procureur de ladicte court de Mirebeau depuix l’an mil iiiicxlv. jusques à present, et doubte ledit suppliant, qui en tous autres cas s’est bien et doulcement gouverné, sans avoir esté actaint ne convaincu d’aucun vilain cas, blasme ou reprouche, que la justice dudit lieu de Mirebeau vueille tendre à le faire pugnir corporelement ou autrement proceder contre lui par voye extraordinaire, se sur ce ne luy estoient noz grace et misericorde impartiz, humblement requerant iceulx. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant ou cas dessus dit, et en faveur de sesdiz femme et enfans, avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au bailli de Touraine, des ressors et exempcions d’Anjou et du Maine, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Jazenueil, ou mois de may l’an de grace mil cccc. cinquante trois, et de nostre règne le xxxie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Rippe. — Visa. Contentor. P. Aude.

MCCXXXVI Mai 1453

Rémission octroyée à Jean Cyratelle, tisserand, et à Vincent Chabot, maréchal, demeurant à Moncontour, détenus dans les prisons d’Airvault, pour le meurtre de Jean Barbotin, maître tisserand dudit lieu, frappé dans une rixe provoquée par lui.

AN JJ. 185, n° 298, fol. 206 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 324-328

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de Jehan Cyratelle, jeunes homs de l’aage de vingt deux ans ou environ, natif du païs de Bretaigne, tixier en linge, demourant avec Guillaume Girart en la ville de Moncontour, et de Vincent Chabot, mareschal, natif dudit lieu de Moncontour, à present detenuz prisonniers ès prisons d’Ervau ou païs de Poictou, contenant que, le mardi après la feste de Penthecouste derrenière passée, les diz Cyratelle et Chabot et ung nommé Guillaume Fourré, auxi tixier en linge, lors varlet de feu Jehan Barbotin, maistre dudit mestier de tixerie en son vivant, demourant audit lieu d’Ervau, se trouvèrent ensemble audit lieu de Moncontour, où ilz furent jusques environ heure de vespres dudit jour, et après s’en alèrent audit lieu d’Ervau, et mesmement ledit Chabot, à la requeste dudit Cyratelle, et arrivèrent audit lieu d’Ervau, environ huit heures devers le soir. Et ainsi qu’ilz passoient par devant l’ostel du dit feu Barbotin, ledit Guillaume Fourré dist aux dessusdiz Cyratelle et Chabot qu’ilz s’en alassent logier en l’ostel d’un appellé Guillaume Gaultier, demourant audit lieu d’Ervau, où avoit vin à vendre, et qu’il s’en aloit en l’ostel dudit feu Barbotin, son maistre, querir son chanteau de pain qu’il y avoit, ainsi que compaignons dudit mestier de tixerie ont acoustumé avoir ès hostelz de leurs maistres, et que incontinant il retourneroit par devers eulx, en l’ostel dudit Gaultier. Et après ce, se transportèrent lesdits Cyratelle et Chabot jusques à la porte de l’ostel dudit Gaultier, pour eulx cuider loger celle nuyt oudit hostel, ce qu’ilz ne peurent faire, pour ce que ceulx dudit hostel estoient couchez. Et atant s’en retournèrent par devant l’ostel dudit Barbotin, où ledit Guillaume Fourré estoit lors à la fenestre. Ouquel hostel ilz entrèrent, et y estoient lesdiz Guillaume Fourré et Jehan Barbotin, son maistre, et ung autre nommé Touchart, texier, demourant à Partenay. Ausquelz, après ce qu’ilz les eurent saluez, ilz dirent que ledit Gaultier ne les avoit point voulu loger et qu’ilz ne savoient où ilz pourroient estre logez pour ladicte nuyt. Avec lesquelz Touchart et Barbotin qui estoient à table, lesdiz Cyratelle et Chabot beurent et mangèrent ung peu ; et après leur fut dit par ledit Barbotin qu’ilz s’en alassent en l’ostel d’un appellé Pierre Badenier, dudit lieu d’Ervau, et qu’ilz y seroient bien logez. Et ainsi que les diz Cyratelle, Chabot et Fourré pour y aler vouloient descendre l’eschelle de la dicte maison, ledit Touchart qui estoit avec ledit Barbotin, print par la manche ledit Cyratelle et le tira à part, en lui disant qu’il luy rendist ung pourpoint dont il disoit l’avoir pleigé envers ung nommé Guillaume Ayrault, durant le temps que ledit Cyratelle avoit demouré avec icellui Touchart. Auquel icellui Cyratelle respondy qu’il avoit bien paié ledit Ayraut. Et ledit Touchart luy dist de rechief qu’il en seroit paié. Et lors ledit Cyratelle, ainsi qu’il descendoit l’eschelle et yssoit hors de ladicte maison dudit Barbotin, dist audit Touchart qu’il alast après luy et qu’il le paieroit. Et ce fait, s’en alèrent les diz Cyratelle, Chabot et Fourré, sans autre chose dire, vers l’ostel dudit Badenier, distant de l’ostel dudit feu Barbotin d’une portée d’arbalestre ou environ, pour savoir s’ilz y pourroient loger. Et ainsi qu’ilz estoient devant ledit hostel dudit Badenier et qu’ilz eurent demandé à ung nommé Guillaume Boylaive, fillastre dudit Badenier, qui estoit à la fenestre dudit hostel, qu’il lui pleust de les loger pour celle nuyt, pour leur argent, dont ledit Boylaive fut reffusant, se transporta devant l’ostel dudit Badenier ledit Barbotin, qui avoit bien beu ledit jour et en son vivant estoit maistre du jeu de l’espée à deux mains, ayant soubz l’esselle une grant espée rabatue ; et après qu’il fut illec arrivé, dist audit Cyratelle telles parolles ou semblables : « Ribault, tu veulx paier, mais je te paieray à ceste heure ! » Et en disant lesdictes parolles, frappa de la dicte espée sur la teste dudit Cyratelle, telement que ce n’eust esté ung chappeau que ledit Cyratelle avoit sur sa teste, ledit Barbotin l’eust grandement villenné ; et neantmoins en yssit effusion de sang. Et non content de ce, ledit Barbotin frappa de rechief de la dicte espée sur le dit Cyratelle. Lequel Cyratelle, voyant ainsi estre injurié par ledit Barbotin, auquel il n’avoit jamais meffet ne contre lui eu aucunes paroles rigoureuses, en soy defendant et pour resister à la force dudit Barbotin, donna d’un baston que l’on appelle riboule

Riboule ou reboule, bâton à l’usage des bouviers et des pâtres, d’après Godefroy (Dict. de l’anc. langue française), qui donne plusieurs exemples tirés d’actes enregistrés au Trésor des chartes. Il mentionne aussi un texte du xve siècle, dans lequel le même mot a le sens d’instrument de pêche.

, qui estoit gros par le bout, plusieurs coups et colées en plusieurs parties du corps dudit Barbotin, qui semblablement en bailla plusieurs autres de la dicte espée sur le dit Cyratelle. A l’occasion desquelz il commença lors à crier au meurtre. Et pour ce qu’il sembla audit Vincent Chabot que ledit Barbotin mutilloit fort ledit Cyratelle, icellui Chabot dist à icellui Barbotin : « Traistre, tu as frappé en traïson Jehan Cyratelle ! » Et en disant les dictes parolles, luy bailla ung coup d’un baston de la longueur d’une aulne ou environ, ne scet en quelle partie de son corps, pour ce qu’il estoit nuyt et faisoit bien noir. Et depuis s’entrebatirent derechief l’un l’autre, tellement que le dit Barbotin s’en fouyt et s’en ala à sa maison. Et atant se departirent lesdiz Cyratelle, Chabot et Fourré de devant l’ostel dudit Badenier, et alèrent en l’ostel d’un nommé Pierre Mignot, dudit lieu d’Ervau, pour y cuider loger ce qu’ilz ne peurent faire. Et à ceste cause, se transportèrent d’ilec en l’ostel d’un nommé Jehan Ferré, demourant audit lieu d’Ervau, où ilz furent logez pour la dicte nuyt. Et le lendemain ensuivant, devers le matin, furent prins par les gens et officiers dudit lieu d’Ervau et constituez prisonniers ès prisons dudit lieu, ès quelles prisons leur a esté rapporté que, ledit jour de mercredi au matin, ledit Barbotin estoit alé de vie à trespassement. Et à ceste cause sont encores à present detenus prisonniers èsdictes prisons. A l’occasion duquel cas, les parens et amis dudit Jehan Cyratelle et Chabot, doubtent que justice voulsist rigoureusement proceder contre iceulx et qu’ilz feussent en voye de finer ès dictes prisons miserablement leurs jours, se noz grace et misericorde ne leur estoient sur ce imparties, comme ilz dient, en nous humblement requerant lesdiz parens et amis que, attendu que lesdiz Cyratelle et Chabot n’ont esté aggresseurs ne invaseurs de ladicte voye de fait, ainçois ledit deffunct, auquel ilz n’avoient paravant en rien meffait et de lui ne se doubtoient aucunement, et que ce que par eux a esté fait [l’a esté] en reppellant à la voye de fait d’icellui deffunct, et que en tous autres cas ilz sont bien famez et renommez, etc., nous à iceulx Ciratelle et Chabot vueillons sur ce impartir nos dictes grace et misericorde. Pour quoy nous, ces choses considerées, inclinans en ceste partie à la supplicacion et requeste desdiz parens et amis, voulans sur ce misericorde preferer à rigueur de justice, aus diz Jehan Cyratelle et Vincent Chabot, et à chacun d’eulx, le fait et cas dessus declairé, etc., avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement à nostre seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Jazenueil en Poictou, ou mois de may l’an de grace mil cccc. cinquante trois, et de nostre règne le xxxie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Rolant. Visa.

MCCXXXVII Juin 1453

Amortissement, en faveur du chapelain de Sainte-Catherine en l’église de Cloué, de pièces de pré et de rentes sur des maisons, d’une valeur de huit livres de revenu annuel, que lui a cédées par voie d’échange Jean Mouraut, conseiller du roi.

AN JJ. 182, n° 99, fol. 57 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 328-334

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de nostre bien amé maistre Jehan Mourrault, licencié en loix, nostre conseiller, seigneur de la Mothe

Jean Mouraut était seigneur de la Mothe-sur-Croutelle (auj. château, cne de Ligugé), dont son père, Simon Mouraut, qui fut échevin de Poitiers, rendit aveu en 1409 et en 1418 à Jean, duc de Berry, et à Charles, dauphin, comtes de Poitiers. (Sur ce Simon, voy. notre t. VII, p. 130, note, et t. VIII, p. 340, note.) Lorsque Jean Rabateau fut nommé président au Parlement de Poitiers, Jean Mouraut obtint de Charles VII des provisions pour le remplacer en qualité d’avocat du roi au criminel près la même cour. Le 11 mai 1433, il présenta ses lettres et requit leur entérinement. Mais le procureur général s’opposa à ce qu’il fût reçu, et peu après, le procureur de la ville de la Rochelle déclara se joindre à cette opposition, pour des raisons qui ne sont pas exprimées. A trois reprises Mouraut tenta de se faire admettre en s’appuyant sur des lettres closes signées du roi et adressées au Parlement, les 20 mai, 6 juin 1433 et 2 juin 1434, mais il ne put obtenir gain de cause. A cette dernière date, la Cour, excédée des démarches de l’impétrant, lui fit durement défense de s’abstenir désormais d’user de telles voies obliques pour la circonvenir, sous peine de 500 livres parisis d’amende et d’être déchu définitivement de ses provisions. (Arch. nat., X1a 9194, fol. 44, 46 v°, 47 v°, 56 v°, 65 v°, 69.) Depuis, on ne retrouve plus trace de cette contestation. Le 16 avril 1442, Jean Mouraut, qualifié conservateur des privilèges royaux de l’Université de Poitiers, fut en cette qualité commis par le Parlement à faire une enquête dans un procès civil et criminel intenté par Hardouin Du Bois, écuyer, aux frères Jean et Guillaume Le Matin, et particulièrement d’interroger un nommé Jean Chauvin, naguère demourant avec la dame de Muflet, mère dudit Du Bois. (X2a 23, fol. 72.) En 1448, Mouraut était maire de Poitiers. (Inventaire des arch. de la ville de Poitiers, p. 190, n° 961.) Aux dates du 28 novembre 1454 et du 30 janvier 1455, il était poursuivi, ainsi que sa femme, les maire et échevins de Poitiers et la veuve d’Hilaire Larcher, par Jacques Jouvenel des Ursins, évêque de Poitiers, pour infraction à la franchise de son église. Thibaut Robillon, meurtrier d’Hilaire Larcher, s’était réfugié dans la cathédrale et en avait été enlevé de vive force par les accusés. (X2a 25 aux dates.) Dans un autre procès qui eut lieu à la fin de 1458 et les années suivantes, à l’occasion de l’assassinat d’Hector Rousseau, dont il sera question dans notre prochain volume, il est dit que la veuve de la victime, Louise Rabateau, avait été mariée en premières noces avec Jean Mouraut. (X2a 28, aux 21 novembre 1458, 1er mars, 4 mai 1459, etc.) Il s’agit sans doute de notre personnage, quoique, en 1459 et le 13 octobre 1463, on retrouve mention, comme vivant à cette époque, d’un Jean Mouraut, conseiller du roi et conservateur des privilèges de l’Université de Poitiers (Arch. de la Vienne, G. 1213, et Arch. nat., J. 183, n° 153), le père et le fils ayant pu être revêtus successivement des mêmes fonctions.

, contenant que certain procès a esté pendant par devant le seneschal de Poictou, ou son lieutenant, entre lui, demandeur, d’une part, et maistre Jehan Garnier, chappellain de la chappelle Saincte Katherine fondée en l’eglise de Cloué, pour raison de certaines terres, prez et bois, montans à la valeur et estimacion de huit livres tournois de rente ou environ, lesquelles ledit suppliant disoit estre en son fief, justice et juridicion de la Mote, tenue et mouvant de nous, à cause de nostre chastel de Lezignen, requerant que ledit Garnier fust contraint à les vuider hors de ses mains. Et icellui Garnier disoit au contraire et que les dictes choses estoient de ladicte chappelle. Pendant lequel procès, lesdictes parties sont venues à accord en la manière qui s’ensuit, c’est assavoir que ledit Garnier a délaissé et transporté lesdictes choses audit suppliant, c’est assavoir une pièce de pré contenant trois quars de journée de homme ou environ, seant au dessoubz de l’eglise de Mezeaulx, tenant d’une part audit lieu de la Mote, appellé le pré de la Mote, et d’autre part au pré de la Brassière, le fossé entre deux, et d’un bout au pré du Lac ; une pièce de pré contenant deux quars de journau ou environ, assise derrière le priouré du dit lieu de Mezeaulx, tenant d’une part au pré des Quartes, d’autre part aux terres de la Mote, et d’autre au pré qui part entre ledit seigneur de la Mote et les hoirs par Hilaire Macé

Un Hilaire Macé, peut-être le fils de celui qui est dit défunt ici, était garde du sceau aux contrats de Poitiers, le 11 août 1492. (Invent. des arch. de la ville de Poitiers, p. 165, n° 780 bis.) Plusieurs membres de cette famille remplirent des fonctions municipales au xve siècle. Jean Macé, receveur des aides en Poitou pour le duc de Berry, fut maire deux années de suite (1406-1408) ; il rendit aveu, le 16 décembre 1404, de son hébergement des Touches, paroisse de Mignaloux (Arch. nat., R1* 2171, p. 53), et était mort avant le 26 novembre 1418, date d’un autre aveu rendu à Charles dauphin, comte de Poitou, par Jacques Macé, son fils. (P. 1144, fol. 9 v° ; P. 1145, fol. 86 v°.)

 ; une autre pièce de pré, contenant ung journau ou environ, assis soubz la maison dudit lieu de la Mote, tenant d’une part au pré du dit lieu de la Motte, appellé le pré des Isles, et d’autre part au pré appellé de…

Blanc au registre.

 ; une maison et ses appartenances appellée la maison de Torçay, assise au bourg de Crotelles, deux merreaulx de bois avecques une pièce de terre estant entre lesdiz bois, contenant le tout sept ou huit sestiers de semence ou environ, appellé le Clox Torçay, tenant d’une part et d’autre aux terres dudit lieu de la Mote. Lesquelles choses ont esté et sont pieça admorties. Et en recompensacion desquelles, ledit suppliant a baillé et baille audit Garnier les choses qui s’ensuivent : c’est assavoir deux journaulx de pré, joignans l’un à l’autre, assis en la Grève en la parroisse de Teulh

« Teulh » pour Iteuil.

, tenans d’une part aux terres de la Grant Sallière, d’autre au pré de James Gervain

Guillaume Gervain, « physicien » à Poitiers, était mort avant le 20 juin 1405 ; à cette date, Jeanne de Javarzay, sa veuve, rendit aveu au comte de Poitiers pour la Foucaudière et autres terres de la châtellenie de Mortemer, et pour son hébergement de Magné, mouvant de Civray. (Arch. nat., R1* 2171, p. 121, R1* 2173, p. 1431.) Elle vivait encore en 1418. (P. 1144, fol. 60 v°.) Quant à Jamet Gervain, les archives communales de Poitiers contiennent un grand nombre de renseignements sur les fonctions municipales qu’il occupa et les missions qui lui furent confiées. Receveur des deniers extraordinaires de la ville en 1446 (acte du 26 octobre), il donna sa démission et fut remplacé par Jean Boilesve, le 9 décembre 1448. Le 26 février 1451, il lui fut payé 10 écus pour avoir été en message auprès du roi, afin de poursuivre la création d’une cour de Parlement à Poitiers, la confirmation du coutumier et autres affaires de la ville. Étant échevin en 1454-1455, il fut chargé, avec six autres commissaires, d’aller porter des remontrances au comte du Maine, à Châtellerault, au sujet de la navigation du Clain, et de demander à Charles VII, qui était alors au château de Bridoré en Touraine, la suppression des aides et leur remplacement par des taxes moins onéreuses. Une nouvelle mission lui fut confiée au mois de novembre 1459. Il se rendit, avec Nicolas Acton, maire, et François Herbert, son collègue de l’échevinage, à Chinon pour remontrer au roi les nécessités de la ville et du pays, la ruine des murailles, et le supplier d’affranchir la ville des tailles et aides et de diminuer le nombre des lances à entretenir. Jamet Gervain conserva les fonctions d’échevin les années suivantes. Enfin, le 28 juin 1465, il fut élu maire de Poitiers, et à cette occasion il avança à la ville 1512 livres 10 sous pour le rachat des domaines qu’elle avait dû aliéner, se contentant du produit annuel de ces domaines jusqu’à son parfait remboursement, « dont ledit maire et les siens doyvent raisonnablement estre en perpetuel memoire et recommandation d’icelle ville. » Il fut réélu l’année suivante. (Cf. l’Inventaire des arch. de la ville de Poitiers, aux numéros indiqués à la table.)

, et d’autre aux tronches de la Mote de Mougon ; ung journau de pré assis en ladicte Grève, tenant d’une part au pré de l’abbé de Bonnevau, d’autre au lieu du Gué, et d’autre part aux…

Ces blancs sont au registre.

de Mougon ; quarante solz tournois de rente sur l’ostel et appartenances de la Gautronniere en la parroisse de Marçay, que tient une nommée…

Ces blancs sont au registre.

 ; aultres quarante solz tournois de rente sur une maison assise en nostre ville de Poictiers, en la rue par laquelle l’en descend du Palais à l’église cathedrale, d’un lieu tenant, d’une part, à la maison qui à Jugant, orfèvre

Étienne Jugant, orfèvre, fournit à l’église Saint-Hilaire-le-Grand, en 1466, un reliquaire destiné à recevoir le chef de saint Hilaire, pour lequel il lui fut payé 60 livres 7 sous 6 deniers. (Arch. de la Vienne, G. 525.)

, appartient, à cause de sa femme, d’autre part, à la maison Jehan Le Saige, pours[uivant ?] de la ville de Poictiers, et par devant à la dicte rue ; et xxiiii. solz tournois de rente sur la maison Guion le Parcheminier, assise en ladicte rue, au dessoubz de la dicte maison dessus confrontée, tenant d’une part à la maison Jehan Chevalier

Le 25 mai 1420, le Parlement siégeant à Poitiers donna un arrêt touchant une maison litigieuse dans cette ville, entre Guillaume Parthenay, dit Pape. Jean Chevalier et Clément Boudaut, d’une part, et Simon Grippon, héritier de sa sœur Guyonne, veuve de Nicolas Parthenay, d’autre. (Arch. nat., X1a 9190, fol. 128.) Voy. aussi des lettres de Charles VII du 26 janvier 1444 n.s., défendant à Jean Chevalier et autres agents du sire d’Estouteville, grand bouteiller de France, de prendre 5 sous parisis et 10 deniers sur les taverniers et autres débitants de vin, droit prétendu par le grand bouteiller, jusqu’à la décision du Grand Conseil. (Arch. de la ville de Poitiers, I. 8.)

, qu’il tient de Clement Dousseau

Clément Dousseau fut échevin de Poitiers en 1454-1455 (Id., J. 1212) et testa le 14 décembre 1460, fondant deux chapellenies à Saint-Étienne. (Arch. de la Vienne, G. 1116.)

, d’autre au fondeis de Pierre le Pintier, qu’il tient des hoirs de feu Robinet Bellaire

Robinet Bellaire, ou Bellère, bourgeois de Poitiers, d’une famille originaire d’Angleterre, suivant MM. Beauchet-Filleau, avait été échevin vers 1420 et vivait encore le 5 juin 1432, date d’un accord conclu entre lui et Jean Guichard, d’une part, Étienne et Jean Gillier, d’autre part. Cet acte ne nous est connu que par une mention d’un registre du Parlement de Poitiers. (X1a 8604, fol. 4.) Un autre accord enregistré à la même Cour, le 10 mars 1424 n.s., nous apprend que sa femme était fille d’Étienne d’Ausseure et permet de faire remonter à deux degrés précédents la filiation de cette dernière famille que la nouvelle édition du Dict. des familles du Poitou fait commencer à Denis seulement. Guillaume d’Ausseure, l’aîné, marchand demeurant à Poitiers, décédé peu après le 18 février 1417 n.s., eut pour fils Étienne, échevin de Poitiers, mort en 1419. Ce dernier, qui avait épousé Catherine de Beaupuy, laissa deux enfants, Denis d’Ausseure, qui fut maire de Poitiers en 1449-1450, et Catherine, femme de Robinet Bellaire. Un procès jugé par le sénéchal de Poitou pour Jean duc de Berry, au profit de Guillaume d’Ausseure, contre Jean Rivaut de Château-Larcher, au sujet d’une rente de huit setiers de froment et des arrérages de plusieurs années, fut porté en appel au Parlement de Poitiers et allait se terminer par un accord accepté de part et d’autre, le 18 février 1417, quand Guillaume d’Ausseure mourut. Étienne reprit le procès, qui n’était pas terminé quand survint son décès. Ses héritiers, c’est-à-dire Catherine de Beaupuy, sa veuve, Denis et Catherine, femme de Robinet Bellaire, ses enfants, ratifièrent, en décembre 1423, l’accord de 1417, par lequel Jean Rivaut rachetait la rente de froment moyennant la cession de divers biens fonds situés à Saint-Georges de Vivonne et au lieu de la Rivaudière. (Arch. nat., X1c 127, n° 41.) Catherine d’Ausseure était veuve dès 1433, avec trois enfants mineurs : Huguet, Jean et Jeanne. Huguet et Jean Bellaire rendirent aveu au roi de l’hébergement de Larnay (anc. Narnay), le 18 juillet 1480 et le 23 mars 1485 (P. 1145, fol. 145, 157), ce qui prouve qu’il s’agit de Larnay, commune de Biard, mouvant de la Tour de Maubergeon, et non de Larnay, commune de Beaumont. Voy. aussi un accord entre Guillaume Vousy, seigneur de Vaires, mari de Jeanne Bellaire, avec Hugues Bellaire, seigneur de Guinefolle, Jean Bellaire, sr de Larnay, son frère, Nicolas de Villiers et autres au sujet d’une rente sur une maison sise dans la rue allant du Palais de Poitiers à l’église Saint-Pierre. (Arch. de la Vienne, G. 1124.)

, et par le devant à la dicte rue. Lesquelles choses ainsi baillées et eschangées montent et pevent valoir de chacune des dictes parties viii. livres tournois de rente. Et pour ce que les dictes choses que ainsi baille ledit chappellain furent pieça desdiées et admorties à la dicte chappelle, et que n’ont esté ne sont les choses que en recompense ledit suppliant baille audit chappellain oudit accord faisant, icellui suppliant a promis interceder vers nous l’admortissement des dictes choses qu’il baille audit chappellain ; requerant humblement icellui que, attendu que ce que ainsi par ledit accord lui baille ledit chappellain et qui, comme dit est, estoit admorti, sera et demourra doresenavant non admorty et en main laye, et que ce qu’il baille audit chappellain est pour et ou lieu de ladicte chose admortie devenant par ce moien non admortie, comme dit est, nous n’avons nul interest en l’admortissement de ladicte partie que ainsi ledit suppliant baille audit chappellain, il nous plaise, à ce que ledit accord puisse tenir, et ledit procès du tout cesser entre les dictes parties, icelle partie non admortie admortir, lui en octroier noz lettres en forme et sur ce noz grace et remède lui impartir. Pour ce est il que nous ces choses considerées, pour honneur de Dieu et en faveur de l’eglise à quoy les dictes choses que a baillé ledit suppliant sont dediées, inclinans à la requeste dudit suppliant, les dictes choses par lui baillées audit chappellain, en eschange ou recompense des autres qu’il lui baille et autresfois furent admorties, comme dit est dessus, de grace especial, plaine puissance et auctorité royal, avons admorties et admortissons, comme dediées à Dieu et à l’eglise données, sans ce que ledit chappellain ne ses successeurs pour le temps avenir soient ne puissent estre contrains à les mettre ne vuider hors de leurs mains en aucune manière ; en paiant toutesvoies par ledit suppliant pour ce telle finance moderée qu’il appartiendra. Si donnons en mandement, par ces presentes, à noz amez et feaulx gens de noz comptes et tresoriers, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc., que lesdiz suppliant et chappellain de nosdicte grace et admortissement facent, souffrent et laissent joir et user plainement, etc. Sauf, etc. Et affin, etc. Donné à Lezignen, ou moys de juing l’an de grace mil iiiicli

Sic. L’année du règne et le lieu de la date montrent qu’il y a ici une faute de transcription, et qu’il faudrait 1453 et non 1451.

, et de nostre règne le xxxie.

Ainsi signé : Par le roy, le conte de Dampmartin

Antoine de Chabannes, né en 1411, mort à Paris le 25 décembre 1488, comte de Dammartin par son mariage (1439) avec Marguerite de Nanteuil, fille de Renaud de Nanteuil et de Marie de Fayel. Il ravagea une partie de la France à la tête d’une bande d’Écorcheurs, et prit le parti des rebelles pendant la Praguerie, ce qui ne l’empêcha pas de devenir grand panetier de France, en 1447, bailli de Troyes, puis sénéchal de Carcassonne, et d’être comblé de bienfaits par Charles VII. Dépouillé de ses biens et dignités, à l’avènement de Louis XI, et jeté en prison, il parvint à s’échapper et se compromit gravement pendant la Ligue du Bien public. Rentré en grâce après le traité de Conflans, il fut créé grand maître de France, l’an 1467, et Charles VIII le nomma, en 1486, gouverneur de Paris et de l’Île-de-France. (Voy. le comte H. de Chabannes, Histoire de la maison de Chabannes, in-4°, t. II, 1894, p. 1-287.)

, Me Jehan Barbin

Sur ce personnage, voy. ci-dessus, p. 288, note 2.

, Estienne Chevalier

Cf. id., ci-dessus, p. 177, note 2.

, Jehan Hardouyn

Jean Hardouin, maître des comptes et trésorier de France avant 1445, apparaît pour la première fois comme membre du Grand Conseil en décembre 1446. Il fut, en 1450, l’un des commissaires chargés de l’enquête sur la gestion du receveur Jean de Xaincoins. Charles VII légitima sa fille naturelle Marie, par lettres patentes de septembre 1460. Jean Hardouin possédait un hôtel à Tours, où il donna plus d’une fois l’hospitalité au roi. (De Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. IV, p. 411-428 ; V, p. 88 ; VI, 374, 423, note.)

, Pierre Berart

Pierre Bérard, aussi trésorier de France, fut anobli par Charles VII ; il était membre du Conseil dès l’année 1445, et fort avant dans la confiance du roi. Il remplit les mêmes fonctions jusqu’à la fin du règne. Au printemps de 1452, Charles VII s’arrêta chez lui, au château de Chissay, près Montrichard. (Id., t. V, p. 78 et passim.)

et autres presens. Toreau. — Visa. Contentor. P. Aude.

MCCXXXVIII Juin 1453

Rémission accordée à Léonard Chétif, compagnon cordonnier, fixé successivement en différentes localités de Poitou, Limousin et Saintonge, prisonnier à Aulnay pour différents vols, dont l’un commis dans l’église de cette ville.

AN JJ. 185, n° 305, fol. 211 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 334-338

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de Leonnard Chetif, aagé de xxv. ans, natif de la ville de Crousant en la conté de la Marche, detenu prisonnier ès prisons d’Aunay, contenant que, lui estant en l’aage de xvi. ans ou environ, il s’en parti dudit lieu de Crousant et s’en vint au lieu de Chauvigny en Poictou, auquel lieu il aprint le mestier de cordouennerie en l’ostel de Marsault Cachon, et après ce qu’il eut demouré audit lieu de Chauvigny l’espace de deux ans ou environ, s’en ala au lieu de Charroux, ou pays de la Basse Marche, et depuis a demouré en pluseurs autres lieux de Poictou et de Limosin, faisant son dit mestier. Et est avenu que quinze jours avant la feste de Penthecouste derrenierement passée, lui et ung nommé Jehannin Picquart, tondeur de draps, demourant à Limoges, Jehanne Frecignaulde, femme dudit Picquart, avecques la fille de laquelle Frecignaulde ledit Leonnart, prisonnier, est fiancé trois ans ou environ, partirent dudit lieu de Limoges pour aler au pardon qui a esté à Xainctes, le lendemain de la Penthecoste. Auquel lieu de Xainctes ilz arrivèrent le vendredi avant la feste de Penthecouste et se logèrent ès forsbours dudit lieu du cousté devers les Dames religieuses

L’abbaye de Notre-Dame hors des murs de Saintes, monastère de femmes de l’ordre de Saint-Benoît, fut fondé, en 1047, par Geoffroy Martel, comte d’Anjou, et Agnès, son épouse, duchesse d’Aquitaine. L’abbesse, à cette époque, était Jeanne de Villars, de 1438 à 1484. (Gallia christ., t. II, col. 1127, 1129.)

, à l’enseigne de l’Espée, et y demourèrent jusques au jeudi ensuivant, environ heure de midy, qu’ilz s’en partirent dudit lieu de Xainctes et s’en vindrent à coucher à Taillebourg, et le lendemain à disner en ceste ville de Saint Jehan d’Angely, auquel lieu de Saint Jehan d’Angely, ilz demeurèrent jusques à la vigille de la Feste Dieu derrenierement passée, qu’ilz s’en alèrent touz ensemble audit lieu d’Aunay, où ilz arrivèrent environ heure de vespres et se logèrent chex ung nommé Jenneton, et le jour de la Feste Dieu ledit Leonnard et les dessusnommez alèrent oïr la messe en l’eglise parrochialle dudit lieu d’Aunay, et disnèrent chex leur dit hoste. Et quant il fut au soir, alèrent oïr vespres en ladicte eglise, et incontinent que vespres furent dictes et que le peuple fust yssu hors de ladicte eglise, et qu’il n’y demoura seulement que ledit Leonnard, icellui Leonnard vit devant l’image Nostre Dame estant en ladicte eglise une boete ronde de boys fermée d’une claveure de fer ; laquelle boete il print et brula pour savoir s’il y avoit argent ou non. Et, pour ce qu’il cogneut qu’il y avoit de l’argent dedans, il l’arracha avec les mains et le clou qui tient la charnère ou couplet du couvercle de la dicte boete ; et ce fait, print certaine quantité de doubles et esterlins estans en icelle, dont il n’est recors du nombre, lesquelz doubles et esterlins il meist en sa main. Et pour ce que le secretain de la dite eglise vit et apparceut comme ledit Leonnard avoit prins les diz doubles et esterlins en ladicte boete, commença à crier à haulte voix au larron. Par lequel cry le curé de la dicte eglise et ses vicaires, ledit secrestain et autres vindrent audit Leonnard et le prindrent au corps. Et ainsi qu’il les vit venir, il mist les diz doubles et esterlins en sa bouche, où il les tint par aucun temps. Et après ce, l’un des diz chappellains qui apparceut qu’il avoit les diz doubles et esterlins en sa bouche, les luy osta et incontinent le mistrent hors de la dicte eglise. Et tantost vindrent les officiers de la justice dudit lieu d’Aunay qui le mistrent en prison, où il a depuis demeuré et y est encores. Et aussi ledit jour, luy et ung nommé Jehan Moreau, recouvreur, natif du païs de Berry, estant lors audit lieu d’Aunay, avec lequel icellui Leonnard avoit beu à la taverne ledit jour, alèrent ensemble en l’ostel dudit curé d’Aunay et prindrent ou truel ou pressouer dudit curé quinze ou seze oefz, lesquelz ledit Leonnard mist en son chappeau et les apporta en une petite chappelle estant ou cimistère dudit lieu d’Aunay. En laquelle chappelle il laissa les diz œufz et son dit chappeau, en esperance de les aler querir devers le soir. Et avec ce a dit et confessé que, par avant ce que dit est et la vigille de la feste Nostre Dame de septembre derrenierement passée, luy estant au lieu de la Couronne, auquel avoit lors grant assemblée de gens pour le pardon qui y estoit, il print, environ l’eure de mynuit, en la bourse d’une bonne femme estant lors en l’eglise dudit lieu de la Couronne, certaine somme d’argent montant à quinze ou vingt solz, et pour ce que la dicte bonne femme sentit et apparceut qu’il luy avoit prins son dit argent, se escria en disant au larron ; moiennant lequel cry il gecta ledit argent qu’il avoit prins en ung pannier, ouquel ladicte bonne femme avoit des chandelles de cire pour vendre. Et incontinent survindrent des religieux dudit lieu de la Couronne, qui le prindrent et le mirent ès septz où il fut jusques au lendemain. Et pour ce que ladicte femme ne se plaignoit point de luy, ledit abbé le laissa aler. Et en oultre sept ou huit jours paravant qu’il partist dudit lieu de Limoges pour venir audit lieu de Xaintes, il marchanda avec ung mercier demourant audit lieu de Limoges, près des banqs dudit lieu, nommé Lepicart, ungs cousteaux garniz d’argent ; et pour ce que ledit Picquart ne les lui voult bailler pour le pris qu’il en offroit, ainsi que icellui mercier entendoit à faire sa marchandise à ung homme de guerre qu’il ne congnessoit, ledit Leonnard print iceulx cousteaulx et les emporta. Et depuis les a baillez à la mère de sadite fiencée. A l’occasion desquelz cas, ledit Leonnard est detenu prisonnier, comme dit est, ès prisons dudit lieu d’Aunay, et par ce est en voye de y estre rigoureusement pugny par justice. Et pour ce nous ont lesdis supplians humblement supplié et requis que, attendu que ledit Leonnard est simple homme et estoit à l’eure qu’il fist les diz cas souffreteux et indigent, que en autres cas il est homme bien famé et renommé, non attaint ou convaincu d’aucun vilain cas, blasme ou reprouche, il nous plaise sur ce luy impartir noz grace et misericorde. Pour quoy nous, attendu ce que dit est, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit Leonnard, prisonnier, avons ou cas dessus dit remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces presentes, aux seneschaulx de Xanctonge et de Limosin et à tous noz autres justiciers, etc., pourveu qu’il sera batu de verges ès dictes prisons. Donné à Saint Jehan d’Angely, ou mois de juing l’an de grace mil cccc. cinquante trois, et de nostre règne le xxxie.

Ainsi signé : Par le roy, l’evesque de Magalonne

Robert de Rouvres, conseiller au Grand Conseil, fut évêque de Maguelonne du 4 mars 1438 à décembre 1453. Il avait été précédemment évêque de Séez.

, maistre Guy Bernard

Guy Bernard, fils d’Étienne Bernard, dit Moreau, receveur général des aides, était archidiacre de Tours et abbé de Saint-Rémy de Reims. Nommé maître des requêtes de l’hôtel par lettres du 2 novembre 1439, au lieu de Jean Bernard, son oncle, pourvu alors de l’archevêché de Tours, il fut, en 1448, l’un des ambassadeurs de Charles VII à Rome, auprès du pape Nicolas V, puis (janvier 1451), auprès du duc de Bourgogne. Évêque duc de Langres à la fin de cette année 1453, chancelier de l’ordre de Saint-Michel, en 1469, il mourut fort âgé le 28 avril 1481. (Blanchard, Les généalogies des Maistres des Requestes, in-fol., p. 153 ; Gallia christ., t. IV, col. 629 ; de Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. IV, p. 275, 278 ; t. V, p. 223, 237, 251, 336.) Georges Chastellain dit que Guy Bernard était « homme bien notable et discret, bon clerc et de grant auctorité au Conseil du roi ». (Tome III, p. 33.)

et autres presens. De La Loère. — Visa. Contentor.

MCCXXXIX Juin 1453

Rémission octroyée à Pierre Veau, demeurant à Chauché, dans la châtellenie des Essarts, poursuivi et emprisonné pour le meurtre de Jean Bruneau, seigneur de la Rabatelière, commis trente ans auparavant.

AN JJ. 185, n° 307, fol. 212 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 338-341

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Pierre Veau, povre homme de labour, chargié de femme et de sept ou huit enfans, contenant que, trente ans a ou plus qu’il demouroit en la parroisse de Cauché en la chastellenie des Essars, en nostre pays de Poictou, lequel suppliant, pour l’entretenement de lui, son mesnage et faire son labourage avoit audit lieu beufz, vaches et veaulx, lesquelz beufz, vaches et veaulx, ung jour de Ascencion, estans aux champs pour pasturer, environ heure de vespres, ung nommé Jehan Bruneau, seigneur de la Rabatelière

La veuve de Jean Bruneau, seigneur de la Rabatelière, nommée Olivière Buor, et ses dix enfants, Nicolas, Jacques, Milet et Charles, Marguerite, mariée alors à Jean de Velors, Jeanne, femme de Jean Goureau, aliàs Gorreau, Catherine, Françoise, Mathurine et Marie Bruneau, s’opposèrent à l’entérinement et à la mise à exécution de ces lettres de rémission. Un procès s’engagea à ce sujet d’abord devant le sénéchal de Poitou, puis en appel au Parlement. Pierre Veau, le meurtrier, dont le nom est écrit sur les registres de la Cour Vedeau ou Videau, s’étant enfui après son crime, avait été condamné par contumace au bannissement et à 200 livres de dommages et intérêts au profit des héritiers de sa victime. Le sénéchal de Poitou, malgré l’opposition de ceux-ci, rendit un jugement d’enregistrement des lettres de rémission, sous cette réserve que Vedeau ou Veau serait tenu de faire célébrer un service de trente messes, trois grandes et les autres basses, au lieu où Jean Bruneau était inhumé, de payer à ses enfants 50 livres, et de rester en prison jusqu’à l’accomplissement de ces conditions ; cependant les demandeurs étaient condamnés aux frais du procès. Ceux-ci relevèrent appel au Parlement, mais la Cour, par arrêt du 13 septembre 1456, confirma la sentence du sénéchal, sauf en ce qui concernait les dépens dont les appelants furent déchargés. (Arch. nat., X2a 27, fol. 233.) Cet arrêt ne mit pas fin à l’affaire ; car, le 21 juin 1457, on retrouve les enfants de Bruneau plaidant devant la Cour contre Pierre Vedeau, qui n’avait pas encore payé son amende et était emprisonné à la Conciergerie. A cette date, il fut élargi sous caution jusqu’après la saint Martin prochaine. (X2a 28, à la date.) Dans l’intervalle, il donna sans doute satisfaction à ses adversaires, en tout cas il n’est plus question du procès sur les registres de la Cour. La nouvelle édition du Dictionnaire des familles du Poitou fournit un certain nombre de renseignements sur les Bruneau de la Rabatelière (canton de Saint-Fulgent, Vendée) ; il commence la filiation de cette branche à Nicolas (1466), dont il ne nomme pas le père et la mère, les lettres de rémission et les actes du Parlement qui s’y rapportent n’ayant pas été connus des auteurs de cet ouvrage. (Tome II, p. 46.)

, les trouva, ou partie d’iceulx en ses terres et dommaines, comme il disoit, et les en voult mener en prison, en son hostel de la Rabatelière ou ailleurs, où bon lui sembloit. Laquelle chose venue à la cognoissance dudit suppliant, il se transporta par devers ledit Jehan Bruneau, qui emmenoit son dit bestial, pour icellui recouvrer, tenant ung baston en sa main, pour ce que ledit jour ledit Bruneau avait batu son voisin. Et incontinent que ledit Bruneau vist venir ledit suppliant, il chevaucha à l’encontre de lui ; et après ce qu’il fut arrivé, ledit Bruneau lui dist qu’il laissast ledit baston. Lequel suppliant, doutant que, s’il eust laissé son baston, il lui eust couru sus, lui respondi que non feroit, en alant son chemin, dont ledit Bruneau ne fut pas content et de rechief dist audit suppliant qu’il laisseroit ledit baston, ce que ledit suppliant ne voult faire, et se arresta en disant audit Bruneau qu’il ne approuchast point de lui. Mais tousjours ledit Bruneau s’en approuchoit et le voult batre et oster ledit baston. Et quant ledit suppliant vist que le dit Bruneau le pressoit si fort, il se print à fouir, et ainsi qu’il fuioit, le filz dudit Bruneau courut après lui, et le print et arresta. Et tantost ledit Jehan Bruneau arriva sur eulx et descendi de dessus son cheval et print ung pal fendis de plate, duquel il voult frapper ledit suppliant. Lequel, pour obvier au cop, mist son baston au devant et recuilli son cop, et tellement que du ressort dudit cop le baston dudit suppliant frappa contre le visage dudit Bruneau. Lequel dist lors à son dit filz : « Tue le ! » Et cependant que le dit filz amassoit des pierres pour frapper ledit suppliant, le dit Bruneau et suppliant se combatoient de leurs bastons. En quoy faisant, ledit suppliant frappa le dit Bruneau de son dit baston parmy la teste, tellement que trois ou quatre jours après, par mauvais gouvernement ou autrement, le dit Bruneau ala de vie à trespassement. Pour occasion duquel cas, ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, se absenta dudit lieu de Sauché et s’en ala demourer en nostre pays de Xanctonge, où il a tousjours depuis demouré, jusques ung mois a ou environ qu’il a esté prins pour ledit cas et amené prisonnier en noz prisons de Poictiers, èsquelles il est de present rigoreusement traictié et en aventure de finer miserablement ses jours, et doubte que on vueille contre lui proceder à rigueur de justice, se nostre grace et misericorde ne lui estoit sur ce impartie, humblement requerant que, attendu que ledit suppliant n’a pas esté agresseur et que ce qu’il a fait a esté en son corps defendant, et que en tous autres cas il a esté et est homme de bon fame, renommée et honeste conversacion, non actaint ou convaincu d’aucun vilain cas, blasme ou reprouche, il nous plaise lui impartir nostre dicte grace. Pourquoy nous, attendu ce que dit est, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, aux seneschaulx de Poictou et de Xanctonge, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Saint Jehan d’Angeli, ou mois de juing l’an de grace mil cccc. cinquante trois, et de nostre règne le xxxie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. P. Burdelot. — Visa. Contentor. Chaligaut.

MCCXL Juin 1453

Rémission en faveur d’André Noël, de Saint-Jean-de-Sauves, meurtrier de Thomas Segonneau, prêtre, chapelain du dit lieu, qui avait débauché sa femme.

AN JJ. 184, n° 279, fol. 188 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 341-343

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Andry Noel, demourant ou bourg de Saint Jehan de Sauves ou diocèse de Poictiers, contenant que dès sept ans a ou environ, feu Thomas Segonneau, prestre, chappellain du curé dudit lieu de Sauves, et qui avoit charge de confesser et administrer les parroissiens de ladicte ville ou lieu du curé d’icelle, combien que plusieurs fois Guillemette Mezelle, femme dudit suppliant, se feust confessée audit Thomas, icellui Thomas la requist plusieurs foiz de deshonneur, et tellement continua en faisant deshonnestes euvres que, elle estant en ung sien hostel, il se efforça de la congnoistre charnellement, et depuis l’a maintenue l’espace de trois ans ou environ. Et pour la folle amour que ledit Thomas avoit avec la dicte Guillemette, le lendemain du jour de Noël derrenier passé, qui est feste de saint Estienne, ledit suppliant estant couché avec sa dicte femme, icelluy Thomas entra par une fenestre en l’ostel dudit suppliant et se coucha ou lit avec ledit suppliant et sa femme. Et quant icelluy suppliant se esvilla, il entrevy que en son lit estoit couché personne estrange. Lors et tantost se leva et aluma de la clarté, et vit et appersceut le dit Thomas qui s’estoit couché en son lit, avec lui et sa femme. Lequel Thomas ce voyant, incontinant se leva, garny d’un braquemart et hastivement se partit par l’uys dudit hostel, qu’il avoit laissé ouvert, sans avoir nul mal de sa personne. Lequel suppliant, courroucé et mal content du deshonneur que luy avoit fait et faisoit ledit Thomas, se complaigny à son curé. Et il soit ainsi que, le jour saint Nicolas derrenierement passé, ixe jour du moys de may, ledit suppliant, en alant dire à ung nommé Jehan Boutin, de ladicte ville, qu’il vensist ou envoyast querir la moitié d’un aigneau en l’ostel dudit suppliant, qu’il avoit apparillé, et dont il avoit promis bailler la moitié audit Boutin, et en traversant le chemin commun et publique, sur lequel il estoit, à l’endroit de l’ostel dudit Boutin, et près de l’ostel dudit Sigonneau, joignant de l’ostel dudit Boutin, il vit et apersceut ledit Sigonneau estant à sa fenestre vestu, et luy demanda ung cueuvrechief qu’il avoit prins en son hostel, et n’avoit intencion de lui faire aucun mal, lequel Sigonneau lui dist ces motz ou semblables : « Attens moy, je le te voys porter ! » Et incontinant le dit Sigonneau, tout despouillé et en pourpoint, garny d’une fourche de fer, vint au dit suppliant, voulant l’en ferir ; mais la mère dudit Sigonneau et une sienne niepce ou cousine le tindrent pour l’empescher. Et ce pendant que ledit suppliant s’en aloit en l’ostel dudit Boutin, sans plus penser à ce que ledit Thomas luy avoit voulu faire, icelluy Thomas se eschappa d’elles et, de sa dicte fourche, frappa le dit suppliant par derrière en traison par le col si fort qu’il en cheut à terre. Lesquelles femmes, voyans la manière de faire dudit Thomas, crièrent si hault que les gens d’environ y arrivèrent. Mais avant qu’ilz y feussent arrivez, icelluy Thomas ferit ledit suppliant si grant coup de la dicte fourche qu’il en devint tout estourdi. Lequel suppliant soy sentant ainsi feru, aiant consideracion à la grant villanie et deshonneur que ledit Thomas lui faisoit et avoit fait, se leva tout blecié et vint vers ledit Thomas et, de sa dague qu’il portoit à sa saincture, frappa ung coup ou deux ledit Sigonneau ou costé, au moien desquelz assez tost après icelluy Sigonneau ala de vie à trespas. Pour lequel cas icellui suppliant s’est absenté, doubtant rigueur de justice et que à ceste cause on luy vueille faire dommage ou desplaisir, se nostre grace et misericorde ne lui estoient sur ce impartiz, si comme il dit, en nous humblement requerant que, attendu que en autres cas il a esté et est homme de bonne vie, renommée, etc., nous luy vueillons sur ce impartir nostre grace. Pour quoy nous, qui voulons misericorde prefferer à rigueur de justice, audit suppliant ou cas dessus dit avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou moys de juing l’an de grace mil cccc. liii, et de nostre règne le xxxie.

Ainsi signé : Par le conseil. N. Aymar. — Visa. Contentor. N. Aymar.

MCCXLI 12 juillet 1453

Rémission en faveur de « Simon Pennetier, serviteur du seneschal d’Angoulesme pour nostre très chier et amé cousin le conte dudit lieu d’Angolesme

Jean d’Orléans, comte d’Angoulême (ci-dessus, p. 314, note 1).

, natif du lieu de Lezay ou païs de Poictou, à present detenu prisonnier ès prisons du chastel dudit lieu d’Angolesme » pour le meurtre de François Chenu

On connaît plusieurs familles de ce nom, établies en Poitou au xve siècle. Aux noms relevés dans le Dict. des familles du Poitou (nouv. édit., t. II, p. 384-385), on peut ajouter Pierre Chenu, marié à Macée Pignard, qui en eut cinq enfants, dont trois fils : Pierre, Valentin, prêtre, et Jacques. Ceux-ci étaient en procès entre eux, le 4 décembre 1469, au sujet de l’héritage de leur père. (Arch. nat., X2a 35, à la date.)

, capitaine d’archers, dont il s’était rendu coupable, « puis six ans en ça ou environ, ledit Pennetier estant à Saint Espaing en garnison soubz nostre amé et feat chevalier Regnault du Dresnay

Regnaut du Dresnay avait été lieutenant de Pierre de Brézé, sénéchal de Poitou en 1444. (Cf. notre précédent vol., p. 178, note 1.) Il mourut en 1474, après avoir montré le plus grand courage pendant la peste qui ravageait alors Asti, dont il était capitaine. (De Maulde la Clavière, Hist. de Louis XII, t. I, p. 221 et note 5. Le chapitre ii de ce vol. est consacré à l’administration de R. du Dresnay à Asti. — Cf. Bibl. de l’École des chartes, article de M. Petit-Dutaillis, t. LX, 1899, p. 514.)

, bailli de Sens », etc. « Si donnons en mandement aux seneschaulx de Guienne, Xanctonge et Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à La Rochefoucault, le xiie jour de juillet l’an de grace mil cccc. cinquante et trois, et de nostre règne le xxxie. — Ainsi signé : Par le Roy, le Maistre des arbalestiers

Le grand maître des arbalétriers était alors Jean d’Estouteville, seigneur de Torcy (1449-1461).

, les sires de Prully

Pierre Frotier, baron de Preuilly en Touraine, seigneur de Melzéar et de Mizeré en Poitou, du Blanc, d’Azay-le-Féron, etc. (Cf. ci-dessus, p. 283, note.)

et de Montsoreau, maistre Estienne Chevalier

Pour le sr de Montsoreau et maître Étienne Chevalier, cf. ci-dessus, p. 243, note 4, et p. 177, note 2.

et autres presens. De La Loère. — Visa. Contentor. E. Froment. »

AN JJ. 182, n° 135, fol. 73 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 343-344

MCCXLII Juillet 1453

Rémission accordée à Jean Dorin, de Châtellerault, jeune homme de dix-huit ans, infirme, qui, dans une rixe provoquée par celle-ci, avait frappé mortellement d’un coup de couteau la chambrière de sa grand’mère, avec laquelle il habitait.

AN JJ. 182, n° 136, fol. 74 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 344-349

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Jehan Dorin, filz de Gilet Dorin, demourant à Chastelleraud, contenant que ledit Gilet Dorin

MM. Beauchet-Filleau, traitant de la famille Dorin du Châtelleraudais, mentionnent un Gillet Dorin, clerc extraordinaire des comptes à Paris, qui possédait le fief « Doment » dont il rendit aveu le 4 juin 1462, et avait eu une fille, Michelle, mariée à François Milcendeau, et un fils nommé Aimery. (Dict. des familles du Poitou, 2e édit., t. III, p. 144.) L’aveu en question est du 4 juillet 1462 (Arch. nat., P. 1145, fol. 147 v°) ; il n’y est pas dit que ce Gillet Dorin était clerc des comptes, et il pourrait tout aussi bien se rapporter au père de Jean Dorin, au profit duquel sont délivrées les présentes lettres de rémission. Le véritable nom de l’hébergement dont il s’agit serait peut-être Domine sur le Clain (tenu de la Tour-de-Naintré), mais il n’y a dans ce texte aucune indication de mouvance. C’est une simple analyse, d’une écriture très négligée. Par contre, il existe à la Chambre des comptes un document qui émane bien certainement de notre personnage. C’est un acte de foi et hommage pour l’hébergement de Marit en la paroisse de Dissay, mouvant du château de Poitiers, passé à Poitiers, le 29 avril 1453, au nom de Gillet Dorin, demeurant en la ville de Châtellerault. (P. 5661, cote 2828.)

fut jà pieça conjoinct par mariage avecques une nommée Raymonde Benaiste, de la ville de Limoges, desquelz et de leur mariage sont yssuz deux enfans, c’est assavoir ledit Jehan Dorin et Katherine Dorine ; lequel Jehan Dorin, estant bien petit enffant et encores à la mammelle de sa mère, cheut du lit où sa dicte mère l’avoit mis à terre en la ruelle dudit lit, à la [quelle] choiste le dit suppliant se foula telement qu’il en devint bossu d’une espaule. Et à ceste occasion a esté et encores est foible et de petite stature et n’est pas bien sain de sa personne, ne n’est que en l’aage de dix huit a vint ans ou environ ; et a toute sa jeunesse tousjours demouré en l’ostel de la mère dudit Gilet Dorin, demourant audit lieu de Chastelleraud, nommée Marion Dignaye, vefve de feu Jehan Dorin, aieul dudit suppliant, excepté environ deux ans qu’il demoura à Poictiers, chez feu Jean Pradeau

Ce Jean Pradeau disputait, en 1422, à Jacques de Fressanges, licencié en lois, prieur séculier de l’église Sainte-Radegonde de Poitiers, la possession et saisine de la cure du bourg de « Selainhac » au diocèse de Limoges. Une sentence d’excommunication fut rendue contre lui à cette occasion, et la cure fut mise en la main du roi, en attendant le jugement définitif. Ce litige se termina, le 29 novembre de cette année, par un accord aux termes duquel Jacques de Fressanges fut reconnu légitime possesseur de cette cure et abandonna en échange à Pradeau celle de Saint-Eutrope « du Chazant » en Limousin. (Arch. nat., X1c 124, n° 80.) On retrouve Jean Pradeau, le 16 mai 1432, qualifié alors aumônier et chanoine de Saint-Hilaire de Poitiers. Comme tuteur de ses neveu et nièce, Itier et Arnaude Vidal, enfants de feu Martial Vidal, pair de la Rochelle, et de sa seconde femme, il transigeait avec Mathieu Vidal, fils du premier lit, et mettait fin à une contestation au sujet de l’héritage de leur père, pendante par devant le juge des consuls de Limoges. (Id., X1c 143A, n° 111.)

, pour lors aumosnier de l’aumosnerie de Saint Anthoine de Saint Hillaire le Grant de Poictiers et chanoine de ladicte eglise de Saint Hillaire. Et encores naguères demouroit ledit suppliant avecques sadicte aieulle, qui estoit seulle en sa maison et chambre quant à son estat, excepté qu’elle avoit et a acoustumé d’avoir tousjours varlet et chamberière, et le nourrissoit et tenoit son estat, et il la servoit le mieulx qu’il povoit, selon sa possibilité et foiblesse, et lui mettoit par escript ses besongnes et affaires. Et jusques à ce que le dimanche après la feste du Saint Sacrement derrenierement passé, sadicte aieulle alla à Prulli veoir une sienne fille ilecques mariée et laissa pour la garde de sa maison ledit suppliant ; car elle avoit en lui perfaicte fiance et plus que en nul autre de son hostel. Aussi est il son nepveu

Sic, avec le sens de petit-fils.

, comme dit est, et l’avoit tousjours nourry. Et advint que le jeudi ensuivant les octaves de la dicte feste du Saint Sacrement, ledit suppliant et ung nommé Jehan Duboys, varlet de ladicte vefve, s’esbatoient et jouoient d’une espée à deux mains, et en eulx esbatant rompirent les cordes des courtines du ciel du lit de la chambre de ladicte vefve, aieulle d’icellui suppliant. Et sur ce survint une nommée Jehanne Loye, chamberière de ladicte vefve, aieulle dudit suppliant, qui demanda qui avoit rompues lesdictes cordes. A quoy ledit suppliant respondy que ce avoit il fait ; et elle lui va dire bien mal gracieusement et arrogamment qu’elle le diroit à sa dame et maistresse ; et le dit suppliant lui dist que si elle y estoit, qu’elle n’en diroit jà tant comme elle. Et icelle chamberière dist teles parolles ou semblables en substance : « Elle ne feroit vostre sanglant gibet ! Ha, ha ! quel bavart ! » Et ledit suppliant lui dist qu’elle ne lui dist plus teles parolles. Et là estoit le filz du mestaier de ladicte vefve, auquel ledit suppliant dist qu’il montast sur une scabelle pour adouber lesdictes cordes dudit ciel, et la dicte chamberière dist qu’il ne les adouberoit point. Et comme le dit filz dudit mestaier, nommé Jehan Gibaut le jeune, fut monté sur la dicte scabelle, ladicte chamberière, qui n’estoit pas contente que les dictes cordes fussent adoubées, se approucha dudit Gibaut et s’efforça de son povoir de le faire cheoir à terre ; et qui plus est ladicte chamberière print le baston dudit lit et de loing du long dudit baston s’efforça d’en faire descendre ledit Gibaut. Adonc le dit suppliant se mist entre deux, pour garder que ladicte chamberière ne feist cheoir ledit Gibaut, et en la reppellant lui bailla de la main sur l’espaule, et elle dist encores telles ou semblables parolles en substance : « Hé, hé ! vil, hort bavart, me viens tu frapper ! » Et oultre plus, icelle chambrière qui estoit une grosse femme replette, de l’aage de xxv. à trente ans ou environ et bien grande femme, non contente de vituperer ledit suppliant, se print à icellui suppliant, et en le cuidant getter à terre, le getta contre le pié du lit et lui bailla sur la teste trois ou quatre coups le plus fort qu’elle peut. Et quant le varlet vit qu’elle le gourfouloit aussi fort, il se mist entre deux et les desprint. Et quant ilz furent desprins et departis, ledit suppliant print ung baston qu’il trouva en la cheminée, pour soy garder et repeller la force de la dicte chamberière, et pour l’en frapper, si elle se approuchoit de lui. Et ladicte chamberière s’approucha dudit Dorin et lui osta ledit baston, car il n’avoit pas la force de resister contre elle qui estoit forte femme, comme dit est, et dudit baston lui bailla quatre ou cinq coups, c’est assavoir deux sur la teste et le surplus sur les espaules, et le tenoist soubz elle. Et ledit varlet voyant ce, osta à ladicte chamberière ledit baston, et les desprint de rechief. Et eulx ainsi departiz, ledit suppliant se recula et ladicte chamberière, non contente de ce, le suivit pour le vouloir encores frapper. Et ledit suppliant, voyant et doubtant qu’elle ne le mehaingnast ou estomast du corps, tira ung cousteau qu’il avoit, lequel il mist devant lui, à ce que la dicte chamberière n’approuchast de lui et ne lui meffeist ; mais ladicte chamberière qui estoit de grant couraige, fort esmeue et eschauffée, s’approucha dudit suppliant et s’efforça de lui oster sondit cousteau, et en eulx remuant et demenant l’un l’autre, et ainsi qu’elle tenoit ledit suppliant parmi le bras, icellui suppliant l’attaigny ung coup ou coul du costé destre ; et tantost cheut icelle chamberière à terre. Et toutes voies ledit suppliant ne la cuidoit point avoir actainte dudit cousteau, et fut icelle chamberière par aucun temps à terre, et après icellui suppliant ala regarder icelle chamberière et lui leva la cornière de son chapperon, et vit qu’elle seignoit. Et lors dist telz motz par grant desconfort : « Haa ! malgré ma vie, elle est affoulée ! » Et tantost fut alé querir ung nommé Yvonnet de la Mote, barbier, qui demeure près de l’ostel de ladicte vefve, mais il n’y voult mettre la main pour estanchier le sang qu’elle gettoit habondamment, sinon que maistre Jehan Des Mons, qui estoit cyrurgien, y fust ; lequel on ala querir, et le temps pendant que on mist à l’aler querir et lui en venir, elle perdit largement de son sang. Et quant ledit Des Mons y fut venu, il y mist les mains et la gouverna ainsi qu’il peut et sceut. Et depuis ce vesqui l’espace de sept jours, c’est assavoir depuis ledit jeudi que ledit coup lui fut baillé jusques au mercredi ensuivant. Et pendant ce qu’elle a estée malade dudit coup, elle de son esmouvement a dit par pluseurs foiz à gens de bien qu’elle estoit cause de son mal ; et à ceste cause, pour ce qu’elle disoit qu’elle en estoit cause, la mère d’elle la tensa par plusieurs foiz en lui donnant charge et la blasmant de ce qu’elle avoit esté si rigoureuse et voulu maistrier ledit suppliant. Et en perseverant en son entencion et demonstrant qu’elle estoit cause de son dit mal et cas avenu, et que ledit suppliant ne l’avoit ne n’a pas fait à son essient, ung jour entre autres, requist qu’elle parlast audit suppliant, lequel on lui fist venir. Et quant il fut devers elle, lui dist : « Ha ! mon amy Jehan Dorin, je suis cause de mon fait et mal, et du cas dessus dit ; je vous pry, pardonnez moi ! » Et ledit suppliant lui pardonna. Mais ce non obstant et que par ce que dit est ledit suppliant n’ait baillé ledit coup à son essient, et soit ledit cas avenu fortunement et par meschief, et n’eussent paravant icellui suppliant et ladicte chamberière rancune ne debat, et n’ait jamais icellui suppliant esté actaint ne convaincu d’aucun vilain cas, blasme ou reprouche, ains a tousjours esté de bonne vie, renommé et honneste conversacion, neantmoins ledit suppliant doubte rigueur de justice et que ores ou pour le temps avenir on le voulsist, à cause dudit cas, poursuir et durement traicter, traveiller et molester, se nostre grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, si comme il dit, humblement requerant d’iceulx. Pour ce est il que nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant avons ledit cas quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Angolesme, ou moys de juillet l’an de grace mil cccc. cinquante et trois, et de nostre règne le xxxie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. S. Des Vergiers. — Visa. Contentor. E. Froment.

MCCXLIII Octobre 1453

Rémission en faveur de Jean Ayrault, de Foussais, au diocèse de Maillezais, coupable du meurtre de Jean Chiron, son beau-père.

AN JJ. 182, n° 7, fol. 3 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 349-352

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Jehan Ayrault, demourant en la parroisse de Foussay ou diocese de Maillezais, nostre franc archier pour ladicte paroisse, avons receue, contenant que dès la seurveille de la feste saint Pierre d’aoust derrenierement passée eut quatre ans ou environ, ainsi que ledit suppliant fut venu de besongner de certaine terrasse ou torchis en certain endroit de son hostel où il demouroit et encores demoure, situé et assis ou bourg dudit lieu de Foussay, pour disner, et lui estant à table, dist à Guillemete Chironne, sa femme, qu’elle lui alast querir de l’eaue au puis pour son disner et que son plaisir estoit tel, et ne vouloit boire du vin que ung nommé Jehan Chiron, père de la dicte Guillemete, femme dudit suppliant, avoit apporté en ung barril de l’ostel d’ung sien filz nommé Jehan Chiron, prieur du lieu appellé de Bonnerays auprès de Vouvant. Auquel suppliant la dicte Guillemete, sa femme, respondit qu’elle n’y entriroit jà, au moins jusques à ce quelle eust disné. Et lors icellui suppliant lui dist que s’elle n’y aloit, qu’il lui donneroit deux buffes, mais ce non obstant elle n’y vouloit aler, ains de rechief lui dist qu’elle disneroit avant y aler, et ce endura le dit suppliant. Et après ce que ladicte Guillemete eut disné, elle alla ou fist manière d’aler querir de l’eaue au puis, où elle demoura par longue espace de temps, consideré la situation et distance dudit lieu, et tant qu’il convint audit suppliant soy lever de la table où il estoit pour aler veoir s’elle venoit de l’eaue. Et quant elle fut arrivée, pour ce qu’elle avoit trop demouré, icellui suppliant, tant pour la longue demoure comme aussi par ce qu’elle lui avoit respondu, lui donna deux buffes. Et lors ledit Jehan Chiron, père de ladicte Guillemete, femme dudit suppliant, print icellui suppliant par la chevessaille et le frappa par la teste, en lui disant telles parolles ou semblables : « Truant, paillart, tu ne la batras pas ! » Ce que ledit suppliant endura, sans le vouloir lors frapper, mais le bouta telement contre ung banc qu’il cheut à terre sans le frapper. Et quant il fut relevé, il frappa derechief le dit suppliant d’un baston sur la teste. Auquel le dit suppliant dist que, se il y retournoit plus, qu’il le feroit courroucié. Et ce dit, incontinent icellui suppliant, esmeu et de courage eschauffé et, par chaude colle et temptacion de l’ennemi, frappa ledit Jehan Chiron son sire, d’un pié de banc ou d’un baston semblable sur l’eusse de l’ueil

Le sourcil.

ung coup tant seulement, duquel coup il cheut à terre et pardit son sang ; et par faulte de gouvernement ou autrement, il ala le lendemain de vie à trespassement. Pour occasion duquel cas ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du païs, où il n’oseroit jamais converser, repairer ne demourer, se nostre grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, si comme ilz dient, humblement requerant que, attendu que dudit cas il n’est aggresseur et que les parens et amis dudit Jean Chiron lui ont icellui cas pardonné, qui est avenu de chaude colle et par la faulte et coulpe et mauvaitié de la dicte Guillemete, fille dudit feu Chiron, que il nous a bien et loyaument servy ou fait de noz guerres, comme franc archier, mesmement en la reduction de noz païs et duchié de Normandie et de Guienne, soubz et en la compaignie de …

Nom illisible.

et autres, que en tous autres cas il a esté de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sans onques mais avoir esté attaint ou convaincu d’aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, nous lui vueillons sur ce impartir nos dictes grace et misericorde. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans en ceste partie misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant, en faveur des services qu’il nous a faiz et esperons que face encores ou temps avenir, ou cas dessus dit, avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, à nostre seneschal de Poictou, etc. Donné au lieu de Genac, ou mois d’octobre l’an de grace mil cccc. cinquante et trois, et de nostre règne le xxxiie.

Ainsi signé. Par le roy, à la relacion du conseil. Rolant. — Visa. Contentor. Rolant.

MCCXLIV 5 décembre 1453

Rémission octroyée à René Jousseaume, chevalier, coupable du meurtre de Guichart de Valée, écuyer, dans une rixe occasionnée par des discussions d’intérêts de famille.

AN JJ. 182, n° 23, fol. 12 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 352-355

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de René Jousseaume

Nous avons donné dans un précédent volume une notice sur la famille Jousseaume à la fin du xive siècle et dans la première moitié du xve (t. XXVI des Archives historiques, p. 221, note). René, dont il est question ici, appartenait à une branche cadette. Le 18 décembre 1441, son cousin, Louis Jousseaume, sr de la Forêt-sur-Sèvre, alors sous la tutelle de Jean Jousseaume, chevalier, sr de la Geffardière, le poursuivait au criminel, ainsi que Jean de La Haye, seigneur de Passavant, et les fit mettre en défaut. (Arch. nat., X2a 22, à la date.) René Jousseaume avait épousé Catherine du Retail, à cause de laquelle il tenait de Jean de la Vergne, écuyer, « une borderie de terre en la paroisse de Secondigné, près de la dite ville au chief du pont assis entre la Birolère et la Bertière et environ, en laquelle sont assises plusieurs maisons et courtillages au chief de la dicte ville. » (Aveu rendu, le 1er décembre 1447, au connétable de Richemont, seigneur de Parthenay, à cause de son château de Secondigny, Arch. nat., R1* 190, fol. 78 v°.)

On trouve d’autres renseignements généalogiques sur cette famille dans un factum pour messire Hugues Catus, chevalier, et dame Jeanne Jousseaume, sa femme, contre Jean Jousseaume, Jean Payen et Marquise Jousseaume, sa femme, Jean Beau et sa femme, Pierre Barbot et Marguerite Jousseaume, sa femme, et contre René Jousseaume, fils et héritier de Denis Jousseaume. (Ms. du xve siècle, Bibl. nat., fr. 24164.)

, chevalier, contenant que pieça se meurent certains debatz et discors entre feu Guichart de Valée

La victime de René Jousseaume se nommait en réalité Guichard Le Voyer, dit Valée, écuyer, et les biens litigieux qui avaient été l’origine de leur querelle étaient situés près de la Suze dans le Maine, comme on l’apprend par d’autres lettres de rémission, plus explicites, que le premier se fit délivrer aux Montils-lez-Tours, mars 1454 n.s. (JJ. 182, n° 41, fol. 24.) Comme elles ne changent rien au fond de l’affaire, nous n’en donnerons pas le texte. Le bailli de Touraine rendit un jugement pour leur entérinement, qui ne plut pas à René Jousseaume, à cause des restrictions qui y étaient apportées à la grâce royale. Il en appela au Parlement. Les plaidoiries eurent lieu le 12 juillet 1456 (Arch. nat., X2a 28 à la date), et la cour rendit son arrêt, le 13 août suivant. Il déclarait les lettres de rémission exécutoires, mais réglait de façon sévère la réparation civile. Jousseaume était condamné à 2.000 livres tournois d’amende, à payer une rente annuelle de 100 livres, moitié à Colette de Rouvres, veuve de Guichard Le Voyer, moitié à son fils, à fonder une chapellenie de 25 livres de revenu par an, soit dans l’église du lieu où était inhumée sa victime, soit dans celle du lieu de sa naissance, au choix de Colette, et à tenir prison fermée jusqu’au complet accomplissement de ces conditions (X2a 27, fol. 230 v°). Les contestations continuèrent cependant, et on retrouve René Jousseaume en instance contre Colette de Rouvres et Robert Le Voyer, son fils mineur, aux dates du 26 novembre 1456, du 18 mars 1461 et du 18 avril 1462. (X2a 28, date du 26 nov. 1456, et X2a 30, fol. 36, 115, 116.)

, en son vivant escuier, mary et espoux de Colette de Rouvres, paravant femme de feu Jehan Lenfant, chevalier, comme bail de Hardouyn Lenfant, filz dudit deffunct et d’elle, et ledit Regné Jousseaume, suppliant, à cause de Jehanne Lenfant, sa femme, pour raison de la succession de feu Seguin Lenfant, chevalier, père de la femme dudit suppliant et grant père dudit Hardouyn ; et durant lesdiz debatz se fist ledit Guichart [de] Valée donner asseurement en justice dudit suppliant. Certain temps après lequel asseurement ainsi donné audit Guichart, lesdiz Jousseaume et de Valée, acompaignez de plusieurs genz, se trouvèrent sur ung estang de la dicte succession, dont la pesche estoit contencieuse entre eulx, et, après plusieurs parolles rigoureuses eues entre eulx, l’un de ceulx de la compaignie dudit de Valée, frappa ung appelé Trelin, procureur dudit Josseaume, d’une javeline par le ventre, tellement que les boyaulx en saillirent, et aussi ung des autres complices dudit de Valée donna d’une autre javeline audit suppliant parmi le costé, tellement que la taye saillit dehors et en fut couppé aussi grant comme une plaine paulme. Et quant ledit Jousseaume se vit ainsi cruellement blecié, il tira une dague qu’il avoit et de chaude colle en frappa ledit de Valée ung coup par la teste du costé senestre, telement que depuis mort s’en est ensuye. Depuis lequel coup donné par ledit Jousseaume, lesdiz complices dudit de Valée donnèrent audit Jousseaume ung autre coup de javeline par la poictrine tellement que, se n’eust esté le bort de la fente de son pourpoint et l’os de la poitrine qu’il rencontra, il fust mort en la place. Pour occasion de laquelle mort, ledit Jousseaume, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du païs et, durant son absence, a esté procedé contre lui, à la requeste de nostre procureur et de partie par adjournement personnel et autrement. Et pour ce qu’il n’y a osé obeir ne comparoir, il a esté condempné envers ladicte vefve par contumace en certaine somme de deniers pour une foiz paier, et en certaine rente perpetuelle envers elle et ses enfans, et à faire faire certain service pour l’ame dudit defunct ; et avec ce a esté declairé banny de nostre royaume et ses biens à nous confisquez. Au moien des quelles choses il demourroit du tout destruit, se nostre grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, comme il dit, humblement requerant que, attendu que ledit cas advint comme par chaude colle, et fut ledit de Valée ou les siens aggresseurs, que ledit suppliant est noble homme et en autres cas de bonne fame, renommée et honneste conversacion, et nous ont ses predecesseurs et parens et lui mesmes servy toutes leurs vies ou fait de noz guerres, et sont disposez à encores faire, il nous plaise avoir pitié de lui et lui impartir nostre dicte grace. Pour ce est il que nous, ces choses considerées, qui nous ont bien au long esté remonstrées par aucun de nostre Conseil, voulans misericorde estre preferée à rigueur de justice, audit René Jousseaume avons remis, quicté et pardonné, etc., en mettant au neant par ces presentes tous appeaulx, deffaulx et ledit ban, qui pour ce s’en sont ensuiz, etc. Si donnons en mandement au bailli de Touraine et à tous noz autres justiciers, etc. Donné au lieu des Vergiers près Chastelleraud, le ve jour de decembre l’an de grace mil cccc. cinquante et trois, et de nostre règne le xxxiie.

Ainsi signées : Par le roy, vous l’admiral, les sires de Torcy, de la Forest et du Monteil, et autres presens. J. de La Loère. — Visa. Contentor. P. Aude.

MCCXLV Janvier 1454

Rémission accordée à Guillot Leboulh et à Simon Moreau, demeurant « en la parroisse de la Chastre au Viconte en Poictou

Aujourd’hui la Châtre-l’Anglin, canton de Saint-Benoît-du-Sault, arr. du Blanc, Indre. Cet acte n’étant intéressant qu’au point de vue géographique en ce qui concerne le Poitou et ses anciennes limites, nous n’en donnerons pas le texte.

… en ung hostel appellé l’ostel Michau le Mosnier », coupables du meurtre de Pierre Desrandes, leur voisin, qui, bien qu’ils l’eussent obligé en lui prêtant du blé, leur cherchait querelle à tout propos, les avait assignés sans cause « à la justice de Brosse pour le sire de Chauvigny

Guy III de Chauvigny, chevalier, baron de Châteauroux, vicomte de Brosse, avait succédé à son père Guy II, en 1422. Il avait épousé Catherine de Montfort, dite de Laval, et mourut le 21 mars 1482.

, » les menaçant et les injuriant. « Si donnons en mandement par ces presentes au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois de janvier l’an de grace mil cccc. cinquante trois, et de nostre règne le xxxiie ».

AN JJ. 182, n° 40, fol. 22 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 355

MCCXLVI Janvier 1454

Rémission octroyée à Guillaume Siet, d’Ambière (Saint-Genest), en la vicomté de Châtellerault, qui s’était évadé par deux fois de la grosse tour de Châtellerault, où ses ennemis l’avaient fait enfermer, malgré une première rémission qui n’avait été entérinée, et le menaçaient de le faire pendre.

AN JJ. 184, n° 397, fol. 291 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 355-359

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion des femme et enfans de Guillaume Siet, povre homme, paroissien d’Ambière en la viconté de Chasteaulerault, contenant que l’an mil cccc. li, etc…, pendant lequel deux de ses enfans alèrent de vie à trespassement

Toute la première partie de cette rémission, jusqu’à ces mots, est la reproduction à peu près textuelle de l’exposé des faits contenu dans les lettres obtenues par Guillaume Siet, en août 1452, visées deux lignes plus loin et qui sont imprimées ci-dessus, n° mccxxviii, p. 295.

. Et depuis se tray devers nous ou nostre chancellerie à Paris, et ou mois d’aoust l’an mil iiiic lii, obtint noz lettres de remission en laz de soye et cire vert desdiz cas et routure de prisons, soubz umbre desquelles lettres de remission, lesquelles n’ont esté veriffiées ne enterinées, ledit suppliant s’est tiré au païs et en ladicte parroisse, et illec et ou païs d’environ a tousjours labouré, residé et demouré, jusques environ la Toussains derrenière passée que nostre amé et feal maistre François Guerinet

François Guérinet, sr du Verger, fils de Jean, écuyer, paraît être le frère de Léonet Guérinet, conseiller au Parlement, doyen du chapitre de Saint-Hilaire, et depuis évêque de Poitiers (ci-dessus, p. 132, note 4). Il remplit les fonctions de général des aides en Poitou et épousa Guillemette Berland, dame en partie des Halles de Poitiers, fille de Turpin Berland, écuyer, tué devant Gallardon (voy. notre t. VIII, p. 159, note, 301, note). L’on a vu précédemment qu’il poursuivit, conjointement avec sa femme, au Parlement de Paris, Louis bâtard d’Harcourt, pour excès commis envers eux et que, le 8 juin 1450, il demandait que défaut lui fût adjugé contre son adversaire (ci-dessus, p. 16, note). Le même jour furent jugés défaillants, à son profit, Ambroise Mocquet, Jean Hélie et une nommée Perrine, femme de Pierre Cheslereau, ajournés à sa requête sous peine de bannissement et de confiscation, sans doute les complices de Louis d’Harcourt. (Arch. nat., X2a 25, à la date.) Dans ces actes, François Guérinet est qualifié secrétaire du dauphin Louis, fils de Charles VII. Quinze ans plus tard, ayant eu à se plaindre d’un déni de justice et de divers abus de pouvoir de la part des officiers de Charles d’Anjou, comte du Maine, au duché de Châtellerault, nous le retrouvons en procès à ce sujet devant le Parlement. Des gens à la dévotion de ces officiers s’étaient vantés qu’ils sauraient bien lui faire un mauvais parti, le battre, le mutiler ou le tuer ; ils lui avaient même tendu des embûches pour mettre leurs menaces à exécution, si bien qu’il n’osait plus venir à son domicile habituel. La cour alors, sur sa requête, déclara le prendre sous sa protection et lui délivra des lettres de sauvegarde, le 28 juillet 1466. (Id., X2a 34, fol. 217.) Le Verger, dont François Guérinet est dit seigneur dans un acte de 1445, était tenu de la vicomté de Châtellerault à hommage lige, à 20 sous d’aide annuelle, plus 5 sous tous les trois ans. Il paraît n’avoir eu qu’une fille, car Jacques Chasteigner, sr du Breuil près la Roche-Pozay, était, en 1475, seigneur du Verger à cause de Jeanne Guérinet, sa femme. (Lalanne, Hist. de Châtelleraud, t. I, p. 487.)

, soubz couleur de ce que ses haineux ont fait faire certaine informacion aposté et maintenu contre ledit suppliant qu’il a receu certains deniers des aides, laquelle chose, si l’a faicte, a esté ou nom de Jehan de Giffose, fermier des aides, et de son commandement, et qu’il n’avoit requis l’enterinement de la dicte remission, envoya en l’ostel dudit suppliant deux laboureurs ou marchans incongneuz audit suppliant…,

Ce blanc est au registre.

ledit suppliant, le lièrent à cordes, comme s’il feust larron ou meurtrier, et le menèrent audit lieu de Chasteaulerault, le misdrent en prison en fers et sep, et lui estant ainsi, vint devers lui ledit maistre François, acompaigné de maistre Jehan Lucas et plusieurs autres ennemis dudit suppliant, qui parlèrent à lui sans le delivrer, mais après qu’il eut esté illec par quatre jours, fut transporté de ladicte prison en la grosse tour du dit lieu de Chasteauleraut, dont est garde et capitaine Emery de Brisay

Aimery II ou Méry de Brisay, chevalier, seigneur du Petit-Brisay, de Beaumont, etc., second fils d’Aimery Ier et de Marie Chenin, avait été nommé capitaine de Vouillé par le chapitre de Sainte-Radegonde de Poitiers, en remplacement de Guillaume Claveurier, le 9 décembre 1441. (Arch. de la Vienne, fonds de Sainte-Radegonde, inventaire aux Arch. nat., F2 350, p. 24.) Le 6 mars 1442 n.s., il fit hommage à Charles VII de ses fiefs de la Tour de Bran et de la Tour des Deffens, mouvant du château de Poitiers. (Arch. nat., P. 5661, cote iim viic xlviii.) A cette époque il était maître d’hôtel du comte du Maine ; il fut ensuite écuyer d’écurie du roi, gouverneur de Châtellerault et grand-maître des eaux et forêts de Poitou, le 8 décembre 1453. Le 10 mai 1458, Aimery de Brisay était poursuivi au Parlement pour divers excès et délits par Jean de Hangest, écuyer ; à cette date un arrêt de la cour renvoya l’affaire devant le sénéchal de Poitou (X2a 27, fol. 304 v°). Il est qualifié panetier du roi dans des lettres patentes données à Tours, le 19 avril 1458, établissant en sa faveur deux foires par an au lieu de Beaumont, terre que lui avait apportée Louise de La Lande, son épouse. Aimery mourut vers 1468, laissant un fils et deux filles. (Voy. Beauchet-Filleau, Dict. des familles du Poitou, 2e édit., t. Ier, p. 794.)

, qui est ennemi dudit suppliant, à l’occasion de certain procès que ledit suppliant avoit gaigné et obtenu sentence contre le mestaier de la mère dudit Brisay, et ilec convint que ledit suppliant consentist rendre l’argent qu’il avoit eu dudit mestaier par le moien de la dicte sentence ; et lui estant en la dicte tour inhumainement traicté, enferré et en sep, envoya devers sa dicte femme, suppliante, pour avoir pleiges de tenir loyal prison. Laquelle femme, afin que ledit suppliant eust aucun eslargissement, fist venir en ladicte prison trois hommes, lesquelz plegèrent le dit Guillaume suppliant de tenir loyal prison, à la peine de vc livres ou autre somme. Non obstant laquelle plegerie, le dit suppliant fut toujours detenu en ladicte grosse tour, en bien grant povreté et malaise. Et pour ce que les varlès et serviteurs dudit Brisay, quant lui apportoient à boire et mengier, lui disoient qu’il estoit en grant dangier de sa personne, doubtant que on le feist mourir, trouva moien de rompre ladicte prison et sortit en l’eaue, et s’en ala au long de la rivière, pour cuidier trouver ung vesseau pour passer ; et se rendit à certains molins èsquelz il trouva certains varlès, ausquelz il requist lui donner passaige, dont ne vouldrent riens faire, ains l’enfermèrent et alèrent querir les varlès dudit Brisay, qui le ramenèrent prisonnier en ladicte grosse tour. Et lui estant ilec, à l’occasion de ce que le filz dudit de Brisay

Abel de Brisay, qui devint écuyer d’écurie, puis chambellan de Louis XI et vécut jusqu’en 1503.

lui dist qu’il seroit pendu, pour doubte que on procedast contre lui à la destruction de son corps et à le faire mourir, a trouvé moien de briser la dicte tour et s’en est fouy et absenté. Et ont esté prins et emportez tous ses biens et de ses diz pleiges. Et doubte ledit suppliant que, obstant ledit cas et de ce qui a ainsi rompu les dictes prisons, et n’a requis l’enterinement de la dicte remission par lui obtenue, que on vueille contre lui proceder à rigueur de justice, et qu’il n’osast retourner au pays, et aussi que ses diz pleiges perdeissent leurs biens, obstant ledit plegaige, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, requerant humblement iceulx. Pour quoy nous, ces choses considerées, audit suppliant oudit cas, de nostre grace especial, avons quicté, remis et pardonné, etc. Et avec ce lui avons octroyé et octroyons qu’il puisse requerir l’enterinement de nos dictes autres lettres de remission, tout ainsi qu’il eust fait dedans l’an de la date d’icelles, etc. Si donnons en mandement, par ces presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, ou à leurs lieuxtenans, etc. Donné à Paris, ou mois de janvier l’an de grace mil cccc. liii, et de nostre règne le xxxiie.

Par le conseil. Cornu. — Visa. Contentor. Valengelier.

MCCXLVII Mars 1454

Rémission accordée à Méry Georget, d’Irais, poursuivi pour le meurtre de frère Jean Parent, religieux du prieuré dudit lieu, dépendant de l’abbaye d’Airvault, qui avait débauché sa femme.

AN JJ. 182, n° 43, fol. 25 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 359-364

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Mery Georget, homme de labour, aagé de vingt et six ans ou environ, demourant à Yray près Thouars, contenant que certain temps a il fut conjoinct par mariage avec Perrine Perraude ; après lequel mariage ainsi fait et consommé, ledit suppliant et sadicte femme ont tousjours tenu leur demeure audit lieu de Yray, où les religieux, abbé et convent d’Ervau ont ung prieuré

Irais fut donné, en 971, par Hildeardis d’Aunay, vicomtesse de Thouars, à l’abbaye d’Airvault qu’elle venait de fonder. Le prieur était en même temps curé de la paroisse de Saint-Paul d’Irais et nommé par l’abbé d’Airvault, état de choses qui se perpétua jusqu’à la Révolution. (Beauchet-Filleau, Pouillé du diocèse de Poitiers, p. 284.)

ou chambre d’abbé deppendant de ladicte abbaye, où a continuellement deux ou trois religieux à y faire le service divin, pour ce qu’il y a cure et eglise parroichial. Et de present y sont frère Jehan Parent et frère Jehan Maillart, religieux de ladicte abbaye d’Ervau, qui y ont fait depuis quatre ou cinq ans ença leur continuelle residence. Pendant lequel temps, ledit suppliant est alé souventes foiz à chauffer le four dudit prieuré de Yray, qui est au dedans des clotures d’icellui prieuré, et y faire cuire du pain pour les diz religieux, et aucunes foiz que ledit suppliant estoit audit four, sadicte femme, qui est belle jeune femme, y venoit, mais quant elle y estoit, ledit frère Jehan Parent et autres religieux estans oudit prieuré ne se povoient tenir de l’amonester par parolles deceptives de obeir à leurs mauvaises volentez, et tellement la forgèrent et deceurent lesdiz Parent et autres religieux qui là estoient, que souventes foiz, en l’absence dudit suppliant et à son deceu, ladicte Perrine, sa femme, conversoit et se maintenoit avec ledit Parent et autres religieux demourans audit lieu d’Yray, et tant que ledit suppliant s’apparceut ou fut adverty de la conversacion ou communicacion que sadicte femme avoit avec lesdiz Parent et autres religieux dudit lieu. Et advint que, environ la feste de la Nostre Dame de Mars derrenierement passée a eu ung an, à certain jour dont n’est recors, que ledit suppliant ala labourer en certaines terres qu’il tenoit, et y fut depuis le matin jusques environ vespres ; et pour ce que il estoit las ou autrement, cessa de labourer et s’en retourna à sa maison. Et quant il fut à sadicte maison, pour ce qu’il ne trouva pas sadicte femme, se doubta qu’elle fust alée ausdiz Parent ou autres religieux ; et demanda à Simone, femme de Guillaume Auboyn, mère de sa dicte femme, qui demouroient ensemble, où estoit sadicte femme alée, et elle respondit qu’elle estoit alée assermenter en leur vigne, nommée Maligrate, où le dit suppliant ala ; mais il ne la y trouva point, et se doubta qu’elle fust avec les diz moines, et à ladicte cause incontinent ala ledit suppliant en la forteresse ou place forte dudit lieu d’Yray, où se tenoient lesdiz Parent et autres religieux dudit prieuré. Et quant il y fut sur la muraille, à l’endroit de la chambre du cappitaine dudit lieu, qui est au long et près de ladicte muraille, il oyt et entendit ledit Parent et sadicte femme qui parloient ensemble en ladicte chambre ; dont il fut fort dolant et couroucé et se descendi de dessus ladicte muraille, cuidant aler en ladicte chambre, mais en soy descendant, y trouva ledit frère Jehan Parent et ung nommé frère Jehan Maillart, religieux de ladicte abbaye d’Ervau et prieur curé dudit lieu de Yray, et sa dicte femme tous ensemble. A laquelle il dist telles parolles ou semblables en substance : « A ! je t’ay à cest cop trouvée avec les moines ! » Et lors lesdiz religieux firent fuir ladicte femme dudit suppliant en l’eglise dudit lieu de Yray, où le dit suppliant ala après elle et la cuida en amener hors de ladicte eglise ; mais ledit frère Jehan Parent, qui pareillement entra en ladicte eglise, empescha que ledit suppliant ne l’en enmenast hors de ladicte eglise, et ledit Maillart, qui tenoit l’uys de ladicte eglise entre ouvert, fist tant que ladicte femme s’en sailli de la dicte eglise, et empeschèrent les diz Parent et lui que ledit suppliant ne s’en sortist et yssist de ladicte eglise et alast après sadicte femme, et le y tindrent par aucune espace de temps enfermé. Et après l’en laissèrent yssir, et s’en ala tout dolant et courroucé en sadicte maison, où il ne trouva aucunement sadicte femme. Et lui fut dit qu’elle s’en estoit alée en l’ostel d’un nommé Babin, où elle fut par aucuns jours sans venir devers ledit suppliant. Et après, moiennant aucuns des parens dudit suppliant et de sadicte femme qui oyrent parler de ladicte matière, ledit suppliant fut d’accord de pardonner à sa dicte femme, mais que jamais elle ne conversast avec les diz moines ne autres deshonnestement. Et partant vint ladicte femme dudit suppliant par devers lui, et lui requist pardon et promist de jamais ne y retourner ne converser ; et cogneut et confessa audit suppliant, son mary, qu’elle s’estoit mal gouvernée de son corps, et que lesdiz Parent et Maillart l’avoient tellement deceue et forgée que ilz l’avoient cogneue charnellement, et promist de jamais ne converser ne aler. Semblablement ledit suppliant defendi ausdiz Parent et Maillart, religieux dessus diz, que jamais ne frequentassent et ne se trouvassent avec sadicte femme, et que ilz l’avoient deceue. Et atant se passa le debat d’entre eulx en l’estat, sans ce que ledit suppliant eust depuis aucune noise ou debat ausdiz religieux. Et advint, le jour de la Magdelaine derrenière passée qui fut à jour de dimenche, que ledit curé de Yray mena ses parroissiens en procession à Saint Joyn de Marne, en laquelle procession ladicte femme dudit suppliant ala, et demoura le dit suppliant à l’ostel et se mist à jouer à la paulme pour le vin avec autres compaignons, et joua et se esbatit audit jeu, et aussi ou cimetière dudit lieu, jusques environ soleil couchant ; et pour ce qu’il estoit tart, et après ce qu’il se fut ainsi esbatu oudit cymetière, non pensans aux faultes de sadicte femme ne desdiz frères Jehan Parent et Maillart, religieux dessus diz, print son chemin pour s’en aler et retourner en sadicte maison. Mais en y alant et ainsi qu’il passoit par devant la maison d’un nommé Phelipon Brachu, il apparceut sadicte femme et lesdiz frère Jehan Parent et Maillart, qui estoient ensemble en la court ou alée de l’ostel dudit Brachou, dont il fut fort mary et courroucé, et lui souvint de ce que autres foiz il les avoit trouvez ensemble, et de ce que sadicte femme lui avoit confessé. Et quant sadicte femme l’eut apparceu, elle laissa lesdiz moines et vint droit à l’uys, et une sienne petite fille entre ses braz, pour s’en yssir, mais ledit suppliant ala à l’encontre d’elle en ladicte court, et lui donna deux ou trois cops de la main sur la teste, en la presence desdiz religieux, qui n’en furent pas contens, et mesmement ledit Parent, qui tenoit ung trait d’arbalestre ferré et se mist à venir au devant dudit suppliant, tenant ledit trait en sa main ; lequel suppliant, dolent et couroucié de ce qu’il avoit ainsi trouvée sadicte femme avec iceulx religieux, et esmeu de courouz de ce que autresfoiz ilz l’avoient deceue, pour obvier que ledit Parent ne lui feist aucune chose, print une pierre sur ung petit mur qui estoit en l’alée ou court dudit Brachou, et la getta contre ledit Parent, et de cas d’aventure le ateigny par la teste ung pou au dessus du front, et dudit coup cheut à terre et derechief print ledit suppliant une autre pierre et la getta audit frère Jehan Maillart et l’ateigny par le bras. A l’occasion duquel coup ledit frère Jehan Parent est, comme l’en dit, ung jour ou deux après icellui avenu, par son mauvais gouvernement ou autrement, alé de vie à trespassement. Pour occasion duquel cas ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du pays ; et durant ce qu’il a esté ainsi absent, est venu à sa cognoissance que lesdiz abbé et convent d’Ervau

L’abbé d’Airvault se nommait alors Pierre. Suivant la Gallia christiana, deux abbés de ce nom se succédèrent entre 1443 et 1456, Pierre II et Pierre III. Le premier est nommé dans une sentence permettant provisoirement à Maubruni de Liniers, chevalier, sr d’Airvault, aux abbé et religieux et aux habitants du lieu de se clore de murs, tours et fossez, ce à quoi la vicomtesse de Thouars était opposante, sous la condition qu’ils démoliraient ces fortifications, si l’arrêt définitif l’ordonnait ainsi. Pierre III conclut un accord avec le même Maubruni de Liniers touchant la justice d’Airvault, pour l’exercer en commun, le 3 avril 1456. On possède aussi un acte d’association ou confraternité passé entre cet abbé et ses chanoines réguliers, d’une part, et Jean, abbé, et les chanoines de Mauléon, le 22 mai 1459. Il était encore à la tête de cette abbaye l’an 1473, date d’un traité entre lui et les moines de Saint-Jouin. (Tome II, col. 1390 ; coll. dom Fonteneau, t. XVII, p. 331 ; XXVI, p. 387.)

, ou leur procureur, ont fait adjorner par atache ledit suppliant à l’assise d’Yray pour iceulx religieux, et a tellement esté procedé que lesdiz abbé et convent, ou leur procureur, ont contre lui obtenu deux ou trois defaulx et n’y oseroit jamais ledit suppliant retourner, converser ne reppairer ou pays, se nostre grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties. En nous humblement requerant que, attendu son jeune aage, que ledit cas est avenu de chaude cole, sans aucun propos deliberé ou guet appensé, qu’il a tousjours esté en autres cas de bonne vie, etc., nous lui vueillons sur ce impartir nos dictes graces et misericorde. Pour ce est il que nous, ces choses considerées, voulans en ceste partie misericorde preferer à rigueur de justiee, audit suppliant, etc., avons quicté, remis et pardonné, etc., ensemble lesdiz defaulx, ban et appeaulx qui en seroient contre lui ensuiz avons mis et mettons au neant, etc. Si donnons en mandement par ces presentes à noz bailli de Touraine et des ressors et Exempcions d’Anjou et du Maine, et seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois de mars l’an de grace mil cccc. cinquante troys, et de nostre règne le xxxiie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. P. Aude. — Visa. Contentor. N. Dubruel.

MCCXLVIII Mars 1454

Rémission en faveur de Guillaume Comin, valet d’Alexandre Baste, archer de la garde écossaise, poursuivi comme complice d’un vol important au préjudice du sire de Caunis, dont son maître s’était rendu coupable.

AN JJ. 182, n° 53, vol. 32 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 364-373

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons, etc., nous avoir receue l’umble supplicacion de Guillaume Comin, nagaires varlet de Alixandre Baste, Escossois, archier de la garde de nostre corps, contenant que, ou temps que nous partismes de nostre chastel de Lesignen pour venir en nostre cité de Poictiers

Charles séjourna à Lusignan presque tout le mois de juin 1451, puis en 1453, la plus grande partie du mois de mai et les premiers jours de juin. Il s’y arrêta de nouveau, quelques jours, à son retour de la seconde expédition de Guyenne, vers la fin d’octobre ou au commencement de novembre de cette année 1453. C’est de ce dernier voyage qu’il paraît être question ici.

, ledit Alixandre envoya ledit suppliant en nostre dicte cité de Poictiers, pour prandre et retenir son logis et s’adressa au fourrier des gens de la garde de nostre corps, lequel lui bailla et enseigna le logis dudit Alixandre, ouquel logeis ledit suppliant trouva le sire naguères de Duras

Gaillard de Durfort, chevalier, seigneur de Duras, Blanquefort et Villandrant, né vers 1420, fut l’un des commissaires du roi d’Angleterre qui signèrent le traité du 12 juin 1451 pour la réduction du duché de Guyenne et la capitulation de Bordeaux. Au mois de septembre 1452, il fit hommage à Charles VII de sa terre de Duras. Mais à ce moment déjà, il était conjuré avec d’autres seigneurs de Guyenne pour secouer le joug de la France et rouvrir aux Anglais les portes de Bordeaux. Après la seconde expédition de Guyenne, où il résista jusqu’à la fin contre les armées de Charles VII, il se réfugia en Angleterre, où il épousa Anne de Suffolk ; il fut créé chevalier de l’ordre de la Jarretière, capitaine de Calais et chambellan du roi d’Angleterre. Ses biens de France furent confisqués et la baronnie de Duras donnée au sr Du Lau, ce qui explique pourquoi il est dit ici « le sire naguères de Duras ». Louis XI le rappela en France et lui rendit toutes ses possessions, par lettres données à Lyon, juin 1476. Il périt dans un combat, en Bourgogne, l’an 1487. (Voy. le P. Anselme, Hist. généal., t. V, p. 733 ; de Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. V, passim.)

et le poursuivant de Joachin Rouault

Joachim Rouault, sr de Boisménart et de Gamaches, depuis maréchal de France. (Cf. notre précédent vol., p. 344, note.)

, nomme Breon, ausquelz il dist que ledit logeis estoit delivré audit Alixandre, son maistre, et qu’ilz vuidassent, ce qu’ilz firent. Et tantost après arriva ledit Alixandre, maistre dudit suppliant, auquel ung des serviteurs dudit de Duras pria qu’il laissast les chevaulx de son maistre dedans sondit logeis, attendu que ses provisions y estoient, ce que ledit Alixandre lui accorda. Et landemain ung Escossoys, que ledit suppliant ne congnoist, vint parler à lui devant ledit logis et lui demanda s’il congnoissoit Thomas Halida, cappitaine de nostre garde

Le nom de ce capitaine de la garde écossaise ne figure pas, du moins sous cette forme, dans les chroniques contemporaines ni dans l’ouvrage de M. Francisque Michel, Les Écossais en France, etc. (2 vol. in-8°). Cependant sur l’inventaire des anciens mémoriaux non reconstitués de la Chambre des Comptes de Paris, on le rencontre deux fois : 1° don à Thomas « Alidas » et à Patry Foucart, de 600 livres par an, leur vie durant, sur l’émolument du sel en Saintonge ; 2° don à Jean Jodoigne, chirurgien de roi, des biens de Thomas « Halidaye ». La date exacte de ces actes n’est pas connue, mais ils étaient enregistrés sur les registres des années 1453, 1454 (anc. mém. J, fol. 131 v°, et L, fol. 83 v°, Arch. nat., invent. PP. 118). Thomas Halida avait succédé dans cette charge à Nicole Chambers, connu sous le nom francisé de Chambre ou de La Chambre, qui avait épousé Catherine Chenin et posséda en Poitou les terres de Villeneuve, Croix-la-Comtesse, Villenouvelle, la Cigogne, Champagne, mouvant de la Tour de Maubergeon, etc., dont il fit hommage au roi le 15 mars 1452 n.s. (Arch. nat., P. 5661, cote 2789.) Catherine Chenin, dame de la Jarrie, est dite sa veuve dans un acte de 1454. Les seigneuries dont il vient d’être question avaient été données par Charles VII à son père, Chrétien Chambers, aussi capitaine de la garde écossaise, qui en avait fait hommage, le 10 novembre 1434 (P. 5531, cote 374). On suit leur descendance mâle dans les aveux et les hommages de la Chambre des Comptes jusqu’à la fin du xvie siècle.

, et que s’il le congnoissoit, le cuisinier du sire de Caunis

Un Jean de Caunis, écuyer, rendit aveu au roi, le 3 août 1423 et le 18 octobre 1447, et fit hommage, le 13 août 1424, pour son hôtel du Chaillou ou Chillou (cne de Chey, Deux-Sèvres) et ses dépendances, mouvant de Lusignan, qu’il tenait à cause de sa femme Jeanne du Chaillou. On ne saurait affirmer qu’il s’agit ici de ce personnage. Jeanne du Chaillou était fille de Huguet et de Philippe de Montsorbier. Huguet du Chillou ou du Chaillou avait fait hommage, le 3 mars 1406, à Jean duc de Berry, comte de Poitou, de ce même hébergement, pour lequel il était tenu à 20 sous de devoirs et à la garde du château de Lusignan pendant quarante jours et quarante nuits, etc., et sa veuve, comme tutrice de leurs trois filles mineures, Jeanne, Marguerite et Huguette, en rendit aveu, le 10 octobre 1418. On en possède un autre aveu, daté du 26 novembre 1481, au nom de Méry de Caunis, écuyer, seigneur du Chaillou. (Arch. nat., P. 5532, cotes 409, 562 : P. 1145, fol. 68, 70, 71.)

vendroit parler à icellui suppliant, pour le faire parler audit Halida. Auquel ledit suppliant respondit qu’il le congnoissoit bien. Et incontinent après, ledit Escossois et ledit cuisinier du sire de Caunis vindrent parler audit suppliant devant ledit logis, et d’ilec s’en alèrent sur la muraille de nostre dicte ville de Poictiers ; auquel lieu ledit cuisinier pria ledit suppliant qu’il alast dire audit Thomas Halida que, s’il le vouloit mettre en quelque ordonnance ou logier en une de ses places, il lui porteroit chose qu’il lui feroit grant bien, c’est assavoir ung coffre plain d’or et d’argent, et s’il ne povoit porter ledit coffre, il lui porteroit couppes et autres vesselles d’argent. A quoy ledit suppliant respondy que de la dicte matière ne parleroit point audit Thomas Halida, mais que, se il vouloit, il le yroit dire audit Alixandre, son maistre, lequel le pourroit bien faire archer de la garde de nostre corps. Dont ledit cuisinier fut content. Et le jour ensuivant, ainsi que ledit suppliant passoit par devant le logeis dudit sire de Caunis, ledit cuisinier saillit en la rue, et print ledit suppliant par la main et le mena au dedans du logeis dudit sire de Caunis, et lui demanda se il avoit point parlé de ladicte matière qu’il savoit audit Alixandre, son maistre. Auquel ledit suppliant respondy que non. Et lors ledit cuisinier lui dist qu’il povoit bien faire ce qu’il lui avoit dit et qu’il ne failloit que prendre ung manteau et mettre ledit coffre dessoubz. A quoy ledit suppliant respondit que c’estoit bien et qu’il en parleroit à son dit maistre. Et trois ou quatre jours après, le roy estant à Chasteauleraut, ledit suppliant coucha avec ledit Alixandre, son maistre, auquel il raconta tout ce que ledit cuisinier lui avoit dit. Et ledit Alixandre lui respondit qu’il le laissast faire avecques ledit cuisinier, et qu’il n’en parlast plus. Et deux ou troys jours après lesdictes parolles, ledit Alixandre estant à Tours envoya ledit suppliant à cheval à Chinon, pour enquerir où estoit logé ledit sieur de Caunis. En faisant lequel chemin, rencontra ung homme à cheval qu’il ne congnoist, et lui demanda s’il savoit où estoit logié ledit sieur de Caunis ; lequel lui dist qu’il estoit logié à Artennes. Et incontinant ledit suppliant retourna à Tours pour le dire audit Alixandre, son maistre. Et le landemain au matin, ledit Alixandre et ledit suppliant alèrent audit Artennes et se logèrent en une hostellerie qui est dedans la burgade et y dinèrent ; et après disner, le suppliant sailli hors de ladicte hostellerie, pour soy esbatre en la rue, et rencontra ledit cuisinier qui venoit de acheter ung bonnet ; et rentra ledit suppliant dedans la dicte hostellerie, pour le dire à son dit maistre ; mais ledit cuisinier entra incontinant après ledit suppliant. Et lors ledit Alixandre et ledit cuisinier alèrent en l’estable des chevaulx, auquel ilz parlèrent ensemble par l’espace d’une heure ou environ. Et après qu’ilz orent parlé, ledit Alixandre, son maistre, appella ledit suppliant et lui dist qu’il apportast du vin pour boire en ladicte estable, ce qu’il fist ; et beurent lesdiz Alixandre et cuisinier, et atant se despartirent d’ensemble. Et cedit jour, entre huit et neuf heures de nuyt, ledit Alixandre et ledit suppliant alèrent ou derrière de l’ostel où estoit logé ledit sire de Caunis, près d’une haye, en laquelle estoient les lattrines d’icellui sire de Caunis ; ouquel lieu ledit cuisinier vint parler audit Alixandre et lui dist, s’il povoit finer de certaines pouldres qu’il appelloit laxatives, qu’il les lui envoyast, et qu’il en mettroit ou poutaige dudit sire de Caunis, pour le faire aler à chambre, afin que à celle heure qu’il yroit à chambre il peust mieulx prendre ledit coffre et autres choses dessus dictes, et que on mist lesdictes pouldres soubz ung noyer qui estoit près de la dicte haye et ung peu de foing dessus, et que on atachast une petite corde au noyer dessoubz. Et ce fait, landemain au matin, lesdiz Alixandre et ledit suppliant s’en retournèrent à Tours, et en chevauchant, dist ledit Alixandre audit suppliant que, sy se vouloit tenir par deux ou trois nuis à une croix estant au bout du villaige dudit lieu d’Artennes, ledit cuisinier lui apporteroit ledit coffre, et que de jour il se esbatroit en ladicte ville ou ailleurs ilec environ, sans en faire semblant, et que à l’eure que ledit cuisinier lui apporteroit ledit coffre, qu’il menast et conduisist ledit cuisinier à Tours, ou logis dudit Alixandre. Auquel ledit suppliant respondit que de ce faire ne prandroit point la charge, mais qu’il le fist faire par ung appellé Guillaume Bonin, hoste dudit Alixandre, qui demouroit assez près dudit Artennes, ou par son frere, James Baste. Et le lundi après, vigile de Noel, ledit Alixandre envoya ledit James à cheval et ledit suppliant à pié audit lieu d’Artennes, et dist audit suppliant qu’il monstrast audit James ledit cuisinier et qu’il lui avoit ordonné qu’il devoit faire. Et quant ilz furent audit lieu d’Artennes, ledit suppliant dist audit cuisinier que ledit James, frère de son maistre, estoit venu pour parler à lui ; lequel lui respondit que pour lors n’avoit loisir, et s’en retourna ledit suppliant et lui dist qu’il avoit parlé audit cuisinier, et qu’il alast aux matines de minuit, et là ledit cuisinier parleroit à lui. Et cedit jour, ledit suppliant retourna à Tours par devers sondit maistre ; et pareillement trois ou quatre jours après ledit James, lequel dist à son dit frère qu’il ne povoit riens faire, s’il n’avoit lesdictes pouldres laxatives, pour lesquelles avoir ledit Alixandre bailla de l’argent audit suppliant qui les ala querir en l’ostel d’un appotiquaire demourant près du viel marché en ladicte ville de Tours, et icelles porta audit Alixandre, lequel les bailla audit James, son frère, et icellui James incontinant s’en retourna audit Artennes. Et le juedi iiie jour de janvier, les diz James Baste et cuisinier arrivèrent à Tours en l’estable dudit Alixandre, environ le point du jour, en laquelle estable ledit suppliant estoit couchié, et auquel ledit James dist qu’il alast dire audit Alixandre qu’il vint parler à lui et audit cuisinier, ce que ledit suppliant ne voult faire ; et lors ledit James ala en la chambre où estoit couchié ledit Alixandre, et tous deux ensemble retournèrent en ladicte estable, où estoit ledit cuisinier, et incontinent ledit James s’en parti de ladicte estable, et fist ledit Alixandre monter ledit cuisinier et porter ung coffre sur le foing. Et ce fait, ledit Alixandre et ledit suppliant s’en alèrent à la messe à Saint Martin, et puis retournèrent en ladicte estable ; et après ce qu’ilz furent arrivez, ledit Alixandre fist monter ledit suppliant sur le foing, et lui dist qu’il fist rompre audit cuisinier ledit coffre, pour savoir qu’il y avoit dedans ; et s’en yssit ledit Alixandre hors de l’estable et la ferma à clef. Et lors ledit suppliant dist audit cuisinier qu’il rompist ledit coffre, lequel rompit de la pointe de sa dague la ferrure dudit coffre et l’ouvrit ; et vit ledit suppliant dedans ledit coffre ung portegaloize à femme de drap d’or couverte de perles, laquelle ledit cuisinier tira hors dudit coffre, deux chesnes d’or, une grande et une petite, et une pièce d’or batu de la longueur et grosseur d’un doy d’un homme, une gibessière de drap de damas garnie d’argent doré, en laquelle avoit dix ou douze escus de gros d’Angleterre, une bourse de cuir blanc assez grande, toute pleine d’escuz, plusieurs patinostres noires et autres bagues et pièces d’argent, de plaz et de bassains d’argent dorez. Lesquelles choses dessus declairées, en la presence dudit suppliant, ledit cuisinier remist dedans ledit coffre, et lui donna ledit cuisinier six escus qu’il print en ladicte bourse blanche. Après la recepcion desquelz, ledit suppliant ala par devers son dit maistre et lui declaira tout ce qu’il avoit veu tirer dudit coffre ; et ledit Alixandre, son maistre, lui commanda qu’il fist appareiller à disner pour ledit cuisinier et qu’il lui portast sur ledit foing. Et lors ledit suppliant porta sur ledit foin du pain, du vin, ung chappon et du mouton routy, et puis s’en retourna disner en l’ostel de son dit maistre. Et après disner, lesdiz Alixandre et suppliant vindrent en ladicte estable et entrèrent dedans ; et fist ledit Alixandre yssir dehors ledit suppliant et fist fermer l’estable à la clef ; et s’en ala ledit suppliant esbatre en la ville par l’espace de demye heure, et au retour revint en ladicte estable et trouva son dit maistre qui attendoit que on ouvrist ladicte estable. Lequel dist audit suppliant qu’il avoit compté l’or dudit coffre, et n’avoit trouvé que huit cens escus, desquelz il donna audit suppliant la somme de xxxi. escuz ; et ce fait, ledit suppliant rendit la clef de ladicte estable audit Alixandre, son maistre, auquel il demanda congié de s’en aler, pour la paour qu’il avoit. Mais son dit maistre lui conseilla qu’il ne s’en alast point encores, et adonc ledit suppliant s’en ala esbatre en ladicte ville, et au soir revint en ladicte estable, où il trouva son dit maistre et ung cheval qu’il n’avoit acoustumé de veoir en icelle estable, et deux paires de houseaulx neufz. Et ledit Alixandre dist audit suppliant qu’il alast seeller ledit cheval venu de nouveau, et ung autre cheval bayart, ce que ledit suppliant fist ; et à celle mesme heure, envoya ledit Alixandre ledit suppliant en sa chambre querir ung propoint de satin figuré, une sienne robe de pers, lesquelz habillemens ledit Alixandre fist vestir audit cuisinier, lequel donna dix escus audit suppliant. Et tantost après, environ six heures de nuyt, lesdiz cuisinier et James montèrent à cheval et s’en alèrent vers la porte de la Riche, jusques à laquelle ledit Alixandre les conduisit et dist audit suppliant qu’il montast sur ledit foin et mussast ledit coffre ; lequel coffre ledit suppliant getta dedans les chambres ou privées qui estoient dedans ladicte estable. Et ce dit jour après soupper, ledit Alixandre vint en ladicte estable et fut mal content de ce que ledit suppliant avoit getté ledit coffre dedans lesdictes chambres, et tira icellui dehors avecques l’espée dudit suppliant ; et après ce, le deslia et trouva dedans icellui coffre deux ou trois drappeaulx, l’un d’orfaverie d’argent doré, ung diament et ung ruby, comme lui semble, avecques xl. ou l. perles, patinostres et autres bagues, lesquelles ledit Alixandre print, et ledit suppliant print une boucle d’argent doré à sainture de femme, ung bouton d’argent, une petite sainture estroicte garnie d’argent doré, valant ung escu ou environ, et xiiii. petites patinostres d’embre. Et ce fait, ledit Alixandre dist audit suppliant qu’il alast musser en quelque lieu ledit coffre, lequel ledit suppliant print et l’ala getter en ung puis près du Vielz marché. Et pour ce que landemain estoit ung grant bruit dudit larrecin en ladicte ville de Tours, ledit suppliant eut paour et ala descouvrir son fait à Jehan Dare, Escossoys, en le priant qu’il le conseillast s’il s’en yroit ou non ; lequel lui dist qu’il ne s’en alast point et qu’il feroit l’appoinctement, tellement qu’il n’auroit point de mal. Et assez tost après, ledit maistre dudit suppliant, pour cuider trouver ledit James, comme il disoit, ala à Montagu et à Moulins en Bourbonnois. Et lors ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’en fouy de nostre dicte ville de Tours et s’en ala à Tartas. Auquel lieu survindrent certains serviteurs de nostre bien amé Robin Petitlou

Robin Petitlou ou Petitlo, nom francisé d’un Écossais, Robert Pettilloch, qui vint en France avec le comte de Buchan et assista à la bataille de Verneuil, le 17 août 1424. (Fr. Michel, Les Écossais en France et les Français en Écosse, 2 vol. in-8°, t. I, p. 223.) On le retrouve chef de routiers dans l’armée que le dauphin Louis conduisit en 1444, contre les Suisses, dans la Haute-Alsace. Lors de la réforme de l’armée, l’année suivante, Robin Petitlou fut maintenu dans l’exercice de sa charge de capitaine, et Charles VII le gratifia, en 1448, de la seigneurie de Sauveterre. Il servait en Guyenne, l’an 1451, et obtint des lettres de naturalisation, le 3 mars 1453, dans lesquelles il est qualifié écuyer d’écurie du roi. Après la seconde conquête de la Guyenne, dans laquelle il se distingua encore, il fut créé sénéchal des Lannes et capitaine de Saint-Sever. (Voy. A. Tuetey, les Écorcheurs sous Charles VII, t. I, p. 166, 294, 331 ; de Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. IV, p. 388, note ; t. V, p. 47, note, 332 ; t. VI, p. 378.)

, et incontinant que ledit suppliant les vit, il se mist en franchise en l’eglise de Saint Jacques de Tartas. En laquelle eglise lesdiz serviteurs dudit Petitlou le gardèrent une nuyt ou deux. Et après arriva icellui Petitlou audit lieu de Tartas, avec ung nommé Huguet Dormoury, nostre sergent, et fist enfermer ledit suppliant en ladicte eglise. Et depuis icellui suppliant, soubz umbre de ce que lesdiz Petitlou et sergent lui promisdrent d’envoyer par devers nous, pour obtenir ses lettres de grace et remission du cas dessusdit, et aussi ou cas que ne les lui vouldrions octroyer, le remettre en ladicte franchise, se consenti de s’en aler avecques eulx en la ville d’Acques, ce qu’il fist, et y est à present detenu prisonnier ès fers et prison fermée, en grant povreté et misère, et y est en voye de miserablement finer ses jours, se nostre grace et misericorde ne lui sont sur ce impetrées, si comme il nous a fait humblement remonstrer, en nous requerant que, attendu qu’il ne fut pas principal du fait et cas dessusdit, et ce qu’il en a fait n’a esté que pour obeir à son maistre, et qu’il a rendu tout ce qu’il en a eu, nous lui vueillons impartir nos dictes grace et misericorde. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant ou cas dessusdit avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces mesmes presentes, au seneschal des Lannes et à tous noz autres justiciers, etc. Donné aux Montilz lez Tours, ou mois de mars l’an de grace mil cccc. cinquante et trois, et de nostre règne le xxxiie.

Ainsi signé : Par le roy, maistres Guy Bernard

Guy Bernard, archidiacre de Tours, maître des requêtes de l’hôtel et membre du Grand Conseil. (Ci-dessus, p. 338, note 2.)

, Jehan Bureau

Jean Bureau, trésorier de France. (Ci-dessus, p. 92, note 1.)

et autres presens. L. Daniel. — Visa. Contentor. N. Dubrueil.

MCCXLIX Avril 1454 (avant le 21)

Rémission octroyée à Perrot Bruneau, de Saint-Jean-de-Mont en Bas-Poitou, coupable du meurtre de son frère aîné, Jean Bruneau, dans une rixe qu’ils avaient eue ensemble sur une question d’intérêts privés.

AN JJ. 182, n° 61, fol. 37 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 373-375

Charles, etc. Savoir faisons, etc., nous avoir receue l’umble supplicacion de Perrot Bruneau, povre homme de labour, aagé de xxxiiii. ans ou environ, de la parroisse de Saint Jehan de Mons ou bas païs de Poictou, chargié de jeune femme et d’enfans, contenant que, puis certain temps ença, Jehan Bonneau

Sauf en cet endroit, on lit plutôt « Bruneau » que « Bonneau ». Ces personnages paraissent d’ailleurs n’avoir rien de commun avec les Bruneau, dont il est question ci-dessus (n° MCCXXXIX, p. 339).

, frère aisné dudit suppliant et icellui suppliant ont fait partie et division ensemble de certains heritaiges qui estoient par indivis entr’eulx, et ont joy chacun de sa part et porcion. Mais, ou mois de fevrier derrenier passé, le dit Jehan Bruneau s’efforça de faire ung fossé en certain chemin qui estoit demouré commun entre eulx, et par lequel chascun d’eulx alloit et passoit pour aller à son heritaige. Laquelle chose venue à la notice et congnoissance dudit suppliant, il se transporta par devers son dit frère qui besongnoit oudit foussé et lui remonstra doulcement qu’il ne devoit point ilec faire de foussé, et que le chemin qui y estoit estoit commun entre eulx. Lequel Jehan Bruneau respondy bien oultrageusement qu’il feroit ledit foussé, voulsist icelui suppliant ou non. Et lors ledit suppliant qui avoit une ferrée en sa main, se print à deffaire ledit foussé et le remply. Et incontinant ledit Jehan Bruneau, qui pareillement avoit une ferrée en son poing et dont il besongnoit, frappa ledit suppliant de la dicte ferrée sur la jambe, et non content de ce le cuida refraper d’icelle ferrée, mais il mist sa dicte ferrée au devant, et ataigny ledit Jehan Bruneau sur le braz. Et adoncques icellui Jehan qui estoit eschauffé mist ladicte ferrée contre et bien près du visaige dudit suppliant. Et ce voyant icellui suppliant, doubtant que son dit frère le bleçast, destourna le coup qu’il lui cuidoit bailler, et en le destournant ataigny sondit frère du plat de sa dicte ferrée sur la teste, duquel coup il chey à terre et incontinant se releva, et commança à besongner comme devant. Et lors ledit suppliant, desplaisant d’avoir frappé ledit Jehan, son frère, se departy d’ilec et s’en ala, et laissa icellui suppliant [son dit frère] besongnant. Et tantost après, revint ledit suppliant et rempli ledit foussé, au moins ce qui estoit en son prejudice. Et ledit Jehan besongna jusques au soir qu’il s’en ala à son hostel et icellui suppliant au sien, sans eulx faire autre mal. Et environ jour couchant, ledit Jehan se commença à plaindre, disant qu’il avoit mal au cueur et qu’il se vouloit aller coucher, ce qu’il fist, sans boire ne menger ; et environ l’eure de mynuyt il ala de vie à trespassement. Pour occasion duquel cas, ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du païs et n’y oseroit jamais retourner, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, en nous humblement requerant que, attendu ce que dit est, il s’est bien et doulcement gouverné, sans avoir fait ou commis ne estre actaint ou convaincu d’aucun autre vilain cas, blasme ou reprouche, et que paravant n’y avoit aucune hayne ou malvueillance entre lui et ledit feu Jehan, son frère, et fut ledit feu aggresseur, il nous plaise nos dictes grace et misericorde lui impartir. Pour quoy nous, les choses dessus dictes considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant ou cas dessus dit, en faveur de ses diz femme et enfans, avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces presentes, etc., à nostre seneschal de Poictou ou son lieutenant, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois d’avril l’an de grace mil cccc. cinquante et trois avant Pasques.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Rippe. — Visa. Contentor.

MCCL Avril 1454

Lettres de naturalité en faveur de Hans Francbriquet, premier écuyer d’écurie de la reine, natif d’Allemagne et marié en Poitou.

AN JJ. 191, n° 72, fol. 38 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 375-378

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de nostre amé et feal Hance Francbriquet, premier escuier d’escuierie de nostre très chière et très amée compaigne la royne

Hans Francbriquet était établi en Poitou depuis une vingtaine d’années, ayant épousé, en 1434, Anne Du Fresne, veuve de Pierre ou Perreau de Montjehan, chevalier, capitaine de la ville et du château de Poitiers. Il eut à soutenir au Parlement un procès, à cause de sa femme, contre Guillaume de Montjehan, chevalier, frère de Pierre, au sujet de la succession de ce dernier et du douaire que sa veuve prétendait sur les biens qu’il avait laissés. Ce litige fut réglé par un arrêt du 11 avril 1435, adjugeant à chacune des parties la moitié des meubles, acquêts et créances du défunt. Le douaire d’Anne Du Fresne fut fixé au tiers des propres héritages de Pierre de Montjehan, tant nobles que roturiers, qui se trouvaient dans les villes et châtellenies de Poitiers et de Châtellerault, et à la moitié des immeubles sis en Mirebalais, dont elle devait percevoir les revenus, sa vie durant. A la mort de Pierre, son frère, d’un côté, et sa veuve, de l’autre, s’étaient approprié les meubles de son hôtel à Poitiers, vêtements, fourrures, objets d’orfèvrerie, argent monnayé, etc. L’arrêt en dresse un inventaire, afin qu’il puisse être procédé au partage. (Arch. nat., X1a 9194, fol. 97.) Quelque temps après, le 31 mai 1435, Hans Francbriquet et Guillaume de Montjehan, pour mettre fin à toutes les difficultés que pouvait faire naître le partage, conclurent un accord et stipulèrent, conformément à l’arrêt de la cour, ce qui devait revenir à chacun d’eux et sur quels immeubles serait alloué le douaire d’Anne Du Fresne. (Id., X1c 149, n° 108.) Francbriquet possédait aussi, à cause de sa femme, « une borderie de terre à hommage plain, assis en la paroisse de Thenezay, estant en blez et autres choses. » (Aveux dus à Richemont pour Parthenay, de 1428 à 1450, Arch. nat., R1* 190, fol. 264 v°). Ce personnage doit être le même que M. de Beaucourt nomme Jean Franberger, premier écuyer de la reine dès le 4 avril 1430, date des pouvoirs que Charles VII lui donna, ainsi qu’à Jean Charles, maître des requêtes de l’hôtel, pour se rendre à la cour de Frédéric duc d’Autriche, et négocier le mariage de Sigismond, fils aîné de celui-ci, alors âgé de trois ans, avec Radegonde de France, âgée de deux ans, fille du roi de France. En 1434, il fit partie d’une nouvelle ambassade, chargée de demander à ce prince un secours militaire ou pécuniaire, et retourna encore, au printemps de 1439, et en 1444, vers l’archiduc Frédéric, en compagnie du sire de Gaucourt et d’Élie de Pompadour. Il fut également accrédité comme ambassadeur de Charles VII auprès du duc de Saxe, en avril 1447. (Hist. de Charles VII, t. II, p. 428 et s., 484 ; III, 300 ; IV, 39 et 361.)

, natif du païs d’Alemaigne, contenant que, dès le temps de sa jeunesse, il s’en vint demourer en cestuy nostre royaume, et s’est depuis continuelement employé ou service de nous et de nostre dicte compaigne, et y a eu des biens et honneurs à l’occasion dudit service ; et pour ceste cause s’est disposé d’y demourer le surplus de ses jours en et soubz nostre obeissance et justice, et y acquerir des biens, pour en disposer où et ainsi qu’il verra estre à faire. Mais, pour ce que par les statuz et ordonnances de nostre royaume, aucun, s’il n’en est natif, ne peut ordonner de ses biens ne disposer d’iceulx, ledit Francbriquet craindroit à acquerir biens en icellui nostre royaume, si non qu’il feust à ce faire habilité, comme il nous a fait dire, requerant nostre grace lui estre sur ce impartie. Savoir faisons que nous, eu sur ce consideration, voulant ledit Francbriquet estre en ses faiz honnorablement traictié, pour consideracion des services qu’il a faiz et fait chacun jour à nous et à nostre dite compaigne, à icellui, pour ces causes et autres consideracions à ce nous mouvans, avons octroyé et octroions de grace especial, par ces presentes, que en et partout nostre dit royaume il puisse acquerir telz heritaiges, revenues et possessions que bon lui semblera, et que des acquis et à acquerir, ensemble de tous et chacuns ses autres biens meubles, heritaiges et possessions, à quelque tiltre raisonnable que il les ait euz ou puisse avoir et possider ou temps avenir, il puisse et lui loise disposer par testament et autrement, ainsi que bon lui semblera ; et que tous et chacuns ses parens et heritiers, habiles à lui succeder, et autres ausquelz il disposera de ses diz biens par donnacion, testament ou autrement, puissent et doient heriter et venir à sa succession et joïr de ses diz biens, comme se lui et ses diz heritiers estoient natifz d’icellui nostre royaume, et que autrement il joysse et use en nostre dit royaume de tous telz droiz, franchises et previlèges, comme s’il en estoit natif et comme noz autres subgiez, natifz d’icellui nostre royaume. Et à ces choses et chascune d’icelles avons ledit Hance Francbriquet, ses diz heritiers et successeurs, habilitez et dispensez, habilitons et dispensons de nostre dicte grace especial, plaine puissance et auctorité royal par ces dites presentes. Et sur ce imposons silence à noz procureurs et receveurs ordinaires, et à tous autres qu’il appartendra, en nous paiant pour ce finance moderée pour une foiz seulement. Si donnons en mandement à noz amez et feaulx gens de noz comptes et tresoriers, et à tous noz bailliz, seneschaulx et autres justiciers, ou à leurs lieuxtenans et à chascun d’eulx, si comme à lui appartendra, que de noz presens grace, habilitacion et octroy facent et seuffrent icellui Francbriquet et ses diz heritiers et successeurs joïr et user plainement et paisiblement, non obstant quelxconques editz, constitucions, usaiges ou coustumes de nostre dit royaume, à ce contraires. Et afin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf toutes voies en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné aux Montilz lez Tours, ou mois d’avril l’an de grace mil cccc. cinquante trois, et de nostre règne le xxxiie avant Pasques.

Ainsi signées : Par le roy, le grant maistre d’ostel

Jacques de Chabannes, seigneur de La Palice, fut grand-maître de France, de 1451 à 1456.

, le sire de Vauvert

Jean de Lévis, seigneur de Vauvert (Cf. ci-dessus, p. 288, note 1).

et autres presens, de La Loère. — Visa. Contentor.

MCCLI 19 avril 1454

Rémission octroyée à Jean Thierry, dit Coquin, écuyer, natif du pays du Maine, ayant servi le roi contre les Anglais d’abord comme homme d’armes, puis, dans les compagnies d’ordonnances, « soubz la charge et soulde de nostre amé et feal chevalier, conseiller et chambellan, Loys de Beaumont, seneschal de Poictou

Il a été question déjà de Louis de Beaumont, dans notre précédent volume (p. 135, note), et la nouv. édit. du Dict. des familles du Poitou lui consacre une notice assez développée (t. I, p. 375). Nous ne donnerons ici que les renseignements relatifs à ce personnage qui ne se trouvent pas en ces deux endroits. Citons d’abord deux quittances de gages des 18 juin 1442 et 12 janvier 1444 n.s., dans lesquelles il se qualifie conseiller et chambellan du roi, sénéchal de Limousin. (Bibl. nat., Pièces originales, vol. 246, nos 45, 47.) Un arrêt du Parlement de Paris du 7 septembre 1441 avait condamné Perceval Chabot et Guillaume, son frère, envers Jean Jousseaume, chevalier, sr de la Geffardière, depuis décédé, alors tuteur de Louis Jousseaume, à 1000 livres de dommages et intérêts, et à 2000 livres d’amende, pour assurer le payement desquelles sommes les terres de la Turmelière et de Gonnort, appartenant à Perceval, avaient été saisies et mises en la main du roi. Louis de Beaumont, qui avait épousé Jeanne Jousseaume, dame de la Forêt-sur-Sèvre, héritière de feu son frère Louis, obtint de la cour, le 4 mai 1448, un mandement pour l’exécution de cet arrêt, jusque-là tenu en surséance, et le payement des 1000 livres sur les revenus desdites terres. (Arch. nat., X2a 23, fol. 385 v°.) Par lettres patentes données aux Montils-lez-Tours, le 3 avril 1451, n.s., Louis de Beaumont fut pourvu de l’office de sénéchal de Poitou, en remplacement de Pierre de Brézé, sr de la Varenne, qui lui-même fut, ce jour-là, nommé grand sénéchal de Normandie. Ces doubles provisions étaient enregistrées sur l’ancien mémorial de la Chambre des Comptes L, fol. 33 et 54 v°, d’après un inventaire de ces registres fait avant leur destruction. (Bibl. nat., ms. fr. 21405, p. 114, 116.) Le texte de celles de Louis de Beaumont, chevalier, sr de la Forêt, en qualité de sénéchal du Poitou, a été conservé dans deux vidimus, l’un de Geoffroy Guérin, garde du sceau aux contrats à Poitiers, en date du 13 avril 1451, l’autre de Robert d’Estouteville, garde de la Prévôté de Paris, du 7 juin 1452. A ces pièces sont jointes, dans un autre vidimus de Geoffroy Guérin, des lettres patentes données à Montbazon, le 9 avril 1451 n.s., accordant au nouveau sénéchal un délai d’un an pour prêter serment de cet office au Parlement, parce qu’il était empêché alors d’accomplir cette formalité, « obstant le service perpetuel qu’il fait près de nous, dit le roi, qui avons intention l’emmener ou voyage que esperons faire ceste saison, pour la recouvrance de nostre pays de Guienne… » (Bibl. nat., Pièces originales, vol. 246, nos 48, 49 et 50.) Le sr de la Forêt exerça les fonctions de sénéchal de Poitou jusqu’à la fin de 1460 ou au commencement de 1461. Il fut remplacé (on n’a pu retrouver exactement à quelle date) par Joachim Rouault, sr de Boisménart (cf. vol. précédent, p. 344, note), qui, dans la confirmation qu’il obtint de cet office à l’avènement de Louis XI (août 1461), mentionnée sur l’anc. mém. de la Chambre des Comptes, L, fol. 165, est dit de novo senescallus Pictavensis (ms. fr. 21405, p. 137). Ce dernier ne fut sénéchal que pendant une année environ, car on trouve le nom de son successeur Louis de Crussol, dans un acte du 25 janvier 1462 n.s. Au fol. 164 de l’anc. mém. L, on voit que Louis de Crussol fut confirmé au mois d’août 1461, en qualité de bailli de Chartres ; et quelques pages plus loin (fol. 167), sont mentionnées les provisions de François de Surienne, dit l’Aragonais, à ce même office. C’est alors certainement, c’est-à-dire dans les trois derniers mois de cette année 1461, que Joachim Rouault fut remplacé comme sénéchal de Poitou par Louis de Crussol.

Voici une suite chronologique de documents relatifs à Louis de Beaumont, sr de la Foret, du Plessis-Macé, etc., tant pendant la durée de son sénéchalat que postérieurement. — 30 août 1451, à Poitiers. Mandement du sénéchal à Jean Bésuchet, notaire et secrétaire du roi, receveur ordinaire de Poitou, de payer à Robert Bruyant, sergent du roi, 10 livres pour information contre Guillaume Banchereau et François, son fils, touchant le meurtre de Colas Tapon, laissant une veuve et quinze orphelins. — 18 sept. 1451, à Taillebourg. Lettres de Charles VII, accordant à Louis de Beaumont 200 livres par an outre ses gages, à prendre sur les deniers du domaine de Poitou. Quittance à Besuchet de ce supplément de gages pour l’année 1453 (8 janvier 1454 n.s.). — 1er juillet 1452. Quittance au même d’une somme de 50 livres pour six mois de ses gages de la capitainerie de Poitiers, et deux autres semblables des 8 et 31 juillet 1454. (Bibl. nat., Pièces orig., vol. 246, nos 51 à 56 et 59.) — 9 mai 1454, Montils-lez-Tours. Lettres de Charles VII, portant don au sr de la Forêt, des biens du sr de La Lande. (Ms. fr. 21405, p. 131.) — 9 juin 1455. Lettres de Louis de Beaumont, sénéchal de Poitou, permettant à Maurice de Volvire, écuyer, sr de Rocheservière et de Nieul-sur-l’Autize, de faire tenir à Nieul les foires et marchés qui s’y tenaient autrefois, avant les guerres, conformément à des lettres du roi en date du 29 octobre 1454. (Coll. dom Fonteneau, t. VIII, p. 187.) — 1456. Commission du même pour la levée sur les habitants de Beaumont de la somme de 47 livres 10 sous, à laquelle ils avaient été taxés pour leur part dans l’aide de 3000 livres octroyée au vicomte de Châtellerault par les gens des trois ordres de la vicomté. (Arch. de la Vienne, G. 1145.) — 22 avril 1458. Arrêt du Parlement, confirmant une sentence du sénéchal de Poitou au profit de L. de Beaumont et de ses officiers de Commequiers, contre Pierre Bruneau, écuyer, qui les avait accusés de l’avoir incarcéré et retenu prisonnier sans motif. (Arch. nat., X2a 27, fol. 304.) — 10 septembre 1458. Commission du sr de la Forêt, sénéchal de Poitou, pour faire exécuter des lettres de sauvegarde accordées par Charles VII à Germond Raoul, écuyer, sr de La Fuie, le 25 octobre 1457. — 25 juin 1459. Mandement du même pour l’entérinement des lettres royaux obtenues par Jean de Montournois, chevalier, sr de Puy-Morin, pour faire ériger cette terre en châtellenie. (Dom Fonteneau, t. VIII, p. 193 ; t. XXV, p. 769.) — 24 (blanc) 1466, La Mothe-d’Égry. Don par le roi au sr de la Forêt de tout le droit de haute, moyenne et basse justice en la terre et seigneurie de Loge-Fougereuse en Poitou. (Bibl. nat., ms. fr. 21.405, p. 162.) — 30 juin 1467. Quittance de 600 livres de Louis de Beaumont, sr du Plessis-Macé et de la Forêt, chambellan du roi, pour ses gages de gouverneur de la Rochelle de l’an 1467. (Pièces orig., vol. 246, n° 57.) — 29 mai 1472, Saintes. Lettres de Louis XI, donnant audit sr de la Forêt les revenus du domaine de Fontenay-le-Comte (anc. mém. O. de la Chambre des Comptes, fol. 76 v°).

, et d’autres cappitaines, » qui s’était rendu coupable de falsification à son profit de plusieurs titres de propriété

Les biens dont il est question sont situés dans le Maine.

. « Donné aux Montilz lez Tours, le dix neufiesme jour d’avril avant Pasques, l’an de grace mil cccc. cinquante et trois, et de nostre règne le xxxiie. »

AN JJ. 182, n° 97, fol. 52 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 378-380

MCCLII Mai 1454

Rémission en faveur de Pierre Scolin, écuyer, qui, prisonnier en la Conciergerie du Palais à Poitiers, pour le meurtre du prieur de Ceaux, s’était évadé et réfugié en franchise dans l’église Notre-Dame-la-Petite.

AN JJ. 182, n° 110, fol. 62 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 380-383

Charles, etc. Savoir faisons, etc., nous avoir receue l’umble supplicacion de nostre bien amé Pierre Scolin

Pierre Scolin appartenait à une famille établie dans le Châtelleraudais et le Loudunais, dont la noblesse fut reconnue par sentence des commissaires de Charles VI sur le fait des francs-fiefs, le 20 octobre 1395. (Arch. hist. du Poitou, t. XXIV, p. 265-270.) Le texte des lettres de rémission qui lui furent délivrées à la suite du meurtre de Nicolas Rajaceau, prieur de Ceaux, ne nous est pas connu. On sait seulement que l’abbé et les religieux de la Trinité de Mauléon, dont dépendait ce prieuré, s’opposèrent à leur entérinement. Pierre Scolin releva appel au Parlement d’exploits de deux sergents royaux, Eustache Briffault et Pierre Hates, faits à cette occasion, à la requête de l’abbé, et vint se constituer prisonnier à la Conciergerie du Palais à Paris. Par arrêt du 2 juin 1453, la cour annula son appel sans amende, et sur la question d’entérinement des lettres de rémission, renvoya les parties devant le sénéchal de Poitou et les ajourna au lendemain de la saint Jean-Baptiste suivante, à Poitiers ; elle ordonna que Scolin serait conduit dans les prisons de cette ville, aux dépens de l’abbé de Mauléon, qui pourrait se les faire rembourser sur les biens de la partie adverse. Il fut confié à Jean Régin, sergent royal, demeurant à Paris, rue de la Harpe, à l’enseigne de la Harpe, qui s’engagea à le mener à Poitiers et à le rendre prisonnier au lieutenant du sénéchal, à ses risques et périls, moyennant la somme de 13 écus d’or. Cette mission ayant été accomplie sans incident, la cour donna commission à un huissier, le 12 juillet 1453, de faire payer cette somme par Pierre Scolin, pour désintéresser les religieux. On ne trouve dans ces deux actes aucun renseignement sur le meurtre du prieur de Ceaux ; il y est dit seulement que les lettres de rémission furent obtenues « occasione murtri sive homicidii perpetrati in personam defuncti fratris Nicolai Rajaceau, dum vivebat, supradicte abbacie religiosi. » (Arch. nat., X2a 26, fol. 240 v°, 283.)

, escuier, prisonnier detenu ès prisons de la Conciergerie de nostre Palais à Poictiers, contenant que, à l’occasion de la mort et occision par lui commise de la personne de feu frère Nicolas Rajaceau, religieux de l’ordre de Saint Augustin, en son vivant prieur curé de Ceaulx, il obtint pieça noz lettres de remission en laz de soye et cire vert, pour lesquelles faire enteriner, il les presenta à nostre bailli de Touraine ou à son lieutenant à Chinon, auquel lieu il fut detenu prisonnier audit lieu de Chinon (sic), et depuis fut mené prisonnier ès prisons de la Conciergerie de nostre Palaiz à Paris, èsquelles il fut par aucun temps. Après lequel il fut par nostre court de Parlement renvoyé par devers nostre seneschal de Poictou, ou son lieutenant à Poictiers, pour enteriner ses dictes lettres de remission. Auquel lieu de Poictiers il fut detenu prisonnier ès prisons de ladicte Conciergerie, èsquelles il est encores à present. Par devers lequel suppliant, estant ès dictes prisons de Poictiers puis aucun temps ença, le geollier d’icelles se transporta, ung certain jour devers le matin, et lui dist qu’il se levast bientost et qu’il vouloit parler à lui. Lequel suppliant se leva hastivement et ala parler audit geollier, lequel lui deist qu’il pensast d’envoier devers ses amis pour pourveoir à son cas et envoier devers nous, et que son fait se portoit très mal. Lequel suppliant lui respondit que ne sauroit qui envoier devers ses amis, se ledit geolier n’y aloit lui mesmes. Lequel geolier respondit qu’il yroit vouluntiers lui mesmes et de fait y ala. Lequel jour, ledit suppliant estant fort esbahy des parolles que lui avoit dictes ledit geolier, doubtant que on voulsist proceder contre lui à pugnicion corporelle de sa personne, vit passer par devant ledit Palais ung homme lequel avoit esté commissaire pour gouverner ses biens et heritaiges soubz nostre main, et pour parler à lui pria la femme dudit geollier qu’elle lui alast dire qu’il venist parler à lui. Laquelle y ala et fist tant que ledit commissaire ala par devers ledit suppliant en ladicte Conciergerie. Lesquelz suppliant et commissaire parlèrent ensemble par aucun temps au bas des dictes prisons, et eulx estans ilec, ledit suppliant apparceut que l’uys estoit tout ouvert, et n’y avoit aucune garde en icelles fors une jeune fille, et que la femme dudit geolier estoit alée en la ville, lui estant encores fort esmeu et esbahy des parolles que lui avoit dictes ledit geolier, se transporta à l’uys desdictes prisons, et voyant qu’il n’y avoit personne devant fors ung homme qui passoit par illec, saillit hors desdictes prisons, sans faire aucune fraction, force ou violence ; et ainsi qu’il fut sailly, ladicte fille qui estoit ès dictes prisons, l’apperceut et lui demanda où il aloit, lequel respondit qu’il aloit ilec près, mais ladicte fille lui dist qu’elle pensoit qu’il s’en alast. Et lors ledit homme qui estoit ilec près dist à ladicte fille qu’il s’en aloit et qu’elle criast : « Au prisonnier ! » Laquelle commança à crier, et tantost ledit suppliant, oyant le cry de la dicte fille, s’avança et s’en couru jusques en l’eglise Nostre Dame la Petite dudit lieu de Poictiers, qui est située devant ledit Palais, en laquelle il se mist en franchise, et y fut par aucun temps. Et depuis, lui estant hors de franchise, fut remis en ladicte Conciergerie et reintegra noz prisons. A l’occasion duquel cas, combien que en ce n’ait force, violence ne fracture desdictes prisons, il est encores detenu prisonnier en icelles, enferré de gros fers et est en voye de miserablement finer ses jours, se nostre grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, humblement requerant, etc. Pour quoy nous, etc., voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou moys de may l’an de grace mil cccc. liiii, et de nostre règne le xxxiie.

Ainsi signées : Par le roy, à la relacion du conseil. H. Machet. — Visa. Contentor. Chaligaut.

MCCLIII Mai 1454

Rémission octroyée à Pierre Maistreau, dit de Bourges, natif de Montluçon, demeurant à Vouillé en Poitou et prisonnier audit lieu pour plusieurs vols de blé.

AN JJ. 182, n° 114, fol. 63 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 383-385

Charles, etc. Savoir, etc., nous avoir receue l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de Pierre Maistreau, dit de Bourges, pouvre laboureur de bras, natif de Montluçon et à present demourant en la ville de Vouillé en Poictou, contenant que, obstant la grant charge de femme et quatre petiz enffans, c’est assavoir de trois filles et ung filz que ledit Maistreau a, dont il a eu et a grant peine et charge de les nourir et alimenter, lui et ses diz femme et enffans ont souventes foiz eu et ont grant necessité et souffreté. Et mesmement, trois ans a ou environ, se trouva icellui Maistreau en grant necessité de nourrir et alimenter lui et son mesnaige, par ce que il ne trouvoit personne qui lui voulsist prester du blé, pour lui aider à vivre. Desquelles neccessités et indigences il se complaigni entre autres à ung appellé Pierre Roulleau, aussi laboureur de bras, et lui demanda s’il savoit point aucune personne qui lui voulsist prester du blé. Lequel lui respondi que non, mais qu’il savoit bien la manière comme eulx deux en auroient et où ilz le prandroient, s’il vouloit. Lequel Maistreau, pour la grant neccessité et indigence qu’il avoit, dist qu’il en estoit bien content. Et lesquelz, dedans deux jours après, se transportèrent par nuyt en l’ostel de Thomas Chauvet, demourant en ladicte ville de Vouillé, et illecques prindrent du blé, tant froment, mosture que baillorge, environ six boesseaux, dont ledit Maistreau eut la moictié qu’il vendi à la femme de Jehan Grigné, et de l’argent qu’il en receut achapta du pain pour sa dicte femme et pour ses diz enffans. Et trois [mois] après ou environ ; prindrent de rechef, luy et ledit Roulleau, en l’ostel dudit Chauvet, quatre boeceaux de mestail dont ledit Maistreau en eut deux boeceaux qu’il fist mouldre pour faire du pain pour lui et son dit mesnaige. Et l’année ensuivant l’an mil cccc.lii, prindrent de rechief lesdiz Maistreau et Roulleau par deux fois du blé en l’ostel dudit Chauvet, c’est assavoir à une foiz six boeceaux et à l’autre sept de froment et trois boeceaux d’avoine. Lequel Maistreau vendi tout ledit froment, et la moictié de l’argent qui en yssi bailla audit Roulleau ; auquel Roulleau demoura toute l’avoine. Et l’année ensuivant mil iiiic liii, se transportèrent les diz Maistreau et Roulleau encores en l’ostel dudit Chauvet par deux foix, et à la première prindrent ung septier de froment qui fut vendu dix solz, dont chacun d’eulx en eut cinq solz ; et à la seconde foiz ilz ne prindrent riens, pour ce que ilz furent seurprins et menez ès prisons dudit lieu de Vouillé ; lesquelles ilz rompirent et s’en yssirent. Et depuis a esté ledit Maistreau reprins et mis ès dictes prisons où il est de present detenu à grant pouvreté et misère, et est en voye d’y finer miserablement ses jours, et ses femme et enffans par ce moien de mendier leur vie à jamais, se noz grace et misericorde ne luy estoient sur ce imparties. Humblement requerant que, attendu que en tous autres cas il s’est bien et deuement gouverné et est bien famé et renommé, sans avoir esté repris, actaint ne convaincu d’autre villain cas, blasme ou reprouche, que dure et piteuse chose seroit que lui, ses diz femme et enffans mendiassent leur vie pour telz cas qui ne montent que pou ou neant, lesquelz il fist par neccessité et indigence, pour ce que lui et ses diz femme et enffans n’avoient de quoy avoir leur vie et substentation, il nous plaise lui [impartir] nos dictes grace et misericorde. Pour quoy nous, etc., à icellui Maistreau avons remis, quicté et pardonné, etc., ensemble ledit bris de prison, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois de may l’an de grace mil iiiic liiii, et de nostre règne le xxxiie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Gavingneau. — Visa. Contentor. Chaligaut.

MCCLIV Juillet 1454

Rémission accordée à Michau Miraut, de Vouvant, qui, dans une rixe après boire, avait frappé mortellement Etienne Barbot d’un coup de chandelier à la tête.

AN JJ. 191, n° 14, fol. 6 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 385-386

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Michau Miraut, demourant à Vouvant en nostre païs de Poictou, chargié de jeune femme, contenant que le mercredi dixiesme jour de ce present mois de juillet devers le soir, environ neuf heures, ledit suppliant, ung nommé Estienne Barbot et autres se assemblèrent et alèrent boire en l’ostel d’un nommé Jaques Billon, demourant audit lieu de Vouvant, lequel tenoit pain et vin à vendre publiquement, et eulx estans oudit hostel, sourdirent parolles rigoureuses entre le dit Barbot et icellui suppliant, et telement que ledit Barbot, meu de mauvaiz courage print ung pain blanc et le getta malicieusement contre le front dudit suppliant, tellement qu’il lui fist sang et playe. Lequel suppliant, veant qu’il estoit blecié, esmeu et eschauffé, print une pinte et la getta vers ledit Barbot, mais ne l’ataigny point, et pour ce reprint de rechief ung chandelier et le getta contre icellui Barbot, duquel il le frappa contre le teste, dont il lui fist sang et playe. A l’occasion duquel cop ledit Barbot est, pou de temps après, alé de vie à trespassement. Et à ceste cause icellui suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est mis en franchise, dont il n’oseroit jamais partir, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties. Et pour ce nous a humblement fait supplier et requerir que, attendu que, en tous autres cas, il s’est bien et doulcement gouverné, etc., et qu’il ne fut pas aggresseur, que ledit Barbot le frappa le premier dudit pain dont il lui fist sang et playe, il nous plaise nos dictes grace et misericorde lui impartir. Pour quoy nous, ces choses considerées, audit suppliant ou cas dessus dit, avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Pruilly en Touraine, ou moys de juillet l’an de grace mil cccc. liiii, et de nostre règne le xxxiie.

Ainsi signées : Par le roy, à la relacion du conseil. Rippe. — Visa. Contentor. Chaligaut.

MCCLV Août 1454

Rémission en faveur de Robin Macé, de Jean Dupont et du fils de celui-ci, coupables du meurtre de Jean Marault, à Coussay, à la suite d’une rixe provoquée par ce dernier.

AN JJ. 191, n° 41, fol. 19 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 386-391

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Robin Macé, Jehan Dupont et Jehan Dupont, filz, contenant que, en ce present mois d’aoust, ledit Robin Macé et Jehan Marault estans au lieu de Coussay, en la rue devant l’eglise Saint Martin dudit lieu, la chienne dudit Robin et celle dudit Marault se batirent et coururent sus l’une à l’autre ; lequel Robin, voyant que sa chienne batoit et fouloit la chienne dudit feu Marault, print sa chienne par son colier et l’osta de dessus la chienne dudit Marault. Lequel Marault qui se trouva illec, desplaisant et courroucié de ce, print des pierres en la rue pour les ruer et getter aux chiens dudit Robin, afin de les tuer. Auquel Marault ledit Robin dist lors qu’il ne faisoit pas bien ne son devoir, mais faisoit mal de vouloir tuer ses chiens, attendu qu’il avoit osté sa chienne de dessus la sienne, qui la batoit. Mais ledit feu Marault qui n’estoit pas content, lui deist lors telles parolles ou semblables : « Je les te tueray, vilain ordoux, et si te batray bien, et avant que soient trois jours passez, je t’en paieray bien. » Et lors la femme dudit Robin, pour eschiver debat et noise et que inconvenient n’avenist entr’eulx, se vint mettre entre ledit Robin, son mary, et ledit feu Marault ; et Jehanne Macée, seur dudit Robin, qui estoit assise auprès d’icellui Robin, tenant entre ses bras ung petit enfant, dist audit feu Marault qu’il avoit tort et que ledit Robin Macé, son frère, deffendoit la chienne dudit Marault. Et lors ledit Marault, tout eschauffé, vint à elle et lui dist et demanda que c’estoit qu’elle disoit, et luy apporta le doy en l’ueil six ou sept foiz, et non content de ce, lui donna du poing soubz son manton si grant cop qu’elle fut si estonnée dudit cop et de ses langaiges qu’elle ne savoit que dire ne respondre, ne où elle estoit. Et ce fait, commança de plus belle à courir après les chiens plus fort que paravant n’avoit fait ; et en courant après, la femme dudit Robin se ala mettre au devant de lui, qu’il ne tuast leurs chiens. Lequel Marault lors donna tel cop ou souflet à la femme dudit Robin, que à peine que son chapperon et sa coeffe ne tombèrent de sa teste à terre. Et ce fait, ledit Marault de rechief revint prendre noise et debat audit Robin, auquel il bailla du poing ou de la paulme sur la joue. Et lors ledit Robin lui dist telles parolles : « Marault, vous n’avez pas bien fait de m’avoir frappé, car à mon povoir je despartoye les chiens. Tu m’as fait grant mal. » Et adonc ledit Marault, après ce qu’il eut fait les bateures et excès dessus diz, retourna en sa maison, pour aler querir et veoir s’il trouveroit son espiot, lequel il ne peut trouver là où il l’avoit mis ; et pour ce qu’il ne le trouva pas, il dist à son nepveu qu’il avoit prins son espiot. Lequel nepveu lui respondi que, sauve sa grace, il ne l’avoit point prins, et ledit Marault lui reppliqua et dist en jurant par saint Jehan que, s’il lui avenoit jamais de le prendre, il en paieroit bien. Et après ledit Marault, voyant qu’il n’avoit pas trouvé son espiot, s’en ala à l’uys de Jehan Dupont et de Robin Macé, frères, supplians, pour reprendre de rechief noise avec eulx et leur dist qu’il les en paieroit bien, en les appellant vilains, ordoux, et renyant et blaphamant le nom de Dieu. Pendans les quelles parolles et noise, illec vindrent deux chappellains dessoubz le balet ou galerie de la dicte eglise de Saint Martin, l’un desquelz dist telles parolles : « Marault, se n’est pas bien fait. » Lequel Marault lui respondit et dist telles parolles qui s’ensuivent ou telles en substance : « Ribault prestre, poulloux, et fault il que tu en parles ? » Et lors la mère du dit chappellain dist : « Oy vrayement, il fault qu’il en parle ! » Et le dit Marault lui dist : « Tu portes costeau, par saint Jehan. » Et ledit chappellain lui respondit en telle manière : « Par ma foy, tu voys bien que je n’en ay point par dehors », et pour lui monstrer qu’il n’en avoit point par dedans, il ouvry sa robe et lui dist : « Or, regarde par dedans ». Et lors ledit Marault leur dist, en renyant et blaphamant le nom de Dieu et les appellans ribaux prebstres, qu’il leur mettroit la vie hors du corps. Et ce fait, se departit d’illec et s’en ala en la maison d’un nommé Guionneau, ou bourg de Coussay ; auquel Guionneau ledit Marault avoit baillé une sienne dague pour fourbir. En l’ostel duquel Guionneau il ne trouva homme ne femme, et pour ce qu’il ne trouva pas sa dicte dague, il deffist son lit et tourna tout le mesnaige ce de dessus dessoubz pour trouver sa dicte dague, et fist tant qu’il la trouva. Et quant la femme dudit Guionneau et une autre femme, qui loge en l’ostel dudit Guionneau, virent qu’il eut trouvé sadicte dague, elles fermèrent l’uys sur lui et l’enfermèrent dedans la maison, affin qu’il n’en partist, pour ce qu’elles veoient bien qu’il avoit voulenté de mal faire. Et ce dit jour, affin de mettre à effet sa mauvaise et dampnable voulenté, qu’il avoit dist ledit jour, à une lieue dudit Coussay, en renyant et blaphamant le nom de Dieu par plusieurs foiz que, s’il povoit estre à Coussay, il en tueroit une couple. Et ce fait, se transporta audit Coussay, et lui arrivé, de rechief s’en ala boire en certain hostiel, ouquel il renya et blaphama le nom de Dieu par plusieurs foiz, en la presence de plusieurs personnes, en disant qu’il en tueroit une couple avant qu’il dormist. Lequel Marault, à l’yssue dudit hostel dudit Guionneau, ala monter sur son cheval et s’en ala à ung moulin qu’il avoit près ledit lieu de Coussay, auquel son frère estoit. Ou quel moulin il ne demoura guères et s’en revint tantost, et en revenant trouva ung chien au bourg de Coussay, auquel il donna ung si grant cop que a peu qu’il ne le tua. Et après qu’il l’eut ainsi frappé, trouva trois compaignons ausquelz il dist : « Dieu gart, » et de là s’en ala par devant l’ostel dudit Robin Macé et se tira à la maison des diz deux chappellains, lesquelz il trouva devant l’uys en leurs pourpoins desabillez, prestz et disposez d’eulx aler coucher. En la compaignie desquelz chappellains estoit ledit Jehan Dupont, le jeune, nepveu dudit Robin Macé. Ausquelz ledit Marault dist, en renyant le nom de Dieu, qu’il leur mettroit la vie hors du corps. Après lesquelles parolles, les diz chappellains incontinant se mirent au dedans de leur maison, et ledit nepveu se print à fouir, et ledit Marault le suivy tenant sa dague toute nue ou poing, tellement qu’il l’aconsuivy à l’uys dudit Robin Macé. Et ainsi qu’il suivoit ledit Dupont, le jeune, une femme qui vit comment ledit Marault poursuivoit ledit Dupont, la dague ou poing, commança à crier à haulte voix : « Ha ! Nostre Dame, on tue Jehan Dupont », nepveu dudit Robin. Auquel cry ledit Jehan Dupont, père dudit Jehan Dupont, le jeune, se leva de son lit et en chemise yssit hors de son hostel, et oyt le bruyt qu’on disoit que l’en tuoit ledit Jehan Dupont, son filz, et se print à crier : « Au murtre ! on nous veult tuer ! » Et lors ledit Marault frappa ledit Jehan Dupont, père, devant son hostel, de sa dague par les bras tellement qu’il chaça les diz père et filz tous deux dedans leur hostel. Et illec contre survint ledit Robin Macé. Et ce fait, se prindrent les ungs aux autres, en eulx batant et frappant tellement que ledit Marault couppa audit Robin les deux dois de sa main, et en eulx combatant, frappèrent ledit Marault par aucunes parties de son corps, tellement qu’il est alé de vie à trespassement. A l’occasion duquel cas, les diz supplians, doubtans rigueur de justice, se sont absentez du païs et n’y oseroient jamais retourner ne converser, se nostre grace et misericorde ne leur estoit sur ce impartie ; humblement requerans que, attendu qu’ilz n’ont pas esté agresseurs, mais le fut ledit deffunct, et avoit batu ledit Robin Macé, sans ce qu’il lui feist aucune chose et qu’ilz furent meuz de sallir hors de leurs hostelz, pour ce que on crioit que ledit deffunct tuoit ledit Jehan Dupont, filz, et que icellui deffunct avoit la journée renyé par plusieurs foiz Nostre Seigneur qu’il tueroit les diz supplians, et faillit par plusieurs foiz à les tuer de sa dague et en fist sa puissance, et ce que lesdiz supplians ont fait, ce a esté sur leur corps deffendant et non pas d’aguet apensé ne propos deliberé, etc., il nous plaise leur impartir nos dictes grace et misericorde. Pour quoy nous, ces choses considerées, etc., avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, aux bailly de Touraine et des ressors et Exempcions d’Anjou et du Maine, seneschal de Poictou, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Prully en Touraine, ou mois d’aoust l’an de grace mil cccc. cincquante et quatre, et de nostre règne le xxxiie.

Ainsi signées : Par le roy, à la relacion des gens de son grant conseil. P. Burdelot. — Visa. Contentor. N. Du Brueil.

MCCLVI Août 1454

Rémission octroyée à François Corgneul, écuyer de Marguerite de Belleville, veuve de Joachim de Volvire, sr de Rocheservière et de Ruffec, qui en accomplissant une commission dont cette dame l’avait chargé, eut une querelle avec Pierre Pourceau et Pierre Pigon, et tua ce dernier qui l’avait insulté.

AN JJ. 191, n° 42, fol. 20 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 391-398

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de François Corgneul

Famille noble dont le nom est écrit aussi Corgnol, Corgnou, Corgnoul, Corignou, etc., et qui habitait, dès le xive siècle, les environs de Civray et de Ruffec. François Corgnol, fils de Louis, écuyer, seigneur de Tessé, Châtillon-sur-Dive, Miserit, etc., et de Marguerite Janvre, tous deux vivants à cette époque, était l’aîné de huit enfants. Il partagea la succession de son père, le 17 mai 1483. Il avait épousé, vers 1460, Jeanne de Leigne, qui, étant veuve, fit donation à ses enfants, le 7 octobre 1488 ; on ne connaît le nom que de l’aîné, Jean. (Dict. des familles du Poitou, nouv. édit., t. II, p. 624.) Louis Courgnol, sr de Châtillon, fit hommage au roi du fief de Miserit, mouvant de Civray, le 27 février 1438 n.s., et en rendit aveu le 15 juin 1443 (Arch. nat., P. 5211, n° 1751 ; P. 5531, cote 395) ; il fit aussi aveu, le 13 octobre 1474, pour le Breuil d’Aigonnay, mouvant de Saint-Maixent. (P. 5193, cote 1475.) Les archives de l’anc. Chambre des comptes renferment d’ailleurs un très grand nombre d’hommages et aveux de divers membres de cette famille.

, escuier, de l’aage de vingt trois ans ou environ, contenant que, dès ce qu’il eust l’aage de neuf ou dix ans, il nous a tousjours continuellement servy ou fait de noz guerres, à l’encontre de noz anciens ennemis et adversaires les Anglois, ès frontières et voyages de Tartas, d’Alemaigne, de Basle et ailleurs, tant en la compaignie de feu le sire de Jaloignes

Philippe de Culant, seigneur de Jaloignes, sénéchal de Limousin jusqu’en 1441, créé maréchal de France pendant le siège de Pontoise, cette année-là même, mort en 1454.

, en son vivant mareschal de France, que de Pierre Robert, son lieutenant, et aussi ès reductions derrenierement faictes de nos païs et duchiés de Normandie et de Guienne, en la compaignie de nostre amé et feal chambellan le seigneur de La Rochefoucault

Foucaud III, seigneur de la Rochefoucauld, Marthon, Blanzac, Bayers, Montignac, Marcillac, etc., fils aîné de Guy VIII et de Marguerite de Craon, dame de Montbazon, conseiller et chambellan de Charles VII, fut fait chevalier devant le château de Fronsac, pendant la première expédition de Guyenne, en 1451, avec Jean de Bourbon, comte de Vendôme. Il testa en 1466 et mourut peu après. Sa femme était Jeanne de Rochechouart, fille de Geoffroy, vicomte de Rochechouart, seigneur de Tonnay-Boutonne, et de Marguerite Chenin.

. Après les quelles reductions et durant le temps que noz gens de guerre ne se occupoient en nostre service contre nos diz ennemis, lesquelz nous avions mis hors dudit païs, il se mist ou service de feu Joachin de Veluyre, en son vivant chevalier, seigneur de Roffect et de Rochecervière

Dans notre précédent volume, il a été question plusieurs fois de Joachim de Volvire, seigneur de Ruffec, et de sa femme, Marguerite de Belleville (p. 139, note, 163, note, 282, note, 344). Il était fils de Nicolas, chevalier, baron de Ruffec, seigneur de Rocheservière, Nieul-sur-l’Autize, Châteaumur, etc., mort en 1440, et de Marie de Bazoges. Il fit hommage au roi, le 9 avril 1442, pour la seigneurie de Comporté, mouvant de Civray, et pour le château et la châtellenie d’Ardenne, tenus de Melle (Arch. nat., P. 5661, cote 2758), et rendit aveu au connétable de Richemont, seigneur de Parthenay, de ses château et châtellenie de Châteauneuf en Gâtine, avec la justice haute, moyenne et basse et ses autres dépendances, le 28 décembre 1445. (R1* 190, fol. 159 et 279 v°.) Joachim de Volvire était en procès au Parlement, le 9 septembre 1450, contre Geoffroy Taveau, sr de Mortemer, qui le poursuivait parce qu’il avait contraint ses sujets à faire le guet à Ruffec (X2a 26, fol. 87 v°.) Il était décédé avant le 13 août 1453. A cette date, Marguerite de Belleville, sa veuve, et son fils, Jean de Volvire, écuyer, poursuivaient une affaire criminelle contre Mandé du Plessis. (X2a 25, à la date.) Outre ce fils, Joachim laissait une fille, Françoise, mariée à Joachim Rouault, seigneur de Boisménart et de Gamaches, depuis maréchal de France.

, ou service et en la compaignie duquel il s’est bien et deuement gouverné en ce dont il a eu charge de par lui, et l’a depuis servy bien et loyaument jusques à son trespas. Après lequel il fut requis et retenu de par nostre bien amée Marguerite de Belleville, vefve dudit deffunct, en son vivant son mary, pour demourer avec elle et en son service et comme son escuier. Ou service de laquelle dame de Belleville ledit suppliant s’est entretenu et demouré depuis le decès de son dit mary jusques à present. Laquelle, pour ce qu’elle le congneut estre de bon gouvernement, lui a donné charge de soy prandre garde et gouverner plusieurs de ses besongnes et affaires, et entre autres de cueillir, lever et faire venir ens les cens, rentes, revenues, droiz, terrages et autres devoirs à elle appartenans à cause de sa terre et seigneurie d’Ardenne

La terre et seigneurie d’Ardenne, située près de Fontenay-le-Comte (cne de Charzais), était cependant dans la mouvance du château de Melle. Nous avons vu qu’elle fut donnée par le roi Jean, en février 1354, au maréchal Boucicaut, et par Charles V, le 12 août 1372, à André de La Ramée, écuyer. (Arch. hist du Poitou, t. XVII, p. 140 ; XIX, p. 129.) Elle appartint plus tard à Jean II Harpedenne, seigneur de Belleville, qui en fit hommage à Charles VII, par acte daté de Mehun-sur-Yèvre, le 31 décembre 1425. (Arch. nat., P. 5532, cote 423.) Marguerite de Belleville l’eut ensuite de la succession de son père et l’apporta à son mari. Leur fils, Jean de Volvire, sr de Ruffec, qui en hérita à la mort de sa mère, en rendit aveu, le 10 décembre 1473, puis le 22 août 1482, à Charles d’Anjou, comte du Maine, seigneur de Melle, Civray, Chizé, etc. (P. 5201, cotes 1609 à 1611.) La terre d’Ardenne fut vendue, le 2 décembre 1499, par le sr de Ruffec au seigneur de Neuville. (P. 14081, cote 728.) Sabiret de Prouhet, qui en fut seigneur par la suite, en rendit hommage à François Ier, le 10 octobre 1519. (P. 5201, n° 1612.)

et de ses appartenances. Lequel suppliant, pour la dicte commission et charge executer et acomplir, et pour cueillir, lever et faire paier et amasser les diz cens, rentes et revenues et autres devoirs appartenans à la dicte dame de Rochecervière et de Roffect, se transporta, dès le xie jour de juillet derrenierement passé en ung certain fief appellé le fief du Brueil Bertin, assis ouprès de Peyré de Vouluyre, appartenant à sa dicte maistresse, et en plusieurs autres lieux illec environ, aussi à elle appartenans ; èsquelz lieux il fist syer, cueillir et lever certains droiz et terrages de blez, et mesmement le terrage d’une pièce de terre en laquelle, l’an paravant, Pierre Pourceau

Il est dit, quelques lignes plus bas, que Pierre Pourceau était seigneur de Combaron. On voit par un autre acte du 16 novembre 1446, que le Puy-Faucillon, arrière-fief mouvant de la Châteigneraye, lui appartenait aussi. (Aveu de cette date, rendu au connétable de Richemont, sr de Parthenay, Vouvant, Mervent, etc., par Germain de Vivonne chevalier, sr d’Aubigny, de la terre et seigneurie de la Châteigneraye, mouvant de Mervent. qu’il tenait à cause de sa femme, Marguerite de Brosse. Arch. nat., R1* 204, fol. 44.)

et Pierre Pigon se disoient avoir droit ; lequel droit de terrage ledit suppliant a fait pareillement cueillir et lever l’an derrenierement passé, et à ceste occasion lesdiz suppliant, Pourceau et Pigon, qui après ce se trouvèrent en ladicte terre tous ensemble, eurent entre eulx plusieurs parolles. Après lesquelles eulx trois accordèrent, appointèrent et consentirent d’un commun accord, et mesmement ledit suppliant, qui de tout son cuer vouloit eschiver et eviter noise et debat, que les gerbes de par lui cueillies et prinses pour le droit dudit terrage en ladicte pièce de terre feussent mises ès mains d’un nommé Choupeau, qui estoit fermier ladicte année des terrages desdiz Pourceau et Pigon, pour en rendre compte et reliqua à qui il appartendroit, parmy ce que ledit Pourceau, qui estoit chief et faisoit l’ommaige des choses que avoient ensemble lesdiz Pourceau et Pigon, promist audit suppliant de monstrer et enseigner à ladicte de Belleville, ou son procureur pour elle, dedans les prouchaines assises qui seroient tenues de par elle audit lieu du Brueil Bertin, par adveuz anciens ou autrement, que ladicte terre qu’il disoit tenir d’elle lui appartenoit. Depuis lequel appoinctement, lesdictes assises ont esté tenues, mais lesdiz Pourceau et Pigon n’ont point enseigné du droit qu’ilz disoient avoir en ladicte terre, et ledit suppliant, en gardant le droit de sa dicte maistresse, fist, le xiie jour de juillet derrenier passé, prandre et lever le droit et terrage de ladicte pièce de terre ; et ce fait, s’en ala d’illec et mena avec lui le curé de Coussay

Sic. Peut-être est-ce une faute de transcription pour « Foussais ».

qu’il avoit convyé ou semons boire avec lui en l’oustel d’un nommé Mathelin Nau, appellé la Barrauderie. Ouquel hostel, après ce que lesditz suppliant et curé de Coussay eurent demouré demie heure ou environ, et qu’ilz eurent beu et prins leur reffection, et plusieurs autres qui y estoient et beuvoient oudit hostel, eulx estans à table, survindrent à la porte dudit hostel les diz Pourceau et Pigon, lesquelz hurtèrent et sonnèrent à l’uys dudit hostel. Et lors ledit Mathelin Nau ou autre de par lui alèrent devers eulx à l’uys ; lesquelz demandèrent qui estoit oudit hostel. Lequel Nau ou autre de par lui qui ala à l’uys parler à eulx, respondit que lesditz suppliant et curé y estoient, qui beuvoient ensemble. Et après ce, ledit suppliant demanda qui estoit et qui avoit appellé à l’uys ; auquel fut respondu que c’estoient lesdiz Pourceau et Pigon. Et lors ledit suppliant, qui estoit encores à table, regarda vers ladicte porte et apparceut ledit Pourceau qui estoit à cheval, qui regardoit par ladite porte oudit hostel. Lequel suppliant appella ledit Pourceau, qui est seigneur de l’ostel de Combaron, qui est près dudit lieu de Peyré de Veluyre, et lui dist telles parolles : « Monsieur de Combaron, descendez et venez boire. » Lequel Pourceau, ensemble ledit Pigon descendirent et vindrent devers ledit suppliant, et à la table où il estoit se assirent l’un d’un costé et l’autre d’autre. Et incontinant qu’ilz feurent assis à table, ledit Pourceau dit audit suppliant qu’il leur tenoit tort. Lequel suppliant lors benignement et doulcement leur respondit qu’il ne leur en cuidoit pas tenir, et que, s’il leur en tenoit, il l’amenderoit voulentiers. Lequel Pourceau lors en ce affectionné dist audit suppliant qu’il leur avoit saisi, prins et empesché ce qu’ilz tenoient de ladicte de Belleville, envers laquelle ilz avoient bien fait leur devoir, et pour ce lui requist qu’il leur feist la delivrance et recreance des choses prinses, saisies et empeschées. Lequel suppliant lors leur respondit qu’il n’avoit riens fait saisir ne empeschier et qu’il n’estoit point seneschal, et par ce n’avoit puissance de faire lesdites delivrance et recreance. Lequel Pourceau, non content de ladicte responce, lui deist qu’il ne les lui daigneroit plus demander, mais s’en yroit à Fontenay le Conte devers le seneschal de ladite de Belleville, dame de Rochecervière, auquel pour les avoir il ne diroit que deux motz. Après les quelles parolles, ledit suppliant envoia querir le sergent de sadite maistresse qui estoit près d’illec, et lui venu devers lui, demanda en la presence desdiz Pourceau et Pigon s’il avoit aucune chose saisi dudit Pourceau. Lequel sergent lui respondit que non, et pour ce ledit suppliant, comme procureur de sadicte maistresse, commanda audit sergent qu’il meist en la main de ladite de Belleville, sa maistresse, tout ce que lesdiz Pourceau et Pigon tenoient en son fief par deffault de fief non rendu, ce que ledit sergent fist, et le fist assavoir et notiffia ausdiz Pourceau et Pigon, qui illec estoient presens. Et ce fait, ledit Pigon demanda audit suppliant s’il estoit procureur de ladicte de Belleville et que s’il l’estoit, qu’il lui monstrast sa procuracion. Lequel suppliant lui respondit se c’estoit à lui, en l’appellant monseigneur, à qui il devoit monstrer sa procuracion, eulx estans encores à table. Et lors lesditz Pigon et Pourceau se levèrent d’icelle table, et en eulx levant, ledit Pigon dist rigoureusement audit suppliant telles parolles ou semblables : « Je ne suis point seigneur ; je suis Pierre Pigon et vous estes François Cornu ! » Le quel suppliant, courroussé et desplaisant de ce que ledit Pigon l’avoit injurié, comme il lui sembloit, de l’avoir appellé François Cornu, et aussi de ce que lesditz Pourceau et Pigon s’estoient ainsi impetueusement et soudainement levez de ladite table, et doubtant qu’ilz le voulsissent plus fort injurier, attendu le façon et la manière comment ilz estoient venuz oudit hostel, se leva aussi de ladicte table et passa au travers d’icelle, et se tira près dudit Pigon et le frappa du poing sur le visaige, en lui disant qu’il yssist et sortist hors dudit-hostel. Et non content de ce, tira son espée toute nue et du plat et pommeau d’icelle frappa plusieurs coups ledit Pigon en plusieurs parties de son corps, le mist hors dudit hostel environ quatre ou cinq pas, en poursuivant et frappant tousjours ledit Pigon de sadicte espée, sans avoir entencion de lui faire autre mal. Lequel Pigon s’en ala et eslongna dudit suppliant, lequel s’arresta et ne le poursuivit plus ; et n’avoit entencion de le poursuir ne porter aucun dommaige. Mais ledit suppliant vist et apperceut que ledit Pigon, quant il fut ung peu eslongné dudit suppliant, amassa et prist en ses mains une ou deux pierres ; lequel suppliant, doubtant que d’icelles pierres ledit Pigon le voulsist frapper, icellui suppliant qui encores tenoit sadite espée toute nue en la main, courit après ledit Pigon, et lui donna du tranchant de sadite espée ung seul coup sur sa teste, dont yssut grant effusion de sang. Duquel coup ledit Pigon cheut et tomba à terre et, neuf ou dix jours après, par faulte de gouvernement et d’estre bien pensé, ou autrement, ledit Pigon est alé de vie à trespassement. A l’occasion duquel cas ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du païs et n’y oseroit jamais retourner ne repairer, se nostre grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties. Humblement requerant que, attendu ce que dit est et que ledit suppliant est noble de toutes lignes et dès son enfance nous a servy ou fait de noz guerres, et a esté et est homme de bon fame, renommée et honneste conversacion, sans avoir esté jamais actaint ne convaincu d’aucun villain cas, blasme ou reprouche, et qu’il n’avoit aucune entencion de mesfaire ne mesdire audit Pigon, mais l’avoit appellé et ledit Pourceau par bonne amour, pour boire avec lui, et qu’ilz furent agresseurs de parolles et commancèrent la noise en disant audit suppliant qu’il leur tenoit tort, et encores ledit Pigon, non content de ce, eust injurié ledit suppliant en l’appellant François Cornu, et que lors ledit suppliant ne leur avoit mesfait, etc, il lui plaise lui impartir nosdites grace et misericorde. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes aux seneschaulx de Poictou et de Xantonge et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Prully en Touraine, ou mois d’aoust l’an de grace mil cccc. cincquante quatre, et de nostre règne le xxxiie.

Ainsi signées : Par le roy, à la relacion du conseil. M. Gavingneau. — Visa. Contentor. N. Du Brueil.

MCCLVII 20 janvier 1455

Rémission accordée à Robin Collet, archer des ordonnances, coupable d’un homicide par imprudence en tirant de l’arc à Saint-Liguaire près Niort, où sa compagnie était logée.

AN JJ. 191, n° 62, fol. 33 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 398-400

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Robin Collet, archier de nostre ordonnance, en la compaignie de nostre ami et feal cousin le sire de Loheac

André de Laval, sire de Lohéac, amiral puis maréchal de France, seigneur de Pouzauges et de Tiffauges par son mariage (1451) avec Marie de Laval, fille unique du fameux Gilles de Rais et de Catherine de Thouars, dame desdites terres et seigneuries (cf. le vol. précédent, p. 119, note, 199, note), avait été, après la réforme de l’armée, mis à la tête des forces militaires en garnison dans le Bas-Poitou, qui comprenaient 60 lances des ordonnances et 120 archers (ordonnance de Luppé-le-Châtel, 26 mai 1445, édit. E. Cosneau, Le Connétable de Richemont, in-8°, p. 611). Ses gages en cette qualité étaient de 20 sous tournois par lance fournie et par mois, et de 120 livres par an pour les archers. Ces hommes d’armes recevaient 15 livres par mois et les archers 7 livres 10 sous ; leur solde était payée avec les gages du chef par Antoine Vousy, « commis à recevoir en Poitou l’impôt derrenièrement mis sus pour le vivre, soulde et entretenement des gens d’armes logez en icelluy païs. » On possède cinq quittances du sieur de Lohéac, signées André de Laval, et scellées sur simple queue : 1° 4 janvier 1447, quittance de 720 livres pour ses gages de l’année 1446 ; — 2° 4 janvier 1449, ses gages de l’année 1448 ; — 3° 14 janvier 1449, quittance de 21.600 livres pour la solde de ses 60 lances et 120 archers, pour la même année ; — 4° 13 juillet 1449, quittance de 11.160 livres, soit 10.800 livres pour la solde de ses hommes et 360 livres pour ses gages des six premiers mois de 1449 ; il commandait alors à ces troupes, sur la frontière du Maine et de Normandie ; — 5° 28 novembre 1450, quittance de même somme à lui payée, non plus par Antoine Vousy, mais par le receveur général de Normandie. (Bibl. nat., ms. fr. 28.152, n° 1668 des Pièces originales, nos 48 à 51 et 53.)

, mareschal de France, aagé de trente ans ou environ, natif de nostre païs de Normandie, contenant que, le xe jour de septembre derrenier passé, ledit suppliant et autres archiers de la dicte compaignie, lors logiez au lieu de Saint Legaire près Nyort, iceulx archiers estans hors dudit lieu de Saint Legaire, en certaines praeries estoient assemblez pour jouer et tirer de l’arc, et se prindrent à tirer au loing. Et advint que, ainsi que ledit suppliant eut tirée une flèche de son arc, en tirant à l’avanture le plus loing qu’il povoit, la dicte flèche chey en ung pré appellé la Bardonnière, sur le visaige d’un nommé Jehan Gaudart, qui estoit oudit pré, lequel ledit suppliant ne veoit point et ne cuidoit point qu’il y eust personne ; laquelle chose venue à la notice dudit suppliant et de ses diz autres compaignons, ilz en furent moult courrocez et desplaisans, et mesmement ledit suppliant qui ne l’avoit aucunement veu ne apparceu, et n’avoit oncques eu debat ou noise avecques lui. Lequel Gaudart, à l’occasion dudit coup, quatre jours après ala de vie à trespassement. Pour occasion duquel cas ainsi avenu par tel inconvenient et avanture comme dit est, ledit suppliant doubte que on vueille proceder contre lui par rigueur de justice se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, humblement requerant, etc. Pour quoy nous, ce que dit est consideré et les services que ledit suppliant nous a faiz ou fait de noz guerres, audit Robin Collet avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Mehun sur Yèvre, le xxe jour du mois de janvier l’an de grace mil cccc. cinquante quatre, et de nostre règne le xxxiiie.

Ainsi signées : Par le roy, à la relacion du conseil. N. Du Brueil. — Visa. Contentor.

MCCLVIII Janvier 1455

Rémission en faveur de Berthomé Auferrat, considéré comme complice du massacre, par dix habitants de Château-Guillaume en Poitou, d’un traînard de la compagnie du capitaine Bois-Glavy, dont les gens de guerre avaient commis des meurtres et des pillages dans ledit bourg.

AN JJ. 191, n° 60, fol. 32 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 400-401

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Berthomé Aufferrat, dit Bonneau, povre homme de labour, contenant que, xviii. ans a ou environ et durant les guerres et divisions qui ont eu cours en ce royaume, et que les gens de guerre qui estoient lors sur les champs faisoient plusieurs grans excès, dommaiges et oultrages au pouvre peuple, ung nommé Boys Glavy, lors cappitaine de gens d’armes, vint par nuyt et d’emblée avecques plusieurs gens de guerre ou bourg de Chastel Guillaume ou païs de Poictou, ou quel bourg ilz se logèrent et y tuèrent plusieurs hommes et femmes et certaine quantité de bestiail, et après ce pillèrent ledit bourg et s’en alèrent en ung autre bourg appellé Vouhet. Et le jour que iceulx gens de guerre deslogèrent dudit bourg de Chastel Guillaume, et ainsi que trois desdiz gens de guerre de la compagnie dudit Boys Glavy, qui estoient demourez derrière, s’en aloient après leurdit cappitaine, en passant auprès d’un petit boucage de boys près dudit Chastel Guillaume, ilz trouvèrent trois hommes dudit païs qui avoient perdu pluseurs de leurs parens et amis et grant quantité de leurs biens par ledit Boys Glavy et ses gens, lesquelz alèrent après lesdiz trois hommes de guerre, et appellèrent ledit suppliant qui gardoit des bestes près d’ilec pour les acompaigner. Lequel y ala et les suivy. Et incontinant que iceulx trois hommes dudit païs eurent aconceuz lesdiz gens de guerre, ilz leur demandèrent s’ilz estoient des gens d’armes, lesquelz respondirent que oy, et sur ce se meut debat entre eulx, tellement que l’un desdiz trois hommes de guerre fut frappé d’un espiot par l’un desdiz trois hommes dudit païs ; et tantost après ledit suppliant arriva audit debat, en entencion de secourir et aider ausdiz trois hommes dudit païs, se besoing en eussent eu. Et quant il fut ilecques arrivé, ledit homme de guerre qui estoit blecié, s’en vint vers lui et lui dist teles ou semblables parolles : « Je suis mort et me rens à vous. Ces gens ycy m’ont blecié », et se print de la main audit suppliant, lequel lui dit : « Vous n’en mourrez jà. » Mais tantost après il ala de vie à trespassement ou champ et en la place où il estoit. Pour occasion duquel cas, dont ledit suppliant n’est autrement coulpable que dit est, et ne frapa aucunement icellui homme de guerre qui est ainsi alé de vie à trespassement, ne n’estoit present à l’eure qu’il fut mutilé et blecié, mais y arriva incontinant après, comme dessus est dit, doubtant rigueur de justice, il n’oseroit jamais seurement demourer oudit païs, se nostre grace et misericorde ne lui estoit sur ce impartie, requerant humblement icelle. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant avons le fait et cas dessus diz quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Mehun sur Yèvre, ou moys de janvier l’an de grace mil cccc. cinquante et quatre, et de nostre règne le xxxiiie.

Ainsi signées : Par le roy, à la relacion du conseil. J. Rogier. — Visa. Contentor. Chaligaut.

MCCLIX Janvier 1455

Lettres de rémission octroyées à Jean de La Vignolle, demeurant à Auzon, coupable du meurtre de Jean Hignon, sergent de Châtellerault, qui avait débauché sa femme.

AN JJ. 191, n° 71, fol. 38 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 402-405

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan de La Vignolle le jeune et sa femme, contenant que, cinq ou six ans a ou environ, lesdiz supplians avecques leur mesnaige s’en alèrent demourer en la ville de Chastelleraut, en laquelle ledit de La Vignolle s’est meslé de gangner ses journées au mieulx qu’il a peu, pour avoir la vie et substentacion de lui, sadicte femme et mesnaige, et en icelle a acheté une petite maison pour soy retraire et demourer, ensemble son dit mesnaige. Et depuis y ont lesdiz supplians conversé paisiblement et demouré sans y avoir riens meffait ne mesdit à personnes quelxconques, jusques a puis deux ou trois mois ença, que lesdiz supplians avecques leur dit mesnaige sont alez demourer en ung villaige appellé Auzon près ladicte ville de Chastelleraud, et ont vendue leur dicte maison qu’ilz avoient oudit Chastelleraud, où ledit de La Vignolle estoit bien amé, à l’occasion de ce que ung nommé Jehan Hignon, sergent dudit Chastelleraut, se retiroit et frequentoit souvant la maison desdiz supplians, et en icelle prioit ladite femme d’amours et avoit sa compaignie charnelle. Et pour ce que ledit Jehan de La Vignolle l’apperceut et qu’il le trouvoit souvant en sa dicte maison, quant il venoit de gangner sa journée, lui dist qu’il ne lui plaisoit point qu’il hantast ne frequentast sa dicte maison, en aucune manière, et lui deffendy qu’il n’y frequentast plus, ou si non qu’il se courrouceroit avecques lui en telle manière qu’il s’en pourroit bien appercevoir. Mais ce non obstant ledit Hignon y aloit et frequentoit tousjours en son absence, pour fortraire sa dicte femme. Dont à ceste occasion ledit de La Vignolle, veant que ledit Hignon ne se vouloit deporter de hanter et converser en sa maison pour fortraire sa dicte femme ne pour deffense qu’il lui eust faicte, se tira par devers le juge dudit lieu de Chastelleraut et lui pria qu’il fist ou fist faire deffense audit Hignon que dès lors en avant il ne frequentast ne hantast en sa dicte maison. Laquelle deffense fut faicte audit Hignon par justice, et lui fut dit et notiffié que, s’il aloit plus en ladicte maison desdiz supplians, que icellui de La Vignolle le pourroit courroucier et endommaigier du corps, ainsi que autresfoiz il lui avoit dit. Non obstant laquelle deffense ledit Hignon, le lundi xxe jour de ce present mois de janvier, se parti de ladite ville de Chastelleraut et s’en ala audit lieu d’Auzon, et ainsi qu’il y aloit passa par ung lieu appellé Garlope, ouquel ledit de La Vignolle et ung nommé Jehan Camyn, besson, estoient et besongnoient de leur mestier de bessonnerie

Un « besson » était un pionnier un terrassier, celui qui remue la terre avec une bêche. (Godefroy, Dict. de l’anc. langue française.)

en ung certain pré appartenant à ung nommé François Bodin ; lesquelz ledit Hignon salua. Auquel Hignon ledit Camyn demanda où il aloit. Lequel Hignon lui respondit qu’il s’en aloit à Senon, pour Robin Bienassis, et après tira son chemin et s’en ala droit audit lieu d’Auzon, auquel il se rendi et se transporta en la maison desdiz supplians, en laquelle il trouva ladicte femme dudit de La Vignolle et ung jeune clerc appellé Jehan de La Chaume, demourant en la Maison Dieu dudit Chastelleraud, qui estoit venu veoir le filz desdiz supplians, auquel il monstroit et enseignoit à l’escole. Auquel clerc le dit Hignon dist, après ce qu’il eust mis une pièce de char qu’il avoit apportée avecques lui sur la table de ladite maison, qu’il s’en alast hors d’icelle. Lequel suppliant, veant que ledit Hignon s’en aloit droit audit lieu d’Auzon, doubtant qu’il s’en alast en sa maison, se departi de sa besongne d’avecques son compaignon, et lui dist qu’il s’en aloit en sa maison, et faynist qu’il alast querir une piarde

« Piarde », sorte de pioche. (Godefroy, Dict. de l’anc. langue française.)

et une sarpe, de quoy il avoit à besongnier. Et quand il fut près de sa dite maison, entendit en icelle ledit Hignon qui parloit à sa femme et lui disoit telles parolles ou semblables : « Venez ça, fermez l’uys », et la prist au collet de sa robe. Auquel Hignon ladicte femme respondit qu’elle n’yroit point à lui, et lui dist qu’il s’en alast hors de sadicte maison, car se son mary venoit, il les feroit tuer tous deux. Lequel Hignon lors lui dist qu’elle se teust et qu’elle estoit bien sote de ce dire, car il avoit laissié son dit mary en sa besongne avec le mary de la belle Rouère. Laquelle femme lors sorti hors dudit hostel et rencontra ledit de La Vignolle, son mary, qui lui dist et demanda qui estoit cellui qu’il avoit oy parler à elle ; laquelle respondit que c’estoient les enfans et leur clerc qui les estoit venuz veoir, qui s’en aloit. Lequel de La Vignolle lors lui dist qu’elle l’appellast, cuidant que ledit Hignon qui estoit dedans ladite maison, s’en yssist d’icelle. Lequel Hignon, pendant ces parolles, sortit hors de ladicte maison ; auquel ledit de La Vignolle demanda lors qui l’avoit amené en sa dite maison, ne pour quoy il y estoit venu, attendu qu’il la lui avoit deffendue par pluseurs foiz et fait deffendre, et lui avoit dit qu’il ne lui plairoit point qu’il y venist. Et en disant ces choses, ledit de La Vignolle s’aprouchoit tousjours dudit Hignon, et tenoit en sa main une pelle. Lequel Hignon, qui avoit aussi en sa main ung baston de late, quant il vit que ledit de La Vignolle s’approuchoit de lui, commença à lever son baston et frappa d’icellui ledit de La Vignolle sur le braz. Lequel, soy sentant ainsi frappé, tira ung cousteau qu’il avoit et d’icellui frapa deux ou trois coups ledit Hignon sur la poictrine du cousté senestre. Et quant ledit Hignon se sentit ainsi frappé, prist et empoigna le cousteau dudit de La Vignolle par le transchant tellement qu’il se coppa les doiz d’une main. Et après se prindrent tous deux au corps et cheurent à terre ; et quant ilz furent ainsi cheuz, ladicte femme print la pelle de son dit mary, et d’icelle frappa deux ou trois coups sur la teste dudit Hignon, en lui disant : « A truant, paillart, veulx tu tuer mon mary ! » Lesquelz de La Vignolle et Hignon lors se levèrent, tenans tous deux ledit cousteau ensemble dudit de La Vignolle, lequel dist audit Hignon qu’il lui laschast son dit cousteau. Lequel Hignon lui respondit qu’il le lui lascheroit parmi ce qu’il ne l’en frapperoit plus. Lequel de La Vignolle dist que non feroit il, et par ce moien lascha ledit Hignon ledit cousteau, et baillèrent la main l’un à l’autre ; et après se departirent, et s’en ala ledit Hignon. Et quant il fut environ un giect de pierre loing de ladite maison, il tumba à terre, et ilec incontinant, à l’occasion desdiz coups, il ala de vie à trespassement. A l’occasion duquel cas, lesdiz supplians, doubtans rigueur de justice, s’en sont fouiz et retirez en franchise en l’eglise…

Le nom de l’église est resté en blanc au registre.

, de laquelle ilz n’oseroient jamais partir ne converser audit lieu d’Auzon ne ailleurs ou païs, pour doubte de punicion corporelle, se nostre grace et misericorde ne leur estoient sur ce imparties, humblement requerans, etc. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, ausdiz supplians avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes aux seneschaulx de Poictou et de Xantonge, gouverneur de la Rochelle et bailli de Touraine et des ressors et Exempcions d’Anjou et du Maine, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Mehun sur Yèvre, ou mois de janvier l’an de grace mil cccc. cinquante quatre, et de nostre règne le xxxiiie.

Ainsi signées : Par le roy, à la relacion du conseil. Gauvigneau. Visa. Contentor. D’Asnières.

MCCLX Juin 1455

Rémission octroyée à Colas Cueillart qui avait frappé à mort Jean Boucart, au cours d’une rixe survenue entre eux parce que ce dernier, bien qu’il fût l’obligé de Cueillart, voulait le déposséder de la ferme des moulins de la Petitière en la châtellenie de Palluau.

AN JJ. 191, n° 131, fol. 70 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 406-409

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Colas Cueillart, povre homme, musnier, chargé de femme et de plusieurs enfans, demourans en la chastellenie de Paluyau ou bas païs de Poictou, contenant que, ou mois d’avril derrenier passé mil iiiic cinquante et cincq, le dit suppliant ala à la foire du Poiré sur la Roche, à laquelle foyre il achetta deux jeunes pourceaulx pour nourrir et, le landemain de ladite foire retourna en son hostel en ladite chastellenie de Paluyau et y mena ses diz deux pourceaulx ; et luy venu, sadite femme qui estoit oudit hostel, incontinent qu’elle vit les diz deux pourceaulx, luy dist qu’il avoit achettez iceulx deux pourceaulx sans cause et qu’il n’avoit de quoy les nourrir, pour ce que Jehan Boucart, musnier, avoit nouvellement, au desceu dudit suppliant et en entreprenant sur luy, affermez les molins de la Petitière, lesquelz le dit suppliant avoit tenuz à ferme plus de douze ans et y avoit mis meules, moulaiges et fait plusieurs grandes reparacions, et que icelluy Boucart le garderoit bien de nourrir du fait desdiz molins iceulx pourceaulx. Lesquelles parolles icelluy suppliant ne creut pas prumptement et se courrossa très fort à soy mesmes et fut en grant esmay, disant en soy mesmes qu’il ne croioit pas que ledit Boucart eust prins à ferme sur luy lesdiz molins de la Petitière, pour ce qu’il avoit fait audit Boucart plusieurs plaisirs, comme de luy avoir presté blé, argent et baillé molins à faire mouldre, que icellui suppliant tenoit à ferme pour l’entretenir, pour la grant amour qu’il avoit avec luy. Et incontinent ledit suppliant, voyant que le molin à vent du Chiron, appartenant à Loys Voyer, chevalier, mouloit, lequel le dit Bouchart faisoit mouldre à son prouffit, par le moien dudit suppliant, qui le tenoit à ferme dudit chevalier, et auquel Boucart ledit suppliant l’avoit delaissé, se transporta tout courrocé et desplaisant des parolles que sa dicte femme luy avoit dictes, jusques audit molin du Chiron, pour savoir à icellui Boucart s’il avoit prins sur luy à ferme lesdiz molins de la Petitière. Lequel molin du Chiron ledit suppliant trouva entrefermé et oït parler dedens icelluy molin ledit Boucart et ung nommé Perrot Mestoier. Auquel Perrot ledit Boucart disoit qu’il avoit prins à ferme les diz molins de la Petitière, et vouloit aler devers la dame dudit lieu pour conclurre la dite ferme. Et incontinent ledit suppliant entra oudit molin, très fort courrocé et desplaisant, comme dit est, et plus que devant, et s’apuya contre la met dudit molin, et y fut une espace de temps sans parler. Et quant il y eut ainsi esté une pièce, requist et demanda audit Boucart qu’il le paiast et contentast de neuf boesseaulx de seigle et cinq solz qu’il luy devoit à cause de prest. A quoy ledit Boucart respondi bien malgracieusement audit suppliant, et luy dist qu’il ne luy devoit pas tant et si grant debte et qu’il n’en seroit pas encores paié et qu’il attendroit, s’il vouloit. A l’occasion de laquelle responce, les diz suppliant et Boucart eurent plusieurs parolles rigoureuses ensemble, par le moien desquelles ilz se prindrent l’un l’autre au corps, et ledit Mestoier se mist entre eulx deux, pour cuider empescher qu’ilz ne s’entremeffeissent, et comme ilz s’entretenoient, ledit suppliant qui se trouva empressé entre les dessus diz Boucart et Mestoier, doubtant que icelluy Boucart le voulsist tuer, et que ledit Mestoier luy aidast, tira ung petit cousteau qu’il avoit acoustumé de porter, duquel il ferit ledit Boucart deux cops, l’un en la cuisse et l’autre ou rouseau de l’espaule. Et si tost que ledit suppliant vit le sang courir desdites playes, fut de ce très desplaisant et courrocé, en disant telles parolles ou semblables en substance : « Maudite soit l’eure que oncques je fus né. » Et en icelle mesmes heure, ledit suppliant s’en retourna à sa maison. Et ledit Boucart qui perdi grant quantité de sang par lesdites playes, dist, durant sa maladie, qu’il estoit cause de sa mort, en requerant justice qu’elle ne feist aucune poursuite contre ledit suppliant pour ledit cas et qu’il luy pardonnoit de bon cuer et luy pardonna ledit cas, et avoit tenu et tenoit grant tort à icelluy suppliant. Et le xie jour après ensuivant, par le moien desdiz cops ou par default de bon pensement et gouvernement, ledit Boucart ala de vie à trespassement. A l’occasion duquel cas, ledit suppliant s’est absenté du païs, ouquel il n’oseroit jamais retourner ne en icelluy ne ailleurs en nostre royaume soy tenir ne estre seurement, doubtant rigueur de justice et que l’en voulsist contre luy proceder à pugnicion corporelle et autrement rigoureusement, se nostre grace et misericorde ne luy estoit sur ce impartie, humblement requerant que, attendu ce que dit est et qu’il n’avoit aucune intencion de tuer ledit Boucart et n’avoit, paravant lesdites parolles à luy dictes par sadite femme, aucune rancune contre luy, ains l’avoit en grant recommandacion et luy avoit fait plusieurs plaisirs, et qu’il frappa lesdiz coups par chaude colle, luy estant en doubte dudit Boucart, etc., il nous plaise nostre dite grace et misericorde luy impartir. Pour ce est il que nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant, en faveur de sadite femme et enfans, avons ou cas dessusdit quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Bourges, ou mois de juing l’an de grace mil cccc. cinquante et cinq, et de nostre règne la xxxiiie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Des Vergiers. — Visa. Contentor. J. Du Ban.

MCCLXI Juin 1455

Rémission octroyée à Pierre de Sazay, écuyer, coupable du meurtre de Philippot de Châteauneuf, son beau-frère, pendant une discussion provoquée par ce dernier au sujet de la succession de Méry Regnoux, sr de Champmargoux, leur beau-père.

AN JJ. 191, n° 149, fol. 79 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 409-412

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Pierre de Saray

Pierre de Saray, ou mieux de Sazay, écuyer, tenait « à cause de sa femme, à hommage plain, la dixme du fié des Groyes assis en la paroisse de Béceleuf, desclaré plus à plein par ledit fief ». (Livre des hommages et aveux dus à Richemont, seigneur de Parthenay, Arch. nat., R1* 190, fol. 264.) Dans un aveu rendu le 19 mars 1460 n.s. au sieur de Parthenay (Dunois), par le sieur du Fontenioux, pour son hôtel du Fontenioux, l’hébergement de la Marière, etc., on lit que la Mothe-Barret et ses appartenances étaient tenus de lui sous ledit hommage, à foi et hommage lige par Pierre de Sazay, qui avait sous lui plusieurs hommes de foi et roturiers. (A. Richard, Archives du château de la Barre, t. II, p. 205.) Peut-être était-il le fils d’Aimery de Sazay (lui-même fils de Jean de Sazay) et de Guillemette de La Forest, fille de Jean de la Forest, dit de Mons, que l’on trouve en procès, l’an 1430, contre Pierre Thibault et Jeanne de Voulon, sa femme, au sujet des hébergements de Gourdon et de Romefort en la châtellenie de Saint-Maixent, valant 60 livres de rente, et qui avaient appartenu à Aimery Bar. En 1408, lors des fiançailles d’Aimery de Sazay et de Guillemette (celle-ci étant âgée de huit ans et son futur époux de dix ans), il avait été convenu que ces deux terres leur seraient données en faveur de leur mariage. (Ordre de faire une enquête sur place, le 13 décembre 1430, Bibl. nat., ms. fr. 29143, Pièces originales, 2659, n° 3.)

, escuier, contenant que luy et feu Philippot de Chasteauneuf furent jà pieça conjoincts par mariage, c’est assavoir ledit suppliant avecques Katherine Regnouhe et ledit feu de Chasteauneuf avecques Jehanne Regnouhe, seurs, filles et heritières de feu Mery Regnoux, en son vivant, seigneur de Champmargoux, et de Marguerite Jenvre

Marguerite Janvre épousa, le 24 janvier 1419. « Aimery Renoul, écuyer », dit d’Hozier, cité par Beauchet-Filleau. (Dict. des familles du Poitou, 1re édit., t. II, p. 244.)

, sa femme ; lequel feu de Chasteauneuf, qui en son vivant estoit homme brigueux et rioteux, se transporta naguères audit lieu de Champmargneux (sic), auquel lieu ledit suppliant et sa femme, comme à eulx appartenans à cause d’elle, pour leur droit de ainsnesse, faisoient et font leur demourance. Lequel de Chasteauneuf ledit suppliant receut bien et doulcement et luy donna à disner à bonne chère ; et après qu’ilz furent comme à la fin du disner, ledit de Chasteauneuf commença à parler rigoureusement avec ledit suppliant touchant la succession dudit feu Mery Regnoux, qui encores estoit par indivis entre eulx, et entre autres choses luy dist telles parolles ou semblables : « Pierre de Sazay, vous prenez tousjours le mien. Noz mestaiers vous ont donné deux chevreaux ; j’en devroye aussi bien avoir deux comme vous. » Lequel suppliant luy respondi que Guybaust de Chasteaubourdin leur en devoit ung, et qu’il le prist ou l’envoyast querir, se bon luy sembloit. A quoy ledit feu de Chasteauneuf respondit qu’il n’en vouloit point, pour ce qu’il estoit trop mesgre. Et lors ledit suppliant luy dist qui leur en estoit deu aussi deux à Bauçay et qu’il en prist ung. Après lesquelles parolles et plusieurs autres qu’ilz eurent ensemble touchant ladicte succession et la revenue d’icelle, ledit feu de Chasteauneuf, qui ne queroit que mouvoir debat et noise entre eulx, dist de rechief audit suppliant qu’il prenoit tousjours du sien, et qu’il avoit prins du mestaier de Vernichamp la somme de sept solz six deniers tournois, en la quelle somme il avoit sa part. Lequel suppliant lors luy dist et respondi que au regard desdiz sept solz six deniers, il estoit prest de luy en bailler sa part, et que autre chose il n’avoit de luy. Mais ledit feu de Chasteauneuf, en perseverant tousjours en sa malice, dist d’abondant audit suppliant que tousjours il prenoit du sien, et que ladite Marguerite Jenvre, mère de leurs dites femmes, le nourrissoit et luy aidoit à vivre, chacune année, de plus de cent solz. Lequel suppliant qui estoit homme doulx et paisible, bien famé et renommé, et nous a servi ou fait de noz guerres, et estoit encores assis à table, au devant dudit feu de Chasteauneuf, pour obvier à tous debatz, respondi tout doulcement audit de Chasteauneuf que ladite Jenvre, mère de leurs dites femmes, ne le nourrissoit point, et que si elle luy faisoit aucuns biens, il le deserviroit bien envers elle. Lequel feu de Chasteauneuf dist que si faisoit, et ledit suppliant luy dist que non. Et lors ledit de Chasteauneuf, qui encores estoit assis à table, se leva et en soy levant et tenant la main à sa dague, luy dist qu’il mentoit. Auquel ledit suppliant respondi que c’estoit luy qui mentoit. En disant lesquelles parolles, lesdiz suppliant et Chasteauneuf, qui estoient esmeuz à l’occasion d’icelles parolles et avoient bien beu ensemble durant leur dit disner, tirèrent leurs dagues. Lequel suppliant, veant ledit de Chasteauneuf esmeu et qu’il tenoit sa dague en sa main, doubtant que de sa dite dague il le frappast, pour ce qu’il s’estoit impetueusement levé de table, donna et frappa à icelluy de Chasteauneuf ung cop seullement de sa dague par la poictrine, du costé senestre. Après lequel cop frappé, ledit feu de Chasteauneuf monta sur le banc où il estoit assis, pour frapper de sa dite dague et cuider tuer ledit suppliant qui estoit assis devant luy à table, comme dit est, et s’efforça de frapper ou tuer ledit suppliant ; mais ceulx qui estoient presens oudit cas obvièrent à ce et se mirent entre deulx ; et ce fait, ledit suppliant mist sa dague ou fourreau, et descendit ledit feu de Chasteauneuf de dessus ledit banc, tenant sa dite dague en sa main, en disant qu’il estoit blecié, et luy dist [ledit suppliant], comme dolant et courrocé de l’avoir frappé, que maudictes feussent ces femmes. A l’occasion duquel cas, ledit de Chasteauneuf est depuis alé de vie à trespassement. Lequel suppliant, à l’occasion dudit cas, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du païs et n’y oseroit jamais retourner ne converser, se noz grace et misericorde ne luy estoient sur ce imparties, humblement requerant que, attendu ce que dit, que ledit feu de Chasteauneuf fut agresseur de parolle et mist la main à la dague impetueusement, que ledit suppliant nous a par cy devant bien et loyaument servi ou fait de noz guerres, et qu’il est bien famé, etc., il nous plaise luy impartir nostre dite grace. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, aux seneschaulx de Poictou, de Xanctonge et Limosin, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Bourges, ou mois de juing l’an de grace mil cccc. cinquante et cinq, et de nostre règne le xxxiiie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. De Puigiraut. — Visa. Contentor. J. Du Ban.

MCCLXII Juillet 1455

Rémission donnée en faveur de Jacques Punot, de Luçon, homme d’armes de la compagnie de Jean de Laperche, poursuivi pour le meurtre de Guillaume Morin, avec lequel il s’était querellé la veille à Luçon.

AN JJ. 191, n° 123, fol. 65 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 412-416

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Jaques Punot, jeune homme de l’aage de vingt deux ans ou environ, filz et heritier principal de feu Jehan Punot, homme de guerre estant à present à la garde de nostre ville de Bourc, soubz la charge de nostre bien amé Jehan de La Perche, dit Verdun

Ce Jean de La Perche, aliàs dit « Vredin », était seigneur de Velluire en Poitou, à cause d’Inde de La Rochechandry, sa femme. Le 15 août 1451, il rendit aveu au connétable de Richemont, seigneur de Parthenay, d’« ung viel chastel froust appellé le chastea de Chaillé », mouvant des château et châtellenie de Mervent. (Arch. nat., R1* 204, fol. 44 v°.)

, escuier, cappitaine de par nous de ladite ville de Bourc, contenant que, après le trespas dudit feu Jehan Punot, père dudit suppliant, et paravant, icelluy suppliant, qui est son heritier principal, s’est bien doulcement et paisiblement gouverné, sans avoir esté reprins, actaint ou convaincu d’aucun villain cas, blasme ou reprouche. Lequel suppliant, après le decès de sondit père, le landemain de la Penthecouste l’an mil iiiic xlix, se trouva en la ville de Luçon, en l’ostel de Simon Raffin, barbier, demourant audit lieu de Luçon, avec plusieurs marchans et autres gens dudit lieu de Luçon, lesquelz ainsi assemblez commancèrent par esbat à jouer pour le vin aux transchouers

Jeu du palet.

, pour les mettre et gecter au plus près d’une merche qui estoit sur une table ; avec lesquelz ledit suppliant joua par aucun temps et y guaigna plusieurs alées. Auquel lieu survint ung nommé Guillaume Morin, qui estoit homme grant et puissant de corps, varlet et serviteur d’un nommé Regnault Guymar

Un Jean Guymar était châtelain puis sénéchal de Talmont pour Louis d’Amboise, vicomte de Thouars (actes des 23 novembre 1444 et 17 juillet 1452. Cartulaire de l’abbaye d’Orbestier, t. VI des Arch. hist. du Poitou, p. 490, 527) ; il était en procès, au Parlement, les 5 et 8 juin 1469, contre Jean Chauvin, qui le poursuivait pour excès, ainsi que les autres officiers de Talmont. (Arch. nat., X2a 35, aux dates.) Ce nom paraît être le même que Gaymart, qui est celui d’une ancienne famille du Bas-Poitou. Dans la liste des complices de Georges de La Trémoille, que l’évêque de Luçon, Jean Fleury, poursuivit pour violences, pillages, vols et autres crimes commis à son préjudice, se trouve un Pierre Gaymart, de Luçon. (Cf. vol. précédent, Introduction, p. liii, note.)

, demourant audit lieu de Luçon. Lesquelz suppliant et Morin commencèrent à jouer ensemble audit jeu des transchouers l’un contre l’autre, et y jouèrent l’espace d’une heure ou environ, sans gaigner l’un sur l’autre ; et pour ce que pendant le temps que lesdiz suppliant et Morin jouoient ensemble audit jeu, aucunes personnes qui avoient à besoingner avec ledit suppliant pour avoir de l’erbe de ses prez, qu’il avoit audit lieu de Luçon, survindrent illec, icellui suppliant se departy dudit lieu et laissa le jeu. Et le dismanche ensuyvant, ledit suppliant estant devant la halle dudit lieu de Luçon, en la compaignie de plusieurs personnes notables, environ heure de midi, ledit Guillaume Morin, qui avoit une dague à sa saincture, courroucié de ce que ledit suppliant s’estoit paravant desparty d’avecques luy et avoit laissié ledit jeu, pour aler besongner avecques ceulx qui lui avoient demandé avoir l’erbe de ses diz prez, vint impetueusement contre ledit suppliant et lui dist telles parolles ou semblables : « Vien à la taverne parachever ton jeu », et lui tira le chapperon de dessus la teste. Et à ceste occasion, y eut illec dites entr’eulx aucunes grosses et rigoureuses parolles, combien que ledit suppliant se porta en tout bien gracieusement. Après les quelles choses, ledit Morin esmeu et courroucié, comme dit est, tira sadite dacgue qu’il avoit à sa sainture et dist audit suppliant qu’il la luy passeroit quatre doiz hors le travers du corps, en l’appellant « Villain, truant, paillart, filz de l’orde vieille », et que quelque part qu’il le trouveroit, qu’il le comparoit. A quoy ledit suppliant respondy qu’il avoit menty. Lequel Morin, en haine de ce ou autrement, le jour ensuyvant, environ souleil couchant, mena son cheval pour paistre en certains prez et domaines près dudit lieu de Luçon, à lui appartenans. Et ce venu à la congnoissance dudit suppliant et pour doubte dudit Morin, porta avec lui une espée qu’il avoit, et en soy retournant de ses diz prez, environ jour couché, il rencontra soubzdainement ledit Morin, lequel s’estoit arresté en ung carrefour près dudit lieu de Luçon, d’aguet apensé, pour attendre ledit suppliant. Auquel Morin ledit suppliant demanda qu’il attendoit là à l’aguet. Et tantost ledit Morin, qui aussi estoit seul, vint la dague nue, contre ledit suppliant, et d’icelle le voult frapper et tuer, s’il n’eust demarché. Et lors ledit suppliant, doubtant la personne dudit Morin, lequel estoit plus fort et puissant que lui, tira ladicte espée qu’il avoit, et ilec s’entrebaillèrent les diz suppliant et Morin plusieurs cops l’un à l’autre, et mesmement ledit suppliant frappa ledit Morin ung cop par la teste de la dicte espée et ung cop ou visaige, et luy bailla aussi ung autre cop en la cuisse. Les quelles choses dessus declairées ou la pluspart d’icelles ledit Morin a depuis confessées estre vrayes. Lequel Morin, pour soy faire guerir des diz cops et plaies, s’en ala d’ilec en l’ostel dudit Simon Raffin, barbier, où il se fist penser, sans ce que à l’occasion desdiz cops et plaies ledit Morin ait aucunement esté detenu malade au lit, et n’a point laissé à aler par tout, comme homme sain, pour quinze jours ou trois sepmaines, et ne demandoit que une escu audit suppliant pour son interest, et pour soy faire penser. Et depuis, pour certains excès qu’il fist, tant en portant certain bois de la forest dudit lieu de Luçon jusques audit lieu de Luçon, où il y a de distance de demye grant lieu ou environ, que pour autres excès qu’il fist en buvant aux tavernes et autrement quoy que soit, par le moien desdites playes qui se enflamèrent et esmeurent de rechief à l’occasion des ditz excès, ledit Morin cheut au lit malade, tellement que à peine ledit barbier de Luçon y voult mettre les mains, pour ce qu’il congnoissoit qu’il estoit en dangier de mourir, et pour son mauvais gouvernement. A l’occasion desquelz cops et excès, par faulte de bon gouvernement ou autrement, ledit Morin ala, deux ou trois jours après, de vie à trespassement. Après la mort duquel Guillaume Morin, ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, se absenta du païs de Poictou et ville de Luçon, où ses diz biens, tant meubles que heritaiges, sont situez et assis, lesquelz ont esté prins par la justice dudit lieu de Luçon, et autres où ilz sont situez et assis. Et s’est ledit suppliant, depuis son absence dudit païs, applicqué en nostre service, tant soubz la charge dudit Verdun que autrement, et ne oseroit jamais retourner ne converser seurement au païs, se nostre grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties ; humblement requerant que, attendu que ledit feu Guillaume Marin fut agresseur de fait et de parolle, et que ledit suppliant luy bailla lesdiz cops en son corps deffendant, que ledit cas est avenu de chaude colle et par le moyen dudit jeu, que lesdiz suppliant et Morin n’avoient, paravant qu’ilz eussent joué ensemble, aucun debat ou discort, que ledit feu Guillaume Morin estoit content dudit suppliant au temps de son trespassement, que ledit suppliant estoit jeune et qu’il s’est depuis employé en nostre service et fait encores chacun jour, etc., il nous plaise luy impartir nostre dite grace. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant, etc., avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, aux seneschaulx de Poictou, Xantonge et Guienne, gouverneur de la Rochelle et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Bourges, ou mois de juillet l’an de grace mil cccc. cinquante cinq et de nostre règne le xxxiiie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. G. Authouis. — Visa. Contentor. J. Du Ban.

MCCLXIII Juillet 1455

Rémission accordée à Jean de Laprée, détenu dans les prisons de l’île de Bouin pour différents vols et abus de confiance.

AN JJ. 191, n° 139, fol. 74 P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 416-421

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de Jehan de Laprée, povre homme, prisonnier detenu ès prisons de l’isle de Boign, contenant que ledit Jehan de Laprée est povre simple homme ignorant, et par sa simplesse et ignorance et povreté, a fait et commis les cas et choses qui s’ensuivent. C’est assavoir que depuis ix. ans ledit Jehan de Laprée a vendu à ung nommé Doguret pour la somme de trois royaulx une jument, qu’ung nommé Guillaume Jubin, taillandier, luy avoit baillée à herber, dont pour l’erbaige devoit avoir ung royal, et que tantost après ledit Jubin luy demanda icelle jument, il luy cela qu’il l’avoit vendue et luy dist qu’il ne savoit où elle estoit, et qu’il feroit diligence de la trouver ; et après ce ledit Jubin en fist adjorner ledit de Laprée et en compousa à luy à six royaulx, qu’il dit avoir depuis payez. Et depuis six ans a ou environ, à ung soir bien tart, ainsi que ledit de Laprée venoit de chez Simon Chollet, il print ou cymetière de Boign une pièce de toille, contenant environ dix verges et l’emporta. Mais pour ce que on en faisoit l’excommeniement en l’eglise, il la fist depuis rendre par la femme Macé Pastiz. Encores depuis cinq ans ença, ledit Jehan de Laprée par chacun an successivement print en l’ysle de Boign, en chacune desdites années, vingt oyes, lesquelles il portoit aucunes foiz chex Nicolas de Laprée, son frère, et y furent mengez. Et après ces choses, ainsi que ledit de Laprée estoit allé à Chatveil, pour querir des balaiz, pour ce que ceulx à qui estoit le champ avoient trouvé icelluy de Laprée coppant des genaiz sans leur congié, et que à ceste occasion ilz luy avoient osté une serpe, ung sac et la bride de sa jument, et icelles portées chex ung nommé Jancet près Beauvoir, ledit de Laprée se y rendit et entra dedans le courtil dudit Jancet ; et pour ce que on ne luy voult rendre sesdites choses, prinst, environ jour couché, durant ce que ledit Jancet et ses gens souppoient, une pièce de toille contenant environ huit verges, laquelle estoit estendue pour secher oudit courtil, et icelle emporta à la maison de Jehannin de Laprée, son frère ; lequel luy demanda qui luy avoit baillé ladicte toile, et alors luy respondi qu’il l’avoit prinse pour les causes et par les moiens dessus diz. Et ce oy par ledit frère, prinst ladite toille et l’osta audit prisonnier et luy donna d’un baston sur les espaulles, en luy disant que ce n’estoit pas bien fait. Et le landemain fist rendre ladicte toille par sa femme audit Jancet, lequel Jancet alors envoya audit prisonnier ses diz serpe, sac et bride. Et depuis trois ans ença, ledit de Laprée, prisonnier, en retournant du marché de Beauvoir, prist deux robes d’esquerde à usaige d’enfans, qu’il trouva en ung buisson et les bailla à ses enfans. Et deux ans a ou environ, ledit Jehan de Laprée, prisonnier, sur ung soir après jour couché, trouva ung beuf de lande qui pasturoit ès maroyz sallez de Lorin de Conde et sa femme, appartenant icelluy beuf à Jehan Pastiz et Jehan Legrant, lequel beuf ledit Jehan, prisonnier, tua et escorcha pour vendre la peau et en gecta la char en la mer, afin qu’elle ne fust veue. Et aussi ledit de Laprée, prisonnier, l’an derrenier passé, print ung sac audit Nicolas, son frère, et l’an precedant ung autre sac appartenant à Gillet Pastiz, et ung autre à Macé Denis, lesquelz sacs estoient à secher en leurs carreuz. Pour occasion desquelz cas et pour plusieurs autres cas, dont on accusoit ledit Jehan de Laprée, icelluy Jehan de Laprée a esté prins et constitué prisonnier èsdites prisons de Boign par la justice du lieu ; èsquelles prisons il a confessé les cas et choses dessus dictes, et oultre ce en icelles prisons a, comme l’en dit, pour doubte et craincte d’estre gehainé, confessé plusieurs autres cas, desquelz ou d’aucuns d’iceulx on dit qu’il est innocent, c’est assavoir que, environ douze ans a, luy et le dit Nicolas, son frère, prindrent chex ung nommé Jehan Guerri deux faiz de lates et ung chevron qui estoient atachez sur la maison dudit Guerri, et que icelles lates et chevron furent mises et exploictées à habiller et reparer la maison dudit Nicolas ; aussi que oudit temps ledit prisonnier et Nicolas, son frère, avoient prins chez Jehan Perret et emmené en une brouete atelée d’une jument sept chevrons de maison et ung eschelon, et que ledit Perret, par ce qu’il congnut ledit bois sur la maison dudit Nicolas, en avoit fait adjorner icelluy Nicolas à Poictiers, que ledit Nicolas avoit composé à luy à en faire le charroy de six charges de sel prinses ès maroys ; et avec ce que, durant le temps de six ou sept ans qu’il avoit demouré avec ledit Nicolas, son frère, qui estoit et est encores saulnier des religieux, abbé et couvent de Nermoustier et leur saulnoit certains maroys, nommez le Sangler et les Troyscens, icelluy Jehan et ledit Nicolas, à deux brouettes, de nuyt et devers le soir, et aussi avant jour, avoient emmené pour quatre ou cinq charges de sel, et que ilz le menoient aucunes foiz vendre ou le mettoient au monceau dudit Nicolas, et que ledit Nicolas luy bailloit aucunes foiz de l’argent pour boire et se esbatre ès festes, pour le sel qu’ilz embloient, et que ès deux derrenières laites de sel, pour ce que ledit Jehan, prisonnier, ne demouroit plus avec ledit Nicolas et que les brouettes et hostis avec lesquelz on prenoit ledit sel estoient audit Nicolas, icelluy Nicolas bailloit audit Jehan, toutes foiz et quantes qu’il y aloit, dix solz six deniers tournois. Et aussi que, quant ledit Nicolas estoit à departir avec son maistre le sel qu’ilz avoient saulné, quant il charrioit pour luy son tiers, il amplissoit tant les sacs que à peine on les povoit mettre en la brouette, et quant s’estoit pour son maistre, il les faisoit trop petis, tellement qu’il s’en povoit bien perdre à la part du maistre sur chacune charge environ deux sacs. Et avec ce, que, durant le temps qu’il demouroit avec ledit Nicolas, icelluy Nicolas mettoit et faisoit mettre, par ledit Jehan et autres ses serviteurs, ses jumens et autres bestes ès prez de feu Garineau, de Jehan Vries, Macé Denis et de Lorin de Conde et sa femme, et les faisoit pasturer de nuit à leur desçu, et au point du jour les aloit querir, et que luy mesmes y avoit esté par plusieurs foiz. Et aussi que, l’an derrenier, ledit Nicolas et luy, à ung soir environ jour couché, avoient prins en une saulnière appartenant à maistre Pierre Gentil douze sacs de sel, que le landemain matin ilz menèrent vendre à Nicolas Amuceau, et que le sac en fut vendu douze deniers et qu’il en eut à sa part vint deniers. Et depuis ledit Jehan de Laprée, estant ainsi detenu pour les diz cas ès dites prisons

Le scribe a écrit, par distraction « prinses », au lieu de « prisons. »

, s’est par plusieurs foiz efforcé de briser et rompre lesdites prisons, et soy evader et eschapper d’icelles. Mais parce que on s’en apperceut et que aucunes gens y survindrent ne peut acomplir son entreprinse. A l’occasion desquelz cas ainsi faiz et commis par ledit Jehan de Laprée, prisonnier, et les autres ainsi par luy confessez, lesdiz supplians doubtent que justice vueille à l’encontre dudit Jehan de Laprée rigoureusement proceder et miserablement faire finer ses jours ès dictes prisons, se noz grace et misericorde ne luy estoient sur ce imparties, si comme lesdiz supplians dient, en nous humblement requerant que, attendu que ledit Jehan de Laprée est povre homme, simple et ignorant, que lesdiz cas, ainsi par luy commis, il a fait par povreté, simplesse et ignorance, que les choses par lui prinses sont de petite valeur et ont esté, au moins la pluspart, restituées, et est prest de faire satisfacion de ce qui restera, que en tous autres cas il est bien famé et renommé, non actaint ou convaincu d’aucun autre vilain cas, blasme ou reprouche, il nous plaise audit Jehan de Laprée nos dites grace et misericorde impartir. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit Jehan de Laprée, à la supplicacion et requeste desdiz supplians, avons les faiz et cas dessus diz ainsi par luy commis, et les autres par luy confessez, en tant qu’il en seroit ou pourroit estre coulpable, quictez, remis et pardonnez, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, à nostre seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Bourges, ou mois de juillet l’an de grace mil cccc. cinquante cinq, et de nostre règne le xxxiiie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. G. Authouis. — Visa. Contentor. J. Du Ban.

MCCLXIV Novembre 1455

Rémission en faveur de Guillaume Fricquet, boucher, demeurant à Saint-Sauvant, qui en tirant de l’arc avec ses compagnons, avait blessé mortellement, par mégarde, un habitant de Lesterp, nommé Simon Audéer.

AN JJ. 187, n° 153, fol. 78 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 421-424

Charles, etc. Savoir faisons, etc., nous avoir receu l’umble supplicacion de Guillaume Fricquet, jeune compaignon, de l’aage de vint ans ou environ, filz de Mathelin Fricquet, boucher, demourant ou bourg de Saint Sauvain en Poictou, en la chastellenie de Lezignen, contenant que en l’an mil cccc. cinquante quatre, le dimenche d’après la feste de Toussains, ledit suppliant et autres jeunes compaignons se transportèrent en ung pré appartenant, comme l’en dit, à ung nommé Pierre Audeer, laboureur, demourant ou village de Lesterpt de la parroisse dudit Saint Sauvain, lequel pré est contigu et touchant par l’un des boutz d’icellui au grant chemin public par lequel l’on va dudit lieu de Lezignen et dudit village de Lesterpt et autres villages circumvoisins audit bourg de Saint Sauvain ; ou quel pré ledit suppliant et les diz autres compaignons, si tost qu’ilz furent arrivés en icellui, commancèrent à tirer et jouer de l’arc au long dudit pré à deux chappeaulx, desquelx ilz avoient faiz leurs butz. Et advint que, pendant ce qu’ilz tiroient par ledit pré, plusieurs des habitans des villages dudit lieu de Lesterpt, de Nullé, de Nemarie

Aujourd’hui « Annemarie ».

et de Sayre qui aloient à vespres à l’eglise dudit lieu de Saint Sauvain, dont ilz sont de parroisse, survindrent oudit pré, ouquel ilz entrèrent et prindrent leur voye, pour ce que ledit grant chemin public, à l’endroit d’icellui pré, estoit pour lors telement rompu et plain d’eaue et de boue que à bien grant peine gens de pié y pouvoient passer ; lesquelz habitans, entre lesquelz estoient feu Simon Audeer, filz dudit Pierre Audeer, auquel le dit pré appartient, et sa femme, Mathelin et Jean Audeers, leurs enfans, demorans pour lors oudit village de Lesterpt, Jehan Delavau et Pernelle Lesperonne, sa femme, dudit village, Jehanne Bossarde, femme de Guillaume Buneteau, dudit village de Nullé, Jehanne et Pernelle Audeers, filles de Michau Audeer, Katherine Bernarde, femme de Michau Durant, demorant oudit village de Nemarie, Jehan Aymerigeau et sa femme, après qu’ilz furent arrivez oudit pré, s’arrestèrent ung peu à veoir et regarder tirer ledit suppliant, et Phelippon Fricquet, fils de Jehan Fricquet, dudit bourg de Saint Sauvain, et cousin germain dudit suppliant, et Gregoire Delavau, filz de Jehan Delavau, bolengier dudit lieu de Saint Sauvain. Et ce pendant qu’ilz regardoient ainsi les diz tireurs, icelluy suppliant et ses diz compaignons tirèrent un cop ou deux contremont le long dudit pré. Et quant ledit suppliant et l’un des compaignons furent alez à l’un des boutz dudit pré pour querir leurs traiz et fleuches, il se print à tirer à l’autre bout dudit pré, du cousté et par devers ledit grant chemin public où estoient les dessus diz habitans. Et commança ledit suppliant à tirer le premier ; et paravant ce qu’il tirast et laissast aler son trait, cria et hucha à haulte voix, par deux ou trois foiz, à tous les dessus diz habitans en general qu’ilz se tirassent arrière de leur jeu et se gardassent du trait ; lesquelz ainsi le firent, fors et reservé ledit feu Simon Audeer qui ne voulsit bouger du lieu où il estoit, ains dist audit suppliant et à ses diz compaignons qu’ilz tirassent hardiment. Et lors ledit suppliant tira et laissa aler son dit trait et fleiche, qui ala et cheut sur le dit feu Simon Audeer, qui estoit loing dudit but d’une lance ou environ, et le frappa ou front au dessus de l’uie sur le costé senestre. Et incontinent que le dit Simon Audeer se senty feru et blecié, il tira ledit trait et fleiche de sondit front et la plaie se print à saigner ; et sa femme print ung couvrechié qu’elle avoit et en banda le front et plaie dudit Simon, son mary, et l’emmena et retourna à leur hostel oudit village de Lesterpt. Ouquel il fut après, par l’espace d’un mois ou environ, ung pou malade et sans estre ne soy tenir en lit. Pendant lequel temps et ainsi qu’il commençoit fort à guerir, il commença à besongner et fist deux ou trois [fois] chauffer leur four, à quoy il s’eschauffa telement que sa dite plaie s’enbourrouma ou apostuma ; et si fut aux champs veoir les blez de son père et lui. Et au bout dudit mois, par son mauvaiz ou simple gouvernement, ou autrement, il ala de vie à trespassement, disant à la fin de son dit trespas qu’il mouroit par sa faulte et coulpe, et que ledit Guillaume Fricquet, suppliant, n’en povoit mais, requerant à ses diz femme et enfans qu’ilz n’en feissent aucune poursuite contre ledit suppliant. Et combien que icellui suppliant n’ait fait ledit cop et cas à son essient et ait, comme dessus est dit, crié et huché à haulte voix : « Gare le trait ! » et que l’en se ostast du jeu, telement que tous ceulx qui là estoient le oyrent, et mesmement ledit Simon qui à ce respondi audit suppliant qu’il tirast hardiement, et ne se voult oster de là où il estoit, et que en tous autres cas il ait tousjours esté et soit bien famé et renommé, etc., ce non obstant icellui suppliant doubte rigueur de justice et que on voulsist contre lui rigoureusement proceder, et que sa desertion totale s’en ensuivist, se nostre grace et misericorde ne lui estoit sur ce impartie, humblement requerant icelle. Pour ce est il que nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Saint Pourcein, ou mois de novembre l’an de grace mil cccc. cinquante et cinq, et de nostre règne le xxxiiiie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Des Vergiers. — Visa. Contentor. J. Du Ban.

MCCLXV Janvier 1456

Rémission accordée à André Mathorry, jeune homme de Beaumont, près Châtellerault, pour un outrage aux mœurs.

AN JJ. 189, n° 64, fol. 31 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 424-425

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de André Mathorry, povre jeune homme de labour, demourant en la parroisse de Beaumont près Chastelleraut, contenant que luy estant en l’aage de xiii. à xiiii. ans, lors simple et ignorant, ung jour aux champs en gardant les bestes de Jehan Mathorry, son père, fut tempté par l’ennemy et enorté d’avoir habitacion charnelle à une jument appartenant à son dit père, et de fait se mist à l’essay et monta sur la dicte jument, en entencion d’acomplir le cas dessus dit ; en quoy faisant et avant la consommacion d’icelluy, fut trouvé par aucuns, qui de ce le blasmèrent très fort en luy disant que c’estoit mal fait et que se jamais il le faisoit, il en seroit pugny par justice. Et depuis a ledit suppliant demouré en la compaignie et hostel de son dit père et avecques luy vesqu bien et doucement, en faisant son labouraige et autres besongnes, sans mesfaire ne mesdire à aucuns, obeissant à l’Eglise, comme bon et vray catholique, sans ce que depuis il ait fait chose digne de reprehencion, ne que sondit père ait riens sceu du cas dessus dit jusques à naguères que ledit suppliant, estant en l’aage de dix huit ans ou environ, promist et convenança prendre à femme et espose une fille nommée Jehanne Poustelle, toutes et quantes fois que par les parens et amis d’une partie et d’autre seroit advisé et ordonné, lesquelz amis de ladite Poustelle, qui riens n’en savoient, furent advertiz dudit cas et le distrent et revelèrent audit Jehan Mathorry, père dudit suppliant, qui semblablement riens n’en savoit et en fut moult doulant et courroucié, voult batre et chastier ledit André, son filz. Lequel doubtant le courroux de ses père et mère et qu’ilz le voulsissent batre et punir, et aussi rigueur de justice, s’est absenté du païs et n’y oseroit retourner, se notre grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties ; humblement requerant que, les choses dessus dictes considerées et mesmement l’aage, estat, simplesse et ignorance en quoy estoit lors ledit suppliant et que la chose ne fut point accomplie ne sorty effect, et depuis et paravant il a tousjours bien et doulcement vesqu, sans aucunement avoir esté reprins dudit cas ne d’autre blasme ou reprouche, nous lui vueillons impartir icelles. Pour quoy nous, attendu ce que dit est, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces dictes presentes, aux seneschal de Poitou, bailli de Touraine et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Saint-Poursain, ou moys de janvier l’an de grace mil cccc. cinquante et cinq, et de nostre règne le xxxiiiie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. De Puigiraut. — Visa. Contentor. J. Du Ban.

MCCLXVI Février 1456

Rémission octroyée à Robert Jarnou, dit Tanguy, compagnon armurier, détenu dans les prisons de Lusignan, pour le meurtre de Jean Hervé, qui l’avait frappé le premier.

AN JJ. 189, n° 29, fol. 19 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 426-431

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Robert Jarnou, dit Tanguy, natif de la parroisse de Gueillier ou païs de Bretaigne, en l’eveschié de Saint Malo de l’Isle, et aagié de trente et cinq ans ou environ, povre homme, armeurier, prisonnier detenu en noz prisons et chastel de Lezignen, contenant que le dit suppliant a par certain temps suy noz guerres et nous servy en icelles bien et loyaument, et mieulx qu’il a peu contre noz adversaires, et mesmement au siège qui de par nous fut mis devant Fougières

Les Anglais qui s’étaient emparés par surprise de la ville de Fougères, en mars 1449, la reperdirent au mois de novembre suivant. (Voy. ci-dessus, p. 144, note.)

, quand nosdiz adversaires les Anglois l’occuppoient, soubz et en la compaignie du sire de Malestret

Jean IV Raguenel, seigneur et baron de Malestroit, vicomte de la Bellière, second fils de Jean III Raguenel et de Jeanne de Malestroit, dame du lieu, succéda à son frère aîné. Il fut d’abord écuyer d’Artur de Bretagne, comte de Richemont, connétable de France. L’an 1448, il accompagna François, duc de Bretagne, à la conquête de la Normandie pour le roi de France, et l’année suivante, au siège de Fougères. On le trouve qualifié maréchal de Bretagne en 1451. Le sire de Malestroit mourut le 24 décembre 1471. (Fr. Aug. Du Paz, Hist. généal. de plusieurs maisons illustres de Bretagne, in-fol., 1620, p. 149 et suiv.)

, mareschal de Bretaigne, et après ce que ladicte ville de Fougières fut prinse, recouvrée et remise en nostre obeissance, ledit suppliant se mist avecques ung gentilhomme dudit pays de Bretaigne, nommé Estienne Guy, qui aussi se mist en la compaignie de nostre bien amé escuier d’escuirie Robert de Floques, dit Floquet

Robert de Floques, dit Floquet, est connu surtout comme chef de routiers. Il portait déjà le titre d’écuyer d’écurie du roi et de bailli d’Évreux dans les lettres d’abolition de tous ses excès de guerre, qui lui furent octroyées par Charles VII, au mois d’août 1448. (A. Tuetey, Les Écorcheurs, etc., t. I, passim, t. II, p. 447.)

, bailly d’Evreux, où il a esté et ledit suppliant en sa compaignie durant la recouvrance de nostre pays et duché de Normandie ; après laquelle recouvrance, ledit suppliant s’en ala à Rennes oudit païs de Bretaigne, où il fut malade par aucun temps. Et si tost qu’il fust guery, il se print à besongner et ouvrer de son mestier d’armeurier tant en ladite ville de Rennes que en la ville de Nantes, jusques environ la feste de saint Michel derrenierement passée, qu’il s’en vint en la ville de Nyort, où il a besongné de son dit mestier avecques ung nommé Henry l’Armeurier par certain temps, et de là s’en ala à la Rochelle où il besongna aussi ung peu de temps. Et de là s’en revint et retourna en ladicte ville de Nyort, où derechief il besongna de sondit mestier, jusques au mercredi septiesme jour du mois de janvier derrenier passé, qu’il se party de ladicte ville de Nyort pour venir à Poictiers et veoir s’il trouveroit à besongner de sondit mestier, et s’en vint icelluy jour coucher à Saint Maixent. Et le landemain au matin qui fut le jeudi, vint à disner à Souldan et de là jusques à Rouyllé, où il arriva environ vespres ; auquel lieu il beut, et trouva au bourg dudit Rouyllé feu Jehan Hervé, mercier, lequel estoit en la maison où ledit suppliant buvoit ; lequel Jehan Hervé avoit prins debat avecques certains compaignons qui avoient voulenté de le batre. Pour laquelle cause, icelluy Hervé se tira par devers ledit suppliant et luy demanda dont il estoit, et il luy dist qu’il estoit du païs de Bretaigne, et ledit Hervé luy dist qu’il en estoit aussi et le lieu dont il estoit, et trouvèrent ensemble qu’ilz n’estoient pas loing l’un de l’autre. Et dès lors, icelluy Hervé dist audit suppliant qu’il s’en vendroit avecques luy jusques en la ville de Lezignen ; et après ce que ledit suppliant eust repeu audit lieu de Ruilly (sic) et qu’ilz eurent beu ensemble luy et ledit Hervé, ilz se mirent à chemin pour eulx en venir en ladicte ville de Lezignen. Et quant ilz furent bien à moictié chemin, ilz faillirent à leur dit chemin et s’en alèrent en ung villaige, ouquel ledit suppliant donna deux blans à ung homme dudit villaige appelé Pierre Pefron, gendre de Blays Delalande, pour les mener et conduire d’ilecques jusques audit lieu de Lezignen, et leur fut donné audit villaige une rille de porc pour leur soupper ; et les conduisi ledit Pierre jusques ès forsbourgs de Lezignen, à l’enseigne de La Pomme et hostel d’un nommé Mathelin Gueynart, ouquel ilz se lougèrent, et y arrivèrent environ jour couché, et avoit ja ledit Mathelin Guenart, et ses gens et hostes qu’il avoit, presques souppé ; et tantost que ledit suppliant et ledit Hervé furent arrivez oudit hostel, icelluy suppliant et ledit Hervé souppèrent ensemble et firent soupper en leur compaignie ledit Pierre Pefron qui les avoit conduiz, comme dit est. Et quant ilz eurent souppé, ledit Pierre Pefron qui les avoit ainsi conduiz et amenez print congié d’eulx et s’en retourna en son hostel, et ledit suppliant et icelluy Jehan Hervé demourèrent après, longue espace de temps, au feu et mirent cuire leur reylle de porc, qui leur avoit esté donnée audit villaige où ilz avoient passé ; et pendant que la dicte reylle cuisoit, ledit Jehan Hervé, qui estoit yvre dès l’eure qu’ilz partirent dudit bourc de Rouyllé, ainsi que ledit suppliant l’avoit bien aperceu, pour ce qu’il estoit cheu deux ou troys foiz en chemin et avoit convenu audit suppliant porter sa balle, et demanda ledit Hervé audit suppliant à donner une chestives chausses qu’il avoit, lesquelles ledit suppliant luy donna, et encores demanda et requist audit suppliant qu’il luy donnast sa dague, lequel ne voult ce faire, mais la bailla secretement à garder à la fille dudit Guenart, leur hoste. Et si tost que ladicte reylle fut cuite, luy et ledit Jehan Hervé se misdrent de rechief à table, et mengièrent leur dicte reille ; et cependant ledit Mathelin Gueynart et sa femme s’en alèrent coucher en leur chambre, et pareillement ung gentilhomme qui estoit arrivé icelluy soir oudit hostel, et le gendre de leur dit hoste, nommé Berthomé, autrement ne scet ledit suppliant son nom, tous deux ensemble en ung lit. Et quant icelluy suppliant et ledit Jehan Hervé eurent mengié leur dicte reylle et demouré par aucune espace de temps devant le feu, ledit suppliant se voult aler coucher, et pour ce que ses chausses estoient moillées, il appella ung jeune enfant, varlet de leurdit hoste, aagié de treize à quatorze, pour luy aider à tirer ses dictes chausses ; et ainsi que ledit enfant tiroit icelles chausses, ledit Jehan Hervé vint audit enfant qui estoit bessé et le frappa sur le coul et sur la teste, de desplaisir qu’il eut de ce qu’il deschaussoit ledit suppliant au devant de luy. Pour quoy icelluy suppliant fut mal content et demanda audit Jehan Hervé pour quelle cause il avoit batu ledit enfant, lequel Hervé luy respondy bien arrogamment et mal gracieusement qu’il le batroit et luy avecques. Desquelles parolles ledit suppliant fut courroucié et desplaisant, et leva la main et bailla deux soufflés audit Hervé sur la joue, sans luy faire guères de mal ; et ce voyant, ledit Jehan Hervé se print audit suppliant et le fist tumber ou feu, lequel suppliant se releva le plus tost qu’il peut, et quant il fut relevé, luy et ledit Jehan Hervé s’entreprindrent corps à corps et s’entrefrapèrent des poings l’un sur l’autre. Et adonc ledit Berthomé, gendre de leur dit hoste, se leva du lit et les vint departir, et quant ilz furent departiz, ledit suppliant se print à deslacher son pourpoint, cuidant soy aler coucher avec ledit Berthomé et ledit gentilhomme ; et ne vouloit point coucher avec ledit Hervé, affin que icelluy Hervé et luy n’eussent plus de debat ensemble. Et lors le dit Hervé tira ung couteau qu’il avoit à sa sainture, et enle tenant tout nu en sa main, dist souldainement audit suppliant qu’il print sa dague et s’en deffendist, et qu’il avoit son cousteau. Et ce voyant ledit suppliant et doubtant que icelluy Hervé le tuast ou mehaignast dudit cousteau, sailly par dessus la table, de l’autre cousté d’icelle. Et adoncques ledit Hervé dist audit suppliant qu’il luy donnast choppine et ilz seroient amis, et ne luy demanderoit plus riens. A quoy ledit suppliant respondy qu’il en estoit content, et lors ledit Berthomé, gendre dudit hoste, qui s’en estoit tourné coucher decouste ledit gentilhomme, dist qu’ilz n’auroient plus de vin et qu’ilz en avoient trop eu, et dist audit suppliant qu’il se alast coucher couste luy et ledit gentilhomme ; et en disant ces parolles, ledit Hervé print ung baston ou coing de la cheminée et en frappa ledit suppliant par dessus la table ung coup sur les espaulles, tellement que dudit coup ledit baston rompy en deux pièces, et non content de ce, icelluy Hervé print ung hachereau, duquel il s’efforça frapper ledit suppliant et le gecter encontre luy, mais icelluy suppliant gauchy et evada le coup, et print à coup ung autre baston qui estoit encontre ung entremoien de ladicte chambre, duquel il frappa ung coup seulement sur ledit Hervé, qui l’ataingny d’aventure sur la teste, tellement que dudit coup il tumba à terre et ne parla oncques puis, et ung jour ou deux après ledit coup par luy ainsi donné et au moyen d’icelluy, ou par faulte de bon pensement et gouvernement, ledit Hervé ala de vie à trespassement. Pour occasion duquel cas, ledit suppliant a esté prins et mis et est detenu en noz prisons de Lezignen, où il est en grant povreté et misère ; et combien que ledit cas, quant à la part dudit suppliant, ne soit avenu d’aguet appensé et n’y pensast en riens, quant il se acompaigna avec ledit Jehan Hervé, et ait ledit suppliant donné ledit coup audit Hervé en son corps deffendant et en soy revenchant d’icelluy et pour obvier à sa mauvaise entreprinse et voulenté, qu’il avoit et demonstroit evidemment, de grever ledit suppliant, neanmoins icelluy suppliant doubte que justice vueille rigoureusement proceder contre luy et que sa destruction totale ne s’en ensuyst, se noz grace et misericorde ne luy estoient sur ce imparties ; humblement requerant que, attendu ce que dessus est dit et mesmement l’oultraigeuse et desraisonnable voye et manière de proceder par ledit Hervé, que en tous autres cas ledit suppliant est bien famé et renommé, sans ce qu’il soit mencion que jamais il ait esté actaint ne convaincu d’aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, il nous plaise nos dictes grace et misericorde luy impartir. Pour ce est il que nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant, en faveur des bons et agreables services par luy à nous faiz, comme dessus est dit, en nos dictes guerres, à icelluy avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Saint Poursain, ou mois de fevrier l’an de grace mil cccc. cinquante cinq, et de nostre règne le xxxiiiie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Des Vergiers. — Visa. Contentor. Du Ban.

MCCLXVII Avril 1456

Amortissement d’une rente de vingt-sept florins d’or, donnée par Artur, comte de Richemont, seigneur de Parthenay, à l’église collégiale de Sainte-Croix de cette ville, pour la fondation de trois messes hebdomadaires.

AN JJ. 187, n° 3, fol. 2 v° P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 431-435

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue la supplicacion de nostre très chier et amé cousin, Arthus de Brethaigne, conte de Richemont, seigneur de Partenay, connestable de France, contenant que, puis certain temps en ça il a, pour le salut et remedde des ames de lui et de ses predecesseurs, fondées trois messes pour estre dictes et celebrées perpetuelment, chacune sepmaine, en une chappelle fondée en l’onneur de Saint Jehan Baptiste en l’eglise collegiale de Saincte Croix dudit lieu de Partenay

C’est par acte passé en son château de Parthenay, le 18 avril 1429, que « Artur de Bretagne, conte de Richemont, seigneur de Partenay, à la prière et expresse enhortacion et requeste de… Marguerite de Bourgoigne, duchesse de Guyenne », sa première femme, avait fondé à perpétuité en l’église de Sainte-Croix de Parthenay, à l’autel nouvellement édifié et ordonné en chapitre de ladite église, en l’honneur de saint Jean-Baptiste, « une chappellenie de troys messes chacune sepmaine, lesquelles nous voulons estre dictes et celebrées audit autel par nostre amé et féal messire Eustache Blanchet, chappellain et aumosnier de nostre dicte compaigne et maistre escole de la dicte eglise, et par ses successeurs, maistres escoles d’icelle. » Il avait tout d’abord doté cette chapellenie d’une rente annuelle de trente livres tournois à percevoir sur la recette de Secondigny. (Vidimus donné sous le sceau aux contrats de Parthenay, le 1er mai 1430, Arch. nat., R1 187.)

 ; et affin que icelles trois messes puissent mieulx estre dictes et celebrées sans discontinuacion, icellui nostre cousin a, pour partie de la fondacion d’icelles, donnée la somme de vint sept florences d’or aux chappellains qui diront et celebreront les dictes messes en certaine forme et manière plus à plain declairées ès lettres par lui sur ce passées ; lesquelles vint sept florences lui estoient deues chacun an en la dicte ville de Partenay, à chacune feste de la Circoncision Nostre Seigneur, sur les possessions et par les personnes cy après declairées. C’est assavoir par Bertrand Ratault

Dans une notice consacrée à Bertrand Rataut, seigneur de Curzay (vol. précédent, p. 138), il est question des fiefs qu’il possédait dans la mouvance de Parthenay.

, chevalier, pour raison de son hostel du Bois de Fenioux et de ses appartenences, quatorze florences ; par Jehan et Colas Bouchiers, frères, pour raison de la disme du fief de Riboudon

« Jehan Boucher, pour une borderie de terre appelée le fié du Riboudon, tenue par hommage plain, et la dexme dudit fié, que porte une borderie de terre à denier selon borderie, 1 cheval. lx solz. » (Registre des aveux rendus ou dus à Richemont comme seigneur de Parthenay, Arch. nat., R1* 190, fol. 246.)

, assis en ladite parroisse, une florence ; par la dame du Marchaiz

Sans doute la veuve de Jean Girard, seigneur du Marchais, dont l’on trouve le nom, vers 1450, comme ayant rendu aveu au sire de Parthenay d’un moulin « assis en la rivière du Thouet, du costé d’Azay ». (Id., fol. 247 v°.)

et Jehan Motheau et ses parçonniers, pour le fief du Jouc, assis en ladite parroisse, une florence ; par Yvonnet Sauvaige

Éonnet ou Yvonnet Sauvage, écuyer, seigneur du Plessis-Guerry et de la Salle de Fenioux, fils de Guillaume Sauvage, chevalier, seigneur d’une terre à la Chapelle-Thireuil, mouvant du château de Lusignan, et l’obligeant à la garde de quarante jours audit château. Il en fit hommage en 1418, à Charles, dauphin comte de Poitou, et son fils Éonnet le renouvela au roi, le 31 août 1424 et le 15 août 1455. (Arch. nat., P. 1144, fol. 27 ; P. 5532, cote 412 ; P. 5541, cote 100.) On possède aussi l’aveu et dénombrement rendu au comte de Richemont, seigneur de Parthenay, le 20 décembre 1450, par « Yonnet » Sauvage, de son hébergement de la Salle de Fenioux en Gâtine et de tout ce qui en dépendait et était tenu de lui noblement ou roturièrement à cause dudit fief. (Id., R1* 190, fol. 154-159.) Il avait épousé, vers 1430, Marguerite de La Ramée. (Bibl. nat., ms. fr. 20234.)

, pour raison du lieu de la Sale et appartenances d’icellui, assis en ladite parroisse, neuf florences ; par le sire de l’Oliverie

Le sire de l’Oliverie était Jean Malemouche, écuyer, comme on le voit par cet extrait de l’aveu et dénombrement qu’il rendit au seigneur de Parthenay, le 15 juin 1444, à cause de son hébergement de Fenioux, appelé le Bourg-Jarousson, où il faisait son habituelle résidence : « Item, tien et advoue à tenir de mondit seigneur soubz ledit hommage une borderie de terre herbergée appellée l’Oliverie, laquelle tenoit de moy en parage feu messire Jehan Martea, prestre, par le temps qu’il vivoit, tenant d’une part aux terres du Buignonnet, et d’autre au fief du prieur de Partenay le Vieil. » (Arch. nat., R1* 190, p. 181-183.) Dans un autre endroit du même acte, il est question d’une autre borderie de terre herbergée, nommée les Vignaux, tenant d’une part au fief de messire Guichart d’Appellevoisin, chevalier, et d’autre au fief messire Bertrand Rataut, chevalier. Cette borderie, valant environ 60 sous de rente par an, possédait une garenne à connils et était tenue de Jean Malemouche en parage par Guyot Malemouche, le même sans doute qui est nommé deux lignes plus bas, à raison du fief de « Remejus » à Fenioux, dont nous n’avons pu retrouver mention ailleurs.

, pour raison dudit lieu et appartenances d’icellui, une florence ; et par Guionnet Malemouche, pour raison du fief de Remejus, assis en ladite parroisse de Fenioux, une autre florence. Toutes lesquelles parties montent ensemble à la dicte somme de vint sept florences d’or ; mais nostre dit cousin, suppliant, doubte que ceulx à qui il les a données soient ou temps avenir contrains à les mettre hors de leurs mains, et que à ceste cause ledit service divin feust discontinué, si non que icelles vint sept florences feussent par nous admorties. En nous requerant humblement que sur ce lui vueillons eslargir nostre grace. Pour ce est il que nous, ces choses considerées et les causes qui ont meu nostre dit cousin à ce faire, desirans l’augmentacion dudit divin service, pour ces causes et en faveur d’icellui nostre cousin, avons les diz vint sept florences d’or admorties et admortissons, de grace especial, plaine puissance et auctorité royal, par ces presentes, voulans et octroyans que ceulx qui diront et celebreront les dictes messes et ausquelz nostre dit cousin les a données, pour la cause dessus dicte, et leurs successeurs les puissent prendre, lever et tenir en leurs mains, comme admorties et à Dieu desdiées, sans ce que eulx ne leurs diz successeurs soient ou puissent estre contrains à les mettre hors de leurs mains, ores ne ou temps avenir, pour quelque cause ne en quelque manière que ce soit ; en nous payant par nostre dit cousin finance moderée pour une foiz seulement. Si donnons en mandement, par ces dictes presentes, à noz amez et feaulx gens de noz comptes et tresoriers à Paris, au seneschal de Poitou et à tous noz autres justiciers, ou à leurs lieux tenans, presens et avenir, et à chacun d’eulx, si comme à lui appartendra, que nostre dit cousin suppliant, ensemble les chappellains faisans et qui feront ledit service divin, et qui celebreront les dictes trois messes en la dicte chappelle, et leurs diz successeurs, facent, seuffrent et laissent joïr et user paisiblement de noz presens admortissement et octroy, sans leur faire ne souffrir estre fait aucun empeschement au contraire ; ainçois, se fait ou donné lui estoit en aucune manière, ores ou pour le temps avenir, si l’ostent ou facent oster et mettre à plaine delivrance. Et affin que ce soit chose ferme et estable à tousjours mais, nous avons fait mettre nostre seel à ces dites presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné au Chastelier près Esbreule, ou mois d’avril l’an de grace mil cccc. cinquante six, et de nostre règne le xxxiiiie.

Ainsi signé : Par le roy, maistres Jehan Bureau, Estienne Chevalier et Pierre Doriole et autres presens. De La Loère. — Visa. Contentor.